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DOSSIER - Changement climatique et santé des plantes

Écosystèmes : des impacts réels mais difficiles à prévoir

ALAIN ROQUES ET MARIE-ANNE AUGER-ROZENBERG, Inrae, Unité de zoologie forestière - Orléans - Phytoma - n°745 - juin 2021 - page 19

Les effets du réchauffement sont observés sur les plantes et leurs bioagresseurs. Toutefois, prédire l'évolution de tel ou tel organisme demeure une gageure.
Expansion vers le nord et pullulations du scolyte Dendroctonus ponderosae dans les forêts de pin contorta en Colombie-Britannique en lien avec le réchauffement climatique. Photo : M. Wilson - Wooster College - USA

Expansion vers le nord et pullulations du scolyte Dendroctonus ponderosae dans les forêts de pin contorta en Colombie-Britannique en lien avec le réchauffement climatique. Photo : M. Wilson - Wooster College - USA

Fig. 1 : Évolution de la température de surface de la Terre depuis le siècle dernier jusqu'à 2020       Données 2020 basées sur les valeurs de janvier-septembre. Valeurs comparées à la moyenne des températures de 1961-1990. (Source : d'après le Met Office Hadley Centre et le Climatic Research Unit de l'université d'East Anglia, https://crudata.uea.ac.uk/cru/data/temperature/#graphs)

Fig. 1 : Évolution de la température de surface de la Terre depuis le siècle dernier jusqu'à 2020 Données 2020 basées sur les valeurs de janvier-septembre. Valeurs comparées à la moyenne des températures de 1961-1990. (Source : d'après le Met Office Hadley Centre et le Climatic Research Unit de l'université d'East Anglia, https://crudata.uea.ac.uk/cru/data/temperature/#graphs)

Les effets du changement climatique peuvent varier d'une espèce à l'autre mais aussi dans le temps et l'espace. Ils peuvent donc être contradictoires. Et les interactions multi-trophiques complexifient les démarches de prédiction.

Un réchauffement et des événements extrêmes

Alors que la température moyenne de surface de la Terre a globalement augmenté de 0,72 °C durant la période 1988-2012 (Figure 1), divers scénarios climatiques du Giec(1) prédisent un réchauffement futur pouvant se situer entre 1,5 et 4,5 °C d'ici à la fin du XXIe siècle, lié à un doublement de la concentration atmosphérique en dioxyde de carbone. Cette modification majeure des conditions climatiques recouvre dans le même temps une variabilité accentuée du climat avec une survenue plus fréquente d'événements météorologiques extrêmes, des inondations à la sécheresse, de vagues de chaleur à de violentes tempêtes de vent, de pluie, de grêle, des hivers sans gel à des gelées printanières plus tardives, etc. Les modèles climatiques prédisent pour de nombreuses régions à climat tempéré une tendance vers des hivers plus courts et plus chauds, mais également des effets régionaux différenciés comme un plus grand réchauffement aux hautes latitudes en hiver, et une diminution des précipitations aux latitudes moyennes en été avec une augmentation de la sécheresse estivale aux basses latitudes. Si ces modèles prédisent une augmentation de températures en France dans les prochaines décennies, l'incertitude demeure pour la pluviométrie.

Impacts pour les plantes et les bioagresseurs

Tous ces changements ont commencé, à différents degrés, à affecter la santé des plantes (voir encadré page suivante) comme la biologie des espèces animales, fongiques et micro-organismes qui leur sont associées. Une étude récente (Lehmann et coll., 2020) sur 31 espèces d'insectes, considérées comme les plus importants ravageurs des plantes cultivées et des arbres forestiers, a démontré que le changement climatique induisait des réponses biologiques chez 94 % d'entre elles, incluant des modifications de l'aire de distribution, des traits d'histoire de vie, de la dynamique des populations comme des interactions trophiques avec leurs hôtes et/ou ennemis naturels.

Mais cette étude a aussi révélé une grande variabilité des réponses des ravageurs au changement climatique, avec des magnitudes variées selon les espèces. Ainsi, si presque toutes présentent au moins un trait susceptible d'augmenter leur impact sur les plantes-hôtes, 59 % d'entre elles montrent paradoxalement d'autres traits susceptibles de limiter leurs performances, voire leur survie, et de réduire cet impact.

Des phénomènes identiques ont été décrits chez les champignons pathogènes, car l'occurrence de nombreuses maladies foliaires requérant des conditions chaudes et humides pourrait par exemple s'aggraver fortement en cas de maintien ou d'accroissement des précipitations mais inversement s'atténuer dans des conditions plus sèches.

Prédire l'influence sur la santé des plantes

Trois démarches complémentaires

La manière dont le changement climatique influencerait, défavorablement ou favorablement, la santé des plantes, à diverses échelles spatio-temporelles, s'avère donc relativement difficile à prédire. Ces prédictions reposent sur trois démarches complémentaires :

• l'analyse des effets déjà observés du changement climatique sur les plantes, leurs ravageurs et leurs maladies ;

• des extrapolations à partir de dispositifs expérimentaux (mise en place et surveillance de plantations sur des gradients altitudinaux ou latitudinaux mimant des variations de température, par exemple) et des avis d'experts ;

• des outils de modélisation prédictive ; les prédictions générées ainsi restent à court terme, alors que beaucoup d'organismes peuvent probablement s'adapter aux changements climatiques ; malheureusement, les études donnant des prévisions à long terme sont rares.

(1) Groupement d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, http://ar5-syr.ipcc.ch/

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le changement climatique est une réalité. D'ici la fin du XXIe siècle, la hausse de température se situerait entre 1,5 et 4,5 °C. Elle s'accompagnera d'une survenue plus fréquente d'événements météorologiques extrêmes.

PRÉDICTIONS - Le réchauffement va favoriser pullulations et expansion pour de nombreux bioagresseurs. Des effets contradictoires, notamment liés à la survenue accrue d'événements extrêmes, peuvent cependant en limiter, voire réduire, l'impact. La synergie avec d'autres variables du changement climatique, comme l'intensité des précipitations, reste largement à préciser tout comme celui des effets sur les interactions multitrophiques

MOTS-CLÉS - Réchauffement, sécheresse, inondation, précipitation, latitudes, interactions.

Les effets directs sur les plantes

La hausse des températures va en général accélérer le développement phénologique des plantes et leur croissance, tandis que les variations erratiques du taux d'hygrométrie et les sécheresses associées peuvent les affaiblir face aux ravageurs. De même, l'accroissement prévu du taux de CO2 atmosphérique tend à augmenter leur taux de photosynthèse et stimuler leur croissance et, inversement, à altérer la composition de leurs tissus, diminuant leur valeur nutritive tout en pouvant affecter leurs défenses physiques et chimiques contre les ravageurs.

Cependant, les échelles temporelles et spatiales de réaction aux changements climatiques sont différentes entre des plantes relativement statiques, et des ravageurs et des agents pathogènes mobiles dont les temps de génération, et donc de réactivité, sont beaucoup plus courts.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : alain.roques@inrae.fr

Marie-Anne.Auger-Rozenberg@inrae.fr

LIEN UTILE : https://www6.val-de-loire.inrae.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir p. 25.

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Voir aussi :