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Gestion des ravageurs

Pyrale du buis : pratiques et enjeux dans les Jevi

LUCILE MULLER(1), MAXIME GUERIN(2) ET ANNE-SOPHIE BRINQUIN(1) (1) Inrae - Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne - Avignon. (2) Plante & Cité - Angers. - Phytoma - n°743 - avril 2020 - page 9

Une enquête menée en 2019 auprès des gestionnaires espaces verts met en lumière les stratégies de gestion du ravageur.
La pyrale du buis entraîne des défoliations totales et continues sur les buis. Photo : A.-S. Brinquin - UEFM

La pyrale du buis entraîne des défoliations totales et continues sur les buis. Photo : A.-S. Brinquin - UEFM

Fig. 1 : Appréciation du degré des risques causés par la pyrale du buis sur le patrimoine et les paysages, les enjeux écologiques et économiques (230 répondants)

Fig. 1 : Appréciation du degré des risques causés par la pyrale du buis sur le patrimoine et les paysages, les enjeux écologiques et économiques (230 répondants)

Fig. 2 : Utilisation des méthodes de gestion par les structures dans la lutte contre la pyrale du buis (118 répondants - questionnaire à choix multiples, 305 réponses)

Fig. 2 : Utilisation des méthodes de gestion par les structures dans la lutte contre la pyrale du buis (118 répondants - questionnaire à choix multiples, 305 réponses)

Fig. 3 : Appréciation des méthodes de gestion employées par les structures contre la pyrale du buis en % de réponses (118 répondants - questionnaire à choix multiples)

Fig. 3 : Appréciation des méthodes de gestion employées par les structures contre la pyrale du buis en % de réponses (118 répondants - questionnaire à choix multiples)

Fig. 4 : Nature des communications liées à la pyrale du buis (214 répondants - questionnaire à choix multiples)

Fig. 4 : Nature des communications liées à la pyrale du buis (214 répondants - questionnaire à choix multiples)

Fig. 5 : Estimation des besoins des structures concernées par la pyrale du buis (214 répondants - questionnaire à choix multiples)

Fig. 5 : Estimation des besoins des structures concernées par la pyrale du buis (214 répondants - questionnaire à choix multiples)

 Photo : M. Correard - UEFM Avignon

Photo : M. Correard - UEFM Avignon

L'Inrae d'Avignon et Plante & Cité ont diffusé en 2019 une enquête en ligne afin d'évaluer les méthodes employées par les gestionnaires d'espaces verts dans leur lutte contre la pyrale du buis.

Un ravageur des buis en Jevi et en forêt

Considérée comme une espèce invasive en France depuis 2008 (Feldtrauer et al., 2009), la pyrale du buis Cydalima perspectalis est un lépidoptère originaire d'Asie du Sud-Est (Inoue et al., 1985), introduit de manière non intentionnelle en Europe en 2007 par le transport de plantes infestées (Krüger, 2008 ; Nacambo et al., 2014) à destination des jardineries et autres lieux de revente de végétaux. Les premières observations ont été réalisées dans l'est de la France. Depuis, son aire de répartition n'a cessé de s'étendre jusqu'à l'ensemble du territoire national.

Le cycle de vie dynamique de la pyrale (jusqu'à 800 oeufs/femelle en condition d'élevage optimal, Defferier et al., 2018 ; de trois à quatre générations par an selon le climat, Wan et al., 2014) et l'absence de prédateurs naturels spécifiques expliquent cette dispersion rapide (Nacambo et al., 2014 ; Wan et al., 2014). Espèce monophage, elle entraîne des défoliations totales et continues sur les buis. Les stades larvaires s'attaquent principalement à la masse foliaire des buis, mais également à l'écorce et aux bourgeons, entraînant le dépérissement des arbres (Leuthardt, Glauser et Baur, 2013). Le buis étant utilisé dans de nombreux jardins et parcs à haute valeur patrimoniale, sa préservation en France représente un enjeu culturel et économique important (Kenis et al., 2013 ; Mitchell et al., 2018). Par ailleurs, la propagation progressive de la pyrale du buis dans le milieu naturel à un effet sur la biodiversité et perturbe le fonctionnement des écosystèmes forestiers (Draaf Auvergne-Rhône-Alpes 2019 ; Kenis et al., 2013).

Une enquête pour mieux comprendre les enjeux

L'Unité expérimentale entomologie et forêt méditerranéenne (UEFM) d'Avignon (Inrae) et Plante & Cité ont entrepris, en 2019, dans le cadre du projet POPSurvey, la diffusion d'une enquête en ligne destinée à l'ensemble des professionnels des Jevi. Cette enquête a entre autres permis d'évaluer les méthodes de contrôle employées par différentes structures et d'identifier les besoins des gestionnaires dans une optique d'amélioration de la lutte intégrée de la pyrale du buis.

Au total, 250 structures ont participé à l'enquête. La grande majorité des départements sont représentés par au moins une structure. Le panel est ainsi constitué principalement de communes (88,4 %), mais aussi de conseils départementaux et métropoles (5,6 %), infrastructures de transports comme les Voies navigables de France (0,4 %), parcs privés tels que les parcs d'attractions et les châteaux accueillant du public (2,4 %), et centres de formations professionnels (3,2 %). Parmi les répondants, 93 % confirment la présence de ce ravageur sur leur territoire. Dans la majorité des cas (65 %), la présence de la pyrale du buis date de moins de trois ans ; elle date de quatre à six ans pour le quart des répondants.

Sensibilisation aux risques et priorisation de la lutte

Les risques engendrés par la pyrale du buis sont souvent perçus par les structures comme étant élevés, voire très élevés (Figure 1) : les impacts sur le patrimoine et les paysages sont les plus importants, suivis des risques écologiques, puis économiques, en lien direct avec la perte patrimoniale et paysagère de certains sites touristiques par exemple.

Les structures mettent en place des actions de gestion dans 58 % des cas, majoritairement en interne (90 %). Pour plus de la moitié des répondants, ces actions sont réalisées en priorité sur les sites où des enjeux de préservation de l'aspect du paysage sont présents. Pour un quart des répondants, la lutte est systématique et, pour un autre quart, elle est réalisée au cas par cas, selon la pression des élus ou des usagers.

Parmi les structures ne mettant pas en place des actions de gestion (42 %), la principale raison évoquée est le manque de moyens humains et/ou de temps (un tiers des répondants), mais aussi le manque de moyens financiers (22,2 %) ou de connaissances techniques (18,8 %).

Focus sur les méthodes de gestion majoritairement utilisées

Quatre techniques principales

Afin d'identifier les principales méthodes de gestion utilisées par les structures, un certain nombre de techniques ont été proposées au panel, en choix multiples (Figure 2).

La gestion à l'aide de micro-organismes semble être majoritairement utilisée par les structures. Elle utilise un produit phytopharmaceutique à base de la bactérie entomopathogène Bacillus thuringiensis subsp. kurstaki plus active sur les premiers stades larvaires des lépidoptères. Le manque de connaissances techniques représente un frein à l'utilisation de cette solution, par ailleurs considérée comme une solution efficace et d'un faible impact environnemental (Figure 3).

En deuxième place des solutions citées, la gestion à l'aide de macro-organismes auxiliaires est basée sur la pose de nichoirs à mésanges ou à chauve-souris, ou l'utilisation de nématodes et parasitoïdes spécifiques. L'intérêt écologique de ces méthodes est contrebalancé par un manque de connaissances techniques ou leur inadaptation à la situation selon les répondants (Figure 3).

Les pièges à phéromones, également parmi les principales techniques utilisées (Figure 2), permettent le monitoring en attirant et piégeant les papillons mâles. Ils semblent convenir pour leur faible impact environnemental, leur efficacité et facilité d'utilisation, mais certaines structures les considèrent trop coûteux (Figure 3).

Enfin, la gestion mécanique inclut la récolte à la main des chenilles et l'utilisation de filets insect-proof empêchant la ponte sur les buis. Elle est appréciée pour son efficacité, mais souvent signalée comme non adaptée à la situation.

Des méthodes de gestion jugées non écologiques ou non adaptées

Les produits phytosanitaires sont réglementés sur l'ensemble des espaces publics (loi Labbé). Ceux encore utilisés (Figure 2), comme les insecticides chimiques naturels à base de spinosad ou de pyréthrines (liste de biocontrôle), sont considérés comme efficaces mais non écologiques car non spécifiques (Figure 3). Les gestionnaires déplorent également un manque de connaissances sur leur utilisation.

Le recours limité à l'arrachage des plantes infestées ou non (gestion sylvicole) illustre la volonté des structures de conserver leurs buis malgré les attaques de pyrale. Selon les réponses de l'enquête, cette méthode jugée efficace et écologique aurait pour inconvénient principal d'être non adaptée à la situation.

La confusion sexuelle, qui consiste à saturer l'environnement en phéromone sexuelle et induire la confusion des papillons mâles lors de la période de reproduction, est très peu utilisée. Les structures déplorent un manque de connaissances.

Une combinaison de méthodes

Au sein du panel, deux tiers des communes utilisent une combinaison de méthodes de gestion : deux à trois méthodes pour plus de 60 %, quatre à cinq méthodes pour un tiers des structures et 2,9 % des utilisateurs mentionnent plus de cinq méthodes de lutte utilisées. Les stratégies associent majoritairement l'utilisation de micro-organismes et de macro-organismes auxiliaires (installation de nichoirs à mésanges), la pose de pièges à phéromones et la gestion mécanique. Cette combinaison permet de cibler différents stades de développement du ravageur. Le monitoring permet de suivre les pics de vol des papillons et de positionner au mieux les différentes techniques.

Un manque de connaissances à combler

Auprès des citoyens

Pour les structures communiquant auprès de leurs citoyens, les dégâts causés sur les buis et les moyens de gestion à utiliser font partie des principales informations à transmettre (Figure 4). Cependant la majorité du panel (39,3 % de réponses) affirme ne pas communiquer. Cette situation représente un important axe d'amélioration. La sensibilisation et l'information du public permettraient de mettre en place des stratégies de gestion collectives par territoire afin d'optimiser le contrôle du ravageur.

Auprès des gestionnaires

Une grande partie des structures concernées par la gestion de la pyrale des buis (50,5 % de réponses) estiment avoir besoin de formations, d'aide et de conseils (Figure 5), en particulier sur les méthodes de gestion existantes, la réglementation, la biologie et les dégâts de la pyrale. L'amélioration des techniques de gestion existantes, en termes d'efficacité et de respect de l'environnement, arrive en deuxième position des besoins exprimés par les structures. Enfin, sont citées la prise en charge partielle ou totale des moyens financiers et la prise en charge de la gestion par d'autres structures ou services.

Face à la problématique « pyrale du buis », de nombreuses études sont en cours (utilisation de substances naturelles, d'insectes prédateurs, de parasitoïdes...) afin d'améliorer les méthodes de gestion actuelles et d'apporter de nouvelles techniques dans la régulation de ce ravageur.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - En France, le buis est avant tout planté dans les zones urbanisées telles que les parcs, jardins, espaces végétalisés et infrastructures (Jevi). La forte pression exercée par la pyrale du buis Cydalima perspectalis a un impact à la fois sociétal, culturel, économique, mais également écologique. Les buis spontanés et subspontanés en milieux forestiers sont aussi touchés avec des conséquences sur l'érosion des sols, une diminution de la biodiversité, des risques d'incendie...

ÉTUDE - L'Inrae d'Avignon et Plante & Cité ont diffusé une enquête en 2019 pour évaluer les moyens de lutte pratiqués par les gestionnaires Jevi (les gestionnaires forestiers n'ont pas été ciblés) vis-à-vis de la pyrale du buis, ainsi que leurs besoins. Près de 250 structures ont répondu.

RÉSULTATS - L'enquête fait ressortir la prise de conscience d'une majorité des structures aux enjeux de préservation patrimoniaux et paysagers face à la pyrale du buis. Ceci se traduit par la mise en place d'une lutte intégrée combinant plusieurs méthodes de gestion respectueuses de l'environnement (micro-organismes, auxiliaires, pièges à phéromones et gestion mécanique). Un fort besoin d'information a été identifié auprès des gestionnaires. La création d'outils d'aides à la décision, de formations sur les techniques existantes et de supports d'information sur la biologie de la pyrale du buis représente un levier incontournable dans la gestion de ce ravageur au sein des Jevi.

MOTS-CLÉS - Pyrale du buis, Cydalima perspectalis, Jevi, enquête, moyens de lutte, patrimoine.

Méthode d'enquête

Le questionnaire de cette enquête a été créé sous le logiciel libre LimeSurvey. Une fois finalisée, l'enquête a été mise en ligne de mi-juillet à mi-octobre 2019, afin d'obtenir un nombre suffisant de réponses pour réaliser les analyses. Des relances ont été effectuées au cours de cette période, de manière à redynamiser les réponses. Les analyses ont été effectuées sous le logiciel RStudio, version 1.1.414.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : lucile.muller@inrae.fr

LIEN UTILE :

https://www6.paca.inrae.fr/entomologie_foret_med/

BIBLIOGRAPHIE : - Defferier T., Venard M., Colombel E. et Tabone E., 2018. Techniques d'élevage de la pyrale du buis, In Colloque scientifique sur les bioagresseurs du buis, Tours, Végéphyl. https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-01909141

- Draaf Auvergne-Rhône-Alpes, 2019. Service régional de l'alimentation-pôle santé de forêts. La pyrale du buis, un invasif impactant. Actualité sylvosanitaire, n° 87, 3.

- Feldtrauer J. F., Feldtrauer J. J., Brua C., 2009. Premiers signalements en France de la pyrale du buis Diaphania perspectalis (Walker, 1859), espèce exotique envahissante s'attaquant aux buis (Lepidoptera, Crambidae). Bulletin de la Société entomologique de Mulhouse 0373-4544 65 (janvier), p. 55-58.

- Inoue H. et al., 1985. Moths of Japan. Deutsche Entomologische Zeitschrift, 32 (1-3), p. 230-230. https://doi.org/10.1002/mmnd.19850320130

- Kenis M. et al., 2013. The Box Tree Moth, Cydalima Perspectalis, in Europe: horticultural pest or environmental disaster? Aliens: The Invasive Species Bulletin, n°33, p. 38-41.

- Krüger E. O. 2008. Glyphodes perspectalis (Walker, 1859) - new for the European fauna (Lepidoptera: Crambidae). Entomologische Zeitschrift mit Insekten-Börse, 118 (2), p. 81-83.

- Leuthardt F. et al., 2013. Composition of alkaloids in different box tree varieties and their uptake by the box tree moth Cydalima perspectalis. Chemoecology 23 (4), p. 203-12.

- Mitchell R. et al., 2018. Identifying the ecological and societal consequences of a decline in Buxus forests in Europe and the Caucasus. Biological Invasions, 20 (12): 3605-20.

- Nacambo S. et al., 2014. Development characteristics of the Box-Tree Moth Cydalima Perspectalis and its potential distribution in Europe. Journal of Applied Entomology, n° 138 (1-2), p. 14-26. https://doi.org/10.1111/jen.12078

- Wan H. et al., 2014. Biology and natural enemies of Cydalima perspectalis in Asia: Is there biological control potential in Europe? Journal of applied entomology, 138 (10): 715-22.

REMERCIEMENTS

Les auteurs remercient les structures qui ont participé à cette enquête. Cette étude a été soutenue par l'OFB, dans le cadre du plan Écophyto avec le pilotage du ministère de l'Écologie, du Développement durable et de l'Énergie.

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