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DOSSIER - Changement climatique et santé des plantes

Impacts et adaptations possibles sur les grandes cultures

PHILIPPE DEBAEKE, UMR Agir - Inrae - Centre Occitanie Toulouse - Phytoma - n°745 - juin 2021 - page 36

La stagnation des rendements est un indicateur du réchauffement climatique. Des stratégies doivent être mises en place pour en atténuer les effets, voire profiter des opportunités.
Cultures de sorgho et de maïs. Photo : P. Debaeke - Inrae

Cultures de sorgho et de maïs. Photo : P. Debaeke - Inrae

Fig. 1 : Évolution des rendements de blé en région Centre-Val de Loire (1931-2017)       Source : Oracle Centre-Val de Loire (https://centre-valdeloire.chambres-agriculture.fr/climat/)

Fig. 1 : Évolution des rendements de blé en région Centre-Val de Loire (1931-2017) Source : Oracle Centre-Val de Loire (https://centre-valdeloire.chambres-agriculture.fr/climat/)

Fig. 2 : Avancée régulière des dates de semis du maïs en Nouvelle-Aquitaine exprimées en jours juliens entre 1994 et 2013       Le 1er janvier correspond au jour julien 1. 110 = 20 avril et 90 = 31 mars. Source : Oracle - Crana.

Fig. 2 : Avancée régulière des dates de semis du maïs en Nouvelle-Aquitaine exprimées en jours juliens entre 1994 et 2013 Le 1er janvier correspond au jour julien 1. 110 = 20 avril et 90 = 31 mars. Source : Oracle - Crana.

Les impacts du changement climatique sur les grandes cultures seront variables selon les espèces considérées et les régions. Des solutions d'adaptation existent pour atténuer les effets négatifs et dans certains cas des opportunités favorables peuvent surgir.

Les méthodes d'étude

Pour étudier les impacts du changement climatique en grandes cultures, on peut s'appuyer sur des chroniques historiques (exemple : dates de certains stades phénologiques comme la floraison, de certaines dates d'intervention : semis, récolte...), sur des expérimentations en conditions contrôlées manipulant les facteurs de variation (eau, T °C, CO2) mais aussi sur des modèles de simulation du fonctionnement des cultures, dont les entrées sont forcées par des projections climatiques journalières. Ces modèles permettent de simuler le rendement des cultures dans des environnements climatiques futurs, non explorés. De plus en plus, pour intégrer l'incertitude sur les prévisions, les chercheurs utilisent des ensembles de modèles de culture, comme cela était déjà le cas pour le climat.

La notion de vulnérabilité d'une culture (ou d'un système de culture) au changement climatique permet d'intégrer les différents aspects de l'impact, en distinguant :

1) l'exposition de la culture aux facteurs climatiques ;

2) sa sensibilité intrinsèque à ces mêmes facteurs ;

3) ses capacités adaptatives propres (plasticité phénotypique, résilience...), renforcées de manière exogène par la conduite de culture et la sélection variétale.

Les impacts sur les cultures

Hausse des températures et évapotranspiration

Les principaux impacts négatifs du changement climatique sont liés à l'augmentation tendancielle de la température, facteur d'accélération du développement, qui raccourcit la durée des cycles productifs et donc le nombre de jours permettant une capture du rayonnement solaire, avec pour conséquence une plus faible accumulation de biomasse. Par ailleurs, la fréquence accrue des très hautes températures à des phases-clés du cycle peut perturber gravement l'organogenèse (floraison, fécondation) et la photosynthèse.

Les épisodes de gel automnal, moins fréquents à l'avenir, pénaliseront moins les cultures d'hiver, notamment le colza et le pois. Cependant, comme on l'a vu en 2021, l'association de températures douces en hiver et de gel printanier tardif peut être délétère pour les cultures d'hiver (exemple : gel d'épis). Dans la plupart des cas, l'accélération du développement des plantes pourrait permettre aux cultures d'hiver d'esquiver davantage les stress hydriques et thermiques de fin de cycle.

On peut également s'attendre à une augmentation de la demande évapo-transpirative, surtout en été, qui pourrait accélérer le déficit hydrique du sol et augmenter la contrainte hydrique subie par les cultures, surtout si la pluviométrie est réduite au sud et l'irrigation limitée ou absente du fait d'une gestion des ressources en eau plus tendue.

Rayonnement global et teneur en CO2

L'augmentation du rayonnement global et de la teneur en CO2 de l'atmosphère sera en revanche favorable à l'accroissement de la biomasse végétale, et pourrait compenser en partie la réduction du cycle cultural et le moindre confort hydrique des cultures. Les travaux conduits dans le projet Climator (Brisson et Levrault, 2010) ont bien montré que les rendements des plantes dites en C3 comme le blé, le colza, le pois ou le tournesol pourraient bénéficier de la fertilisation carbonée de l'atmosphère dans un futur proche. Toutefois, dans un futur lointain, cet apport ne suffirait pas à compenser les trop fortes contraintes hydriques et thermiques. Pour des cultures dites en C4 comme le maïs ou le sorgho, cet effet compensateur serait beaucoup plus faible sauf en conditions hydriques déficitaires où on peut s'attendre à une meilleure efficience de l'eau (tableau).

Des effets indirects

Les impacts du changement climatique sur les performances d'une culture peuvent aussi être indirects. Ils peuvent résulter de modifications du milieu biotique ou abiotique sous l'influence du climat comme la dégradation de l'accès aux ressources en eau du milieu (exemple : irrigation) ou une exposition plus forte aux attaques de bioagresseurs (champignons pathogènes, virus, insectes, adventices...) dont l'incidence et la sévérité peuvent être renforcées directement par les changements climatiques ou par les adaptations agronomiques qui en résultent.

Si le réchauffement accélère les cycles biologiques, le défaut d'humidité de l'air et les hautes températures pourraient bloquer l'infection par les agents pathogènes ou la progression des dégâts sur la plante. Les effets du changement climatique sur les profils de bioagresseurs sont difficiles à anticiper et les évolutions attendues varient avec la nature des pathogènes ou ravageurs concernés, mais aussi selon les changements opérés dans la conduite des cultures et les aires de production. Ceci sans compter l'émergence de nouveaux problèmes pour la santé des plantes liés aux échanges commerciaux croissants et plus rapides, et à des conditions climatiques en Europe plus favorables à l'introduction d'organismes issus des zones tropicales.

Un indicateur d'impact majeur : le rendement

Une stagnation en blé

L'évolution des rendements est souvent utilisée comme indicateur d'impact global des changements climatiques opérés (voir Oracle - Figure 1). Ainsi, en blé d'hiver, après une progression régulière et exceptionnelle des rendements entre 1955 et 1996 (+ 1,2 q/ha/an), on observe une stagnation des rendements depuis 1997 pour la France, avec des différences marquées selon les départements qui se sont accrues avec le temps, révélant une plus forte différenciation des contextes climatiques de production selon les régions. Selon Brisson et al. (2010), les facteurs climatiques (accélération de la phénologie, sécheresses printanières, fortes températures estivales) seraient responsables de 30 à 70 % de la stagnation des rendements de blé, la variance résiduelle s'expliquant par des changements de précédents culturaux (moins de légumineuses) et la baisse de certains intrants (engrais azotés).

Selon Arvalis, sur la période 1997-2021, dix-neuf années sur vingt-cinq ont enregistré au moins un événement climatique exceptionnel (c'est-à-dire se manifestant moins de deux années sur dix) et ayant un impact négatif pour la production agricole. Les dérèglements les plus fréquents concernent les épisodes de sécheresse printanière qui pénalisent la nutrition azotée des céréales (neuf années) et l'échaudage thermique de fin de cycle (cinq années). À signaler également des épisodes exceptionnels de sécheresse d'automne-hiver (2018) ou des combinaisons inédites de stress multiples au printemps (2016) avec une perte de rendement pour le blé de 30 %.

Des nuances selon les cultures et les régions

Un ralentissement de la progression des rendements est observé assez généralement pour les autres grandes cultures (colza, orge d'hiver, blé dur, tournesol, maïs-grain...) depuis les années 1990 avec quelques nuances et des variations régionales. Pour le pois protéagineux, on observe même une baisse régulière des rendements depuis vingt ans, dont les causes peuvent être en partie parasitaires (Aphanomyces) ou liées au déplacement vers des sols plus superficiels, mais également à associer aux stress hydriques de printemps et aux fortes températures en floraison. À l'opposé, des rendements en sucre de la betterave sucrière ont progressé régulièrement pendant plus de vingt ans du fait de l'augmentation des températures au printemps, d'autres facteurs comme la jaunisse ou les sécheresses plus fréquentes pouvant expliquer le plafonnement récent.

L'analyse de ces évolutions est complexe et multifactorielle. Elle doit s'effectuer région par région, ou au travers de résultats expérimentaux, car des évolutions des aires de culture et des modes de production en tant que premières adaptations spontanées au changement climatique ont pu avoir lieu.

D'autres indicateurs d'impacts comme la modification des dates de semis et de récolte ou les changements de précocité variétale traduisent également les adaptations spontanées mises en oeuvre par les agriculteurs pour faire face à cette évolution climatique ressentie.

Des stratégies pour réduire les impacts négatifs

Esquiver la contrainte climatique : date de semis et précocité variétale

Pour les cultures d'été, il s'agit de semer plus tôt au printemps en profitant du réchauffement anticipé des sols afin d'esquiver les stress thermiques et hydriques qui peuvent toucher fortement la période de floraison et de remplissage pour les espèces à graines. Ceci concerne en particulier les cultures d'été non irriguées (exemple : tournesol, maïs dry). Pour les cultures irriguées (maïs, soja), cette anticipation peut permettre d'économiser un à deux tours d'eau.

L'utilisation de variétés précoces - parfois associée à un semis précoce (exemple : maïs dry dans le Sud-Ouest) - est également une option supplémentaire ou alternative. Cependant, il n'est pas toujours optimal de combiner semis précoce et variétés précoces au risque de ne pas pleinement valoriser le supplément de durée de cycle permis par la température. Ceci peut dépendre également de la ressource en eau disponible, qu'elle provienne de la réserve du sol, de la pluviométrie saisonnière ou de l'irrigation.

Dans certains cas (régions à hiver doux), le choix d'un semis d'automne pourrait permettre un meilleur ajustement aux contraintes abiotiques (exemple : cas du pois d'hiver vs printemps) évitant ainsi le recours à l'irrigation.

À plus long terme, la disparition des gels hivernaux dans certaines régions pourrait permettre d'envisager une anticipation plus forte encore, passant par des semis d'automne pour certaines espèces comme le tournesol, pratique expérimentée avec succès dans le sud de l'Espagne.

Atténuer le déficit hydrique par l'irrigation

L'irrigation de complément permet d'atténuer la contrainte hydrique et de sécuriser certaines phases particulièrement critiques (émergence, montaison, floraison). Dans le même temps, les ressources en eau disponibles pourraient être plus contraignantes dans certains bassins déjà en tension. Ceci dépendra également de la politique de stockage de l'eau, de la pluviométrie hivernale et du niveau de recharge des aquifères. Déconcentrer l'usage de l'eau (41 % des surfaces irriguées sont cultivées en maïs) par une répartition sur un plus grand nombre de cultures (en période sensible ou critique) en ne cherchant pas une satisfaction complète du besoin hydrique pourrait être une bonne stratégie dans le cadre de la diversification et de l'emploi de variétés/espèces plus tolérantes au stress hydrique ou moins consommatrices en eau.

La situation la plus critique est sans doute celle du maïs irrigué dans le Sud-Ouest qui, même avec une augmentation de l'irrigation mais sans adaptation variétale, verrait son rendement diminuer à cause du raccourcissement de son cycle. Le recours à des variétés très tardives permettrait de compenser ce préjudice mais en augmentant encore les besoins en irrigation. En effet, comme l'a montré l'étude Climator, les besoins en irrigation du maïs, sans changement variétal et pour un sol profond (220 mm), augmenteraient en moyenne de 30 à 60 mm sur la période 2020-2050 selon les régions. L'eau étant un facteur limitant majeur et récurrent dans le Sud, une baisse des surfaces de maïs irrigué est observée depuis les années 2000 (ainsi -18 % en Nouvelle-Aquitaine entre 2010 et 2017).

Mieux tolérer les contraintes climatiques par la sélection variétale

Choisir des variétés tolérantes à la sécheresse ou aux fortes températures n'est pas aisé car l'évaluation officielle ne porte pas explicitement sur ces critères. La sélection végétale s'y emploie et la recherche oriente ses efforts sur la compréhension des déterminismes génétiques polygéniques et le phénotypage à haut débit des ressources génétiques (voir Projets d'investissements d'avenir comme BreedWheat (blé), Amaizing (maïs), Sunrise (tournesol), PeaMust (pois) fortement orientés vers ces cibles). La difficulté tient également à la diversité des scénarios de sécheresse possibles qui orientent vers des idéotypes différents.

Pour une anticipation des semis, la sélection de variétés tolérantes aux basses températures en début de cycle est également une cible nouvelle. Pour compenser le raccourcissement des cycles, des variétés plus tardives seront recherchées là où la contrainte hydrique peut être maîtrisée. Dans certaines situations, on recherchera une substitution par des espèces plus tolérantes à la sécheresse ou moins consommatrices en irrigation, ce qui amènera la sélection à investir davantage sur des espèces aujourd'hui marginales (comme le sorgho ou le pois chiche...).

Conserver la ressource en eau par le travail du sol et la gestion des résidus

Capturer et stocker davantage d'eau dans le sol puis éviter les pertes par évaporation est un moyen de renforcer la résistance des systèmes de culture vis-à-vis du manque d'eau. Ceci est pratiqué en aridoculture (dry farming), et passe par le travail du sol minimum et la couverture des sols. Beaucoup d'attentes portent sur les techniques d'agriculture de conservation des sols qui associent non-travail du sol et couverture du sol par des mulchs vivants et/ou des paillis au sein de rotations diversifiées. Dans certaines conditions, la gestion de cette matière organique permet d'accroître l'infiltration et le stockage de l'eau, et favorise la mise en place du système racinaire. Des travaux sont en cours à Inrae pour préciser les gains effectifs en conservation de l'eau liés à des différences de porosité selon les pratiques de travail du sol.

Accroître la résilience du système de culture par la diversification cultivée

Diversifier les productions dans l'espace, au sein d'une parcelle (mélanges variétaux, associations plurispécifiques) ou au sein d'une exploitation est une stratégie de réponse à la variabilité croissante des conditions climatiques. Incorporer plus systématiquement des espèces plus résistantes ou résilientes à défaut d'être fortement productives est une autre stratégie. Ainsi, on peut espérer une plus grande résilience face aux accidents climatiques de variétés ou d'espèces en mélange ayant des phénologies contrastées. Diversifier l'assolement au niveau spécifique et variétal est un moyen de mieux gérer les risques et les aléas.

Apports du numérique dans le pilotage et la planification

Le changement climatique impliquera aussi, pour toutes les grandes cultures, un pilotage plus fin en fonction des prévisions météorologiques à court terme afin de gérer de la manière la plus efficiente possible les apports d'azote, le travail du sol et le désherbage à l'échelle parcellaire. Le progrès dans les prévisions saisonnières pourra orienter les choix d'assolement et la gestion de l'eau à l'échelle de l'exploitation. Les apports du numérique dans le pilotage (capteurs au sol, drones, satellites) conjugués au développement des services climatiques devraient fournir à l'agriculteur des outils pour réduire l'incertitude sur les prévisions climatiques.

Des opportunités à l'échelle de la parcelle et du territoire

Anticipation des dates de semis

Les avancées des dates de semis et les choix variétaux associés traduisent les auto-adaptations mises en place par les agriculteurs et les filières pour faire face aux évolutions climatiques ressenties, contribuer à la stabilité des performances et valoriser de nouvelles opportunités. Les cultures semées au printemps dans le nord de la France (maïs, betterave, tournesol) ont tiré parti de l'augmentation de la température, facteur limitant dans ces régions. Les semis peuvent être réalisés plus tôt (avancée de trois semaines par rapport aux années 1970), la durée du cycle augmente, et la photosynthèse est valorisable sur une plus longue période. De ce fait, le rendement augmente, tout comme la teneur en matière sèche du grain à la récolte. Ainsi les semis précoces de maïs permettent de réduire les coûts de séchage, de libérer plus tôt les parcelles, de cultiver des variétés plus tardives, et de positionner la période de formation du nombre de grains en conditions hydriques et thermiques plus favorables, à condition qu'ils soient réalisés en conditions d'humidité favorables et pour des températures de sol suffisantes. De fait, les agriculteurs sèment le maïs de plus en plus tôt, avec une à deux semaines d'avance par rapport aux années 2000, comme observé en Nouvelle-Aquitaine (source Oracle NA) (Figure 2).

Allongement de la période de culture par la double culture

L'augmentation des températures allonge de fait la durée de végétation exploitable par l'agriculteur. Ainsi, il devient plus souvent possible d'envisager une double culture, particulièrement un soja, un tournesol, un sorgho ou du sarrasin après la récolte d'une culture d'hiver libérant tôt la parcelle (orge, colza, pois ou même blé), dans une perspective d'intensification écologique. On parle de culture dérobée lorsque les deux cultures se suivent et de culture en relais lorsque la deuxième culture est implantée au sein de la culture principale (exemple : semis de soja dans l'interrang de cultures d'orge). Ceci nécessite, au moins pour la culture d'été en dérobé, plus fréquemment pratiquée, des variétés très précoces, un travail du sol simplifié et souvent de l'irrigation au cours de l'été. Si les conditions thermiques permettent d'envisager la récolte des doubles cultures en conditions plus favorables, les restrictions sur l'eau d'irrigation pourraient limiter cette pratique. La culture en relais nécessite une bonne technicité, une anticipation de la structure de peuplement dès le semis de la céréale, un semis direct et un bon contrôle des adventices. Le projet CasDar 3C2A porté par les chambres régionales d'Occitanie et de Nouvelle-Aquitaine travaille ces questions avec l'appui d'Inrae Toulouse pour la modélisation du rendement sous changement climatique.

Extension de l'aire de culture de certaines productions

L'augmentation de la température modifie la répartition potentielle et effective des cultures en France et en Europe. Ainsi, les limites climatiques de la culture du maïs se sont déplacées de plus de 200 kilomètres vers le nord en vingt ans. Les dates de semis et de récolte ont été avancées de vingt jours. En effet, un réchauffement de 1 ° C équivaut à environ 180 km vers le Nord. En zones de moyenne montagne, où 1° C correspond à 150 m en altitude, de nouvelles potentia-lités pourraient apparaître. Les cultures de soja, sorgho et tournesol progressent régulièrement vers le nord, l'est ou l'ouest de la France, aidées en cela par un regain de sélection pour des variétés précoces à très précoces, utilisées plus au sud pour le dérobé. Ces opportunités sont à exploiter dans le cadre de la diversification des systèmes de culture, très marqués par la succession colza-blé-orge dans le centre de la France, en vue notamment de réduire l'utilisation de pesticides. Cette relocalisation des cultures d'été vers le nord peut s'envisager sans irrigation en sols profonds. Elle est amenée à s'amplifier d'autant plus que la disponibilité en eau pour les cultures d'été devient plus critique dans les zones irriguées du sud et que l'inscription de variétés précoces à très précoces est en augmentation.

Conclusion

Les préoccupations de la recherche, de la sélection et du développement s'organisent davantage autour du lien de l'agriculture avec le climat : le changement climatique a un impact sur l'agriculture qui doit s'adapter, car à moyen terme le réchauffement va s'accélérer et à plus long terme cela dépendra des efforts d'atténuation réalisés au niveau mondial. L'agriculture, qui participe comme d'autres secteurs aux émissions de GES, doit contribuer à cet effort par le stockage sur le long terme du carbone, l'introduction plus massive de plantes fixatrices d'azote et la bioénergie.

Cette dualité adaptation/atténuation est à considérer dans l'évaluation des systèmes de culture innovants, notamment ceux basés sur l'agriculture de conservation et l'agroécologie. En effet, il serait contre-productif de mettre en oeuvre une action d'adaptation induisant une augmentation des émissions de GES.

Ces questions structurent les recherches Inrae au sein du métaprogramme pluridisciplinaire Climae dans la suite du précédent programme ACCAF centré sur l'adaptation.

Le besoin d'outils et de références se fera sentir de manière accrue. Cela passe dans un premier temps par des observatoires comme Oracle et par la mise à disposition de projections climatiques (Drias) et d'indicateurs agroclimatiques (unité de service AgroClim - Inrae). Le RMT ClimA mis en place en 2021 (voir p. 53) a pour ambition de mettre à disposition des utilisateurs des données, outils et études d'impact pour identifier des leviers d'adaptation à différentes échelles temporelles et spatiales.

Ces adaptations sont à coordonner aux différents maillons de la chaîne de valeur : exploitation (parcelle, système de culture), bassin de collecte, aire de culture, filière. Leur choix aura également des conséquences importantes sur le paysage futur de la protection des cultures en modifiant les cycles de végétation, la nature et le développement des cultures-hôtes et les aires de production.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Si le changement climatique a fait l'objet de controverses sur sa réalité et ses origines anthropiques, sa perception par les acteurs agricoles est aujourd'hui largement partagée.

IMPACTS - La hausse des températures et celle de la teneur en CO2 ont des conséquences négatives (stress hydrique, échaudage, ravageurs...) mais aussi éventuellement positives (photosynthèse, gels moins intenses...) sur les cultures. Toutefois, depuis les années 1990, les rendements qui constituent l'indicateur d'impact principal du changement climatique tendent à ralentir (exemple : colza), stagner (exemple : blé) voire même baisser (exemple : pois).

ADAPTATIONS - Si l'agriculteur a toujours su s'accommoder des variations climatiques interannuelles, il doit désormais mettre en place des stratégies d'adaptation pour faire face à leur renforcement, et aux événements extrêmes qui vont se multiplier. Les solutions possibles sont à combiner selon les situations (culture, région, ressources...) : adaptation de la date de semis, irrigation, choix variétal, travail du sol, diversification cultivée, pilotage et planification des interventions...

MOTS-CLÉS - Grandes cultures, rendement, adaptation, semis, sélection variétale, diversification, irrigation, travail du sol, couverture du sol.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : philippe.debaeke@inrae.fr

LIENS UTILES : https://www.inrae.fr/changement-climatique-risques

https://www.inrae.fr/sites/default/files/pdf/cahier-special-accaf-pour-la-science-l-adaptation-au-changement-climatique-fr.pdf

https://reseauactionclimat.org/wp-content/uploads/2017/06/Adaptation-de-l'agriculture-aux-changements-climatiques---Recueil-d'expériences-territoriales.pdf

https://solagro.org/images/imagesCK/files/publications/f88_manualagriadapt_fr.pdf

https://chambres-agriculture.fr/fileadmin/user_upload/National/FAL_commun/publications/National/Revue_Chambres-agriculture_1046_octobre_2015.pdf

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article est disponible auprès de son auteur (contact ci-dessus).

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