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DOSSIER - Des pucerons aux jaunisses :histoire de transmission

Risque JNO et optimisation des interventions insecticides

EMMANUEL JACQUOT(1), ANNIE DE KEYZER(2) ET MAGALIE DEVAVRY(2) (1) UMR PHIM, Inrae, Cirad, Institut Agro, université de Montpellier, Cirad TA A-54/K, Campus international de Baillarguet - Montpellier. (2) Bayer CropScience - Lyon. - Phytoma - n°742 - mars 2021 - page 29

La prise en compte du risque « jaunisse nanisante de l'orge » permet de positionner au mieux les traitements contre les pucerons vecteurs en parcelles de céréales.
 1. Une parcelle non protégée, avec des symptômes typiques de JNO. 2. Une parcelle bien protégée, avec une intervention raisonnée (essai insecticides en végétation).

1. Une parcelle non protégée, avec des symptômes typiques de JNO. 2. Une parcelle bien protégée, avec une intervention raisonnée (essai insecticides en végétation).

 Photos : Bayer

Photos : Bayer

Fig. 1 : Fonctionnement de l'outil JNO-X      Après installation de la cuvette sur le site à surveiller, les insectes capturés (sur une semaine) sont transférés au laboratoire pour être triés. Des informations relatives à la parcelle sont collectées et archivées pour être utilisées par l'outil JNO-X. Le statut sanitaire de tous les pucerons est évalué par approche sérologique. Les données suivantes sont utilisées pour générer une première carte d'évaluation du risque :       - proportion de pieds porteurs de pucerons et de durée de présence des pucerons sur la parcelle ;      - volume de capture.       Après apport de l'information relative au statut virulifère des pucerons, une seconde carte est automatiquement générée par l'outil. Ces deux cartes sont séquentiellement disponibles un et trois jours ouvrés après relevé de la cuvette à eau.

Fig. 1 : Fonctionnement de l'outil JNO-X Après installation de la cuvette sur le site à surveiller, les insectes capturés (sur une semaine) sont transférés au laboratoire pour être triés. Des informations relatives à la parcelle sont collectées et archivées pour être utilisées par l'outil JNO-X. Le statut sanitaire de tous les pucerons est évalué par approche sérologique. Les données suivantes sont utilisées pour générer une première carte d'évaluation du risque : - proportion de pieds porteurs de pucerons et de durée de présence des pucerons sur la parcelle ; - volume de capture. Après apport de l'information relative au statut virulifère des pucerons, une seconde carte est automatiquement générée par l'outil. Ces deux cartes sont séquentiellement disponibles un et trois jours ouvrés après relevé de la cuvette à eau.

Fig. 2 : Suivi des captures réalisées dans le cadre de l'action JNO-X_2018      Le nombre de cuvettes à eau récupérées chaque semaine de la campagne JNO-X_2018 par le réseau d'expérimentation (A) et le nombre de cuvettes hebdomadaires présentant au moins un puceron (B) sont présentés. À l'issue du tri du matériel biologique capturé par les cuvettes à eau, le nombre total de pucerons capturés hebdomadairement sur l'ensemble du dispositif est indiqué (C).

Fig. 2 : Suivi des captures réalisées dans le cadre de l'action JNO-X_2018 Le nombre de cuvettes à eau récupérées chaque semaine de la campagne JNO-X_2018 par le réseau d'expérimentation (A) et le nombre de cuvettes hebdomadaires présentant au moins un puceron (B) sont présentés. À l'issue du tri du matériel biologique capturé par les cuvettes à eau, le nombre total de pucerons capturés hebdomadairement sur l'ensemble du dispositif est indiqué (C).

Fig. 3 : Analyse des données de sortie de l'outil JNO-X_2018      A. Cuvette ayant capturé moins de trente pucerons en une semaine.      B. Cuvette ayant capturé plus de cent pucerons en une semaine.      Les relevés de cuvettes à eau pour lesquels moins de trente pucerons (A) ou plus de cent pucerons (B) ont été capturés en une semaine ont été extraits de l'outil JNO-X_2018. Pour chaque relevé de cuvette, la recommandation générée par JNO-X a été comparée à la recommandation issue de l'utilisation des seuls seuils 10 %/10 jours. Les fréquences hebdomadaires pour lesquelles la recommandation 'JNO-X' tend à augmenter le niveau de risque par rapport à celui généré par les seuils 10 %/10 jours sont illustrées sur le graphique A. Les fréquences hebdomadaires pour lesquelles la recommandation 'JNO-X' tend à diminuer le niveau de risque par rapport à celui généré par les seuils 10 %/10 jours sont illustrées sur le graphique B.

Fig. 3 : Analyse des données de sortie de l'outil JNO-X_2018 A. Cuvette ayant capturé moins de trente pucerons en une semaine. B. Cuvette ayant capturé plus de cent pucerons en une semaine. Les relevés de cuvettes à eau pour lesquels moins de trente pucerons (A) ou plus de cent pucerons (B) ont été capturés en une semaine ont été extraits de l'outil JNO-X_2018. Pour chaque relevé de cuvette, la recommandation générée par JNO-X a été comparée à la recommandation issue de l'utilisation des seuls seuils 10 %/10 jours. Les fréquences hebdomadaires pour lesquelles la recommandation 'JNO-X' tend à augmenter le niveau de risque par rapport à celui généré par les seuils 10 %/10 jours sont illustrées sur le graphique A. Les fréquences hebdomadaires pour lesquelles la recommandation 'JNO-X' tend à diminuer le niveau de risque par rapport à celui généré par les seuils 10 %/10 jours sont illustrées sur le graphique B.

 Pucerons (Rhopalosiphum padi).

Pucerons (Rhopalosiphum padi).

Parmi les contraintes biotiques pouvant avoir un impact sur le potentiel de rendement en céréale des agriculteurs, les virus constituent un problème particulier du fait de l'absence de solutions virucides pour la protection des cultures. Ainsi, la lutte contre les virus de plante passe exclusivement par la mise en place de stratégies indirectes impliquant l'utilisation de pratiques culturales adaptées, de variétés résistantes ou tolérantes, et/ou de produits phytosanitaires ciblant les vecteurs de virus. En l'absence de solutions génétiques capables de protéger efficacement les parcelles contre la jaunisse nanisante de l'orge, il convient d'optimiser le nombre et la fréquence des traitements aphicides en tentant de les limiter aux situations sanitaires qui le justifient. Pour approcher cet objectif, un outil d'aide à la décision, JNO-X, basé sur la capture des pucerons colonisant un réseau de parcelles et l'analyse de leur pouvoir virulifère, a été récemment développé.

Virus de la JNO et pucerons vecteurs

Sur céréales à paille, les virus de la jaunisse nanisante de l'orge (B/CYDV, Barley/Cereal yellow dwarf viruses (Mc Namara et al., 2020)), transmis exclusivement par pucerons, peuvent être responsables de pertes de rendement pouvant aller jusqu'à 80 % (Lister et Ranieri, 1995). Capables de se maintenir dans l'environnement sur une large gamme de graminées sauvages (plus de 150 espèces-hôtes répertoriées) et cultivées (pour exemple le maïs et les repousses de céréales), ces virus sont introduits dans les parcelles à l'automne par l'intermédiaire de pucerons ailés virulifères (principalement Rhopalosiphum padi et Sitobion avenae) issus de réservoirs et venant s'alimenter sur les jeunes plantes de céréales dès leur levée. La transmission de ces virus par pucerons selon le mode persistant non multipliant (Brault et al., 2010 ; voir aussi en p. 19) rend les vecteurs virulifères capables d'inoculer le virus qu'ils transportent à toutes les plantes sur lesquelles ils se nourrissent, et ce pendant plusieurs jours. Ce processus épidémique, qui conduit à l'introduction de la maladie dans une parcelle, correspond à l'inoculation primaire.

Les larves produites dans la parcelle par les pucerons virulifères qui s'y sont installés ne sont pas porteuses de virus de la jaunisse nanisante de l'orge (JNO) à leur naissance. Cependant, elles peuvent acquérir ce virus lors de leur alimentation sur les plantes infectieuses issues des inoculations primaires et ainsi participer à l'extension des foyers de maladie dans la parcelle en étant responsables d'inoculations secondaires sur lesquelles reposent les épidémies de jaunisse. Ce processus d'introduction et d'extension de la maladie a lieu à l'automne dès les premiers vols de pucerons (c'est-à-dire potentiellement dès la levée des parcelles de céréales) et jusqu'à la mort des insectes sous l'effet des gelées hivernales. Par ailleurs, il est important de noter que les plantes acquièrent une résistance à la JNO dite « de maturité » au stade tallage-début de montaison.

Pratiques culturales et solutions insecticides

Deux leviers culturaux

Dans la mesure où les ressources génétiques porteuses de résistance et/ou de tolérance à la JNO chez le blé et l'orge sont encore rares ou limitées à ce jour (encadré), les principales méthodes de lutte contre cette maladie reposent sur deux axes correspondant à la mise en place de pratiques culturales et à l'utilisation de solutions phytosanitaires insecticides.

La modification des pratiques culturales a pour objectif de limiter l'incidence de la JNO :

- en réduisant la présence de réservoirs viraux correspondant principalement aux repousses présentes à proximité des parcelles implantées ;

- en retardant la date de semis des céréales d'automne pour désynchroniser au mieux les périodes de vols des pucerons et la présence de jeunes plantes de céréales sensibles.

Ces deux leviers participent à la baisse de la pression virale à laquelle est soumise une parcelle sans pour autant permettre de garantir une protection suffisamment efficace de la culture. En effet, au-delà de la diminution de l'intensité des inoculations primaires rendues possibles par ce type de stratégie, les inoculations secondaires se déroulant au sein de la parcelle ne sont pas directement impactées par ces pratiques culturales. Or, il a été démontré que l'incidence globale de maladies virales telles que la JNO repose en grande partie sur l'intensité des infections secondaires assurées par le maintien d'insectes au sein de la parcelle (Lindblad et Sigvald, 2004). Par ailleurs, les arrivées tardives de pucerons sur les cultures et les vols prolongés des vecteurs, rendus possibles lors d'hivers doux, ne peuvent être gérés par le décalage des dates de semis.

Positionnement des traitements insecticides

Aussi, en complément de l'adaptation de pratiques culturales, il convient de mettre en application des stratégies visant à perturber le développement de colonies de pucerons pour réduire la propagation de la maladie. Les traitements insecticides qui permettent de limiter la durée de vie des insectes colonisant une zone protégée peuvent remplir cette fonction. Ainsi, la protection des semences à l'aide de traitements à base de néonicotinoïdes (NNI) a, pendant près de trois décennies, permis de protéger les cultures pendant plusieurs semaines après la levée. Depuis l'automne 2018, les traitements à base de NNI sont interdits en France sur céréales. Ainsi, les traitements insecticides en végétation s'appuyant sur des molécules appartenant à d'autres familles chimiques constituent à ce jour des éléments clés dans la gestion de cette maladie et doivent pouvoir s'appuyer sur des outils de raisonnement permettant de limiter les interventions aux situations qui le justifient. En effet, les traitements insecticides foliaires majoritairement à base de pyréthrinoïdes, ayant une action aphicide par contact, nécessitent une optimisation de leur positionnement (application au moment où les plantes de la parcelle sont soumises aux inoculations secondaires) pour assurer une bonne protection. Ces traitements s'accompagnent de coûts directs et indirects. Le coût direct pour l'agriculteur est lié au produit et à son application. Le coût indirect correspond aux effets environnementaux potentiels (sélection d'individus résistants aux insecticides et effets sur des organismes non-cibles). Aussi, l'enjeu principal de toutes stratégies impliquant l'utilisation de solutions insecticides est de pouvoir raisonner le positionnement des traitements de manière :

- à limiter les interventions aux seules situations à risque ;

- à optimiser leur efficacité ;

- à faire converger attentes sociétales, tout en garantissant une productivité.

Dans le cadre de la protection des parcelles de céréales contre la JNO, l'enjeu se situe donc sur la capacité à identifier au mieux ces situations à risque sanitaire ayant un fort impact sur le rendement.

Vers la mise en place d'un OAD

Identifier les situations à risques sanitaires

L'analyse de données d'épidémiosurveillance collectées pendant plus de quinze ans sur les principaux bassins de production céréalière (enquêtes Arvalis-Bayer et analyses Inrae) n'a pas permis, au-delà de la mise en évidence d'une variabilité annuelle, régionale et locale de la prévalence JNO, d'aboutir à une identification précise de facteurs de risque précoces associés à un site donné. Afin de disposer d'informations permettant de prendre une décision sur un déclenchement d'interventions insecticides en végétation, différentes observations de l'environnement parcellaire et des plantes sont nécessaires.

Fréquence et intensité de présence de pucerons

Le premier niveau d'observation consiste à évaluer la fréquence et l'intensité de présence de pucerons au sein de la parcelle. Un ensemble de données collectées à travers de nombreuses campagnes a conduit à définir de manière à la fois intuitive et empirique deux niveaux de recommandations se positionnant à 10 % des pieds porteurs de pucerons ou à la présence de pucerons sur la parcelle pendant plus de dix jours (observations assurées par l'agriculteur). Lorsque l'un de ces deux « seuils » est franchi, il est alors recommandé d'intervenir en végétation avec un insecticide pour casser la dynamique de colonisation de l'espace par les pucerons et tenter de protéger la parcelle face à la dispersion de la maladie (Arvalis). Toutefois, il a été démontré que la proportion d'individus virulifères au sein des vols de pucerons ayant lieu à l'automne est variable dans le temps et l'espace conduisant à des situations contrastées (Fabre et al., 2005). En effet, des vols de faible intensité de pucerons virulifères (dont l'observation ne pourrait être possible qu'à travers une vigilance accrue appliquée à la parcelle) pourraient conduire à une incidence virale importante au sein de la parcelle sans pour autant dépasser les seuils de recommandation précités. À l'inverse, des vols de fortes intensités peuvent être constitués de pucerons non virulifères représentant donc un risque JNO faible (voire nul) pour la parcelle, alors que, selon les données d'observations (intensité des vols), il serait recommandé d'intervenir. Ainsi, il apparaît évident que pour enrichir la procédure conduisant à la prise de décision favorable ou non à une intervention phytosanitaire sur la base de la présence de pucerons au sein de la culture, il convient d'y introduire l'information relative à la prévalence virale parmi les pucerons migrants à l'automne et/ou ceux présents dans la parcelle.

Une épidémiosurveillance associée au risque JNO

Sur la base de ce constat, des actions ont été lancées dès le début des années 2000 notamment par Bayer en collaboration avec Arvalis, les Fredon et Inrae pour mettre à disposition des agriculteurs un ensemble d'informations d'épidémiosurveillance associées au risque JNO : cartographie des réservoirs à virus (au cours de l'été et de l'automne), suivi des vols de pucerons à l'automne et de leur pouvoir virulifère (grâce aux captures réalisées à l'aide de tours à succion pendant la principale période de vol des pucerons vecteurs de JNO) et cartographie des viroses en cultures (cartographie de l'état sanitaire des parcelles au printemps).

Un OAD pour positionner les traitements

Dans une dynamique d'innovation pour optimiser le raisonnement du positionnement des insecticides foliaires de contact, Bayer CropScience, en partenariat avec Inrae, Datagri et l'observatoire de vecteurs de viroses (OVV) propose depuis trois ans une approche originale et unique à travers le développement de l'outil JNO-X permettant la prise en compte du risque « jaunisse nanisante de l'orge » pour optimiser les interventions insecticides en parcelles de céréales. Cette approche intègre naturellement les éléments relatifs aux seuils de recommandations correspondants à la proportion de plantes colonisées par les pucerons (seuil 10 %) et à la durée de présence des pucerons sur la parcelle (seuil dix jours). Elle est de plus enrichie par la prise en compte :

- de la date de semis de la parcelle ;

- du stade de développement de la culture ;

- de la capture d'insectes à l'aide de cuvettes à eau ;

- du tri de pucerons ;

- de l'analyse du statut virulifère de ces derniers ;

- de l'utilisation d'un algorithme décisionnel exploitant toutes ces informations pour obtenir une indication relative à la pression virale imposée à la zone d'observation.

Le protocole de capture mis en place dans JNO-X utilise des cuvettes à eau permettant de fiabiliser le diagnostic sanitaire des insectes en évitant leur détérioration lors de leur manipulation. En effet, la capture par pièges englués, souvent utilisés pour observer l'arrivée d'insectes sur les parcelles, constitue, dans le cadre du suivi sanitaire des pucerons vecteurs de virus, une source importante de faux négatifs du fait :

- de la détérioration des insectes lors de leur manipulation (la récupération des insectes englués se faisant généralement par arrachage de tout ou partie du corps de l'insecte, ce qui s'accompagne irrémédiablement par la perte d'hémolymphe (zone d'accumulation de particules virales au sein du puceron virulifère) ;

- de la présence de colle sur l'insecte qui peut altérer la sensibilité du diagnostic viral.

Le dispositif JNO-X

Mise en oeuvre

L'outil 'JNO-X' (Figure 1 page précédente) s'appuie sur le suivi de près de 70 parcelles (pilotées par un réseau d'agriculteurs-piégeurs mobilisés pendant dix semaines chaque automne et répartis sur les différents bassins de production céréalière en France). Les cuvettes à eau permettant la capture des insectes migrants vers la culture sont positionnées sur chacune des parcelles. À partir de relevés hebdomadaires, les pucerons capturés sont :

- séparés des autres organismes collectés, et

- introduits dans une procédure de diagnostic viral développée spécifiquement pour 'JNO-X' et permettant d'exploiter dans la procédure d'évaluation du risque à la fois le nombre de pucerons capturés (intensité des vols) et le pourcentage d'individus porteurs de virus de la JNO (qualité sanitaire des vecteurs colonisant la parcelle).

La procédure globale mise en place assure un retour séquentiel et rapide d'informations vers la parcelle par l'intermédiaire d'une interface web et par l'envoi de messages électroniques à la fois vers les agriculteurs-piégeurs du réseau de surveillance et vers les acteurs du conseil technique responsables localement du relais de l'information. Elle renseigne, en complément des données de pourcentage de pieds porteurs de pucerons et de la durée de présence des pucerons sur la parcelle, la taille des populations de pucerons capturés (donnée disponible un jour ouvré après le relevé de cuvettes) et la proportion d'individus virulifères (donnée disponible trois jours ouvrés après le relevé de cuvettes). Les différentes informations ainsi collectées sont codifiées de manière à pouvoir générer un indicateur de risque à chaque capture prise en compte par 'JNO-X' (tableau p. 30). Chacune de ces catégories est affectée d'un poids permettant d'exploiter ces quatre paramètres épidémiologiques pour en exprimer une variable unique traduisant la manière dont il faut appréhender l'exposition possible de la parcelle au virus de la JNO. L'ensemble des données produites par JNO-X est synthétisé par la production de cartes de vigilance actualisées à chaque étape de la procédure de suivi, c'est-à-dire deux fois par semaine pendant les dix semaines (septembre-novembre) de fonctionnement de l'outil.

Résultats de la campagne 2018/2019

Au cours de l'automne 2018, année de lancement de l'outil JNO-X, 679 cuvettes à eau (issues de 70 parcelles suivies pendant dix semaines (une cuvette par parcelle relevée deux fois par semaine)) ont été suivies (Figure 2A). Il est important de noter que 87,5 % (à savoir 601 cuvettes) des captures comprenaient au moins un puceron (Figure 2B), ce qui suggère que la procédure de capture mise en place est satisfaisante pour piéger les pucerons ailés colonisant les parcelles et/ou que l'automne 2018 a enregistré d'importants vols de pucerons facilitant ainsi la capture d'individus par le biais de cuvettes à eau. Le tri des insectes a permis de comptabiliser la présence de 28 755 pucerons sur l'ensemble des sites suivis au cours de la campagne de surveillance JNO-X_2018 (semaines 36 à 45, Figure 2). Les données de piégeage permettent d'accéder à une illustration de la dynamique de vol des pucerons sur l'ensemble du dispositif et mettent en évidence que les vols les plus importants se sont principalement positionnés au cours de la période allant de mi-octobre à mi-novembre (Figure 2C, semaines 42 à 45). Ainsi, chaque semaine les données associées à chaque parcelle ont été utilisées pour générer des cartes de vigilance (Figure 1) permettant d'ajouter un élément complémentaire à ceux préexistants (les proportions de pieds porteurs de pucerons et la durée de présence des pucerons dans la parcelle, information générée par l'agriculteur) pour optimiser la surveillance des parcelles et ainsi mieux argumenter la décision à prendre en termes d'intervention phytosanitaire.

Comparaison avec les seuils « 10 %/10 jours »

Pour appréhender l'apport de l'outil JNO-X par rapport à la prise en compte des seuls seuils « 10 %/10 jours », une analyse des données de sortie de JNO-X a été réalisée en extrayant de l'ensemble des informations disponibles les relevés de cuvettes à eau pour lesquels moins de trente pucerons ont été capturés en une semaine (capture considérée comme reflétant des faibles vols) et les relevés de cuvettes à eau pour lesquels plus de cent pucerons ont été capturés en une semaine (captures considérées comme reflétant des vols importants). Cette analyse comparative montre que parmi les situations à faibles captures (moins que 30 pucerons), l'outil 'JNO-X' conduit dans 20 % des cas à un nombre de recommandations d'interventions phytosanitaires augmenté par rapport à la prise en compte des seuls seuils « 10 %/10 jours » associés à la parcelle (Figure 3A). Par ailleurs, parmi les situations présentant de fortes captures (>100 pucerons), pouvant intuitivement suggérer une urgence sanitaire 'JNO', l'outil JNO-X révèle que dans environ 30 % des cas, la prise en compte du pouvoir virulifère des pucerons capturés conduit à diminuer le nombre de recommandations d'interventions phytosanitaires issu de l'utilisation des seuils « 10 %/10 jours » associés à la parcelle (Figure 3B).

Compte tenu de ces résultats, il apparaît que l'approche intégrative de JNO-X, associant observation de la parcelle, démographie aphidienne et pouvoir virulifère apporte à l'agriculteur un ensemble d'informations cruciales sur l'évaluation de la pression 'JNO' à laquelle est soumise sa parcelle au cours de l'automne. Ces éléments, en complément des conseils qu'il peut collecter par ailleurs et des observations qu'il doit faire sur ses parcelles, permettent à l'agriculteur d'être le plus pertinent possible au moment de sa prise de décision sur le fait d'intervenir ou non sur sa culture. Les campagnes JNO-X se sont poursuivies durant les automnes 2019 et 2020. La prochaine campagne est d'ores et déjà planifiée pour l'automne 2021. À compter de l'été 2021, l'outil JNO-X s'intègrera dans les observatoires JNO Expert proposés par Bayer CropScience. L'objectif de ces observatoires est de surveiller et de partager le risque « viroses » en vue de protéger de manière responsable et durable les céréales en produisant, en complément de JNO-X, une cartographie réservoirs viroses (pendant l'été), une cartographie des vols de pucerons et de leurs pouvoirs virulifères (à l'automne), et une cartographie viroses sur parcelles de céréales (au printemps).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - L'interdiction depuis l'automne 2018 d'utiliser des néonicotinoïdes en traitement de semences et le nombre limité de variétés présentant une résistance/tolérance satisfaisante contre la jaunisse nanisante de l'orge (JNO) nécessite d'optimiser les traitements insecticides restants.

En effet, aucune lutte virucide n'étant disponible, les stratégies de lutte contre les viroses transmises par insectes reposent principalement sur le contrôle des populations des pucerons vecteurs.

ÉTUDE - Le suivi des vols de pucerons grâce à des dispositifs d'épidémiovigilance associé aux observations à la parcelle sur la base de seuils préétablis (10 % de pieds infestés ou dix jours de présence de pucerons) orientent le choix de l'agriculteur de traiter ou non. Un outil d'aide à la décision a été développé par Inrae et Bayer pour mieux l'aider à positionner son traitement, en tenant compte en particulier du statut virulifère des populations de pucerons colonisant les parcelles.

MOTS-CLÉS - Jaunisse nanisante de l'orge, virus, BYDV, CYDV, puceron, OAD, seuils.

Résistance et tolérance génétique à la JNO

La recherche de résistances/tolérances à la jaunisse nanisante de l'orge (JNO) chez l'orge et le blé a débuté il y a plusieurs décennies. Malgré les efforts de recherche alloués à cet objectif, seuls quelques rares gènes conférant une résistance partielle ou une tolérance ont été identifiés (gènes Bdv chez le blé et Ryd chez l'orge). Ces gènes sont pour certains en cours d'introgression dans des fonds génétiques d'intérêt agronomique.

À ce jour, plusieurs variétés d'orge tolérantes ou présentant une résistance partielle sont disponibles (par exemple, gène Ryd2, cv. 'Naturel' [RAGT] et cv. 'Amistar' [KWS Momont]...). Une première variété de blé portant le gène Bdv2 (cv. 'Wolverine' [RAGT]) vient d'être commercialisée au Royaume-Uni. Cette gamme de matériel génétique devrait prochainement s'étoffer. Toutefois, le fonctionnement de ces résistances/tolérances et leur durabilité sont encore mal décrites et font l'objet de programmes de recherche impliquant Arvalis, Inrae, le Geves et plusieurs sélectionneurs (par exemple, projets issus des fonds de soutien pour l'obtention végétale (FSOV) et Écophyto 2) de manière à optimiser leurs futurs déploiements dans le cadre de la lutte contre la JNO en France.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS :

- Bayer Services Infos (0 800 25 35 45)

- Bayer CropScience (magalie.devavry@bayer.com)

- Inrae (emmanuel.jacquot@inrae.fr)

- Observatoire de vecteur de virose (obs2v30@gmail.com)

BIBLIOGRAPHIE : - Brault V. et al., 2010. Aphids as transport devices for plant viruses, C. R. Biologies, n° 333, p. 524-538.

- Fabre F. et al., 2005. Effect of climate and land use on the proportions of viruliferous aphids and epidemiology of barley yellow dwarf disease, Agric Ecosyst Environ 106, p. 49-55.

- Lindblad M. et Sigvald R., 2004. Temporal spread of Wheat dwarf virus and mature plant resistance in winter wheat, Crop Protection, n° 23, p. 229-234.

- Lister R.M. et Ranieri R.R., 1995. Distribution and economic importance of barley yellow dwarf, in Barley Yellow Dwarf, 40 Years of Progress, ed. b.y D'Arcy CJ and Burnett PA. APS Press, St Paul, MN, p. 29-53.

- Mc Namara L. et al., 2020. Management of yellow dwarf disease in Europe in a post-neonicotinoid agriculture, Pest Manag. Sci., n° 76, p. 2276-2285.

Cet article fait partie du dossier Des pucerons aux jaunisses :histoire de transmission

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