Retour

imprimer l'article Imprimer

Actus

GLYPHOSATE LES ALTERNATIVES EN ZONES NON AGRICOLES

Phytoma - n°745 - juin 2021 - page 4

Le rapport de mission sur l'identification des alternatives au glyphosate pour les usages non agricoles, en particulier pour la SNCF et les sites industriels, a été rendu public le 27 mai.
L'abandon du glyphosate en ZNA nécessiterait d'importantes reconceptions des installations concernées.  Photo : Pixabay

L'abandon du glyphosate en ZNA nécessiterait d'importantes reconceptions des installations concernées. Photo : Pixabay

æUne mission interministérielle, composée du CGAAER (Conseil général de l'alimentation, de l'agriculture et des espaces ruraux) et du CGEDD (Conseil général de l'environnement et du développement durable), a été chargée en février 2019 d'identifier les alternatives non chimiques au glyphosate pour les usages non agricoles et non forestiers, dans le cadre du plan de sortie de cette substance active. L'étude est centrée sur le réseau ferroviaire, les postes électriques du réseau de transport d'électricité, les sites industriels, les autoroutes, routes et rues, les aéroports, les différents gazons (terrains de sports communaux engazonné, golfs, parcs privés...), les cimetières, le patrimoine historique bâti et les clôtures.

Les quantités de glyphosate employées pour ces utilisations sont faibles, comparées aux usages agricoles : en 2018, les quantités en jeu représentaient moins de 1,5 % des ventes de produits à base de glyphosate en France, la SNCF étant le principal consommateur (45 tonnes appliquées sur 107 tonnes vendues pour des usages professionnels en ZNA). Par ailleurs, tous les usages réservés aux ZNA, dans le catalogue français des usages, sont classés en usages mineurs.

æL'évaluation comparative a tenu compte de trois critères principaux : l'existence d'une méthode non chimique de prévention ou de lutte (désherbage manuel, mécanique, thermique, paillage, minéralisation des surfaces, plantes couvre-sols, robots de tonte...) ; « l'usage courant »(1) en France de la méthode non chimique ; l'existence d'inconvénients économiques ou pratiques majeurs.

æConcernant « l'usage courant », certaines solutions nouvelles ne sont pas encore opérationnelles en ZNA, comme les robots désherbeurs pour les pistes des lignes à grande vitesse de SNCF Réseau, ou le désherbage électrique. D'autres ne sont pas adaptées aux caractéristiques de la zone à désherber, comme les dispositifs thermiques pour les voies ferrées ou les sites industriels en raison de risques d'incendie.

Le rapport détaille les inconvénients recensés en fonction de chaque utilisation examinée. Par rapport à l'emploi de glyphosate, le coût d'une alternative non chimique est estimé en moyenne à dix, voire vingt fois plus important, en raison de l'allongement du temps de travail, et de la nécessité de faire plusieurs passages. Le coût d'une alternative chimique est estimé en moyenne à cinq fois plus cher. Le désherbage mécanique ou manuel expose le personnel à davantage de risques liés à une pénibilité plus importante : risques de sécurité, troubles musculosquelettiques, risques psychosociaux. La disponibilité de la main-d'oeuvre nécessaire est peu vraisemblable à grande échelle.

æLes produits de biocontrôle herbicides sur le marché, à base d'acide pélargonique, d'acide acétique et d'acide caprylique, qui sont des produits phytopharmaceutiques chimiques au titre de la réglementation européenne, n'entrent pas dans le dispositif d'évaluation comparative, mais présentent un intérêt comme alternative au glyphosate, notamment en association avec d'autres produits phyto. Ils présentent toutefois des inconvénients liés à leur coût, leur efficacité moindre et leur volume d'application, d'après le rapport. Enfin, les produits phytopharmaceutiques à faible risque (règlement 1107/2009) ne comportent aucun herbicide.

æFinalement, sauf exception, dans les ZNA étudiées qui sont les plus consommatrices, les qualités techniques et économiques du glyphosate n'ont pas permis l'émergence de solutions alternatives courantes. La mission indique que beaucoup d'organismes rencontrés ne se sont pas préoccupés de chercher des solutions de remplacement en vue d'un retrait total du glyphosate : « S'ils travaillent tous volontairement pour une réduction des quantités utilisées, ils considèrent que l'abandon du glyphosate nécessite la reconception des installations concernées. »

Les reconceptions, coûteuses, dépassent le cadre de la recherche de substitution au glyphosate. Par exemple, il pourrait s'agir d'équiper les trains désherbeurs de SNCF Réseau d'un système de détection des adventices pilotant l'ouverture des buses (réduction estimée de deux tiers de la consommation de glyphosate), ou de reconcevoir les postes électriques pour les rendre moins favorables aux adventices.

æLa mission présente des pistes de réflexion :

• introduire dans les AMM de produits à base de glyphosate, pour leurs usages spécifiques en ZNA classés comme mineurs, une utilisation limitée aux seuls motifs de la sécurité des personnes et des biens, et d'ordre culturel (cimetière...) ;

• prendre en compte les ZNA et les professionnels concernés dans le dispositif mis en place par le plan de sortie du glyphosate(2) ;

• être vigilant sur l'effet de report vers d'autres herbicides chimiques autorisés ;

• élargir d'ores et déjà le dispositif d'épidémiosurveillance aux adventices dans les ZNA et à leur environnement, pour piloter le désherbage sur une longue durée en lien avec le monde agricole ;

• favoriser en amont et en aval les travaux de la recherche publique et les actions de transfert nécessaires aux ZNA.

(1) « La notion d'usage courant est définie comme désignant, à la date du retrait d'AMM, un outil au stade opérationnel, disponible sur le marché, mis sur le marché par son fabricant à hauteur de la demande, adapté à chaque objet technique à désherber, et présentant un caractère habituel, ordinaire au moment présent. »(2) Dans le cadre de ce plan, la mise en place d'un crédit d'impôt d'un montant maximal de 2 500 euros pour les agriculteurs arrêtant le glyphosate en 2021 a été validée par la Commission européenne, le 12 mai. Ce régime d'aides sera doté de 100 millions d'euros.

POUR EN SAVOIR PLUS

Rapport sur le site du CGEDD : https://tinyurl.com/ws5crth3

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)

• UAB = utilisable en agriculture biologique

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :