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En mots et en pratique

Désherber mécaniquement le maïs

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°746 - août 2021 - page 45

Comment réduire ou supprimer l'usage des herbicides en maïs ? Le désherbage mécanique, solution incontournable en bio, peut aussi être appliqué en conventionnel dans le cadre d'un désherbage alterné. Mais mieux vaut bien se former pour maîtriser la technique. Entretien avec David Roy, coordinateur du pôle ressources techniques d'Agrobio 35.
 Photos : Agrobio 35 - C. Urvoy

Photos : Agrobio 35 - C. Urvoy

Spécialiste du désherbage mécanique à Agrobio 35, David Roy a conçu une formation e-learning sur le sujet et intervient au niveau national pour diffuser cette pratique auprès des techniciens, agriculteurs et chauffeurs de Cuma(1) ou d'ETA(2).

Quels agriculteurs suivez-vous ?

David Roy : Agrobio 35 accompagne 500 agriculteurs bio en Ille-et-Vilaine, mais également des exploitants en conventionnel qui veulent s'approprier les techniques bio : 921 exploitations (5 100 ha) ont été suivies depuis 2005 en désherbage alterné (mécanique puis chimique si besoin) du maïs. L'élevage laitier domine avec, en cultures, des céréales (35 à 40 % de l'assolement), du maïs (35 à 40 %) et le reste en herbe, sur des sols de limon battants.

En conventionnel, quels changements réaliser pour réussir un désherbage mixte ?

D. R. : Pour commencer par un désherbage mécanique, le sol doit être bien nivelé avec des résidus de culture limités en surface. Pour le semis, plus le sol est réchauffé et mieux c'est pour une levée rapide du maïs : on sème début mai au lieu du 20 avril, un peu plus profond (4-5 cm au lieu de 2-3 cm) pour que la graine soit en dessous de l'horizon désherbé mécaniquement (les trois premiers centimètres). Certaines pratiques faciliteront la gestion des adventices. Ainsi, un maïs qui suit une prairie est plus facile à désherber mécaniquement qu'après une céréale.

Quels sont les outils utilisés ?

D. R. : La houe rotative est l'outil idéal en conventionnel car elle peut être utilisée à tous les stades du maïs avec un débit de chantier de 16 à 18 km/h, soit 5 à 6 ha/h, vitesse élevée qui fait parfois peur aux agriculteurs mais sans risque de casse pour le maïs. Plus elle est utilisée tôt par rapport au stade des adventices, plus elle est efficace : 95 à 100 % d'efficacité au stade filament blanc-cotylédons, 65 % au stade 2F et seulement 35 % au stade 4F. La houe rotative favorise aussi la levée des adventices restantes qui seront éliminées par le désherbage mécanique ou chimique ultérieur si besoin.

Comment se déroule le programme de désherbage alterné ?

D. R. : En général, deux passages de houe rotative sont réalisés, calés en fonction du stade des adventices. Ensuite, un désherbage chimique à faible dose peut être nécessaire au stade 3-4F du maïs. Agrobio 35 a développé un OAD pour évaluer la nuisibilité des adventices restantes. Dans toutes les situations où l'OAD montre un risque pour le rendement (par exemple en cas de chénopodes ou de renouées persicaires même à faible densité), l'intervention chimique est indispensable.

Quels sont les intérêts et les difficultés ?

DR : L'IFT est réduit de 60 % : 0,6 au lieu de 1,45 pour les programmes habituellement réalisés dans la région avec deux passages à doses presque pleines, pour un coût équivalent. La difficulté à désherber avec la houe rotative est surtout psychologique : la vitesse de l'outil fait peur. Pour dépasser cela, il faut bien former les agriculteurs, de même que les techniciens et les chauffeurs d'ETA. Côté météo, en 2020, 35 % des parcelles en conventionnel n'ont pas eu de produits phytosanitaires car les conditions étaient idéales pour le désherbage mécanique. Cette année, c'est beaucoup plus compliqué ! Le temps passé y est également plus important que pour un programme tout chimique pour lequel il faut cependant compter le temps de remplissage et de nettoyage du pulvérisateur.

En agriculture biologique, comment prépare-t-on le désherbage mécanique ?

D. R. : La rotation est le premier outil de désherbage. La luzerne ou la prairie temporaire comme précédent est le premier moyen pour nettoyer le sol avant d'implanter du maïs. Dans la région, les faux semis sont compliqués à réaliser sauf en sols drainants. La préparation du sol doit être aussi rigoureuse que pour le désherbage alterné. Le semis sur des sols bien réchauffés facilitera le désherbage mécanique.

Comment se déroule le désherbage mécanique, et avec quels outils ?

D. R. : Les interventions précoces par rapport au stade des adventices sont les plus efficaces. Le désherbage comprend trois passages quand la météo est propice. Le premier peut être réalisé avant la levée du maïs avec une herse étrille ou une roto-étrille (à 8-10 km/h) mais en ne touchant surtout pas le germe du maïs. Après la levée, la herse étrille (à 1 km/heure/feuille de maïs) ou la roto-étrille (à 2 km/heure/feuille de maïs) peut aussi être utilisée si le réglage est bien maîtrisé car ces outils sont assez agressifs. Le même outil sera utilisé pour le second passage sur un maïs levé.

Le troisième se fera avec une bineuse à partir de 6F (à 6-10 km/h). Pour biner sur le rang, les disques buteurs montés sur la bineuse sont indispensables.

Quelles sont les principales difficultés rencontrées en bio ?

D. R. : Le désherbage mécanique étant plus sensible aux conditions pédoclimatiques que le désherbage chimique, un des facteurs limitants est la météo. S'y ajoute, surtout pour des éleveurs, le temps de travail deux à quatre fois plus important en bio qu'en conventionnel en fonction des années. Autre difficulté : le manque de maîtrise des outils. Un passage mécanique mal réalisé ne pardonne pas, d'où l'importance de former les producteurs et les techniciens. Notre formation mixant digital et présentiel répond à cette problématique.

(1) Coopérative d'utilisation de matériel agricole.(2) Entreprise de travaux agricoles.

Se former grâce au e-learning

En 2020, Agrobio 35 a transformé une partie de sa formation sur le désherbage mécanique du maïs en e-learning. Pas moins de 25 jours de tournage ont été nécessaires pour capter plus de 50 situations de terrain différentes et montrer ce qui fonctionne ou pas. Trois types de contenus sont proposés : pour les agriculteurs biologiques et conventionnels, les chauffeurs de Cuma et les techniciens. Après avoir suivi la formation en e-learning, chacun peut poursuivre par une formation en présentiel pour poser des questions pratico-pratiques concernant son exploitation.

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