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DOSSIER - Un réseau majeur de défense La rhizosphère

La diversité microbienne dans les parcelles de choux-fleur

DAMIEN PENGUILLY(1), CÉLINE HAMON(2), BAPTISTE TURBAN(3) (1), VIANNEY ESTORGUES(4), CHARLOTTE ROBY(2), LAETITIA MEST(2), MYRIAM ABGRALL(1) ET THIBAULT NORDEY(5) (1) Caté - Saint-Pol-de-Léon. (2) Vegenov - Saint-Pol-de-Léon. (3) Institut Agro - Rennes. (4) - Phytoma - n°747 - octobre 2021 - page 37

Le projet collaboratif Boussole vise à caractériser la biodiversité des sols des systèmes de culture légumiers en Bretagne et évaluer son impact sur trois maladies telluriques.
Symptômes de Plasmodiophora brassicae. Photo : Caté

Symptômes de Plasmodiophora brassicae. Photo : Caté

2. Symptômes de Plasmodiophora brassicae.  Photos : 2. V. Estorgues 3. Caté

2. Symptômes de Plasmodiophora brassicae. Photos : 2. V. Estorgues 3. Caté

3. Symptômes de Phytophthora megasperma.

3. Symptômes de Phytophthora megasperma.

Fig. 1 : Réseau des 67 parcelles du projet Boussole constitué en 2019      Chacune des parcelles du réseau est représentée par un point rouge sur la carte. La texture du sol du réseau est représentée par différentes couleurs. A : Argileux. AI : Argile limoneuse. L : Limon. LAS : Limon argilo-sableux. Ls : Limon sableux. LSa : Limon sablo-argileux. S : Sableux. Sa : Sable argileux. Sal : Sable argilo-limoneux. SI : Sable limoneux. SS : Sable. Source (fond de carte et légende) : Sols de Bretagne (http://www.sols-de-bretagne.fr/)

Fig. 1 : Réseau des 67 parcelles du projet Boussole constitué en 2019 Chacune des parcelles du réseau est représentée par un point rouge sur la carte. La texture du sol du réseau est représentée par différentes couleurs. A : Argileux. AI : Argile limoneuse. L : Limon. LAS : Limon argilo-sableux. Ls : Limon sableux. LSa : Limon sablo-argileux. S : Sableux. Sa : Sable argileux. Sal : Sable argilo-limoneux. SI : Sable limoneux. SS : Sable. Source (fond de carte et légende) : Sols de Bretagne (http://www.sols-de-bretagne.fr/)

Symptômes de Rhizoctonia solani sur racines de chou-fleur.

Symptômes de Rhizoctonia solani sur racines de chou-fleur.

 Photos : 4. V. Estorgues 5. Caté

Photos : 4. V. Estorgues 5. Caté

Fig. 2 : Caractérisation des parcelles du réseau du projet Boussole et des pratiques du producteur Photos : Parcelle = Caté. Enquête = Vegenov. Sac de terre = https://greenforest.com

Fig. 2 : Caractérisation des parcelles du réseau du projet Boussole et des pratiques du producteur Photos : Parcelle = Caté. Enquête = Vegenov. Sac de terre = https://greenforest.com

Fig. 3 : Abondance et diversité microbienne entre des parcelles avec présence ou absence de hernie

Fig. 3 : Abondance et diversité microbienne entre des parcelles avec présence ou absence de hernie

Fig. 4 : Analyse en composantes principales (ACP) des variables actives et supplémentaires du projet Boussole      L'ACP est une projection des données sur un plan à deux dimensions. Le pourcentage indiqué pour chaque dimension traduit la variabilité expliquée par chacun des axes par rapport à la variabilité totale du jeu de données.      Les flèches vertes correspondent aux variables qui ont servi à la construction des deux axes. Plus la flèche est grande, plus la contribution de la variable à la construction des axes est importante. Les flèches dans le même sens correspondent à des variables qui sont très corrélées entre elles (exemple : bilan humique, bilan azote, nb cruciferes et nb labour).      Les flèches en pointillés bleus correspondent aux taux d'inoculum des trois maladies, qui ont été projetés dans le plan construit à partir des variables. Une grande flèche indique une forte corrélation avec les variables orientées dans le même sens. Ici il y a peu de corrélation (petites flèches bleues) entre variables et taux d'inoculum.      Les points oranges représentent les parcelles. Par exemple, un point en haut à droite indique que la parcelle a un bilan humique, un bilan azote et un nombre de labour élevé. À l'inverse, les points en bas à gauche correspondent à des parcelles pour lesquelles ces indicateurs sont faibles.

Fig. 4 : Analyse en composantes principales (ACP) des variables actives et supplémentaires du projet Boussole L'ACP est une projection des données sur un plan à deux dimensions. Le pourcentage indiqué pour chaque dimension traduit la variabilité expliquée par chacun des axes par rapport à la variabilité totale du jeu de données. Les flèches vertes correspondent aux variables qui ont servi à la construction des deux axes. Plus la flèche est grande, plus la contribution de la variable à la construction des axes est importante. Les flèches dans le même sens correspondent à des variables qui sont très corrélées entre elles (exemple : bilan humique, bilan azote, nb cruciferes et nb labour). Les flèches en pointillés bleus correspondent aux taux d'inoculum des trois maladies, qui ont été projetés dans le plan construit à partir des variables. Une grande flèche indique une forte corrélation avec les variables orientées dans le même sens. Ici il y a peu de corrélation (petites flèches bleues) entre variables et taux d'inoculum. Les points oranges représentent les parcelles. Par exemple, un point en haut à droite indique que la parcelle a un bilan humique, un bilan azote et un nombre de labour élevé. À l'inverse, les points en bas à gauche correspondent à des parcelles pour lesquelles ces indicateurs sont faibles.

Le projet Boussole (FranceAgriMer 2019-2021) a pour objectif de caractériser la biodiversité microbienne de parcelles de production de choux-fleur pour :

(1) acquérir et améliorer les connaissances sur l'état biologique et les services rendus par la biodiversité des sols en cultures légumières de plein champ aussi bien en production conventionnelle qu'en biologique ;

(2) relier la biodiversité des sols aux pratiques agricoles qui en sont à l'origine ;

(3) transmettre, à terme, aux conseillers agricoles et producteurs de légumes de plein champ, des outils pour caractériser cette biodiversité dans les parcelles cultivées.

La culture de chou-fleur et son impact sur le sol

Contexte géographique

En 2019, avec 16 % de la superficie nationale et près de 35 000 ha cultivés, la Bretagne est, sur le plan national, l'une des principales régions de production de légumes de plein champ (Agreste Bretagne, 2020). C'est également la première région en tonnage pour la production de légumes biologiques. Les brassicacées potagères à inflorescence (chou-fleur, brocoli, etc.) sont les plus cultivées et le chou-fleur représente 85 % de la production nationale (Agreste Bretagne, 2021). Ces productions essentiellement destinées au marché du frais sont majoritairement localisées sur le littoral nord breton, dans une zone géographique comprise entre Brest et Saint-Malo.

Ces systèmes de culture légumiers sont caractérisés par de nombreuses interventions culturales annuelles, en particulier pour le travail du sol (labour quasi systématique, nombreux sarclages et binages, etc.). Les conditions pédoclimatiques sont par ailleurs favorables à l'érosion (sols limoneux et cultures sur buttes durant l'hiver).

L'importance des brassicacées dans les rotations de culture favorise l'apparition de nombreuses maladies telluriques, comme Plasmodiophora brassicae (hernie), Phytophthora megasperma et Rhizoctonia solani (pied noir).

Plasmodiophora brassicae

La hernie, causée par l'agent pathogène P. brassicae, est une maladie du système racinaire, caractérisée par l'apparition de galles. Elle est très répandue dans le monde entier et est l'une des plus importantes maladies des brassicacées. En Bretagne, 80 % des sols sont infestés par cet agent pathogène (Rouxel et al., 1991).

La présence de hernie se manifeste tout d'abord par un flétrissement temporaire des plants au cours des journées chaudes. Par la suite, les plants infectés, le plus souvent distribués en foyers, poussent moins vite, restent chétifs, jaunissent et peuvent même se dessécher. À l'arrachage des plants, on constate que leur système racinaire s'est transformé en une masse hypertrophiée (photos 1 et 2).

Lors de la décomposition des tissus de la tumeur racinaire, l'éclatement des cellules libère dans le sol une grande quantité de « spores de repos » qui constituent la forme essentielle de conservation du pathogène. Leur viabilité varie de sept à quinze ans. Pour des sols à forte attaque, on estime leur nombre de 102 à 105 spores par gramme de terre.

L'humidité et la préparation fine du sol favorisent la maladie. L'infection peut se réaliser pour une teneur en eau du sol allant de 50 à 100 % de la capacité de rétention (optimum 80 %) (Donald et al., 2006), d'où le rôle des orages estivaux dans son développement. Elle est aussi favorisée par les pH acides et elle est ralentie par les pH neutres ou alcalins. La nature du sol est également un facteur important. En effet, les sols sableux, perméables, sont moins favorables à la maladie que les formations limoneuses. Les autres facteurs favorables sont des températures comprises entre 20 et 22 °C et le taux d'inoculum dans le sol.

Différents leviers peuvent être mobilisés pour contribuer à lutter contre la hernie mais toujours à efficacités partielles :

• La lutte est essentiellement prophylactique (rotations longues). Dans certains cas, les précédents culturaux tels que les graminées fourragères peuvent avoir un effet bénéfique en réduisant le taux d'inoculum et en améliorant la structure. Un bon drainage et un bon travail du sol sont également recherchés. Il est souhaitable de relever le pH par différents amendements calcaires tout en évitant les excès. Lorsqu'en cours de culture, des attaques se manifestent, il est possible de limiter les dégâts grâce à un buttage qui favorise l'émission de nouvelles racines qui peuvent échapper à l'infection.

• L'utilisation de la cyanamide de chaux (20 % d'azote) a montré un bon potentiel pour la répression de la maladie (Klasse, 1996). Ce produit a des propriétés herbicides et fongicides.

• La protection chimique est pour l'instant peu efficace, même si plusieurs substances actives (non homologuées en France) permettent, en traitement de motte ou traitement localisé sur le rang, de retarder ou diminuer l'intensité de la maladie (Abbasi et Lazarovits, 2006, Donald et al., 2006).

• Depuis 2005, sont apparues quelques variétés de chou-fleur présentant une résistance à trois des quatre pathotypes définis par le Nakt (organisme officiel hollandais pour l'enregistrement des variétés) et deux semenciers. Ces variétés concernent les cycles courts (70-100 jours de cycle plantation-mi-récolte) et ne peuvent pas être utilisées pour une production continue sur l'ensemble du calendrier cultural.

Phytophthora megasperma

Plusieurs espèces de Phytophthora ssp. ont été isolées sur choux en Bretagne, les deux espèces les plus fréquentes sont : P. brassicae et P. megasperma.

P. megasperma est responsable du flétrissement hivernal du chou (photo 3). Cet agent pathogène est très polyphage et peut se développer sur de nombreuses espèces végétales avec des symptômes variés (nécroses, décolorations, etc.), mais dont les plus caractéristiques sont des pourritures molles. Cette maladie est connue sur chou de longue date (Tompkins, 1936) et répandue dans le monde entier.

Les plants atteints sont localisés en foyer (cuvettes, bas de pentes) avec un flétrissement foliaire qui débute généralement par un rougissement des vieilles feuilles. À l'arrachage, le système racinaire est détruit par une pourriture humide et malodorante. Ces dégâts sont surtout observés en période hivernale, dans des parcelles « humides » (excès de précipitations, mauvais drainage, etc.). C'est une maladie fréquente en Bretagne, lors d'hivers pluvieux.

P. megasperma se conserve dans le sol pendant plusieurs années sous forme d'oospores. Leur germination produit des zoospores flagellées qui ont besoin d'eau libre pour se déplacer vers les racines de leurs hôtes.

La première des mesures est d'éviter de cultiver des choux dans des parcelles à risque (risque d'accumulation d'eau, mauvais drainage...) où des dégâts ont déjà eu lieu. Le drainage et l'amélioration de la structure du sol (apport de matière organique, travail du sol moins affiné) comme le buttage peuvent limiter l'expression de la maladie. Il semble y avoir des différences de sensibilité des cultivars à cette maladie.

Rhizoctonia solani

La maladie du rhizoctone brun, causée par R. solani (téléomorphe : Thanatephorus cucumeris), provoque des nécroses noirâtres dans le mois suivant la plantation et est la principale maladie du collet des choux en Bretagne. R. solani présente plusieurs groupes d'anastomoses (AG), certaines souches attaquent spécifiquement les brassicacées (AG 2-1), alors que d'autres sont polyphages (AG 4).

Avant arrachage des plantes, les symptômes sont souvent confondus avec un dégât de mouche du chou ou avec ceux de la hernie. Les plantes présentent un collet noirâtre dont la principale caractéristique est de devenir fibreux (par roulage entre les doigts). Les pertes de plants peuvent varier de quelques plantes à plusieurs dizaines de pourcents les années plutôt chaudes et humides, et selon les précédents culturaux (pomme de terre, chou, etc.) (photos 4 et 5 p. 40).

Au champ, R. solani est capable de survivre sur les résidus de culture (mycélium) et sous forme de stromas. La maladie est favorisée par l'humidité du sol et des températures supérieures à 25 °C.

Une rotation avec des céréales limite le développement de cette maladie. En protection chimique, certaines applications en traitement des parties aériennes du plant avant plantation permettent de réduire fortement les pertes au champ (Estorgues et al., 2013).

Microflore du sol, pratique agronomique et maladies

Projet Boussole

Le projet Boussole, porté par le Caté et faisant intervenir Vegenov, Terre d'Essais et la chambre d'agriculture de Bretagne, a été déposé à l'appel à projets FranceAgriMer Expérimentation 2019 et a été retenu pour financement sur la période 2019-2021. Un des objectifs de ce projet est d'acquérir des références sur la corrélation entre l'abondance et la diversité taxonomique de la microflore du sol, les pratiques agronomiques des producteurs et le taux d'inoculum de ces trois bioagresseurs telluriques des choux qui constituent un préalable important pour la compréhension de ces pathosystèmes. Les résultats du projet Boussole doivent permettre d'identifier des leviers pertinents pour agir contre ces bioagresseurs par une reconception de ces systèmes de culture légumiers.

Un réseau de 67 parcelles de choux-fleurs

En 2019, les partenaires du projet ont établi un réseau de parcelles de production de choux-fleur en Bretagne. Le choix des parcelles s'est fait en prenant en compte plusieurs critères :

- la mise en place d'une culture de choux-fleur sur la parcelle lors de la saison de production 2019-2020 ;

- le positionnement géographique pour couvrir le bassin historique de production de légumes frais en Bretagne ;

- le mode de production (conventionnel ou en agriculture biologique) ;

- le niveau d'infestation en hernie (Plasmodiophora brassicae) déclaré par le producteur sur une période de cinq ans (absent, moyen ou fort).

Au total, un réseau de 67 parcelles a ainsi été constitué (Figure 1).

Caractérisation des parcelles et des pratiques

Afin de pouvoir mettre en évidence de potentielles corrélations entre les pratiques agricoles et la diversité taxonomique ou l'état sanitaire des sols, les parcelles du réseau ont été caractérisées pour différents paramètres d'étude (Figure 2 page suivante).

Chaque parcelle a fait l'objet d'une enquête agronomique réalisée par un conseiller de la chambre d'agriculture de Bretagne auprès du producteur exploitant la parcelle. Dans cette enquête, il était demandé au producteur de faire l'état des lieux des caractéristiques physico-chimiques du sol, de ses pratiques culturales (rotations, travail du sol, fertilisation et amendements organiques, traitements phytosanitaires, etc.) et de l'historique de l'état sanitaire de la parcelle vis-à-vis des trois maladies telluriques-cibles sur une période de cinq ans (hernie, P. megasperma et R. solani).

Dans chaque parcelle, un prélèvement de sol a également été réalisé dans l'horizon 0-20 cm (tous les prélèvements ont été réalisés à la même période, deuxième quinzaine d'octobre 2019). Chaque échantillon de sol prélevé a été caractérisé pour son taux d'inoculum de chacune des trois maladies telluriques par une analyse de détection et de quantification par PCR quantitative à partir de l'ADN extrait des sols à Vegenov. Pour R. solani, trois marqueurs différents ont été utilisés : un marqueur de l'espèce, un marqueur spécifique du groupe d'anastomose AG2-1 et un marqueur spécifique du groupe d'anastomose AG4. La PCR quantitative (qPCR ou PCR en temps réel) permet une quantification précise de la quantité d'ADN-cible initialement présente dans l'échantillon analysé en suivant l'accumulation des séquences d'ADN amplifiées (spécifiques de l'agent pathogène ciblé) lors de la réaction en chaîne par polymérase. Ces tests de détection et de quantification ont été mis au point préalablement au laboratoire de marquage moléculaire de Vegenov, et validés pour leur spécificité (amplification de l'agent pathogène ciblé uniquement en comparaison avec d'autres espèces du même genre ou de genre différents) et leur sensibilité.

Ces mêmes ADN extraits des sols ont également été utilisés pour quantifier les densités bactériennes et fongiques des sols prélevés (abondance) avec la même approche de PCR quantitative, selon les protocoles utilisés par la plateforme GenoSol (Inrae, université de Bourgogne). Cette méthode permet le dénombrement des gènes ribosomiques spécifiques de ces communautés en utilisant des couples d'amorces universelles des bactéries (ADNr-16S) d'une part, et des champignons (ADNr-18S) d'autre part.

Enfin, la diversité microbienne de l'ensemble de ces échantillons a été caractérisée en utilisant une approche de métabarcoding permettant l'identification simultanée de l'ensemble des taxons présents dans un échantillon (voir encadré p. 41). Les étapes de construction des librairies, le séquençage et les analyses bio-informatiques permettant d'obtenir les tables taxonomiques ont été réalisés par la plateforme GeT-IT (Inrae, Toulouse).

Biodiversité des sols cultivés en choux-fleur

Taux des inocula dans les sols du réseau

La présence de la hernie (P. brassicae) a été détectée dans 72 % des parcelles analysées (24 à 5,2 106 spores de hernie par gramme de sol, Figure 3), ce résultat est en concordance avec les données de la littérature (80 % des sols bretons touchés par la hernie, Rouxel et al., 1991). Pour 15 % des parcelles infestées, le taux d'inoculum est inférieur à 102 spores de hernie par gramme de sol. Pour 83 % des parcelles infestées, le taux d'inoculum est compris entre 102 et 105 spores de hernie par gramme de sol (sols à forte attaque). Seule une parcelle présente un taux d'inoculum très fort et supérieur à 106 spores de hernie par gramme de sol (parcelle avec une forte présence de maladie au moment du prélèvement de sol en 2019).

P. megasperma a été détecté dans 60 % des parcelles analysées avec une variabilité de 5,74 10-5 à 6,3 10-2 ng d'ADN-cible par gramme de sol. 75 % des parcelles du réseau sont infectées par R. solani. Dans chaque parcelle infestée, le groupe d'anastomose AG 2-1 spécifique des brassicacées est retrouvé systématiquement, avec une variabilité de 5,17 10-5 à 0,36 ng d'ADN-cible par gramme de sol. Pour 12 % d'entre elles, nous avons également détecté le groupe d'anastomose AG 4 polyphage.

Abondance et diversité microbienne

Aucune différence en termes d'abondance (quantification par qPCR) et de diversité (métabarcoding par indice de Shannon) en bactéries et champignons n'a été obervée entre des parcelles infestées ou non par la hernie (Figure 3). Ces résultats sont identiques pour P. megasperma et R. solani (données non présentées). Aucune différence n'a été observée sur ces variables entre les systèmes de production en agriculture conventionnelle et biologique (données non présentées).

Impact des pratiques agricoles sur la gestion des maladies telluriques

Une analyse multivariée a été réalisée à partir des 54 variables acquises pour l'ensemble des 67 parcelles du réseau à partir de l'enquête agronomique réalisée (ces variables ont été définies et validées par un collectif d'experts de ces systèmes de culture) et de la variable « pH » issue des analyses de sol disponibles pour 44 parcelles (70 % des parcelles du réseau ont un pH compris entre 6,5 et 7,5). Une analyse en composantes principales (ACP) a été effectuée en projetant ces variables (variables actives) dans un plan en deux dimensions, ainsi que les taux d'inocula des trois maladies-cibles (variables supplémentaires) afin d'identifier des corrélations entre ces deux types de données. L'ACP n'a pas permis de mettre en évidence de liens statistiques entre les variables « taux d'inoculum » et les variables agronomiques (Figure 4).

Une analyse GLM (modèle linéaire généralisé) a permis de mettre en évidence un lien statistique hautement significatif (p-value = 10-5) entre le nombre de culture de choux-fleur sur cinq ans et la présence d'inoculum de hernie dans le sol :

- en cultivant des choux une fois tous les cinq ans, la probabilité d'avoir des problème de hernie est de 24 % ;

- pour deux cultures sur cinq ans, elle est de 56 % ;

- pour trois cultures, elle est de 84 % ;

- pour quatre cultures, elle est de 96 % ;

- pour cinq cultures et plus, elle est de 100 %.

Pas de corrélation pratiques agronomiques/bioagresseurs

Le projet Boussole représente une première étude de cette ampleur dans les systèmes de culture légumiers de plein champ en Bretagne. Il a permis une montée en compétences des différents partenaires sur la thématique de la biodiversité du sol et de mobiliser de solides compétences en biostatistiques.

Les données acquises confirment la forte pression en maladies telluriques des choux, consolident certaines données anciennement publiées et confortent le conseil agricole dans ses préconisations aux producteurs qui pouvaient être jusqu'à présent basées à dires d'expert. La réduction du nombre de retours en culture de brassicacées dans la parcelle se révèle être un moyen efficace pour limiter la présence de hernie dans le sol. Le niveau des corrélations statistiques entre les différentes variables (travail du sol, fertilisation, bilans humique et minéral, IFT, précédents culturaux de l'année des prélèvements, nombre de familles botaniques, caractéristiques de la parcelle [pH, cailloux, drainage, etc.]) ne permet pas de faire ressortir des pratiques agronomiques ou des communautés microbiennes ayant un impact positif ou négatif sur la gestion des trois maladies telluriques.

Cela pourrait s'expliquer par le fait que les 67 parcelles de cette étude, malgré leurs différences de pratiques recensées lors de l'enquête, appartiennent peut-être finalement à un système global de production de choux-fleur peu contrasté en Bretagne. Nous faisons l'hypothèse que l'outil de métabarcoding pourrait ne pas être suffisamment puissant pour faire ressortir des différences significatives dans ce panel d'échantillons relativement homogènes. En plus des pratiques culturales, les prochaines études devraient d'avantage être axées sur les conditions pédo-climatiques à l'échelle de la parcelle, notamment la teneur en eau des sols, qui favorise l'expression des maladies telluriques.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le sol constitue un levier peu exploré dans la gestion des maladies. Un des objectifs du projet collaboratif Boussole (2019-2021) est d'acquérir des références sur la corrélation entre l'abondance et la diversité taxonomique de la microflore du sol, la pratique agronomique des producteurs et le taux d'inoculum de trois bioagresseurs telluriques des choux qui constituent un préalable important pour la compréhension de ces pathosystèmes.

ÉTUDE - Une étude statistique de données collectées à partir d'une enquête agronomique et d'analyses de laboratoire dans un réseau de 67 parcelles de choux-fleurs n'a pas mis en évidence de pratiques agronomiques, ni de communautés microbiennes ayant une impact positif ou négatif sur la gestion des trois maladies. Cependant, ces analyses ont démontré un lien statistique fort entre l'intensité de la rotation en choux et la présence de spores de hernie dans le sol.

MOTS-CLÉS - Sols, bactéries, champignons, métabarcoding, légumes, brassicacées, Plasmodiophora brassicae, Phytophthora megasperma, Rhizoctonia solani.

Le métabarcoding : une méthode d'évaluation de la diversité des communautés microbiennes

Grâce au développement des nouvelles technologies de séquençage, l'approche de métabarcoding est de plus en plus utilisée pour étudier la diversité des espèces présentes dans un échantillon. Elle permet d'étudier facilement et rapidement la richesse taxonomique d'un environnement ou de réaliser une analyse différentielle de la structure des communautés microbiennes entre deux échantillons. Cette méthode d'analyse est particulièrement bien adaptée à l'étude des communautés microbiennes du sol, écosystème riche en espèces souvent mal connues ou inconnues, qui sont difficiles à isoler et à identifier morphologiquement. Le principe consiste à extraire l'ADN d'un échantillon puis à amplifier par PCR (réaction de polymérisation en chaîne ou Polymerase Chain Reaction) un fragment d'ADN-cible présent dans l'ensemble des procaryotes ou eucaryotes à l'aide d'un couple d'amorces prédéfini, informatif sur le plan taxonomique (en général un fragment de l'ADNr 16S ou de l'ADNr 18S et ITS respectivement). Les produits de PCR sont ensuite séquencés, et les séquences obtenues sont assignées à des taxons après comparaison à des séquences de références compilées dans une banque de données.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : damien.penguilly@cate.bzh

hamon@vegenov.com

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (9 références) est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-dessus).

REMERCIEMENTS ET FINANCEMENTS

Les auteurs et partenaires du projet Boussole remercient chaleureusement Maela Kloareg (Kuzulia) pour son appui dans le traitement statistique.

Ce travail a été réalisé avec le soutien financier du ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation, de FranceAgriMer, de la Région Bretagne et du Cerafel.

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :