Depuis treize ans, Isabelle Sérandat est responsable qualité sanitaire au laboratoire de pathologie végétale du Geves à Beaucouzé, près d'Angers. C'est une des deux activités principales du laboratoire avec l'évaluation de la résistance variétale aux bioagresseurs dans le cadre de l'inscription des variétés. Elle anime une équipe de quatorze salariés permanents aidés par dix à seize salariés temporaires. « Nous nous focalisons sur les grandes cultures et les espèces potagères et recherchons des bactéries, des champignons, des virus et des nématodes », explique Isabelle Sérandat.
Pour la filière semence
« Aujourd'hui, 70 % des analyses sont réalisées en prestation pour des acteurs de la filière semence (agriculteurs multiplicateurs, coopératives, semenciers, PME de biocontrôle, firmes phytosanitaires...) dans le cadre de la vérification de l'état sanitaire des semences, d'essais d'efficacité de traitements, de litiges en culture ou encore d'exportation. Les 30 % restant sont des analyses réglementaires demandées par le Semae (ex-Gnis) via le SOC(1), ou par la DGAL(2). Dans tous les cas, l'objectif est de faire circuler des semences garanties saines pour les utilisateurs. » Isabelle Sérandat voit son activité constamment augmenter : 6 700 analyses en 2007, plus de 15 000 en 2020 ! « De nouveaux bioagresseurs deviennent réglementés en France. D'autres ressurgissent suite à l'interdiction de certains traitements de semences. Enfin, le développement des échanges commerciaux au niveau international entraîne aussi une hausse de la diversité des bioagresseurs à rechercher pour exporter vers les pays tiers. »
Pour le Soc et la DGAL
Deux types d'analyses réglementaires sont demandées par le SOC : celles nécessaires à la certification de conformité de produit indispensable à toute semence commercialisée en Europe, et celles dont a besoin le Semae pour délivrer un passeport phytosanitaire dans le cadre du règlement santé des végétaux. Ces analyses garantissent l'absence ou la présence en dessous du seuil défini par la réglementation d'organismes nuisibles. « Pour chaque espèce végétale, nous avons une liste de bioagresseurs indispensables à contrôler. » Quant à la DGAL, elle demande des analyses dans le cadre de l'importation de semences et de la surveillance du territoire (principalement des bioagresseurs de quarantaine), mais également pour délivrer les certificats phytosanitaires pour les semences exportées vers les pays tiers (recherche des bioagresseurs exigés par le pays destinataire).
Une palette de techniques d'analyse
« Différentes techniques d'analyses sont utilisées en fonction du couple hôte/bioagresseur et de la réponse que l'on souhaite », précise Isabelle Sérandat. Pour les champignons, cela peut être une observation directe sur semence (pour la septoriose du persil par exemple), une identification des spores (carie, mildiou) après lavage des semences, une observation des symptômes sur plantules après semis qui donne une réponse sur la viabilité (pour les mildious par exemple) ou encore une observation morphologique après dépôt sur milieu. « Pour les bactéries, nous réalisons une dilution-étalement sur milieu de culture avec confirmation des souches suspectes par PCR et/ou mesure du pouvoir pathogène. » Les virus sont identifiés par la méthode Elisa à l'aide de sérums spécifiques ou par biotests. Enfin, pour les nématodes, ce sera une identification morphobiométrique après trempage des semences. « En cas de présence d'un bioagresseur, on nous demande de plus en plus de vérifier s'il est viable et s'il est pathogène. »
Perpétuelle évolution
« Notre travail est en évolution constante, souligne Isabelle Sérandat. On ne s'ennuie pas ! » En effet, si la liste des bioagresseurs à détecter évolue au fil des ans, les techniques d'analyse également. « Au Geves, nous développons des méthodes de pré-screening grâce à la Seed Extract PCR, une PCR réalisée sur des macérats ou des broyats de semence. L'objectif est d'obtenir un résultat plus rapidement sur un grand nombre d'échantillons. Nous mettons également au point de plus en plus de bio-tests et de tests de pouvoir pathogène pour mesurer la viabilité et la pathogénicité des bioagresseurs détectés. L'utilisation de la PCR en confirmation de souches suspectes révélées par d'autres techniques s'est également bien développée ces dernières années. »
Anticiper les demandes
Pour l'avenir, l'équipe d'Isabelle Sérandat étudie la faisabilité d'intégrer dans de futures méthodes d'analyses, les nouvelles technologies telles que le NGS(3) et le barcoding(4) qui permettent de détecter plusieurs bioagresseurs simultanément. « Pour la première fois, on nous demande aussi de rechercher des insectes type bruche dans les semences. Nous évaluons actuellement les meilleures méthodes pour ces analyses. Le réchauffement climatique risque également d'avoir un impact sur ce qu'on va devoir rechercher à l'avenir, avec certainement de nouveaux bioagresseurs. » Cela implique le développement de nouvelles méthodes « hôte/bioagresseur » en adaptant une méthode déjà existante ou en partant de zéro. « Le fait de participer à des instances internationales telles que l'Ista(5)ou l'Ishi-Veg(6) me permet d'anticiper les bioagresseurs pour lesquels des analyses pourraient être demandées à l'avenir. »
(1) Service officiel de contrôle et de certification des semences et plants.(2) Direction générale de l'alimentation.(3) Séquençage haut débit.(4) Utilisation d'une petite séquence d'ADN pour identifier un individu.(5) International Seed Testing Association.(6) International Seed Health Initiative for Vegetable Crops.
BIO EXPRESS ISABELLE SÉRANDAT
1984. Maîtrise de biophysiologie végétale à Angers (Maine-et-Loire).
1985. Technicienne de laboratoire chez Procida à Reims (Marne).
1986. Technicienne de laboratoire chez Schering à Vernon (Eure), puis à Orléans (Loiret) et Angers.
1996. Responsable mycologie au laboratoire de pathologie du Geves à Beaucouzé (Maine-et-Loire).
2007. Responsable qualité sanitaire au laboratoire de pathologie du Geves.