Retour

imprimer l'article Imprimer

Santé

Évaluer l'exposition aux pesticides en région viticole

VALÉRIE VIDRIL, Phytoma - Phytoma - n°748 - janvier 2021 - page 39

Santé publique France et l'Anses ont lancé le 19 octobre une étude inédite sur l'exposition aux pesticides de personnes vivant près de vignes et de celles vivant loin de toute culture.
Cette étude intervient dans un contexte où l'effet des pesticides sur la santé préoccupe particulièrement les Français et les pouvoirs publics. Photo : Pixabay

Cette étude intervient dans un contexte où l'effet des pesticides sur la santé préoccupe particulièrement les Français et les pouvoirs publics. Photo : Pixabay

Fig. 1 : PestiRiv va mesurer l'exposition des personnes vivant à proximité de vignobles en tenant compte de toutes les sources d'exposition Source : Anses

Fig. 1 : PestiRiv va mesurer l'exposition des personnes vivant à proximité de vignobles en tenant compte de toutes les sources d'exposition Source : Anses

La population rurale des régions viticoles est-elle particulièrement exposée aux produits phytopharmaceutiques utilisés pour les traitements des cultures ? Et, si oui, comment ? L'étude de grande ampleur PestiRiv doit répondre à ces questions et déterminer s'il existe une différence entre l'exposition des personnes vivant près de vignes et l'exposition de personnes vivant loin de toute culture.

Un travail inédit

Identifier les sources et adapter des mesures de prévention

Les mesures réalisées auprès de 3 350 personnes dans six régions françaises permettront d'identifier de manière objective les sources qui contribuent le plus à l'exposition aux pesticides, et d'identifier l'influence que peuvent avoir la distance aux vignes, la saison, ou encore les habitudes et les comportements des individus sur cette exposition. Mieux comprendre l'origine de ces expositions permettra d'identifier les moyens de les limiter et d'adapter les mesures de prévention. Le rapport complet des résultats de l'étude PestiRiv sera publié sur les sites internet de Santé publique France et de l'Anses en 2024.

« Peu de données sont disponibles en France sur l'exposition réelle des personnes vivant près de cultures, en particulier viticoles », précise l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), en charge de l'étude avec Santé publique France. Ce travail est inédit dans la mesure où il « permettra de mettre en regard l'exposition réelle de la population, évaluée par des prélèvements biologiques, à l'ensemble des sources possibles d'exposition : l'air, l'alimentation (y compris l'eau), l'activité professionnelle dont les usages agricoles, et les usages domestiques ».

250 zones d'études représentant des situations locales contrastées

Les 3 350 participants, tirés au sort, seront des adultes de 18 à 79 ans et des enfants de plus de trois ans vivant dans des zones viticoles (à moins de 500 mètres de vignes et à plus de 1 000 mètres d'autres cultures) et des zones éloignées de toute culture (plus de 1 000 mètres de toute culture). Ils seront répartis dans plus de 250 zones d'études, représentant des situations locales contrastées, dans six régions : Auvergne-Rhône-Alpes, Bourgogne-Franche-Comté, Grand-Est, Nouvelle-Aquitaine, Occitanie, Provence-Alpes-Côte d'Azur. L'étude porte sur deux périodes de l'année :

- d'octobre 2021 à février 2022, lorsque les traitements des vignes avec des produits phytopharmaceutiques sont les moins fréquents ;

- de mars à août 2022 lorsque les traitements sont les plus fréquents.

L'exposition aux pesticides sera mesurée à la fois chez l'homme et dans l'environnement à partir :

- d'échantillons d'urines et de cheveux (présence dans l'organisme) ;

- de recueils de poussières et d'air à l'intérieur du logement, ou encore de fruits et légumes du jardin de certains participants ;

- de mesures dans l'air extérieur. Les mesures dans les milieux concerneront une cinquantaine de substances.

Des questionnaires adressés aux participants permettront d'identifier les sources d'exposition. Les mesures seront aussi accompagnées de la description des conditions météorologiques et topographiques (qui peuvent influencer la dispersion des produits phytopharmaceutiques dans l'environnement), du contexte agricole (par exemple la probabilité de traitements des vignes) et de données de surveillance nationale de l'eau.

Une phase préalable, menée du 28 octobre au 21 décembre 2019 dans quatre communes des régions Grand-Est et Nouvelle-Aquitaine, a permis de tester la méthodologie et l'adhésion auprès de 72 foyers.

Un dispositif national de surveillance

L'étude PestiRiv s'inscrit dans une série de travaux scientifiques visant à améliorer les connaissances sur les pesticides et leurs effets réels sur la santé : le programme national de biosurveillance, Geocap-Agri, la Campagne nationale exploratoire des pesticides (CNEP)(1). Toutes ces données sont exploitées dans le cadre de la phytopharmacovigilance, un dispositif national de surveillance des effets indésirables liés à l'utilisation des produits phytopharmaceutiques piloté par l'Anses.

Cette étude intervient dans un contexte où l'effet des pesticides sur la santé préoccupe particulièrement les Français et les pouvoirs publics. La nouvelle expertise « Pesticides et effets sur la santé », publiée en juin dernier par l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), et basée sur l'analyse de plus de 5 200 études, détaille les liens de présomption entre l'exposition professionnelle aux pesticides (en particulier le chlordécone, le glyphosate et les fongicides inhibiteurs de la succinate déshydrogénase SDHi) et la survenue de différentes pathologies (lymphomes non hodgkiniens, myélome multiple, cancer de la prostate(2), maladie de Parkinson, bronchopneumopathie chronique obstructive, bronchite chronique...).

Diminuer l'exposition

Différents dispositifs sont mis en oeuvre afin de limiter les risques d'exposition. En premier lieu, l'évaluation des produits phytopharmaceutiques réalisée par l'Anses dans le cadre des autorisations de mise sur le marché (AMM) prend en compte l'exposition des personnes présentes et des riverains. Dans l'attente des modifications de l'ensemble des AMM en vigueur, l'arrêté du 27 décembre 2019 (modifiant l'arrêté du 4 mai 2017) fixe des distances de sécurité à proximité des zones d'habitation selon le type de culture et le profil toxicologique des produits. Lorsque le traitement est effectué dans le cadre d'une charte d'engagement de l'utilisateur, l'utilisation de certains matériels d'application (listés dans une note de service publiée par la DGAL(3)) permet de diminuer ces distances. L'arrêté doit être révisé à la suite d'une ordonnance du Conseil d'État rendue fin juillet, requérant notamment l'augmentation des zones non traitées pour les produits classés comme suspectés d'être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2), des mesures de protection pour les personnes travaillant à proximité (et pas uniquement les riverains), et une meilleure information du public prévue dans les chartes d'engagement départementales.

Côté expérimentation, des plateformes sont mises en place pour évaluer la dérive des dispositifs de pulvérisation (EoleDrift en viticulture, Titec en arboriculture). Le projet Capriv (Acta, Inrae, Anses, IFV, CTIFL, Arvalis) mobilise depuis octobre 2020 et jusqu'en décembre 2022 les filières arboriculture, viticulture et grandes cultures, afin de rechercher des moyens supplémentaires de réduire la dérive.

(1) Voir Phytoma n° 747, p. 4.(2) Voir aussi l'expertise de l'Anses sur le cancer de la prostate : https://tinyurl.com/4j2fcuwp. La commission supérieure des maladies professionnelles en agriculture vient de donner un avis favorable pour qu'il soit reconnu maladie professionnelle liée à l'exposition aux pesticides. (3) Dernière en date : note de service DGAL/SDSPV/2021-364 du 17 mai 2021.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Les interrogations portant sur les impacts sanitaires liés à l'exposition aux produits phytopharmaceutiques se multiplient, alors même que la réglementation et les progrès techniques visent à limiter les risques. Depuis plus de vingt ans, des mesures de pesticides sont réalisées dans l'air par les Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) mais il existe peu de donées sur l'exposition « multi-source » des riverains.

ÉTUDE - L'étude PestiRiv, pilotée par Santé publique France et l'Anses, va permettre d'évaluer l'exposition d'une population à différentes sources possibles : l'air, mais aussi l'alimentation, l'eau, l'activité agricole et les usages domestiques. L'objectif est de documenter les risques pour les riverains d'exploitations viticoles en comparaison avec des zones éloignées des cultures.

Ces informations permettront d'adapter les mesures de prévention mises en oeuvre. D'ores et déjà, la recherche et les instituts techniques se mobilisent pour mieux comprendre les phénomènes de dérive, qui constituent une des sources potentielles d'exposition.

MOTS-CLÉS - Produits phytopharmaceutiques, exposition, santé, riverains, dérive, eau, alimentation.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : v.vidril@gfa.fr

LIENS UTILES : PestiRiv : https://tinyurl.com/8n7jnwxa

Travaux de l'Anses sur la protection des riverains : https://tinyurl.com/vrmeyd24

« Pourquoi et comment utiliser des buses anti-dérive ? » : www.matevi-france.com : https://tinyurl.com/3kkbwxrn

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :