Parasitoïde utilisé lors de l'étude. Cotesia glomerata (Hymenoptera : Braconidae) en train d'attaquer une larve de Pieris brassicae. Photo : T. Degen
Fig. 1 : Perte d'attractivité de plantes de Brassica rapa après addition d'odeurs florales pour cinq espèces de parasitoïdes
Fig. 2 : Effets de différentes quantités d'odeurs florales sur le comportement du parasitoïde Cotesia glomerata Barres vertes : plante infestée par des chenilles de Pieris brassicae. Barres bleues : plante infestée par P. brassicae avec addition d'odeurs florales de Brassica rapa. SE = erreur standard. NS = effet non-significatif. * = effet significatif.
Le parfum des fleurs du chou champêtre (Brassica rapa L.) rend cette plante moins attirante pour plusieurs parasitoïdes des ravageurs de cette plante. Du moins dans les conditions des tests de laboratoire rapportés ici.
Bandes fleuries et régulation des ravageurs
Les fleurs, un allié précieux des auxiliaires des cultures
Les ennemis naturels des insectes ravageurs, tels les prédateurs et les parasitoïdes, peuvent utiliser les fleurs comme source de nourriture - sous la forme de nectar, de pollen, mais également de proies alternatives - et en faire des lieux de refuge. Ainsi, les fleurs peuvent être utilisées dans le cadre de programmes de lutte biologique par conservation, dont le but est de promouvoir l'action des auxiliaires de culture pour une régulation naturelle des ravageurs. Elles sont alors le plus souvent utilisées sous la forme de bandes fleuries de 2 à 6 m de large semées de diverses espèces, et situées en bordure ou en interrang de terres cultivées. Leur rôle est de constituer un habitat favorable au recrutement et à la multiplication d'auxiliaires, des plus généralistes comme les araignées ou les carabes, aux plus spécialisés comme les hyménoptères parasitoïdes. En plus de favoriser la diversité et l'abondance des auxiliaires, les bandes fleuris ont également un effet positif sur les populations d'insectes pollinisateurs.
Une efficacité de régulation à optimiser
L'impact des bandes fleuries sur les populations de ravageurs n'est pas systématique et dépend de la bonne adéquation entre la bande fleurie, le ravageur que l'on souhaite réguler et l'agroenvironnement où elle est implantée (Morel et Brun, 2019). En effet, toutes les espèces de fleurs n'ont pas le même pouvoir attractif ni ne fournissent les mêmes bénéfices aux auxiliaires. La qualité et l'abondance du pollen et du nectar, la fenêtre temporelle et spatiale de leur disponibilité, la structure des plantes et la qualité des proies alternatives ou des refuges fournis sont autant de paramètres qui peuvent varier énormément d'une espèce florale à l'autre.
Ainsi, le développement de mélanges floraux adaptés à des cultures et à des besoins particuliers doit prendre en compte de nombreux facteurs pour optimiser l'efficacité de la régulation des ravageurs ciblés. Ces facteurs incluent le nombre et la densité d'espèces florales du mélange, leurs dates et durées de floraison, les besoins nutritionnels et fonctionnels des auxiliaires à promouvoir, le type de ravageur à réguler, l'absence d'espèces adventices dans le mélange, l'absence d'espèces pouvant abriter le ravageur dans le mélange... Cependant, un facteur a longtemps échappé à l'attention de la communauté scientifique : le fait que les parfums des fleurs puissent avoir un impact sur le comportement des auxiliaires de cultures, particulièrement leur comportement de recherche d'hôtes ou de proies. Pour bien comprendre cette notion, il convient de se pencher plus en détail sur le rôle que jouent les composés volatils émis par les plantes sur les ennemis naturels des ravageurs.
Les COV des plantes et le « paysage olfactif » des insectes
Des réseaux d'information précieux pour les auxiliaires
Les composés organiques volatils (COV) sont produits en grande quantité par les plantes et peuvent être perçus par des organismes variés : plantes voisines, pollinisateurs, phytophages et ennemis naturels de ces phytophages, tels que les prédateurs et parasitoïdes. Ces COV peuvent se comporter comme des signaux porteurs d'informations. C'est le cas pour les odeurs florales dont la fonction principale est d'attirer les pollinisateurs.
Il existe également des COV produits par les plantes en réponse aux dégâts de phytophages, que l'on appelle les HIPV (herbivore-induced plant volatiles). Les HIPV sont en général attractifs pour les prédateurs et parasitoïdes, lesquels vont réduire les dégâts causés par les phytophages en les tuant ou les faisant fuir. Ainsi, ce phénomène d'émission de HIPV est considéré comme un mécanisme de défense indirecte de la plante, bien que d'autres fonctions écologiques de ces odeurs aient été proposées (Allison et Hare, 2009). Les COV induits par les insectes herbivores peuvent être très généraux et être produits de façon systématique dès la blessure du tissu végétal. D'autres sont au contraire très spécifiques, ne sont induits qu'en réponse à des ravageurs précis, et informent les ennemis naturels capables de décoder ces signaux de l'identité des phytophages présents sur une plante. Pour les parasitoïdes, qui sont en général plus spécifiques que les prédateurs et ne peuvent s'attaquer qu'à un nombre limité d'espèces-hôtes, décoder ces signaux revêt une importance capitale.
Quelles interactions entre odeurs florales, HIPV et insectes ?
Les odeurs florales et les HIPV contiennent typiquement des COV différents ou des ratios différents des mêmes COV. Tous ces composés issus de différentes sources se retrouvent dans l'atmosphère et forment le « paysage olfactif » dans lequel les insectes doivent s'orienter pour parvenir à localiser leurs ressources. Mais les interférences entre COV de différents types peuvent potentiellement « brouiller » les réseaux d'information que suivent les insectes pollinisateurs et les auxiliaires des cultures. Ainsi, les odeurs florales peuvent en théorie avoir un impact sur les informations véhiculées par les HIPV et affecter le comportement des ennemis naturels. En parallèle, les HIPV peuvent interférer avec les odeurs florales et toucher l'attraction des pollinisateurs.
Au final, ces interférences peuvent avoir des conséquences directes sur les plantes. Il a été souvent constaté que, durant leur floraison, les plantes attaquées par des phytophages sont moins attractives pour les pollinisateurs que les plantes non attaquées. Mais le rôle joué par les interférences directes entre les odeurs florales et les HIPV dans ce résultat est difficile à évaluer. De même, les phytophages sont parfois moins parasités quand ils se nourrissent sur des plantes en fleurs que quand ils le font sur des plantes au stade végétatif. Mais là encore, l'importance des odeurs florales dans ces effets n'est pas toujours évidente à démontrer.
Une étude de cas sur Brassica rapa
Le chou, la piéride, le parasitoïde... et les odeurs florales
En 2015, une étude réalisée en Suisse a montré que le chou champêtre Brassica rapa devient moins attractif pour un parasitoïde de la piéride du chou lorsqu'il est en fleurs. Cette étude a également montré que l'addition directe d'odeurs florales à une plante infestée au stade végétatif en diminuait significativement l'attractivité pour le parasitoïde (Desurmont et al., 2015).
Cette première étude a servi de point de départ à une étude de plus grande envergure visant à tester l'hypothèse que les composés volatils émis par les fleurs peuvent avoir un impact sur le comportement de recherche d'hôte des parasitoïdes, et dont les résultats sont présentés ici (Desurmont et al., 2020).
Cinq parasitoïdes à l'étude
L'étude s'est focalisée sur le chou champêtre Brassica rapa et sur cinq parasitoïdes d'insectes phytophages : Cotesia glomerata (Braconidae) (photo 1), Hyposoter ebeninus (Ichneumonidae), Pteromalus puparum (Pteromalidae) (photo 2), Microplitis mediator (Braconidae) et Diaeretiella rapae (Braconidae).
Ces parasitoïdes sont représentatifs de différents modes de vie et de différentes caractéristiques écologiques. Ainsi, C. glomerata, M. mediator et H. ebeninus s'attaquent aux chenilles de lépidoptères, tandis que P. puparum est un parasitoïde des chrysalides de lépidoptères et D. rapae est un parasitoïde de pucerons. C. glomerata et H. ebeninus sont considérés comme des spécialistes (gamme d'hôtes très limitée) tandis que les trois autres espèces sont des généralistes (gamme d'hôtes étendue). Les cinq parasitoïdes ont pour point commun de s'attaquer à des hôtes pouvant être des ravageurs du chou champêtre. Dans le cadre de l'étude, les hôtes de ces parasitoïdes qui ont été choisis sont : les chenilles de la grande piéride du chou Pieris brassicae pour les parasitoïdes C. glomerata et H. ebeninus, les chenilles de la noctuelle du chou Mamestra brassicae pour le parasitoïde M. mediator, les chrysalides de P. brassicae pour le parasitoïde P. puparum et le puceron cendré du chou Brevicoryne brassicae pour le parasitoïde D. rapae.
Le comportement des auxiliaires testé dans un olfactomètre
Le comportement de recherche d'hôte des cinq parasitoïdes a été étudié en laboratoire dans des conditions expérimentales identiques. Les préférences des parasitoïdes ont été étudiées dans un olfactomètre à quatre bras. L'olfactomètre est constitué de quatre sources d'odeurs (= modalités), chaque source étant contenue dans une bouteille en verre associée à un bras de l'olfactomètre. Un flux d'air balaye chacune de ces sources, et les quatre flux d'air convergent vers une « pièce centrale » en verre, où les parasitoïdes sont placés, avant d'être rejetés à l'extérieur du dispositif. La source de lumière est fixée juste au-dessus de cette pièce centrale afin de s'assurer que les insectes n'aillent pas vers un bras à cause de différences de luminosité.
Les modalités (= sources olfactives) suivantes ont été testées : plante infestée par l'hôte du parasitoïde, plante infestée par l'hôte du parasitoïde avec addition d'odeurs florales, pas d'odeur (× 2). Les femelles de parasitoïdes sont laissées trente minutes dans l'olfactomètre. Puis elles sont localisées et la modalité qu'elles ont choisie est notée. Celles restant dans la pièce centrale sont notées « non-choix » dans l'analyse des résultats.
Création du parfum synthétique... du chou
Afin de pouvoir utiliser les odeurs florales du chou champêtre et les manipuler avec précision pendant l'étude, il était impossible de travailler avec des fleurs coupées, dont la production de parfum est trop variable et limitée dans le temps pour réaliser des tests en olfactomètre. Un mélange de composés synthétiques a été créé en associant les six composés principaux du bouquet floral de la population de B. rapa utilisée pour cette étude. Ces composés sont le phénylacétaldéhyde, le nonanal, le décanal, l'acétophénone, le p-anisaldéhyde, et l'a-farnésène, dilués dans du dichlorométhane. Pour les tests en olfactomètre, de petits morceaux de caoutchouc (« septa ») ont été laissés à tremper dans la solution d'odeurs florales synthétiques durant une heure, puis mis à sécher quatre heures. Un « septum » ainsi imprégné d'odeur florale est placé à l'intérieur de l'olfactomètre au-dessus de la plante de la modalité « plante infestée avec addition d'odeurs florales » afin que l'odeur de la plante infestée se mêle au mix d'odeurs synthétiques émis par le septum. Des tests préliminaires ont permis de déterminer la concentration des différents composés nécessaire pour qu'un septum ainsi traité émette une quantité d'odeurs comparable à celle d'une inflorescence de B. rapa (approximativement trente fleurs) (Schiestl et al., 2014). Des tests préalables ont également permis de vérifier que les septa de caoutchouc imprégnés de dichlorométhane seul (sans odeurs florale) n'ont aucun effet sur le comportement des parasitoïdes dans les mêmes conditions expérimentales.
Tests complémentaires
En plus de tests en olfactomètres avec cinq espèces de parasitoïdes, des expériences complémentaires ont été réalisées pour déterminer la quantité d'odeurs florales nécessaire pour affecter le comportement des parasitoïdes, déterminer si les effets observés en olfactomètre sont également observable en tunnel de vol (dispositif expérimental où le comportement de vol d'un insecte est observé face à un flux d'air à écoulement laminaire) et mesurer l'activité électrophysiologique des antennes de C. glomerata en réponse aux composés floraux de B. rapa ainsi qu'aux HIPV produits par des plantes de B. rapa infestées par la chenille P. brassicae.
Résultats : l'impact négatif des odeurs florales
Perte d'attractivité de Brassica rapa après addition d'odeurs florales
Les tests en olfactomètres ont montré que les parasitoïdes sont touchés négativement dans leur comportement de recherche d'hôte par la présence d'odeurs florales de B. rapa. En effet, quatre des cinq espèces de parasitoïdes testés étaient moins attirées par la plante infestée par leur hôte avec addition d'odeurs florales que par la plante infestée sans odeurs florales. La plante avec odeurs florales était 39,1 % moins attractive pour C. glomerata, 42,2 % moins attractive pour M. mediator, 44,9 % moins attractive pour D. rapae et 73,7 % moins attractive pour H. ebeninus (Figure 1). Le seul parasitoïde n'ayant pas été significativement touché par l'addition d'odeurs florales est P. puparum (17,8 %, non statistiquement significatif). Il est important d'ajouter que, bien qu'étant en général moins attractives pour les parasitoïdes, les plantes avec odeurs florales demeuraient plus attractives que les modalités « sans odeur » dans l'olfactomètre à quatre bras.
Les tests de dosage réalisés avec C. glomerata ont montré que le parasitoïde est négativement affecté par la présence d'odeurs florales à partir d'une quantité équivalente à une inflorescence (approximativement trente fleurs). En deçà de ce seuil, la plante avec odeurs florales et la plante sans odeur florale ont la même attractivité pour le parasitoïde. Ces tests ont aussi montré que la baisse d'attractivité de la plante est directement proportionnelle à la quantité d'odeurs florales ajoutée, la baisse la plus significative d'attractivité étant observée avec la dose d'odeurs florales la plus forte (quatre inflorescences = 120 fleurs) (Figure 2).
Un impact négatif également observé en tunnel de vol
En tunnel de vol, le parasitoïde C. glomerata était également négativement affecté par la présence d'odeurs florales dans ces conditions expérimentales. Cependant, la dose nécessaire pour observer un effet négatif sur le comportement de recherche d'hôte du parasitoïde (deux inflorescences = 60 fleurs) était plus importante qu'en olfactomètre. En dessous de cette dose, les plantes avec odeurs florales et les plantes sans odeur florale étaient également attractives. Par ailleurs, toujours en tunnel de vol, des tests réalisés avec des fleurs véritables au lieu d'une mixture d'odeurs synthétiques ont abouti à un résultat similaire d'impact négatif de la présence d'une inflorescence sur le comportement de recherche d'hôte de C. glomerata.
Enfin, les tests d'activité électrophysiologiques ont montré que les antennes de C. glomerata réagissent en réponse aux principaux composés floraux émis par B. rapa ainsi qu'aux HIPV émis par des plantes de B. rapa infestées par la chenille P. brassicae.
Un effet perturbateur des fleurs à relativiser
Le rôle « polluant » des odeurs florales
La nature chimique des odeurs florales diffère souvent de celle des odeurs induites par les attaques de phytophages (HIPV) et les conséquences des interactions de ces deux types d'odeurs sur les réseaux d'information chimique que les insectes utilisent pour s'orienter sont encore mal connues. Les résultats de l'étude menée en Suisse montrent sans ambiguïté que l'addition d'odeurs florales de Brassica rapa interfère avec le comportement des parasitoïdes : elle diminue significativement l'attractivité de plants infestés par des insectes phytophages vis-à-vis de quatre espèces de parasitoïdes testées sur cinq. Cette baisse d'attractivité suggère que les parasitoïdes iraient moins volontiers fréquenter les plantes environnées d'odeurs florales de B. rapa dans la nature, et que les ravageurs pourraient davantage échapper au parasitisme dans de tels micro-habitats. En d'autres termes, l'effet perturbateur des odeurs florales pourrait diminuer l'efficacité de ces auxiliaires sur des plantes entourées de fleurs.
En soi, l'effet perturbateur des odeurs florales n'est pas surprenant : d'autres études ont montré que des composés chimiques présents dans l'atmosphère pouvaient jouer le rôle de « polluants » ayant un impact sur la reconnaissance olfactive et le comportement des insectes (Hilker et McNeil, 2008 ; Beyaert et Hilker, 2014). Les parasitoïdes ont pour la plupart développé des préférences olfactives très précises pour reconnaître à coup sûr les plantes endommagées par leurs hôtes. Les résultats de l'étude montrent qu'à choisir entre deux plantes toutes deux infestées par leur hôte, les parasitoïdes s'orientent préférentiellement vers le signal le plus « pur », à savoir celui qui ne contient pas de composés différents de ceux correspondant à l'attaque du phytophage.
Des résultats en laboratoire à tempérer
Ces résultats obtenus en laboratoire sont cependant à tempérer pour plusieurs raisons. Premièrement, bien que les parfums des fleurs diminuent l'attractivité des plantes infestées, ils n'ont pas un effet répulsif. En effet, les plantes infestées avec odeurs florales étaient toujours plus attractives que les modalités de contrôle (sans odeur) lors des tests en olfactomètres. La baisse d'attractivité due à la présence d'odeurs florales est donc toute relative : en l'absence d'un signal pur (plante infestée sans odeur florale), les parasitoïdes n'ont aucun problème à s'orienter vers la plante infestée avec addition d'odeurs florales, comme cela a été montré dans une étude précédente (Desurmont et al., 2015). En d'autres termes, les phytophages n'échappent pas au « radar » des parasitoïdes simplement parce que des odeurs florales sont présentes.
Deuxièmement, le setting expérimental de l'olfactomètre est un espace où les mélanges d'odeurs y sont sans doute accrus comparé à des conditions naturelles. Cette hypothèse semble confirmée par les résultats des tests en tunnel de vol, un dispositif expérimental qui laisse plus d'espace aux odeurs pour se disperser et aux parasitoïdes pour s'orienter, qui ont montré qu'une dose deux fois supérieure d'odeur florale était nécessaire pour observer une baisse d'attractivité de la plante. Il ne faut pas perdre de vue que, dans la nature, le paysage olfactif est rempli d'odeurs provenant d'une multitude de sources différentes et que les parasitoïdes se sont adaptés au fil de l'évolution pour naviguer au sein de ces mélanges d'odeurs complexes afin d'y trouver leurs hôtes.
Troisièmement, les résultats de l'étude ont été obtenus avec des parasitoïdes bien nourris et probablement motivés uniquement par la recherche d'hôtes. Or, il est connu que les parasitoïdes peuvent être attirés par des odeurs florales quand ils sont à la recherche de nourriture (nectar et pollen) (Géneau et al., 2013). Ces tests gagneraient donc à être répétés avec des parasitoïdes affamés ; dans ce cas de figure, l'addition d'odeurs florales à une plante infestée pourrait en augmenter l'attractivité.
Une validation nécessaire sur le terrain
Ces résultats ont été obtenus en conditions de laboratoire et nécessitent une validation sur le terrain. De plus, les composés émis par les fleurs de B. rapa ne représentent qu'une minuscule fraction de la diversité des composés produits par les plantes en fleur, et des études sur d'autres systèmes végétaux sont nécessaires pour aboutir à des conclusions plus générales.
À ce sujet, une étude récente menée en Italie apporte un éclairage intéressant (Foti et al., 2018). Il est montré que deux espèces de parasitoïdes ont un comportement opposé en présence de fleurs de sarrasin : le parfum floral de cette plante attire un des parasitoïdes mais est répulsif pour l'autre. Ces résultats ont été vérifiés sur le terrain, dans des champs de tomates bordés ou non de bandes fleuries de sarrasin : le parasitoïde attiré par les odeurs de sarrasin était plus abondant dans les champs bordés de bandes fleuries, tandis que le parasitoïde repoussé par ces odeurs était presque exclusivement retrouvé dans les champs sans bandes fleuries. Cette étude illustre le fait que les odeurs florales peuvent avoir un impact direct sur l'action régulatrice de certains auxiliaires sur le terrain.
Optimiser la composition des bandes fleuries
L'utilisation de bandes fleuries en tant que refuge et source de nourriture pour les ennemis naturels des ravageurs est une mesure agroécologique efficace pour améliorer la régulation naturelle des insectes ravageurs, et il n'est pas question ici d'en remettre en cause l'utilité. Les résultats exposés dans cet article suggèrent toutefois que les odeurs florales peuvent avoir des effets non désirés sur le comportement des auxiliaires des cultures. Ce facteur devrait être pris en compte pour permettre le développement de bandes fleuries à l'efficacité optimale. Le choix des espèces florales, la densité de celles-ci dans la bande fleurie et leur distance vis-à-vis des cultures à protéger sont autant de paramètres à considérer pour cerner l'impact potentiel des odeurs florales sur les parasitoïdes en conditions naturelles.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Les bandes fleuries sont considérées comme favorisant la régulation naturelle des ravageurs, en fournissant notamment une source de nourriture complémentaire pour les auxiliaires. Les odeurs des fleurs intègrent le « paysage olfactif » perçu par les insectes. Sachant que les auxiliaires utilisent les composés organiques volatils (COV) produits par les plantes en réponse aux dégâts de phytophages, appelés HIPV (herbivore-induced plant volatiles), pour rechercher leurs proies/hôtes, la présence d'odeurs florales peut-elle influencer le comportement des auxiliaires ?
ÉTUDE - Partant de l'hypothèse que certains composés émis par les fleurs peuvent avoir un impact sur le comportement de recherche d'hôte des auxiliaires, le comportement de cinq parasitoïdes de ravageurs de Brassica rapa a été testé dans différentes conditions de laboratoire.
RÉSULTATS - L'addition d'odeurs florales de B. rapa diminue significativement (40 à 70 %) l'attractivité de plants infestés par des insectes phytophages vis-à-vis de quatre espèces de parasitoïdes. L'effet perturbateur des odeurs florales pourrait ainsi diminuer l'efficacité de ces auxiliaires sur des plantes entourées de fleurs. Ces résultats doivent être validés sur le terrain afin d'optimiser la composition et l'utilisation des bandes fleuries.
MOTS-CLÉS - Bandes fleuries, auxiliaires des cultures, odeurs florales, composés organiques volatils, HIPV (herbivore-induced plant volatiles).
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : gdesurmont@ars-ebcl.org
LIEN UTILE : https://www.ars-ebcl.org/
BIBLIOGRAPHIE : - Allison J. D., Hare J. D., 2009. Learned and naive natural enemy responses and the interpretation of volatile organic compounds as cues or signals. New Phytologist n° 184, p. 768-782.
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- Desurmont G. A., Von Arx M., Turlings T. C., Schiestl F. P., 2020. Floral odors can interfere with the foraging behavior of parasitoids searching for hosts. Frontiers in Ecology and Evolution n° 8, p. 148.
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