2. Cirse des champs (vivace). Deux espèces potentiellement « gagnantes » à photosynthèse dite en C3. Photos : Inrae
Fig. 1 : Évolution des températures mensuelles - écart de la moyenne 2020 par rapport à la normale (1968-2019) Les sommes de températures, illustrées ici par l'écart entre l'année 2020 et l'ensemble des années précédentes, sont de plus en plus importantes et peuvent avoir différentes conséquences : augmentation de l'intensité de la compétition entre communautés végétales, sélection de nouvelles espèces adventices. C'est l'accumulation de ces écarts au cours du temps qui peut contribuer au changement de la composition des communautés. Données fournies par l'unité expérimentale Inrae du domaine d'Époisses.
Fig. 2 : Évolution des dates de semis minimales et maximales du blé sur l'installation expérimentale de l'unité Aster Inrae Mirecourt Les conséquences du changement climatique sur les communautés adventices sont complexes du fait des interactions avec les pratiques culturales, l'évolution des systèmes de culture, les situations pédoclimatiques et le stock semencier qui peut atténuer ces changements. Ainsi, le décalage des dates de semis du blé sur l'installation expérimentale Inrae à Mirecourt (voir ci-dessous) pourrait être interprété comme lié au changement climatique, les dates de récolte du précédent cultural (maïs) étant elles-mêmes plus précoces. Après le passage en agriculture biologique en 2004, le décalage des semis peut être interprété en partie comme une adaptation spécifique à la gestion de la flore adventice (faux semis, retard de la date de semis, changement des rotations). Il faut cependant noter que d'autres facteurs interviennent sur cette période, tels que l'évolution variétale, les modalités de désherbage et de protection contre les insectes (Puech T., Benoit M. 2021).
Fig. 4 : Les mauvaises herbes sont généralement classées selon leurs époques de levée Espèces à germination hivernale (A), printanière (B) et estivale (C). Espèces capables de germer sur de larges périodes (D). Ces groupes de germinations (cohortes) souvent utilisés dans l'analyse des données sont aujourd'hui fréquemment remis en cause par les observateurs de terrain : les limites ne sont plus aussi nettes qu'auparavant. Les modifications subtiles et graduelles des conditions de levée (levée de dormance, réchauffement plus précoce des sols, stress hydrique, adaptation des pratiques) pourraient en être la cause.
3. Amarante réfléchie (annuelle). 4. Sorgho d'Alep (vivace). Deux potentielles « gagnantes » dites en C4.
La question des effets du changement climatique sur le développement des communautés adventices ou sur leur gestion peut paraître secondaire par rapport à celles observées sur les cultures de rente. Mais les possibles changements de composition de la flore des champs cultivés commencent à inquiéter les spécialistes de la question. Pas moins de cinq articles scientifiques de synthèse (voir Storkey et al., 2021) touchant au sujet « changement climatique et communautés adventices » ont été publiés au cours de ces derniers mois dans diverses revues scientifiques.
Adventices, climat et pratiques culturales
Des prévisions complexes à établir
La réalité des changements est désormais perceptible sur les données météorologiques. Sur le domaine d'Époisses (Inrae Bourgogne-Franche-Comté), les écarts de températures (hausse des moyennes mensuelles ; Figure 1) indiquent clairement une évolution des conditions de développement dans les parcelles cultivées.
Les projections concernant l'évolution des communautés adventices en lien avec le changement climatique reposent souvent sur des hypothèses plus ou moins validées par manque de connaissances de base sur la biologie des espèces ainsi que sur les systèmes agricoles de demain. La complexité du problème vient en grande partie du fait que c'est l'ensemble du système de culture qui va évoluer sous l'effet de la modification du climat (choix de la culture, pratiques de gestion associées, y compris le désherbage, etc. ; Figure 2). Ainsi, de nombreuses interactions entre pratiques et biologie des espèces rendent difficile la prévision à moyen terme. Les communautés adventices ont constamment évolué au cours des 10 000 ans de l'histoire de l'agriculture sous l'effet croisé des pratiques culturales et du climat, et les changements actuels ne constitueront qu'une étape supplémentaire.
Toutefois, cette modification rapide de l'environnement intervient à un moment où deux changements majeurs sont observés : d'une part, la progression de l'agriculture biologique (8,5 % de la SAU française(1)) qui n'utilise pas de produits de synthèse pour la gestion des adventices et d'autre part une volonté importante de certains agriculteurs de réduire le plus possible les perturbations du sol (agriculture de conservation des sols). Si les molécules herbicides n'agissent sur les communautés adventices que depuis 80 ans, le travail du sol a été un facteur majeur de sélection depuis des centaines d'années. Les quelque 1 200 espèces recensées dans la flore des champs cultivés (Jauzein, 1995) sont ainsi soumises simultanément à des changements importants de pressions de sélection qui pourraient se traduire par des modifications de densité ou de composition spécifique rapides et conséquentes dans les communautés adventices.
Des interactions à tous les niveaux
Chaque étape du cycle des adventices, de la germination-levée à la production de semences viables, pourra être affectée (Figure 3 [1]). Les mêmes changements de conditions de croissance vont amener les agriculteurs à revoir leurs rotations et les cultures implantées (Figure 3 [2]), ce qui modifiera les pratiques culturales (Figure 3 [6]) et donc la composition des communautés adventices (Figure 3 [3]) (Encadré 1).
La baisse d'efficacité des pratiques, liée par exemple à des périodes de sécheresse, peut induire des changements de stratégies qui auront un effet sur la présence des espèces - tant sur la composition que sur la densité des communautés (Figure 3 [3]).
De façon plus indirecte, ce sont toutes les composantes de l'agrosystème (animales et végétales) qui vont être modifiées et à leur tour potentiellement influer la dynamique de la flore (par exemple la prédation des semences adventices par les carabes ou le développement de rouille sur certaines espèces adventices) (Figure 3 [4]) . Les attaques sur les plantes cultivées vont aussi changer avec potentiellement une plus grande fréquence et une plus grande intensité (Figure 3 [5]).
Effets directs sur la phénologie des espèces adventices
Aire de répartition et traits biologiques
Les hausses probables des sommes de températures, du taux de gaz carbonique et les stress hydriques peuvent agir directement sur la dynamique des espèces adventices. Deux modifications principales directes pourraient être observées concernant la flore adventice :
- une modification de l'aire de répartition des espèces, certaines espèces pouvant s'établir à des latitudes plus élevées (par exemple : Abutilon theophrasti) ;
- une modification des traits des espèces leur permettant de se développer dans de nouvelles cultures.
Date de germination-levée
Ainsi, le retard de la date de germination-levée de certaines espèces adventices est souvent signalé par les agriculteurs : par exemple, des germinations de vulpin des champs (Alopecurus myosuroides) et de ray-grass d'Italie (Lolium multiflorum) dans des cultures estivales comme le soja ou le maïs. De même, le chénopode blanc (Chenopodium album) est actuellement régulièrement observé dans les parcelles de blé d'hiver conduites en agriculture de conservation. Si le cas du chénopode blanc est certainement plus à relier avec l'arrêt du travail du sol, le cas du vulpin ou du ray-grass peut interroger sur une possible évolution par sélection génétique de la capacité de levée tardive de ces graminées sous l'effet du changement climatique.
La progression de la vulpie queue-de-rat (Vulpia myuros) pose aussi question : si sa présence et sa densité croissante dans les parcelles cultivées pouvaient être reliées aux pratiques superficielles de travail du sol et à la diminution de l'utilisation des herbicides de la famille des urées substituées, sa progression vers le nord du territoire pourrait aussi être liée au changement climatique.
Le schéma classiquement connu chez les mauvaises herbes (Figure 4) avec des espèces à germination hivernale (A. myosuroides - [A]), printanière (Fallopia convolvulus ; Polygonum aviculare- [B]) et estivale (Amaranthus retroflexus [C]) pourrait être moins tranché dans le futur, avec des changements de dates de levée et possiblement un avantage aux espèces capables de germer sur de larges périodes (Poa annua, Senecio vulgaris - [D]) et donc plus aptes à s'adapter à de nouvelles conditions de croissance.
Plantes en C3 et C4
Pendant la phase de croissance, les conditions environnementales induites peuvent favoriser différents types d'espèces. Les données d'écophysiologie (Montserrat et al., 2021) indiquent que l'augmentation du taux du gaz carbonique pourrait favoriser les plantes adventices dites à photosynthèse C3 (fixation d'un carbone en C3) qui représentent la très grande majorité des espèces de la flore adventice actuelle (Encadré 2, photo 1).
Des espèces vivaces en C3 comme le cirse des champs (Cirsum arvense, photo 2), déjà redoutées par les agriculteurs, pourraient voir leur croissance souterraine favorisée et donc leurs capacités de propagation et de compétitivité augmentées. Une émission plus rapide des feuilles et l'augmentation de la surface foliaire permettraient à ces adventices d'être plus compétitives y compris pour les espèces pluriannuelles, comme le rumex à feuilles obtuses (Rumex obtusifolius). De plus, une augmentation de la biomasse des espèces adventices annuelles se traduit immanquablement par une augmentation de la production de semences viables. Les plantes en C4 pourraient être favorisées si des périodes avec de forts stress de températures élevées et de déficits hydriques devenaient de plus en plus fréquentes. Ces espèces qui appartiennent aux genres Amaranthus (photo 3), Digitaria, Echinochloa, Setaria, Sorghum (photo 4) pourraient se développer principalement dans les cultures estivales (tournesol, soja, maïs). Toutefois, ces changements ne seront certainement pas uniformes sur le territoire et pourront varier en fonction des flores adventices déjà en place.
Observations de changements de flore sur le terrain
Des observations ponctuelles viennent alimenter ces premiers changements de flore :
Les semis très précoces (dès fin juillet) de colza pour des objectifs de meilleure gestion des insectes et de l'azote ouvrent la porte à des espèces estivales à levées tardives et échelonnées jusque-là inféodées aux cultures de printemps : lampourde épineuse (Xanthium spinosum) ou abutilon de Théophraste (Abutilon theophrasti).
Parfois même, la disparition des périodes de gel précoce ne permet plus l'élimination des espèces dites gélives comme la mercuriale annuelle (Mercurialis annua), la moutarde sauvage (Sinapis arvensis) ou, dans le colza, les repousses de culture comme le tournesol par exemple, ce qui peut contraindre les agriculteurs à des interventions complémentaires.
Les sécheresses mais également les excès d'eau hivernaux créent des espaces vides dans les parcelles de prairies ou dans les cultures et favorisent l'installation des espèces à graines volantes dans ces espaces où la compétition est plus faible (pissenlit, séneçon de Jacobée Jacobea sylvestris(2)).
Autres paramètres : résistance au stress, stock semencier
Les espèces actuellement les plus fréquentes devraient encore être favorisées à court et moyen termes. Il est probable que des espèces à cycle court ou que des espèces très tolérantes aux stress, comme l'ambroisie à feuilles d'armoise (Ambrosia artemisiifolia - photo 1), soient gagnantes dans ce nouveau type d'environnement. Dans le cas de cette dernière espèce, les spécialistes (Ziska et al., 2011) prévoient une augmentation considérable de la production de pollen allergisant.
De plus, toutes les relations de compétition sont susceptibles d'être modifiées : relation de compétition avec la culture, mais aussi compétition entre les différentes espèces adventices avec un avantage donné aux espèces capable de tolérer les stress environnementaux et biotiques. Actuellement, des espèces printanières ou estivales comme l'ambroisie trifide (Ambrosia trifida, photo 5) ou le datura stramoine (Datura stramonium, photo 6) sont capables de se développer très rapidement en démarrant leur cycle tardivement dans la saison. Ces espèces possèdent des semences de grosse taille qui permettent d'initier rapidement le développement compétitif de la plantule ; elles ont la capacité de se développer malgré la mise en place du couvert.
Un autre niveau d'incertitude sur le devenir des communautés adventices est lié à l'effet tampon que pourrait avoir le stock semencier. La modification de la composition des communautés adventices se fera donc graduellement au cours du temps à moins que des modifications radicales des pratiques culturales influencent aussi ces changements.
Des effets indirects du fait des changements de pratiques
Irrigation, couverts et travail du sol
À l'échelle stratégique (pluriannuelle), l'évolution du climat va jouer dans un premier temps sur les pratiques mises en oeuvre par les agriculteurs en termes de rotation de cultures et de travail du sol. Afin de réduire les aléas, les cultures esquivant ou atténuant les problématiques climatiques des dernières années pourront être privilégiées. L'irrigation dans de nouvelles zones agricoles pourrait notamment contribuer à la modification des communautés adventices. Par exemple, la limitation de l'irrigation dans certaines zones a conduit bon nombre de maïsiculteurs à semer de plus en plus tôt pour économiser un ou deux tours d'irrigation tout en allongeant la période de végétation profitant aussi au rendement. La flore adventice de ces parcelles en est fondamentalement transformée (plus typée espèces hivernales et printanières).
Par ailleurs, l'introduction de cultures intermédiaires et la réduction du travail du sol pourraient continuer à se développer afin de réduire les risques d'érosion des sols, de faciliter le travail des parcelles en améliorant le drainage après de fortes précipitations et également d'améliorer le bilan de gaz à effets de serre de la production.
Pratiques de désherbage
À l'échelle tactique annuelle, les pratiques de désherbage mécanique devront certainement être ajustées en fonction des espèces, de leur vitesse de développement. L'irrégularité des conditions météorologiques pourrait réduire l'efficacité de faux semis et rendre difficile le décalage des dates semis. Le nombre de jours disponibles où les conditions d'un désherbage mécanique optimal sont réunies : stade de la culture, stade des adventices, état du sol et conditions climatiques le jour du désherbage et les jours d'après, pourrait également diminuer.
Concernant le désherbage chimique avec des molécules de synthèse, les pratiques évoluent principalement sous l'effet de la législation (retrait de substances actives, réduction de dose recommandée comme pour le S-métolachlore, ou réduction des usages autorisés). Des réductions d'efficacité aussi bien pour les molécules racinaires que foliaires pourraient être plus fréquemment observées (pluviométrie irrégulière, hygrométrie insuffisante). De la même manière que pour le désherbage mécanique, le nombre de jours disponibles pour un désherbage chimique optimal pourrait aussi être réduit. Enfin, les risques de lixiviation d'herbicides dans les eaux de drainage pourraient s'accroître dans certaines régions ; cela dépendra de l'évolution de la balance entre la dégradation des herbicides dans les sols - qui a tendance à augmenter avec des températures supérieures - et le drainage, qui augmente lors de précipitations intenses qui tendent à être plus fréquentes (Stephens et al., 2015).
Dans un contexte de réduction des quantités de produits phytopharmaceutiques apportées à l'hectare, l'usage des herbicides - foliaires par exemple - devra être optimisé afin de maximiser leur efficacité en fonction des conditions climatiques. Plus globalement, l'efficacité des pratiques de désherbage pourrait être réduite par une meilleure tolérance des espèces adventices (meilleure aptitude à redémarrer après un désherbage mécanique liée à un meilleur enracinement, meilleure aptitude à dégrader les molécules herbicides).
Perspectives : l'effet majeur du changement des pratiques
Les possibles évolutions directes de la flore adventice sous l'effet des modifications du climat ne doivent pas être dramatisées. Globalement, le risque d'infestations majeures d'une ou de plusieurs adventices qui pourrait être directement liée au changement climatique reste faible. De plus, les agriculteurs devront apprendre à adapter leurs pratiques aux éventuels nouveaux problèmes malherbologiques. Seules les espèces à fort potentiel de nuisibilité pourraient nécessiter des actions ciblées au début de leur dissémination dans les parcelles afin d'assurer une gestion durable de la parcelle (datura, ambroisies). Des changements significatifs de flore (remontée d'espèces méditerranéennes, développement d'espèces envahissantes) pourraient néanmoins être observés, dans la mesure où, dans un même temps, deux des principales pratiques de gestion des populations de mauvaises herbes (labour et désherbage chimique) sont fortement remises en question.
Dans ce contexte, les systèmes de culture des années futures doivent évoluer vers plus de résilience et résistance face au changement climatique en intégrant les problématiques liées à la gestion de la flore adventice. Comme toujours dans le monde agricole, tout est question d'adaptation. Ainsi deux des principaux leviers de réduction du réchauffement climatique sont le stockage de carbone par l'implantation de couverts d'intercultures et la réduction d'émission par la suppression du travail du sol. Mais cette modification profonde du système de production complique très fortement la gestion de la flore adventice et le désherbage en bouleversant la structure des communautés végétales - graminées (vulpin, ray-grass), pluriannuelles et vivaces sont favorisées - et en ouvrant la porte à des espèces nouvelles ou peu fréquentes aujourd'hui (Nicandra physalodes, Bidens sp., Sicyos angulatus, Galinsoga sp. par exemple). Le désherbage devra nécessairement être conçu à partir d'un ensemble de pratiques complémentaires (rotation, cultures intermédiaires, travail du sol, etc.) permettant de contrôler la germination et la croissance d'espèces agressives potentiellement favorisées par des conditions climatiques. L'évaluation des nouvelles pratiques de désherbage (désherbage électrique, nouvelles substances actives d'origine naturelle) devra prendre en compte les potentiels changements climatiques.
(1) https://agriculture.gouv.fr/infographie-lagriculture-biologique-en-france(2) Des effets négatifs, en cas de fortes populations, sont signalés sur les chevaux (ingestion mortelle) mais aussi sur les abeilles (alcaloïdes pyrrolizidiniques).
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Les conditions météorologiques extrêmes (gels, précipitations extrêmes, sécheresses automnale ou printanière) ont tendance à se multiplier, perturbant les pratiques agricoles, entraînant des pertes de rendement ou l'abandon de la culture. Les effets de la hausse des températures ou de l'allongement de l'ensoleillement sont plus marqués sur les dates de récolte par exemple.
Mais peut-on prévoir l'impact de ces changements climatiques sur les espèces adventices ?
EFFETS DIRECTS - Les interactions entre caractéristiques climatiques, pratiques culturales et traits biologiques de chaque espèce rendent les prévisions difficiles. La hausse des températures peut avoir des effets directs sur l'aire de répartition de certaines adventices ou leur date de levée ; la hausse du taux de gaz carbonique peut favoriser les plantes en C3 ; les stress abiotiques peuvent sélectionner les espèces les plus tolérantes.
EFFETS INDIRECTS - La complexité de la problématique « adventices/changement climatique » est en grande partie liée au fait que les systèmes de culture vont évoluer de façon beaucoup plus rapide qu'au cours des dernières décennies. À court et moyen termes, l'adaptation des pratiques culturales pourra dans une certaine mesure compenser les évolutions climatiques.
MOTS-CLÉS - Espèces adventices, pratiques culturales, désherbage, couverts végétaux, flore, germination, plantes en C3 et C4, stress abiotiques, CO2.
Les plantes dites messicoles (plantes des moissons) sont pour la plupart des plantes annuelles à germination automnale à hivernale dont le cycle de vie se déroule dans les céréales d'hiver, voire parfois en colza, pois, féverole. Beaucoup de ces espèces sont rares, certaines menacées de disparition, et sont très sensibles à l'intensité des pratiques culturales, ce qui explique leur considérable régression depuis les années 1960. Leurs tolérances écologiques sont étroites, ce qui limite leur capacité d'adaptation. Comme pour les espèces adventices plus communes, le futur de ces espèces n'est pas connu avec certitude mais le stock semencier des messicoles rares n'est certainement pas très important. Des rotations avec un plus grand nombre de cultures d'hiver, désherbées mécaniquement pourraient se révéler favorables à ces espèces. À l'opposé, des dates de récolte plus précoces et des déchaumages plus fréquents pour pallier l'absence de substances actives pourraient amener une nouvelle réduction de la densité de ces populations. Il en va de même de la suppression du travail du sol, défavorable aux espèces messicoles qui sont inféodées aux milieux perturbés.
Les cortèges messicoles les plus diversifiés se rencontrent essentiellement sur sols calcaires superficiels. On peut penser que l'abandon de ces parcelles et que la modification des facteurs climatiques risquent d'entraîner des conditions plus drastiques pour les cultures sur ces sols. Par ailleurs, la capacité des plantes messicoles à se maintenir dans des agrosystèmes et à évoluer face à l'arrivée potentielle de nouvelles adventices mieux adaptées et plus dynamiques est incertaine. Une meilleure connaissance de la biologie et de l'écologie de ces espèces reste donc une priorité pour envisager leur sauvegarde dans un contexte de changement climatique.
2 - Espèces adventices à systèmes photosynthétiques C3 et C4
Au cours de l'évolution, les végétaux se sont adaptés aux conditions du milieu et trois différents types de mécanismes de photosynthèse, ont été sélectionnés et dénommés C3, C4 et CAM (Crassulacean Acid Metabolism) suivant le mécanisme de fixation du gaz carbonique (CO2).
Les plantes avec une photosynthèse « classique » en C3 représentent la très grande majorité des plantes (plus de 90 %), et donc des mauvaises herbes et des cultures. Elles sont adaptées à des conditions climatiques très larges sauf extrêmes. L'augmentation de la concentration en CO2 dans l'air favorisera la production de biomasse. Les espèces adventices pérennes en C3 (cirses, chiendent, liseron) pourraient donc être favorisées.
Sous les climats chauds (secs ou humides) dans des conditions de stress avec de hautes températures, les plantes en photosynthèse C4 (dont beaucoup de poacées) seront favorisées. Le maïs, le sorgho ou la canne à sucre sont des espèces cultivées avec un mécanisme en C4. Les espèces adventices originaires des zones subtropicales ont aussi sélectionné ce mécanisme (panics, sétaires, etc.) et seront très performantes lors des périodes de canicules avec ou sans irrigation.
Le dernier mécanisme de photosynthèse CAM ne concerne que des plantes se développant essentiellement dans des milieux extrêmes de type désert. Quelques plantes de ce groupe (les orpins Sedum sp.) se retrouvent néanmoins dans les vignes et vergers du sud de la France ou sur sols chauds et superficiels.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : bruno.chauvel@inrae.fr
jocelyne.cambecedes@cbnpmp.fr
Jeremy.Dreyfus@Apca.Chambagri.fr
simon.giuliano@purpan.fr
C.Roques@arvalis.fr
alain.rodriguez@acta.asso.fr
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- Puech T., Benoit M., 2021. Dates minimales et maximales de semis et de récolte du blé tendre implanté sur l'installation expérimentale de Mirecourt de 1971 à 2020, https://doi.org/10.15454/KZXFNP, Portail Data Inrae, V1.
- Steffens, K., Jarvis, N., Lewan, E., Lindstrom, B., Kreuger, J., Kjellstrom, E., Moeys, J., 2015. Direct and indirect effects of climate change on herbicide leaching - A regional scale assessment in Sweden. Sci. Total Environ., n° 514, p. 239-249. https://doi.org/10.1016/j.scitotenv.2014.12.049
- Storkey J., Mead A., Addy J., MacDonald A.J., 2021. Agricultural intensification and climate change have increased the threat from weeds. Glob Change Biol. 2021;00:1-10.
- Villa M., Beaury E. M., Blumenthal D.M., Bradley B. M., Early R., Laginhas B. B., Trillo A., Dukes J.S., Sorte C.J.B., Ibañez I., 2021. Understanding the combined impacts of weeds and climate change on crops. Environ. Res. Lett. n° 16, 034043.
- Ziska L., Knowlton K., Rogers C., Dalan D., Tierney N., Eldere M.A., Filley W., Shropshire J., Ford L.B., Hedberg C., Fleetwood P., Hovanky K.T., Kavanaugh T., Fulford G., Vrtis R.F., Patz J.A., Portnoy J., Coates F., Bielory L., Frenz D., 2011. Recent warming by latitude associated with increased length of ragweed pollen season in central North America. PNAS, 108, 10, p. 4249-4251.