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En chiffres

Produits phyto : évolution des tonnages et des profils

VALÉRIE VIDRIL, Phytoma - Phytoma - n°745 - juin 2021 - page 61

Le fléchissement de la courbe des quantités de substances actives vendues en France ne doit pas occulter un critère important : le profil des produits utilisés.
Fig. 1 : Évolution des quantités totales de substances actives vendues en France, par type d'usages       CMR = substances considérées comme les plus toxiques « cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ». Source : BNV-D, données sur les ventes des distributeurs, extraites le 27 novembre 2020. Traitements : OFB, 2020 et SDES, 2021.

Fig. 1 : Évolution des quantités totales de substances actives vendues en France, par type d'usages CMR = substances considérées comme les plus toxiques « cancérogènes, mutagènes et reprotoxiques ». Source : BNV-D, données sur les ventes des distributeurs, extraites le 27 novembre 2020. Traitements : OFB, 2020 et SDES, 2021.

La consommation française de produit phytopharmaceutiques n'a pas cessé d'augmenter depuis les années 1950, doublant globalement tous les dix ans entre 1945 et 1985. Le plan Écophyto lancé en 2008 n'est pas parvenu à inverser la tendance, alors même que la surface agricole utilisée (SAU) a diminué de 920 000 ha entre 2000 et 2019. La courbe semble pourtant s'infléchir, de même que les premiers signaux positifs apparaissent à l'échelle européenne.

France : hausse depuis 2009, chute en 2018

2018-2019, exception ou inversion de tendance ?

Les ventes de substances actives (y compris pour le biocontrôle et utilisables en agriculture biologique UAB) s'affichent à 55 000 tonnes en 2019(1), soit une réduction de 36 % par rapport à 2018. Cette forte baisse est en partie due aux achats anticipés à la fin de 2018 (plus de 85 000 t) dans la perspective de l'augmentation du taux de la redevance pour pollutions diffuses (RPD) au 1er janvier de 2019. D'autres facteurs explicatifs sont les conditions climatiques et la pression des ravageurs en 2018.

De plus de 80 000 tonnes au début des années 2000, la consommation de pesticides en France est descendue aux environs des 60 000 tonnes en 2010. Cette baisse résulte en grande partie de celle de du cuivre et du soufre, ainsi que du remplacement de molécules anciennes par de nouvelles s'utilisant à de plus faibles doses par hectare, comme les pyréthrinoïdes de synthèse(2). Entre 2010 et 2017, les ventes varient ensuite entre ces deux seuils, avec une progression de 11 % de la moyenne triennale entre 2009-2011 et 2017-2019, plus ou moins importante selon les usages : insecticides (+ 95 %), fongicides (+ 25 %), herbicides (+ 8 %). La moyenne triennale 2017-2019 marque toutefois un fléchissement de la courbe.

Le glyphosate : horizon 2022

Le glyphosate (6 100 t en 2019 contre 9 700 t en 2018), deuxième substance active la plus utilisée en France après le soufre (substance utilisée dans les produits de biocontrôle, UAB et conventionnels, 12 000 t en 2019), suit les mêmes tendances, avec une hausse de 12 % entre 2009-2011 et 2017-2019, mais une valeur triennale 2017-2019 au plus bas depuis 2010-2012. Le ministère de l'Agriculture souhaite réduire son utilisation de 50 % d'ici la fin 2022, et un crédit d'impôt d'un montant forfaitaire de 2 500 euros sera octroyé aux exploitations agricoles qui renoncent à utiliser la substance en 2021. Sa réhomologation européenne est attendue pour le 15 décembre 2022. Le 15 juin dernier, le groupe d'évaluation du glyphosate (France, Hongrie, Pays-Bas et Suède) a rendu un rapport concluant qu'aucune classification supplémentaire pour la mutagénicité, la cancérogénicité ou la toxicité pour la reproduction n'était justifiée.

Progression du biocontrôle, recul des substances préoccupantes

La part relative des substances de biocontrôle (encadré ci-dessus) et UAB augmente régulièrement (35 % en 2019), illustrant une substitution progressive et continue des substances les plus dangereuses. Les ventes de produits de biocontrôle à risque faible ont presque doublé entre 2009-2011 et 2016-2018. Le soufre contribue de façon importante à ces quantités (66 %). Cette substance particulièrement pondéreuse est en effet appliquée à des doses de plusieurs kilogrammes par hectare. Outre des quantités/hectare supérieures comparativement aux phytos conventionnels, certains des produits de biocontrôle, du fait de leurs modes d'action, nécessitent davantage d'applications. Selon le baromètre IBMA biocontrôle présenté aux Culturales 2021, les solutions de biocontrôle représentent plus de 12 % du marché de la protection des plantes en 2020 (236 millions d'euros), soit un point de plus par rapport à 2019. Les substances naturelles représentent 65 % du chiffre d'affaires, suivies des médiateurs chimiques, des macro-organismes et des micro-organismes. IBMA (entreprises du biocontrôle) confirme son objectif de 30 % de parts de marché d'ici 2030, conforté par la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle publiée le 10 novembre par le ministère de l'Agriculture(3).

Les substances classées cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques (CMR) ont diminué de 11 % entre 2015-2017 et 2017-2019. Leur part a été réduite de moitié en dix ans, passant de 28 % en 2009 à 14 % en 2019. Notons que le mancozèbe (1 700 t), réévalué CMR 1 en octobre 2019 et interdit depuis janvier 2021, représentait la majeure partie des tonnages des substances CMR 1 en 2018. Quant aux substances classées dangereuses pour l'environnement, elles augmentent d'environ 3 % par an depuis 2010.

Un indicateur associant usage et profil

En Europe, dans le cadre de la stratégie « De la ferme à la table », un premier objectif est d'atteindre, d'ici à 2030 une réduction de 50 % de l'usage et du risque des produits phytopharmaceutiques chimiques. Les mesures sont calculées en multipliant les quantités de substances actives chimiques mises sur le marché par un facteur de pondération. Ce dernier, tel que défini dans la directive (UE) 2019/782, permet de tenir compte des propriétés de danger des substances actives : une pondération différente est attribuée aux substances à faible risque, standard, candidates à la substitution, etc. Le calcul a pour modèle celui de l'indicateur de risque harmonisé 1 (IRH 1) mis en place par la Commission européenne en 2019 pour quantifier les progrès réalisés en matière de réduction des risques liés aux pesticides(4). Le deuxième objectif européen est une réduction de 50 % l'utilisation des produits les plus dangereux (contenant des substances actives qui satisfont aux critères d'exclusion et candidates à la substitution).

Le 31 mai dernier, la Commission a publié son premier bilan concernant la réalisation de ces objectifs. Les données sont comparées à la moyenne des années 2015, 2016 et 2017 (base 100). Le rapport indique une réduction de 8 % en 2018 et de 5 % en 2019 de l'utilisation et des risques liés aux pesticides chimiques, par rapport à la référence 2015-2017. De 2011 à 2016, la baisse annuelle moyenne enregistrée était de 4 %. L'année 2019 marque la première baisse significative depuis 2011 de l'usage des produits les plus dangereux (principalement des produits candidats à la substitution) : -12 % en 2019 par rapport à 2015-2017. Toutefois, il est à noter que l'indicateur de risque harmonisé 2 (IRH 2) estimant l'évolution des risques liés aux dérogations délivrées en cas de situation d'urgence phytosanitaire présente une augmentation de 50 % sur la période de 2011 à 2018.

(1) Données issues des déclarations des distributeurs de produits phytopharmaceutiques, réalisées au titre de la redevance pour pollutions diffuses (RPD).(2) L'effet inverse existe aussi, par exemple l'interdiction des néonicotinoïdes en 2018, utilisables à faibles doses, et souvent remplacés par deux ou trois traitements.(3) Voir Phytoma n° 739.(4) Voir Phytoma n° 725.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - En France, les objectifs du plan Écophyto 2+ sont de réduire le recours aux produits phytopharmaceutiques de 50 % en dix ans, d'ici 2025, et de sortir du glyphosate. Par ailleurs, le ministère de l'Agriculture souhaite augmenter les conversions à l'agriculture biologique pour doubler les surfaces et atteindre 18 % de la SAU en 2027. En Europe, la stratégie « De la ferme à la table » présentée en mai 2020 vise notamment une réduction de 50 % de l'utilisation et des risques liés aux pesticides chimiques d'ici 2030.

ÉVOLUTION - Si les ventes de substances actives en France ont fortement diminué entre 2018 et 2019, sur les dix dernières années, la tendance est à l'augmentation des quantités vendues, avec un infléchissement de la moyenne triennale en 2017-2019.

Les ventes de substances considérées les plus dangereuses reculent depuis dix ans, avec une baisse annuelle de plus de 1 %, tandis que la part relative des produits de biocontrôle et UAB augmente.

À l'échelle de l'Union européenne, l'indicateur utilisé pondère l'usage des produits chimiques selon leur classification. Cet indicateur a baissé de 8 % en 2018 par rapport à 2015-2017, et de 5 % supplémentaires en 2019.

MOTS-CLÉS - Produits phytopharmaceutiques, évolution, chiffres, France, Europe, glyphosate, biocontrôle, substance active, RPD (redevance pour pollutions diffuses), CMR.

Les phytos, c'est quoi ?

Les pesticides ont pour objectif d'éliminer les maladies et ravageurs des cultures (préfixe -cide, du latin caedo « frapper, tuer »). Ils recouvrent deux catégories de produits : les biocides destinés à détruire ou repousser les organismes nuisibles à l'homme ou à ses activités ; les produits phytopharmaceutiques destinés à protéger les plantes, exercer une action sur les processus vitaux des végétaux (autrement que par la nutrition), assurer la conservation des récoltes, détruire les végétaux indésirables ou freiner leur croissance.

Les produits de biocontrôle sont des agents et des produits utilisant des mécanismes naturels (ce qui ne préjuge pas de leur dangerosité), ils comprennent en particulier : les macro-organismes ; les micro-organismes ; les médiateurs chimiques (phéromones, kairomones) ; les substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. Mis à part les macroorganismes, les produits de biocontrôle sont des produits phytopharmaceutiques, de même que les produits de protection des cultures utilisables en agriculture biologique (UAB). Une liste mise à jour tous les mois (articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime) répertorie les produits de biocontrôle respectant des critères relatifs à leur sécurité pour la santé et pour l'environnement. Les formulations à base de cuivre par exemple, utilisables en agriculture biologique, ne font pas partie de cette liste compte tenu du profil écotoxicologique de cette substance candidate à la substitution.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : v.vidril@gfa.fr

LIENS UTILES : - Produits phytopharmaceutiques : état des lieux des ventes et des achats en France en 2019 : https://tinyurl.com/3whvdpvt

- Décodagri : https://tinyurl.com/t7snrcjk

- Synthèse des achats de produits phytopharmaceutiques à partir des registres de la BNV-D : https://ssm-ecologie.shinyapps.io/Cartes_phytos_BNVD/

- Tendances dans l'UE : https://tinyurl.com/493dppe5

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