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Gestion des maladies

Effet synergiste d'un fongicide multisite de contact

ANNE-SOPHIE BECUE(1), CAMILLE ROMER(1), MATTEO CERNUSCHI(2), PEDRO SINGER(2) ET THÉOPHILE KAZMIERCZAK(3) (1) Adama France - Suresnes. (2) Adama - Fungicides Global Product Development Sector. (3) BIOtransfer - Montreuil. - Phytoma - n°744 - mai 2021 - page 43

Une substance active fongicide multisite peut influencer la pénétration et la migration des substances systémiques en conditions contrôlées. La preuve de concept est présentée avec le folpel.
Parcelle d'essai de blé. Photo : C. Romer - Adama France

Parcelle d'essai de blé. Photo : C. Romer - Adama France

Fig. 1 : Protocole expérimental utilisé dans l'étude      Les éléments bleus représentent les matières actives fongicides systémiques, en vert le tissu végétal et en jaune les zones infectées par Zymoseptoria tritici.      1. Le traitement est réalisé sur des plantules de blé au stade BBCH 12 (2 feuilles vraies), par des dépôts localisés de gouttelettes à la base du limbe de la première feuille (dix à douze plantules par modalité). Les bouillies fongicides sont préparées dans un volume d'eau équivalent à une procédure de traitement au champ (200 l/ha).       2. Après le traitement, les substances actives qui en sont capables pénètrent et migrent dans la feuille pendant quatre jours. Cette pénétration et cette migration dépendent de la structure chimique de la SA systémique, de sa formulation et potentiellement du partenaire fongicide utilisé en mélange.      3. Les fragments foliaires sont découpés afin de distinguer la partie traitée de la partie non traitée mais également d'arrêter toute migration de la substance active systémique entre ces deux segments.      4. Un lavage du fragment traité est réalisé quatre jours après le traitement à l'aide d'un solvant doux (eau + éthanol - Lichiheb et al., 2015). Ce lavage a pour but de retirer toute la substance active présente en surface. Les fragments traités ou non sont alors transférés dans des boîtes de Petri (90 mm de diamètre), la face adaxiale (face supérieure, orientée vers la tige) tournée vers le haut et enfichée dans un milieu gélosé, permettant la survie des feuilles.       5. L'inoculation est réalisée sur les fragments foliaires traités ou non à l'aide d'une suspension de spores de Z. tritici (souche de type Tri-R6 - modérément résistante aux DMI, fortement résistante aux QoI et sensible aux SDHI) calibrée à 2 × 107 spores/ml ; les efficacités fongicides relevées sont le reflet de la quantité de matière active fongicide systémique ayant pénétré et migré, ou non, dans chaque fragment. Les efficacités des traitements dans les différents compartiments sont évaluées à deux temps après l'infection, 21 et 28 jours. L'inoculation est réalisée le même jour que le lavage (après séchage des fragments) et la découpe des fragments.

Fig. 1 : Protocole expérimental utilisé dans l'étude Les éléments bleus représentent les matières actives fongicides systémiques, en vert le tissu végétal et en jaune les zones infectées par Zymoseptoria tritici. 1. Le traitement est réalisé sur des plantules de blé au stade BBCH 12 (2 feuilles vraies), par des dépôts localisés de gouttelettes à la base du limbe de la première feuille (dix à douze plantules par modalité). Les bouillies fongicides sont préparées dans un volume d'eau équivalent à une procédure de traitement au champ (200 l/ha). 2. Après le traitement, les substances actives qui en sont capables pénètrent et migrent dans la feuille pendant quatre jours. Cette pénétration et cette migration dépendent de la structure chimique de la SA systémique, de sa formulation et potentiellement du partenaire fongicide utilisé en mélange. 3. Les fragments foliaires sont découpés afin de distinguer la partie traitée de la partie non traitée mais également d'arrêter toute migration de la substance active systémique entre ces deux segments. 4. Un lavage du fragment traité est réalisé quatre jours après le traitement à l'aide d'un solvant doux (eau + éthanol - Lichiheb et al., 2015). Ce lavage a pour but de retirer toute la substance active présente en surface. Les fragments traités ou non sont alors transférés dans des boîtes de Petri (90 mm de diamètre), la face adaxiale (face supérieure, orientée vers la tige) tournée vers le haut et enfichée dans un milieu gélosé, permettant la survie des feuilles. 5. L'inoculation est réalisée sur les fragments foliaires traités ou non à l'aide d'une suspension de spores de Z. tritici (souche de type Tri-R6 - modérément résistante aux DMI, fortement résistante aux QoI et sensible aux SDHI) calibrée à 2 × 107 spores/ml ; les efficacités fongicides relevées sont le reflet de la quantité de matière active fongicide systémique ayant pénétré et migré, ou non, dans chaque fragment. Les efficacités des traitements dans les différents compartiments sont évaluées à deux temps après l'infection, 21 et 28 jours. L'inoculation est réalisée le même jour que le lavage (après séchage des fragments) et la découpe des fragments.

Symptômes foliaires de Zymoseptoria tritici observés en conditions contrôlées. Photo : V. Calaora - BIOtransfer

Symptômes foliaires de Zymoseptoria tritici observés en conditions contrôlées. Photo : V. Calaora - BIOtransfer

Zymoseptoria tritici est le principal agent fongique responsable de la septoriose du blé dans nos régions tempérées. Parmi les mesures de protection, on peut compter l'utilisation de variétés tolérantes ou certaines mesures pratiques comme l'enfouissement de résidus de récoltes, la modulation de la densité de semis ou de la fertilisation azotée, qui vont permettre de freiner la pression de maladie. Lorsque ces mesures ne sont plus suffisantes, des traitements fongicides peuvent intervenir. L'utilisation de molécules à modes d'actions variés est recommandée et l'influence qu'elles peuvent avoir l'une sur l'autre est souvent imprévisible. Les expérimentations au champ sont souvent un bon moyen d'étude mais ne peuvent être aussi explicatives qu'un essai en conditions contrôlées où tous les paramètres influents peuvent être étudiés séparément. L'étude à suivre s'intéresse spécifiquement à l'influence que peut avoir une matière active fongicide de contact sur la pénétration de matières actives systémiques, et ce afin de mettre en évidence des interactions synergiques.

Stratégie de lutte chimique contre la septoriose du blé

Phase asymptomatique et traitement systémique

À l'automne, l'inoculum primaire de Zymoseptoria tritici démarre le cycle épidémiologique et entraîne les premières infections foliaires. Une phase latente asymptomatique démarre alors, pouvant durer entre 14 et 21 jours, avant l'émergence des pycnides. Ces structures reproductrices contiennent les pycnidiospores, assurant la dispersion depuis une lésion sporulante. Les pycnidiospores se répandent sur de courtes distances lors des événements pluvieux via le phénomène d'éclaboussement. La décision de traiter doit être prise dès l'apparition des premiers symptômes issus de l'inoculum primaire. Au moment de ce traitement, la bouillie fongicide va se retrouver sur des feuilles à trois stades d'infection différents :

- une feuille non infectée, où la bouillie pourra agir de façon préventive en protégeant le tissu des prochains événements d'infection ;

- une feuille symptomatique, où le mélange pourra éliminer les ascospores formées, mais le tissu végétal sous-jacent étant déjà perdu ;

- une feuille infectée mais non symptomatique dans laquelle la maladie progresse à travers le tissu.

Cette phase asymptomatique dure généralement entre 14 à 21 jours en fonction des conditions environnementales. L'utilisation de molécules dites « systémiques », c'est-à-dire capables de pénétrer et de migrer dans les tissus végétaux, permet d'agir de manière curative sur des feuilles pour lesquelles la maladie est encore en incubation. L'objectif est que la matière active systémique affecte le champignon pathogène avant que son développement n'atteigne le point de non-retour, c'est-à-dire à l'expression des symptômes. Dans ce contexte, la vitesse de pénétration et la mobilité in planta de ces molécules constituent des critères essentiels modulant l'efficacité des traitements, permettant de rattraper une situation d'infection en incubation.

Associer unisite et multisite : efficacité et interactions

De nombreuses matières actives sont reconnues pour leur caractère curatif et sont efficaces contre la septoriose : par exemple, le fluxapyroxade, le méfentrifluconazole ou le prochloraze. Toutes ces molécules sont unisites : elles agissent sur un seul site d'action du pathogène. Elles sont ainsi confrontées à des risques de sélection de résistances dans les populations de champignons susceptibles de réduire l'efficacité des fongicides et le rendement au champ. Afin de ralentir ce phénomène, les experts techniques recommandent, dans les mélanges et les programmes de traitement, l'utilisation de substances actives (SA) à action multisite (Importance of multisite fungicides in managing pathogen resistance, Frac, juin 2018) ou des mélanges entre matières actives ayant des modes d'action différents (note commune Résistance aux fongicides Inrae, Anses, Arvalis, janvier 2021). Aucune résistance spécifique n'est établie envers les fongicides multisites. La plupart de ces SA sont dites « de contact » : elles ne pénètrent pas dans les tissus et n'ont donc qu'une activité préventive. L'utilisation de mélanges « deux voies » présente alors une opportunité de combiner les deux types de SA pour plus d'efficacité... mais avec des inconnues sur les interactions possibles entre les substances. Par exemple, le chlorothalonil augmente la sensibilité à la photodégradation ou affecte la pénétration de certaines matières actives qui lui sont associées (Monadjemi et al., 2014 ; Lancaster et al., 2009).

La translocation (migration) et la pénétration d'une substance active sont fortement connectées. Il est nécessaire d'obtenir un équilibre entre ces deux paramètres pour avoir une répartition tissulaire homogène de la substance active. L'efficacité dans la zone traitée est régie par la quantité de matière active présente dans les tissus, elle-même régulée par la pénétration mais également l'efflux de cette zone via la migration ou sa dégradation via le métabolisme de la plante.

L'étude à suivre s'intéresse à l'impact de certaines SA de contact sur la vitesse de pénétration et la migration de différentes SA systémiques en conditions contrôlées. Un focus particulier est réalisé sur le folpel (produit commercial Sesto).

Méthodes : étudier les interactions entre les substances actives

Les études en conditions contrôlées présentent l'avantage de décomposer un système biologique afin d'étudier les effets relatifs de ses composantes. Le protocole présenté ici s'intéresse à l'étude de la vitesse de pénétration de matières actives systémiques au travers d'un test d'efficacité. Ce test repose sur cinq étapes clés réalisées dans l'ordre (Figure 1). La liste des formulations fongicides utilisées en mélanges ou non, ainsi que les doses sont indiquées dans le Tableau 1.

Impact du multisite sur différentes substances systémiques

Pas d'efficacité des substances de contact après lavage

Le protocole expérimental présenté ici repose sur une étape cruciale de lavage dont la fonction est de retirer les substances actives présentes en surface. Il convient donc de valider cette méthodologie sur des formulations composées de substances actives dites « de contact ». Dans les conditions d'expérimentation (Tableau 1), les efficacités résiduelles du folpel, du soufre et du chlorothalonil sont très faibles à la fois 21 et 28 jours après inoculation (Tableau 2). Pour chaque modalité, aucune différence significative par rapport au témoin non traité n'est observée dans la zone traitée, et dans la zone non traitée. Dans les conditions expérimentales, les efficacités observées ne peuvent donc pas être le fait de la substance active de contact utilisée.

Une migration d'un SDHI renforcée avec le folpel

En observant les efficacités à 28 jours dans la zone traitée, on constate que l'efficacité du couple folpel + SDHI4 n'est pas significativement différente de celle obtenue avec le SDHI4 seul (Tableau 2). À l'inverse le SDHI4 utilisé seul procure une meilleure protection que lorsqu'il est utilisé avec le soufre ou le chlorothalonil (Tableau 2). Si l'on s'intéresse à la zone non traitée, on observe que l'efficacité du mélange SDHI4 + folpel est significativement meilleure que lorsque le SDHI4 est utilisé seul. À l'inverse, si le soufre ou le chlorothalonil sont utilisés comme partenaires, les efficacités obtenues dans cette zone sont significativement moins bonnes que lorsque le SDHI4 est utilisé seul ou avec du folpel.

Ces résultats indiquent que le soufre et le chlorothalonil réduisent la pénétration et la migration du SDHI4. Cette première étude a également permis de sélectionner le folpel comme le modèle de formulation de contact à considérer pour des analyses plus larges, puisqu'il favorise la pénétration et/ou la migration du SDHI4.

À ce stade il convient de savoir si les résultats obtenus avec le folpel sont le reflet d'une interaction spécifique entre le folpel et le SDHI4 ou sont généralisables à d'autres formulations de SDHI ou DMI. Pour y répondre, une étude plus large a été réalisée sur quatre formulations comprenant des matières actives systémiques ou translaminaires utilisées selon les conditions d'utilisation décrite dans le Tableau 1. Les résultats obtenus sont présentés dans le Tableau 3. Le soufre et le chlorothalonil ont été écartés de cette seconde analyse, mais il n'est pas à exclure que l'effet négatif observé ici soit spécifique du SDHI4 et que d'autres effets soient obtenus sur d'autres matières actives systémiques.

Impact du multisite sur les autres produits systémiques

Les résultats obtenus avec les autres matières actives systémiques indiquent un effet essentiellement positif du folpel sur leur pénétration et/ou migration.

Le SDHI2 utilisé avec le folpel présente une efficacité largement améliorée dans les conditions testées en comparaison à son utilisation seule. Cet effet bénéfique est d'autant plus significatif que la formulation SDHI2 seule est incapable de protéger les zones non traitées dans les conditions de l'étude.

Le DMI1 présente un profil intéressant avec un effet positif du folpel uniquement sur l'efficacité dans la zone non traitée. Les efficacités dans la zone traitée sont légèrement améliorées mais de manière non significative.

Le SDHI3 présente des gains d'efficacité dans les zones traitées lorsqu'il est utilisé en mélange avec le folpel. Cet effet n'est pas statistiquement significatif dans les zones non traitées, suggérant un effet facilitateur du folpel plus marqué sur la pénétration.

Sur le SDHI1, un effet significatif est observé uniquement pour le délai 28 jours pour les deux zones considérées.

Ces résultats indiquent que l'effet helper du folpel n'est pas identique avec tous ses partenaires, mais qu'il n'a pas d'impact négatif sur leur efficacité. Il est difficile de déterminer par quel mécanisme le folpel affecte la pénétration des matières actives qui lui sont associées. D'autres études doivent être effectuées pour en déterminer la cause.

Une validation nécessaire au champ

Cette étude ayant été réalisée en conditions contrôlées, une interrogation porte sur l'extrapolation au champ de ces résultats. Les conditions environnementales ainsi que les pressions d'inoculum peuvent être différentes. De plus, la souche utilisée lors de cet essai (de phénotype TriR6 - modérément résistant aux DMI, fortement résistant aux QoI et sensible aux SDHI) est peu contraignante pour les substances actives testées. Toutefois, l'expérimentation ne vise pas à mesurer une efficacité absolue, mais à comparer l'efficacité de différentes combinaisons de substances avec ou sans folpel vis-à-vis d'une même souche pathogène. La valeur agronomique de ces mélanges ne peut être évaluée qu'au champ mais la compréhension mécanistique de celle-ci n'est réalisable qu'en décomposant le système biologique en conditions contrôlées. Des considérations de propriétés intellectuelles ne nous permettent pas de révéler le mécanisme relié à ces propriétés synergistes qui sont toujours en cours d'investigation.

Concernant l'intérêt du folpel dans ces mélanges, par son effet sur la pénétration et la migration des substances actives systémiques associées, il conviendrait de tester d'autres matières actives systémiques ou translaminaires afin de vérifier si son bénéfice est généralisable.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les symptômes causés par la septoriose du blé sont visibles au bout 14 à 21 jours après l'infection par le champignon Zymoseptoria tritici. Les substances actives fongicides dites « systémiques » pénètrent et migrent dans les tissus végétaux, et affectent le pathogène avant l'expression des symptômes. La combinaison de ces substances généralement unisites avec des substances multisites de contact est recommandée pour optimiser l'efficacité et la gestion des résistances.

ÉTUDE - L'étude s'intéresse à l'impact de certaines substances actives de contact sur la vitesse de pénétration et la migration de différentes substances actives systémiques en conditions contrôlées.

RÉSULTATS - En particulier, dans les conditions de l'expérimentation, le folpel (produit commercial Sesto) a un impact significatif sur les efficacités des différents produits systémiques ou translaminaires testés.

MOTS-CLÉS - Zymoseptoria tritici, septoriose du blé, fongicide multisite, unisite, systémique, contact, partenaires, synergie, interactions synergiques.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : sergej.buchet@biotransfer.fr

Anne-Sophie.Becue@adama.com

BIBLIOGRAPHIE : - Monadjemi S., Halle A. et Richard C., 2014. Accelerated dissipation of the herbicide cycloxydim onw ax films in the presence of the fungicide chlorothalonil and under the action of solar light. J. Agric. Food Chem. 62, p. 4846-4851.

- Lichiheb N. et al., 2015. Measuring leaf penetration and volatilization of chlorothalonil and epoxiconazole applied on wheat leaves in a laboratory-scale experiment. J. Environ. Qual. n° 44, p. 1782-1790.

- Van den Bosch F., Paveley N., van den Berg F., Hobbelen P. et Oliver R., 2014. Mixtures as a fungicide resistance management tactic. Phytopathology® n° 104, p. 1264-1273.

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