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ACTUS

ENVIRONNEMENT LE SUIVI DES PESTICIDES DANS L'AIR, UNE PRIORITÉ CROISSANTE

Phytoma - n°747 - octobre 2021 - page 4

Les initiatives se multiplient pour étudier la diffusion des produits phytopharmaceutiques et biocides dans l'air, et leur impact sur la santé et l'environnement.
Dès octobre 2021, une étude va être menée dans six régions pour évaluer l'exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes. Photo : Pixabay

Dès octobre 2021, une étude va être menée dans six régions pour évaluer l'exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes. Photo : Pixabay

Le 4 août dernier, le Conseil d'État condamnait l'État à verser 10 millions d'euros d'astreinte, jugeant insuffisantes les mesures prises par le gouvernement pour améliorer la qualité de l'air. Cette condamnation concerne des dépassements de seuils fixés par la réglementation européenne en dioxyde d'azote (NO2) et en particules fines (PM10). Si ces substances sont surtout émises par les transports et le chauffage, l'agriculture est aussi concernée, d'autant que les autres polluants atmosphériques concernés par la directive (EU) 2016/2284 sont le dioxyde de soufre, les composés organiques volatils autres que le méthane mais aussi l'ammoniac (NH3). La qualité de l'air devient une préoccupation croissante et les concentrations en produits phytopharmaceutiques sont désormais étroitement surveillées, même si elles ne sont actuellement encadrées par aucune réglementation. Cette surveillance est un des engagements gouvernementaux du plan national santé environnement (PNSE 3) et du plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques (Prepa). Précisons que la Commission européenne, lors de la présentation le 12 mai dernier de son plan d'action visant à atteindre en 2050 « une pollution zéro pour l'air, l'eau et le sol », dans le cadre du Green deal, a indiqué qu'elle souhaitait introduire des exigences plus strictes pour lutter contre la pollution de l'air à la source, notamment dans le secteur de l'agriculture.

æParmi les organismes impliqués dans la surveillance contre la pollution de l'air, Atmo France (Fédération du réseau national des Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air AASQA), le laboratoire central de surveillance de la qualité de l'air (LCSQA) et l'Institut national de l'environnement industriel et des risques (Ineris) ont annoncé, en juillet dernier, un suivi annuel (en fonction des financements futurs) de 75 molécules pesticides(1) dans l'air, en métropole et en outre-mer. Les premiers résultats seront disponibles courant 2022 dans la base nationale de données de qualité de l'air Geod'air(2), PhytAtmo et les portails régionaux des AASQA(3). En charge du suivi, ces dernières surveillent les pesticides dans l'air depuis 2002, et agrègent leurs données dans la base de données open data PhytAtmo. Dix-huit à 26 mesures seront réalisées chaque année sur sept jours, hormis pour le glyphosate, l'AMPA et le glufosinate qui nécessitent un dispositif de mesure complémentaire.

Notons que, dans un rapport publié en septembre 2020, la Cour des comptes recommande de prévoir dès 2021 le financement d'un dispositif de surveillance pérenne des pesticides dans l'air afin de pouvoir, le cas échéant, adopter sans délai des mesures contraignantes permettant de limiter l'exposition des populations à ces produits.

æCette annonce de suivi pérenne succède à la diffusion des résultats, en juillet 2020, de la Campagne nationale exploratoire de mesure des résidus de pesticides dans l'air ambiant (CNEP), menée entre 2018 et 2019 par les mêmes organismes en métropole et outre-mer. Soixante-quinze substances actives pesticides (dont 26 interdites en France), ont été mesurées sur 50 sites urbains, péri-urbains et ruraux (représentatifs des systèmes agricoles grandes cultures, viticulture, arboriculture, maraîchage, élevage), sur la base d'un protocole harmonisé défini en 2018 dans le cadre du plan Écophyto. L'objectif de cette campagne était de définir une stratégie de surveillance nationale pérenne permettant d'évaluer l'exposition de la population et les risques sanitaires.

En métropole, 56 substances actives ont été quantifiées au moins une fois, dont neuf présentant une fréquence de quantification supérieure à 20 % : chlorothalonil (fongicide, interdit*), chlorpyriphos-méthyl (insecticide, interdit*), folpel (fongicide reconnu cancérogène suspecté), S-métolachlore (herbicide), prosulfocarbe (herbicide très volatile), triallate (herbicide), glyphosate (herbicide), pendiméthaline (herbicide) et lindane (interdit* depuis 1998). Huit substances actives, dont le folpel et le prosulfocarbe, ont dépassé la concentration moyenne annuelle de 0,1 ng/m3. La concentration moyenne annuelle du glyphosate est de 0,04 ng/m3. Ces concentrations suivent les périodes de traitements connues, à l'exception des sites « arboriculture », qui semblent plus influencés par les variabilités interannuelles (conditions météorologiques, pressions parasitaires...). Comme il n'existe pas de valeur toxicologique de référence pour les pesticides dans l'air ambiant, il est difficile de comparer ces valeurs avec des doses journalières admissibles (DJA, valeur toxicologique de référence par ingestion).

æLa CNEP a été conduite dans le cadre du dispositif de phytopharmacovigilance mis en oeuvre par l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et dont l'objectif est de surveiller les effets indésirables des pesticides. L'Anses a proposé, en 2020, une première interprétation sanitaire des données de la CNEP : 32 substances(4), dont treize identifiées comme cancérogènes et/ou reprotoxiques et/ou perturbateur endocrinien et désormais interdites, ont été retenues pour des investigations approfondies, afin de déterminer précisément les risques induits par leur présence dans l'air extérieur pour la santé de la population. En 2020, l'Anses n'avait pas mis en évidence de problématique sanitaire forte associée à l'exposition de la population générale via l'air extérieur, « hors source d'émission de proximité ».

æEn parallèle de ces suivis et évaluations des risques, le projet CasDar Repp'air (2016-2020), associant des chambres d'agriculture, Inrae et Ineris, a été mené pour comprendre les mécanismes de transfert des produits phytosanitaires dans l'air en lien avec les pratiques de pulvérisation (enquêtes menées dans six régions - Grand-Est, Auvergne-Rhône-Alpes, Bretagne, Centre-Val-de-Loire, Nouvelle Aquitaine, Pays de la Loire) et les facteurs influençant ces transferts (caractéristiques physico-chimiques des SA, quantités appliquées, formulation des produits, conditions météorologiques...). Les résultats seront publiés cet automne, notamment sous forme de fiches de bonnes pratiques agricoles.

Par ailleurs, Santé publique France et l'Anses vont réaliser, dès octobre 2021, une étude intitulée PestiRiv pour évaluer l'exposition aux pesticides des personnes vivant près de vignes et de celles vivant loin de toute culture. Six régions viticoles seront couvertes (Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur). Le rapport complet des résultats de l'étude PestiRiv sera publié sur les sites internet de Santé publique France et de l'Anses en 2024.

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)

• UAB = utilisable en agriculture biologique

POUR EN SAVOIR PLUS

Résultats de la campagne nationale exploratoire de mesure des résidus de pesticides dans l'air ambiant (2018-2019) : https://tinyurl.com/upak5hcw

Rapport révisé de l'Anses relatif aux premières interprétations des résultats de la Campagne nationale exploratoire des pesticides (CNEP) dans l'air ambiant : www.anses.fr/fr/system/files/AIR2020SA0030Ra.pdf.

(1) Produits phytopharmaceutiques (produits destinés à protéger les végétaux et les produits de culture), produits biocides (produits destinés à détruire, repousser ou rendre inoffensifs les organismes nuisibles), et antiparasitaires vétérinaires et humains.

(2) www.geodair.fr

(3) https://atmo-france.org/lesdonnees

(4) 2,4-D, boscalid, chlorothalonil*, chlorprophame*, chlorpyriphos-éthyl*, cyprodinil, deltaméthrine, diuron*, époxiconazole*, étofenprox, fénarimol*, fenpropidine, fluazinam, folpel, glyphosate, iprodione*, lindane*, linuron*, métazachlore, métribuzine, myclobutanil*, pendiméthaline, pentachlorophénol*, perméthrine*, phosmet, propyzamide, pyriméthanil, oxadiazon*, S-métolachlore, spiroxamine, tébuconazole, triallate (astérisque* : substances interdites).

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