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Biocontrôle : comment les lois influent sur son développement

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°748 - janvier 2021 - page 48

Face à la réduction inéluctable des produits phytosanitaires conventionnels, l'espoir vient, entre autres, du biocontrôle qui représentait 12 % du marché français de la protection des cultures en 2020. Les politiques et la société poussent au développement de leur utilisation. Mais qu'en est-il de la réglementation française et européenne ? Entretien avec Denis Longevialle, secrétaire général d'IBMA France.
 Photo : C. Urvoy

Photo : C. Urvoy

Les produits de biocontrôle sont définis dans le code rural (article L. 253-6) comme étant « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels [...] contre les ennemis des cultures ». On y distingue ceux à base de macro-organismes (insectes, acariens, nématodes) et les produits phytopharmaceutiques à base de micro-organismes (bactéries, virus, champignons), médiateurs chimiques et substances naturelles(1). Il existe aujourd'hui en France deux listes officielles de spécialités de biocontrôle : la liste T0 des macro-organismes non indigènes et la liste des produits phytopharmaceutiques établie par la DGAL comprenant des micro-organismes, médiateurs chimiques, substances naturelles et pièges à insectes. Certains produits ne figurent pas sur cette seconde liste notamment en raison d'une mention de danger ou s'ils contiennent une substance active dont la substitution est envisagée.

30 % en 2030

Le biocontrôle représentait en 2020 plus de 12 % du marché français de la protection des plantes. « L'ambition d'IBMA France, association des entreprises de produits de biocontrôle, est d'atteindre les 30 % à horizon 2030 », précise Denis Longevialle, son secrétaire général. Les adhérents d'IBMA France couvrent 90 % du marché du biocontrôle. Celui-ci représente 37 % des ventes d'insecticides (en chiffre d'affaires), 26 % des antilimaces, 13 % des fongicides et 3 % des herbicides. Même si le biocontrôle s'adresse à tous types de filière, il est davantage utilisé en cultures spécialisées qu'en grandes cultures.

Trois grandes lois

Les premiers macro-organismes sont utilisés en Europe depuis une cinquantaine d'années et les médiateurs chimiques depuis une vingtaine d'années. « En France, le top départ de la véritable prise en compte de ces méthodes alternatives dans les politiques publiques a été le rapport du député Antoine Hertz en avril 2011, qui reste une référence en la matière, souligne Denis Longevialle. Depuis plus de dix ans, les politiques ont accéléré ce déploiement via trois grandes lois : le Grenelle de l'environnement avec le plan Écophyto, la loi d'avenir qui a installé le biocontrôle dans la réglementation avec une définition dans le code rural (article L. 253-6) et la loi EGalim qui a notamment modifié cet article pour y inscrire une stratégie nationale de déploiement du biocontrôle. »

AMM prioritaire

Les produits phytopharmaceutiques de biocontrôle relèvent du règlement CE 1107/2009 et doivent obtenir une AMM(2) délivrée par l'Anses pour être vendus en France. Depuis la loi d'avenir, le délai réglementaire pour l'obtenir a été réduit à 6 mois(3) au lieu de 12 pour un produit conventionnel. « Cela n'est pas encore le cas en réalité même si cela s'améliore. Mais le problème se situe aujourd'hui surtout au niveau de l'autorisation européenne des substances actives. Il n'y a aucune accélération de ce processus. Il est urgent d'obtenir une reconnaissance du biocontrôle au niveau européen. » En l'absence de réglementation européenne, les macro-organismes dépendent, eux, d'une réglementation nationale particulière (décret n° 2012-140).

Contraintes terrain allégées

Certaines dispositions réglementaires favorisent la vente et l'usage du biocontrôle. Ainsi, les distributeurs peuvent toujours réaliser des remises, rabais et ristournes. Lorsque le produit ne comporte aucune mention de danger, l'agrément phytosanitaire n'est pas obligatoire pour l'application en prestations de services. Sauf mention sur l'AMM, les zones non traitées (ZNT) sont supprimées. Des dispositions plus favorables s'appliquent aux seuls produits inscrits sur la liste DGAL comme le conseil stratégique non obligatoire si l'agriculteur n'utilise que ces produits. Ils sont non seulement exclus de l'assiette pour le calcul des obligations liées à la mise en oeuvre des CEPP mais donnent droit à des CEPP s'ils disposent d'une action standardisée approuvée et publiée par arrêté. 50 % des produits de biocontrôle de la liste DGAL en disposent. IBMA souhaite que tous les produits de biocontrôle en soient pourvus avec une procédure accélérée pour ceux-ci. « Le soufre est ainsi devenu la première solution pourvoyeuse de CEPP (28 % des 3,8 millions de CEPP obtenus en 2020) et le phosphate ferrique arrive en troisième position (8 %). »

Convaincre l'Europe

Aujourd'hui, IBMA se focalise sur la stratégie nationale de déploiement du biocontrôle publiée en novembre 2020. Un de ses quatre axes stratégiques est la simplification des procédures d'autorisation et d'utilisation de ces solutions. Un second concerne la promotion du biocontrôle au niveau européen. Comme on l'a vu précédemment, il est urgent de créer au niveau européen les mêmes accélérateurs que ceux créés en France, à savoir une reconnaissance européenne du biocontrôle puis des mesures comme une inscription prioritaire, une communication possible entre les États membres, une coopération des instituts scientifiques... « Nous espérons beaucoup de la présidence française du Conseil européen au premier semestre 2022 pour initier la reconnaissance du biocontrôle dans les politiques publiques et les textes réglementaires européens, précise Denis Longevialle. La mise en oeuvre de cette stratégie nationale tant au niveau français qu'européen va constituer un véritable levier pour l'innovation et l'utilisation des produits de biocontrôle en France. »

(1) Toute substance naturellement présente et identifiée en l'état dans la nature, et extraite d'un matériau source naturel ou obtenue par synthèse chimique de façon strictement identique. (2) Autorisation de mise sur le marché.(3) Ou huit mois si consultation d'un autre État membre.

BIO EXPRESS DENIS LONGEVIALLE

1989. Ingénieur agronome de l'Ina Paris-Grignon (Paris)

1990. Consultant en management chez Altis à Paris

1992. Assistant marketing, puis responsable communication de l'Ufac à Vigny (Val d'Oise)

1999. Responsable communication de Coriolis à Nangis (Seine-et-Marne)

2002. Responsable communication, puis responsable développement et relations extérieures de Nouricia à Troyes (Aube)

2012. Directeur communication institutionnelle et relations extérieures de Vivescia à Reims (Marne)

2014. Secrétaire général d'IBMA France (Paris)

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