Fig. 1 : Rendement national du colza d'hiver La progression du rendement moyen national du colza d'hiver est affectée par les effets du changement climatique depuis les années 1990. Source : SCEES.
Fig. 2 : Effet de la température, indépendamment de tout autre facteur limitant, sur la date d'apparition du stade nuisible L3 de la grosse altise en Lorraine Hypothèse : arrivée des adultes le 20 septembre, humidité du sol non limitante. Modèle thermique Terres Inovia - Données Météo France Nancy-Ochey (Meurthe-et-Moselle).
Les effets du changement climatique sur les cultures oléoprotéagineuses sont difficiles à appréhender dans leur globalité car ils sont complexes, interconnectés et ne sont probablement pas tous connus. Malgré cela, nous observons des aléas climatiques de plus en plus fréquents et constatons déjà des effets néfastes sur la productivité des cultures.
Gains de rendement rognés par les évolutions climatiques
Des progrès génétiques contrebalancés en pois et colza
Le rendement moyen français du colza progresse depuis les années 1970. Toutefois, nous constatons un ralentissement de ce progrès depuis la fin des années 1980 et une plus grande variabilité des rendements (Figure 1 page suivante). Le point de rupture de la pente coïncide parfaitement avec l'accélération du réchauffement climatique et l'élévation des températures moyennes. Par ailleurs, des études estiment que l'augmentation de la température moyenne sur la période du 10 mai au 10 juillet induirait une perte de rendement de l'ordre de 2 q/ha/degré (Gallais et al., 2010). Sur la base de cette hypothèse et des données météorologiques, nous estimons que la perte de potentiel du colza a été de l'ordre de 3,8 à 4,8 q/ha en 45 ans, en lien avec l'élévation des températures moyennes au cours de la période de remplissage des grains. Ces résultats s'avèrent cohérents avec les analyses statistiques de Terres Inovia sur les rendements du colza, qui montrent un effet négatif de l'accroissement des températures du mois de juin sur le rendement pouvant aller jusqu'à - 1,5 q/ha en 20 ans, de 2000 à 2019 en région Centre, la plus touchée.
Le rendement moyen du pois en France, quant à lui, affiche une nette tendance à la baisse depuis les années 2000. Cela s'explique par différents aléas liés aux maladies et ravageurs, et aussi, en grande partie, par la récurrence de stress hydriques et de températures élevées. Cette tendance est d'autant plus accentuée que les surfaces de pois se sont déplacées des zones nord, à très bonnes réserves en eau et climat favorable en termes de températures et de pluviométrie, vers les zones intermédiaires où les stress hydriques sont plus précoces et plus intenses, du fait de sols plus superficiels et d'un climat plus contraignant.
Pas encore d'effondrement en tournesol
Dans une situation intermédiaire entre colza et pois, le rendement moyen national du tournesol affiche une relative stabilité entre 20 et 25 q/ha depuis le début des années 1990 en continuant en tendance à progresser légèrement, alors que le déficit hydrique sur la période floraison-début du remplissage ne cesse de s'accroître. Le fait que le rendement de la culture ne s'effondre pas, alors même que les étés sont de plus en plus secs et que la part de cette culture en sols superficiels augmente, s'explique par le progrès génétique sur cette espèce mais aussi par sa capacité à capter et valoriser les ressources (eau, lumière, CO2).
Le risque de stress hydrique s'accroît
Des effets sur les performances des cultures
La hausse des températures, l'augmentation de la concentration atmosphérique en CO2, la répartition temporelle des précipitations ont des répercussions sur le fonctionnement des plantes à travers l'efficience de la photosynthèse, la durée du cycle, ou bien encore les stress thermique et hydrique qui sont plus ou moins documentés selon les espèces. Ces effets ont un impact sur les performances des cultures et également les aires de production. La culture du tournesol, voire du soja, est désormais possible dans certaines régions septentrionales, ce qui n'était pas le cas 30 ans auparavant. Cette remontée vers le Nord est aussi rendue possible par des variétés plus précoces. Une autre conséquence du changement climatique est certaine : l'élévation des températures accroît la période d'assèchement des sols et les cultures oléoprotéagineuses, comme d'autres espèces, sont plus souvent exposées au stress hydrique.
Colza : implantation et remplissage, deux stades sensibles
Le déficit de précipitations au moment de l'implantation est un souci majeur pour l'espèce colza. Ce phénomène touche déjà fortement ses surfaces. Les préconisations de Terres Inovia visent à limiter l'assèchement des sols (préparation aussitôt après la récolte de la culture précédente, limitation du nombre de passages d'outil, roulage notamment en sol argileux) et à semer tôt de façon opportuniste lorsqu'un épisode pluvieux est annoncé.
Plus tard dans le cycle, un stress hydrique marqué entre le début de la floraison et le stade G4 (dix premières siliques bosselées) + dix jours peut pénaliser la formation et le remplissage des grains, et toucher lourdement la production (jusqu'à -8 q/ha dans les essais Terres Inovia). Les leviers à actionner pour limiter l'impact négatif du stress hydrique à floraison sont la qualité d'enracinement, la précocité variétale voire l'irrigation. Notons toutefois que le colza supporte relativement bien un stress hydrique modéré grâce à une adaptation physiologique rapide et à sa capacité à explorer les horizons profonds. À l'inverse, l'excès d'eau à l'origine de l'anoxie racinaire est mal supporté par l'espèce. En pénalisant l'enracinement, ces excès peuvent fragiliser la capacité de la culture à supporter les sécheresses plus tard dans son cycle.
Pois : effet sur les nombres de nodosités et de graines
Le pois de printemps subit de façon récurrente un stress hydrique en fin de cycle mais aussi de plus en plus souvent avant floraison. Un stress hydrique précoce pénalise la croissance de la plante et limite l'installation des nodosités lors de la phase végétative. Or le nombre de nodosités mises en place avant le début de la floraison conditionne la nutrition azotée et pour partie le rendement.
Un déficit hydrique au cours de la floraison réduit généralement le nombre de graines par plante. Celui-ci est en effet proportionnel à la vitesse de croissance entre le début de la floraison (DF) et la fin du stade limite d'avortement (FSLA), qui varie selon l'intensité du stress subi (Guilioni et al., 2003). Un stress hydrique très intense et plus tardif, lors de la phase de remplissage des graines, pourra avoir une incidence sur le poids de mille grains. Cependant, la principale variable d'ajustement de l'élaboration du rendement chez le pois, en réponse à un déficit hydrique, est le nombre de graines plutôt que le poids d'une graine. Par ailleurs, le stress hydrique à cette période est souvent associé à un stress thermique. La photosynthèse nette est maximale pour une température de feuille entre 20 °C et 25 °C et décroît de façon linéaire au-delà (Guilioni et al., 2003). Entre 25 °C et 40 °C, la photosynthèse nette est réduite de 25 à 30 %. Une contrainte thermique, au-delà de 25 °C, même modérée et de courte durée au cours du cycle pourra donc diminuer la photosynthèse nette. Des fortes températures pendant la floraison affecteront principalement le nombre de graines par plante, en entraînant l'avortement de graines si la contrainte est suffisamment prononcée (Jeuffroy, 1991). Une date de semis précoce tend à limiter les stress hydrique et thermique. Il faut donc être prêt à semer tôt au printemps, dès lors que le sol est suffisamment ressuyé. Le choix d'un type hiver permet également d'esquiver pour partie le risque de stress au printemps (Tableau 1).
Tournesol : s'adapter aux précipitations printanières
Le tournesol s'accommode mieux que d'autres espèces d'un stress hydrique, même si son potentiel de rendement est affecté. Au-delà de sa capacité à exploiter les ressources du milieu (jusqu'à 2 mètres d'exploration racinaire), le tournesol a la capacité de s'adapter en conditions sèches. Il diminue sa consommation d'eau. Sa photosynthèse diminuant moins que sa transpiration, son efficience de l'utilisation de l'eau s'améliore. Les assimilats sont davantage mobilisés vers le capitule, ce qui améliore l'indice de récolte. Néanmoins, pour que ces mécanismes soient pleinement efficients, il est nécessaire que cette adaptation à la sécheresse intervienne au stade bouton floral, avant la période de sensibilité maximale au stress hydrique (Tableau 2). A contrario, si l'eau est abondante au cours de la phase végétative, le tournesol a tendance à gaspiller la ressource. Il consomme tout ce qui est à sa disposition sans réguler sa transpiration car ses feuilles comportent de très nombreux stomates de grande taille.
L'adaptation au stress hydrique du tournesol est donc en grande partie conditionnée par les précipitations au printemps. Malgré tout, plusieurs actions peuvent être mises en oeuvre pour esquiver le risque de stress hydrique estival et/ou aider le tournesol à réaliser son parcours de croissance idéal, c'est-à-dire avoir une croissance végétative modérée et faire durer la vie des feuilles :
- semer tôt dès que les conditions sont favorables (qualité du lit de semences et température du sol > 8 °C) ;
- éviter les surdensités (> 6 pieds levés/m²) notamment dans les sols superficiels car la réserve en eau s'épuise plus vite ;
- assurer un enracinement de qualité pour que l'exploitation du milieu soit optimale (attention au semis direct) ;
- éviter les surfertilisations car une fourniture en azote excessive occasionne un développement de l'indice foliaire trop important ;
- enfin le pilotage de l'irrigation doit permettre de satisfaire les besoins de la culture pour garantir son parcours idéal de croissance, à la fois pendant la phase végétative, à la floraison (phase la plus sensible au stress hydrique) et pour le remplissage.
Les interactions biotiques sont également modifiées
Au-delà de l'effet strict sur les cultures oléoprotéagineuses, le changement climatique touche l'ensemble de l'écosystème et donc les interactions biotiques de chaque culture : ravageurs, maladies et aussi adventices, plantes parasites et pollinisateurs. Le décalage des cycles des bioagresseurs et dans le même temps du cycle des cultures sous l'effet des températures peut conduire à des situations avec des stress amplifiés ou au contraire réduits. Il est donc difficile de prévoir à long terme comment les deux vont interagir. On peut néanmoins penser que les agents pathogènes à forme de conservation longue (oospores, sclérotes, micro-sclérotes) pourraient plus facilement se maintenir que ceux à forme de conservation moins « robuste » et l'on pourrait assister à des changements de dominance entre agents pathogènes.
Les effets du changement climatique sur les bioagresseurs du colza, du tournesol et du pois sont peu documentés dans la littérature scientifique et font parfois l'objet de conclusions divergentes. L'impact potentiel sur les maladies est probablement le plus difficile à anticiper. Plusieurs études sur l'effet de l'élévation de la température de l'air et du sol sur les maladies existent. Mais les projections climatiques décrivent mal les précipitations, l'humidité relative ou l'humidité du sol - à des pas de temps horaires, quotidiens ou hebdomadaires - qui jouent un rôle important dans les cycles infectieux. Par ailleurs, l'épidémiologie des agents pathogènes (préférences thermiques, dépendance à l'eau libre ou à l'humidité dans le couvert, durée et conditions de survie, etc.) n'est pas toujours bien connue. Les projections doivent donc être prises avec précaution et remises dans leur contexte d'acquisition. Celles relatées ci-après résultent, le plus souvent, d'un travail d'expertise qui s'appuie sur des connaissances empiriques et l'observation des phénomènes émergents au cours de cette dernière décennie.
L'impact sur les maladies est difficile à anticiper
Colza : exemples du phoma, du sclérotinia et de la verticilliose
Concernant le phoma du colza, les avis divergent sur les évolutions possibles car les interactions du champignon avec le milieu et la plante sont complexes. L'expression de la résistance variétale peut être modifiée par les températures en lien avec le stade de développement du colza et l'interaction avec un gène de résistance spécifique. Néanmoins en France, les automnes chauds et secs retardent les premières contaminations (date d'apparition des macules tardive), ce qui limite la nuisibilité de la maladie. Concernant le sclérotinia du colza, peu d'évolutions sont attendues sachant qu'il demeure une forte incertitude relative aux conditions hydriques qui sont déterminantes dans la réussite de la contamination. A contrario, la verticilliose pourrait s'exprimer davantage. Les contaminations sont favorisées par la hausse des températures à l'automne. La maladie est causée par un agent pathogène vasculaire qui est moins sensible aux effets microclimatiques et qui s'exprime particulièrement lors des printemps chauds et secs.
Pois d'hiver : exemple de la bactériose, de l'ascochytose et d'Aphanomyces
Les pois d'hiver voient leur sensibilité aux gels tardifs augmenter du fait de l'avancée de leurs stades causée par le réchauffement (Castel et al., 2017, 2019). Cela peut induire un accroissement des dégâts de gel tardif et augmenter le risque de bactériose. En effet, les lésions occasionnées par le gel constituent des portes d'entrée pour les bactéries dans la plante. Le retour de conditions plus douces et plus humides favorise ensuite le développement de la maladie. Depuis 2016, elle est régulièrement observée sur pois d'hiver même si les printemps secs fréquents limitent son impact. Le meilleur moyen pour se prémunir des dégâts de bactériose est de retarder la date de semis du pois d'hiver. Le choix variétal, avec des variétés plus résistantes au gel peut aussi constituer un levier. Il n'existe en revanche pas de moyen de lutte chimique efficace contre cette maladie. Ascochytose et Aphanomyces sont deux champignons qui nécessitent de l'humidité pour se propager. Les printemps secs sont peu propices au développement de ces maladies.
Tournesol : exemple du phomopsis, du phoma et de la pourriture grise
Au sujet des maladies du tournesol, les conditions sèches et/ou les hautes températures peuvent être défavorables aux contaminations des agents pathogènes nécessitant de l'eau libre ou des humidités relatives élevées et/ou ralentir, voire stopper la croissance du champignon. C'est notamment le cas pour le phomopsis, dont les infections sont très dépendantes de l'état du couvert. Ce champignon doit en effet bénéficier d'une humidité relative > 90 % pendant 36 heures pour infecter la plante et sa progression peut être stoppée par des températures maximales > 32 ou 33 °C pendant plusieurs jours consécutifs. Les attaques de mildiou ou de sclérotinia sur capitule, qui exigent la présence d'eau libre, pourraient être limitées par le manque de pluies. A contrario, les températures élevées et la sécheresse peuvent favoriser certaines maladies comme le dessèchement précoce dû au phoma, accéléré par le stress hydrique pendant l'été, après la floraison. De même, Macrophomina phaseolina, champignon vasculaire responsable de la pourriture grise appréciant les températures élevées en fin de cycle (28-30 °C), pourrait apparaître plus fréquemment sur la culture du tournesol, tout comme sur une large gamme d'autres espèces (soja, pois, lin mais aussi blé, maïs, sorgho...).
La hausse des températures favorise les insectes
Aire de répartition, fertilité, adaptation...
Les grands gagnants du réchauffement climatique sont certainement les ravageurs des cultures. L'élévation des températures accroît leur aire de vie avec une tendance à l'expansion des ravageurs du sud vers le nord. Les périodes d'activité, en lien avec les exigences thermiques des espèces, sont plus précoces et plus longues. L'accroissement des températures moyennes peut également accroître la fertilité de certaines espèces. À titre d'exemple, Junk et al. (2012) ont montré que le nombre d'oeufs pondus par la femelle charançon de la tige du chou est multiplié par 3,3 lorsque la température moyenne au moment de la ponte passe de 8 à 11 °C. Ces évolutions de populations peuvent conduire à des intensités d'attaque plus graves, voire conduire à l'émergence de nouveaux ennemis des cultures. L'augmentation des tailles de population accroît également les probabilités d'émergence d'adaptations aux méthodes de lutte.
La gestion des ravageurs, un défi pour le colza
Pour le colza, l'expansion des larves de grosse altise sur le territoire national illustre bien le phénomène. Les automnes et les hivers doux sont favorables à des périodes d'activité plus longues, ce qui se traduit par des pontes plus nombreuses et échelonnées (d'octobre à mars selon les régions). Les durées de cycle sont raccourcies, du fait de cumuls plus rapides des sommes de température nécessaires au développement. La succession des stades larvaires est plus rapide, ce qui accroît la nuisibilité des attaques. En Lorraine, où la température de base était historiquement limitante pour le développement de l'altise d'hiver, la situation évolue en faveur du ravageur (Figure 2). Nous constatons, également dans cette région « froide » du territoire national, une recrudescence de la population et des stades larvaires nuisibles alors que les cultures sont encore en période de sensibilité vis-à-vis des dégâts du ravageur (stade rosette à début montaison). Couplée aux retraits des produits de traitement et à l'apparition des résistances, la gestion des ravageurs sous effet du changement climatique est un énorme défi pour la culture du colza.
Une augmentation du risque pucerons et viroses
Les pucerons sont un autre exemple frappant de l'impact du réchauffement climatique sur les ravageurs. La hausse des températures entraîne une arrivée de plus en plus précoce des pucerons au printemps. D'après Hullé et al. (2010), Myzus persicae arrive trois semaines plus tôt qu'il y a 40 ans en raison de l'augmentation des températures de 1,3 °C en janvier et février au cours de la période étudiée. À l'échelle européenne, le réseau Examine met en évidence une augmentation du nombre d'espèces de pucerons capturés (+20 % en 30 ans avec une augmentation des températures de + 1 °C), qui peut être liée à l'introduction de nouvelles espèces ou à l'augmentation d'activité d'espèces rares qui se retrouvent piégées. Par ailleurs, les températures douces sont propices à la multiplication de la population par parthénogenèse. Tous ces éléments favorables à la prolifération et à l'activité précoce des pucerons entraînent mécaniquement une augmentation du risque de transmission des viroses, notamment sur pois. La nuisibilité des pucerons et des viroses qu'ils transmettent est d'autant plus importante que l'infection intervient sur des plantes jeunes et/ou handicapées par un autre facteur biotique ou abiotique, comme en 2020.
Des perspectives de recherche à moyen et long terme
Les avancées de la sélection variétale
Au-delà des ajustements précités qui visent principalement à assurer une qualité d'enracinement optimale, à ajuster les dates de semis dans les périodes actuellement recommandées, à piloter l'irrigation lorsque celle-ci est disponible, d'autres voies d'adaptations sont recherchées pour limiter les impacts négatifs du changement climatique.
L'amélioration variétale est une des voies sur laquelle reposent beaucoup d'espoirs. L'exploration de nouveaux traits d'intérêt et le design de nouveaux idéotypes variétaux permettant de répondre aux exigences multiples liées aux changements de systèmes de culture et aux adaptations de pratiques face au changement climatique sont en cours. Dans le cas du tournesol, un ensemble de traits a d'ores et déjà été identifié et les cibles priorisées (Debaeke et al., 2021). De manière générale pour ces trois espèces, la sélection poursuit en particulier ses efforts vers la création de variétés à bon comportement vis-à-vis des bioagresseurs. Des solutions sont déjà disponibles sur le marché telles que des variétés résistantes ou tolérantes (parfois partiellement) vis-à-vis du mildiou et de la verticilliose sur tournesol, ou de l'Aphanomyces en pois.
En complément de la recherche de gènes de résistance aux bioagresseurs, il est également possible d'agir indirectement sur ces derniers en sélectionnant des caractères comme la précocité, pour décaler le cycle de la culture ou accélérer son démarrage (vigueur en début de cycle), ou encore la résistance au gel (comme dans le cas de la bactériose du pois). Terres Inovia déploie ainsi une caractérisation des variétés de colza pour leur vigueur précoce, en collaboration avec les sélectionneurs, tout en recherchant d'autres facteurs de tolérance ou de résistance aux ravageurs d'automne.
Les recherches se multiplient également pour trouver des solutions face aux stress climatiques. Le développement du phénotypage, notamment sur les cultures de printemps comme le tournesol, le soja, ou le pois, permet de caractériser les variétés selon leur réponse au stress hydrique. Un des objectifs à moyen terme sera d'optimiser le choix variétal selon le profil de comportement des variétés face au stress hydrique. Dans les milieux contraints en eau, les variétés de type « conservatif » seront préconisées. Alors que dans les sols profonds et/ou ayant accès à une ressource en eau non limitante, des variétés de type « productif » seront favorisées. Des travaux sont également en cours pour développer des variétés plus efficientes en azote, c'est-à-dire moins sujettes à perdre du rendement alors que l'alimentation azotée est sous-optimale, par exemple en l'absence de pluie efficace après un apport. Pour les légumineuses, des projets cherchent encore à comprendre comment la sécheresse a un impact sur la nodulation et la fixation symbiotique de l'azote.
La connaissance des génomes de ces espèces, acquise récemment (entre 2014 et 2019), est par ailleurs un outil précieux pour accélérer le décryptage génétique des processus de résistance aux stress, comprendre les mécanismes en jeu et proposer des gènes d'intérêt à cibler aux sélectionneurs. Signalons toutefois que les efforts de recherche au niveau mondial pour l'adaptation de ces trois espèces au changement climatique restent modestes face à ceux déployés sur blé ou maïs.
Phytos, biostimulants et autres leviers
Du côté des pratiques culturales, les solutions « presse-bouton » de type intervention ponctuelle sur la parcelle sont toujours plébiscitées et font l'objet de nombreuses recherches en matière de produits phytosanitaires et de biostimulants. Les premiers visent à limiter les dégâts des ravageurs et des maladies. Les seconds se positionnent le plus souvent comme des solutions préventives face aux stress abiotiques. Terres Inovia évalue ces solutions dans ses réseaux d'expérimentation. Toutefois, ces seules applications ne suffiront pas à faire face aux évolutions imposées par le changement climatique.
La stratégie d'adaptation doit intégrer de nombreux leviers, quitte à repenser les paradigmes de culture. Choix variétal, produits de protection des plantes, leviers agronomiques doivent être pensés dans un ensemble cohérent pour éviter ou réduire l'exposition des cultures aux stress abiotiques, limiter ou tolérer les agressions des insectes, des maladies ou plantes parasites, favoriser le fonctionnement de la plante en optimisant l'interception du rayonnement et l'efficience de la photosynthèse. Des scénarii de rupture sont à imaginer et à tester dans une approche holistique. Les modèles agronomiques, tels que Sunflo pour le tournesol, sont une aide précieuse pour évaluer a priori ces scénarii d'adaptation et identifier les territoires en vulnérabilité et ceux en opportunité. Toutefois, la mise à l'épreuve du terrain reste nécessaire car les interactions biotiques, avec les ravageurs notamment, et les accidents climatiques sont mal simulés et peuvent remettre en cause une stratégie théorique séduisante. Les premières tentatives en colza, avec par exemple le semis d'un colza de printemps à l'automne, vont dans ce sens. L'ouverture d'esprit et la créativité sont nécessaires pour trouver de nouvelles pistes à l'échelle des systèmes de culture et des paysages, tel que cela est expérimenté dans le projet R2D2 en Bourgogne.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Si le rendement moyen national du tournesol affiche une relative stabilité depuis le début des années 1990 grâce aux progrès génétiques, ces derniers ne suffisent plus à compenser l'impact du réchauffement climatique sur les rendements du colza, qui ralentit depuis la fin des années 1980, et celui du pois qui affiche une nette tendance à la baisse depuis les années 2000.
IMPACT - Les gains de rendement permis par l'amélioration variétale sont rognés par les évolutions climatiques. Ainsi, l'élévation des températures accroît la période d'assèchement des sols. Les stress hydriques ont un impact variable selon le stade auquel ils surviennent.
L'impact sur les maladies est plus difficile à anticiper, notamment pour les agents pathogènes nécessitant de l'eau libre ou des humidités relatives élevées. Or les projections climatiques décrivent mal les précipitations, l'humidité relative ou l'humidité du sol. Les grands gagnants de la hausse des températures sont les insectes, en particulier les altises et les pucerons.
PERSPECTIVES - L'amélioration variétale offre les perspectives les plus intéressantes, en accompagnement d'autres leviers, comme le décalage des semis, le pilotage de l'irrigation, la protection phytosanitaire et les biostimulants.
MOTS-CLÉS - Oléoprotéagineux, colza, pois, tournesol, productivité.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : a.baillet@terresinovia.fr
v.biarnes@terresinovia.fr
e.mestries@terresinovia.fr
LIENS UTILES : www.terresinovia.fr
Webinaire Colza : https://youtu.be/3e9SG50OpgI
Webinaire Pois : https://youtu.be/wFZfYXdoek0
Webinaire Système : https://youtu.be/Osj1Nk5d54s
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