Les moyens de gestion des bioagresseurs recommandés par la directive 2009/128/EC sur l'utilisation durable des pesticides constituent une bonne trame pour réduire la contamination au champ par les champignons producteurs de mycotoxines. Ils peuvent être complétés, en agriculture conventionnelle, par le recours aux produits pharmaceutiques.
Des systèmes adaptés pour prévenir le risque
Rotation des cultures
La rotation des cultures est souvent insuffisante pour le maïs, les spores des Fusarium « voyageant » d'une parcelle à l'autre. Pour les céréales à paille, les précédents maïs et sorgho augmentent fortement le risque de fusarioses sur le blé qui suit, alors que ces cultures sont recommandées pour prévenir les contaminations par l'ergot. La présence de graminées adventices sensibles dans une culture autre qu'une céréale entrave l'efficacité de la rotation contre l'ergot. La rotation avec des cultures d'hiver (colza, pois, féveroles), qui ne permet pas un désherbage suffisant vis-à-vis du vulpin et du ray-grass, hôtes de l'ergot du seigle, est sans effet sur la gestion du contaminant. Selon des études récentes, une culture de colza précédant un blé peut expliquer la forte teneur en ergot de la céréale récoltée (Orlando et al., 2015). Des observations anglaises signalent la présence fréquente d'ergot dans les récoltes de colza. Ils l'attribuent à des graminées (vulpin, ray-grass...), non détruites dans le colza (Farmer Weekly, 2016, Robert et al., 2008)(1). Les cultures de tournesol, soja, betterave, protéagineux de printemps sont à privilégier avant un blé. Les précédents pois de printemps ou féveroles utilisés pour les blés biologiques expliquent l'exposition modérée aux fusarioses.
Dates de semis et de récolte
Les dates de semis et de récolte pour le maïs doivent être les plus précoces possibles pour gérer les fusarioses et les Aspergillus. C'est la technique de l'esquive pour éviter le stress hydrique à la floraison en juillet, mois le plus chaud. Cette esquive vaut aussi pour la pyrale et la sésamie dans la moitié sud de la France où deux générations de ces insectes sont observées. Les semis précoces exposent en revanche davantage le maïs dans la moitié nord de la France où la pyrale n'a qu'une génération. En complément de la date, des densités des semis de maïs adaptées à la ressource en eau évitent d'accentuer les phénomènes de stress hydrique.
Labour
Le labour, souvent largement pratiqué en agriculture biologique, permet de lutter efficacement contre l'ergot du seigle en enfouissant les sclérotes et en réduisant les graminées-hôtes relais. Il est surtout efficace pratiqué un an sur deux pour l'ergot ou dans le cadre d'une rotation longue. Il est également utile pour limiter les fusarioses du blé ou du maïs en enfouissant les résidus de la culture qui précède qui sont une source de contamination. Il ne devient en revanche « pratique aratoire conservative » qu'en agriculture conventionnelle avec un emploi plus modéré que permet l'usage parallèle d'herbicides. Pour mieux conserver les sols, il est recommandé d'abandonner partiellement le labour, ce qui facilite également la lutte contre l'érosion et limite l'émission de microparticules de sol qui peuvent poser des problèmes sanitaires à proximité des grandes villes en situation anticyclonique en fin d'hiver.
Résistance variétale
Des cultivars de maïs résistants aux insectes sont utilisés sur l'ensemble du continent américain mais aussi en Espagne et au Portugal. Ils évitent les plaies sur les grains qui favorisent le développement des champignons du genre Fusarium, et dans une moindre mesure Aspergillus (Wu, 2006, Folcher et al., 2010). Toutefois, cet usage n'est pas possible dans les pays européens qui ont fait le choix de ne pas développer ces technologies, au sein desquels la France.
Les cultivars de blés et de maïs les plus tolérants aux fusarioses et aux aspergilloses (pour les pays exposés comme l'Italie pour les aspergilloses du maïs) sont dans tous les cas indispensables. Toutefois, les tolérances aux différentes fusarioses et aux aspergilloses ne sont pas automatiquement cumulables sur les mêmes variétés de maïs. Les maïs hybrides présentent une sensibilité réduite aux maladies de l'épi par rapport aux variétés populations plus exposées mais très peu utilisées dans la pratique. Les semences certifiées de céréales à paille évitent ou limitent fortement le risque d'introduire des sclérotes d'ergot au moment du semis.
Fertilisation et irrigation
Une fertilisation équilibrée et ajustée aux besoins et surtout le recours à l'irrigation permettent d'éviter des stress alimentaires ou un stress hydrique, principales causes de développement des Aspergillus produisant des aflatoxines (Payne et al., 1986) ou des fusarioses produisant des fumonisines. Pour les aflatoxines, l'irrigation reste une arme presque absolue les années à été sec, même si une interaction avec la génétique des hybrides ou les attaques de foreurs de l'épi entraînent une variabilité de l'efficacité. La construction de barrages et la création de retenues d'eau participent donc indirectement à la lutte contre la contamination des maïs par les aflatoxines et les fumonisines, produites par des champignons qui se développent préférentiellement sur les fissures qui apparaissent sur le grain en cas de stress hydrique au stade floraison ou dans les semaines qui suivent.
Équipements et réaffectation
Le nettoyage des machines récoltant ou transportant le grain ainsi que des silos limite la contamination du grain par les insectes mais ne suffit pas à l'empêcher.
Les moyens de séparation des grains atteints par les fusarioses ou des sclérotes d'ergot du seigle participent largement à l'obtention d'une récolte conforme aux exigences des réglementations sur les teneurs en mycotoxines et sclérotes d'ergot. Une partie importante des gains les plus fusariés, moins denses, sont éliminés naturellement dès la récolte au champ et plus encore à leur arrivée au silo avec les nettoyeurs séparateurs. Les sclérotes étant de densité et de taille comparable au grain sain, des trieurs optiques assurant la séparation par la couleur permettent de réduire fortement leur nombre ; la teneur en alcaloïde du lot peut ne pas diminuer autant à cause des fragments de sclérotes adhérant aux grains. L'utilisation de trieurs optiques entraîne des coûts supplémentaires (Intercéréales, 2014).
Le repérage et l'allotement permettent de gérer des parcelles potentiellement à problème (Intercéréales, 2014). Les lots les plus atteints peuvent être affectés à l'alimentation animale et aux espèces ou productions les moins sensibles aux mycotoxines considérées, tout en respectant les recommandations européennes (Intercéréales, 2014), ou valorisés via la filière bioéthanol. En dernier recours, les lots les plus contaminés par des mycotoxines ou des alcaloïdes de l'ergot qui ne peuvent être triés et dépassent les valeurs seuils pour les espèces animales les moins sensibles devront être détruits par incinération ou enfouis.
Combiner prophylaxie et protection phytosanitaire
L'importance des conditions climatiques
Le climat reste le premier facteur qui explique le développement des moisissures productrices de mycotoxines. Les mois de juillet chauds et secs lors de la floraison du maïs favorisent la contamination par les aflatoxines et les fumonisines. Les automnes humides et les étés frais et pluvieux sont essentiels pour les contaminations par les fusariotoxines du maïs. La pluie au cours du printemps est indispensable à la contamination par l'ergot du seigle. La pluie en fin de printemps, au moment de la floraison du blé, est déterminante pour la contamination des céréales à paille par les fusariotoxines.
L'intérêt de la protection phytosanitaire
Les méthodes prophylactiques, notamment les choix de dates de semis ou de dates de récolte, constituent des outils pour esquiver ces phases d'exposition au risque. L'utilisation des pesticides (notamment fongicides) permet une gestion lorsque le risque est constaté mais reste complémentaire des autres moyens de gestion notamment prophylactiques qui jouent sur l'inoculum au départ (rotation, enfouissement). Elle limite, en complément de la génétique et de l'agronomie, l'extension des champignons toxinogènes sur le végétal. Les effets des fongicides, mais aussi des insecticides et herbicides, interviennent à différents niveaux :
- directement sur le champignon ou sur les vecteurs du champignon ;
- directement sur les hôtes-relais du champignon, mais aussi sur la plante avec la gestion des stress qui la rendent plus sensible aux champignons toxinogènes ;
- de façon plus indirecte, en permettant la mise en oeuvre des pratiques agronomiques visant à échapper à la contamination par les producteurs de mycotoxines.
Les fongicides en action directe
Les fongicides sont largement utilisés pour lutter contre les fusarioses du blé. Ils sont partiellement efficaces sur les fusarioses du maïs mais ne sont quasiment pas utilisés pour cet usage, la priorité étant donnée à la lutte contre les vecteurs avec des insecticides, les épis étant difficiles à traiter directement. Ils sont efficaces sur la semence de blé, de seigle ou de triticale pour prévenir la germination des sclérotes d'ergot parfois mélangés aux semences (Maunas et al., 2015) mais peu d'éléments attestent leur intérêt quand ils sont appliqués sur la plante au printemps. La destruction des hôtes-relais par des herbicides ou par un labour préalable est dans ce cas privilégiée.
Les insecticides : limiter les blessures, les transferts...
Les insecticides sont efficaces pour prévenir les blessures des chenilles sur l'épi du maïs qui favorisent la contamination par les fusarioses. Une réduction de la teneur en DON, ZEN, fumonisines est observée avec leur emploi. Utilisés dans la raie de semis pour lutter contre l'insecte Diabrotica virgifera, ils limitent la destruction des racines et le stress hydrique induit. En limitant les dégâts d'insectes du sol, la protection de l'insecticide permet l'adoption de semis de maïs précoce, qui diminue le risque de contamination par les champignons toxinogènes.
Sur les céréales à paille, il est prouvé que le transport des spores d'ergot du seigle, au sein d'un miellat attractif, entre les graminées, hôtes intermédiaires et les céréales, peut être assuré par les insectes (Butler et al., 2001 ; Vitry et al., 2015). Ce transport peut être potentiellement limité par l'emploi d'insecticides qui soit réduisent les populations d'insectes, soit, pour certains d'entre eux, exercent un effet répulsif. Les insecticides restent indispensables pour conserver les céréales dans les silos au-delà de quelques mois. C'est la règle dans les pays qui ne disposent pas de silos totalement étanches et décontaminés avec un gaz toxique (généralement de la phosphine PH3).
Les herbicides contre les adventices-hôtes
Les herbicides sont efficaces pour détruire les graminées adventices-hôtes secondaires de l'ergot du seigle dans les cultures de céréales à paille (Romer et al., 2013 ; Orlando et al., 2013). Leur emploi réduit l'enherbement des parcelles de maïs et le stress hydrique induit par les adventices sur la plante cultivée au stade floraison. Des réductions de la contamination par les Aspergillus et les aflatoxines ou les Fusarium et les fusariotoxines résultent d'un désherbage correct, l'eau étant un facteur limitant à ce stade particulièrement sensible. Les instituts de recherche agronomique américains et italiens citent la destruction des adventices comme un moyen de gérer certains champignons toxinogènes du maïs ou de l'arachide (Burns, 2003 ; Leslie et Logrieco, 2014 ; Ferrigo et al., 2014). L'explication tient au fait que les adventices créent des stress hydriques et alimentaires. Or le développement des Aspergillus spp. toxinogènes est proportionnel au stress hydrique durant la floraison (Jones, 1986). Les fumonisines sont citées comme favorisées par des échecs de désherbage en conditions sèches. Une étude récente sur plusieurs années (Reboud et al., 2016) montre que le contrôle des adventices permet de réduire fortement les teneurs en trichothécènes B. L'efficacité dépasse 90 % pour le nivalénol dans la récolte de maïs. Parmi les causes possibles figure l'effet des adventices sur le stress alimentaire ou hydrique.
Contaminations en agriculture conventionnelle et en AB
Peu de différences en sortie du champ
La description des moyens de gestion explique le peu de différences observées à la sortie du champ pour la contamination du blé par les fusariotoxines et les sclérotes de l'ergot entre l'agriculture conventionnelle et l'agriculture biologique. Une agriculture biologique dont les rotations n'incluent pas ou très peu de maïs ou de sorgho, jamais avant des céréales à paille ou à proximité et qui maintient le labour comme principal moyen de désherbage est peu exposée. C'est le cas de nombreuses fermes d'agriculture biologique telle que pratiquée en France ou en Suisse. Les résultats obtenus dans les fermes biologiques plus « industrielles » des pays d'Europe de l'Est peuvent en revanche ne pas être aussi satisfaisants pour la gestion de ces risques. Dans les faits, l'agriculture biologique des deux pays de référence (France et Suisse) s'est développée avec des systèmes herbagers puisque 70 % des surfaces de grandes cultures concernent des exploitations d'élevage sur prairies.
Plantes toxiques : galégas et séneçons en prairie
Si les prairies limitent l'exposition du bétail aux mycotoxines du maïs et aux plus redoutables d'entre elles, les aflatoxines, le pâturage ne saurait être synonyme de parfaite sécurité du bétail. L'ergot du seigle contamine ainsi les graminées des prairies et a causé des ravages dans les élevages américains parmi les plus extensifs en 2013, avec des prairies impraticables avant la floraison, contaminations qui ont en particulier touché les inflorescences du foin (Délos et al., 2014).Par ailleurs, certaines adventices toxiques sont davantage présentes dans les prairies mal entretenues (Gasquez et Délos, 2017 ; Délos et al., 2014). Ce sont des plantes riches en alcaloïdes, qu'il s'agisse d'alcaloïdes du groupe des guanidines contenus dans des légumineuses telles que Galega officinalis ou des alcaloïdes pyrrolizidiniques contenus dans différents séneçons (Senecio inaequidens et Senecio jacobaea principalement).
Le datura dans les cultures estivales
Des adventices riches en alcaloïdes tropaniques sont cependant plus redoutées que les séneçons et galégas cités mais sur des cultures sarclées. Il s'agit principalement du datura (Datura stramonium), plante invasive qui se développe notamment dans des cultures estivales, en particulier le maïs, et cause régulièrement des accidents graves chez les ruminants consommant l'ensilage issu de parcelles insuffisamment désherbées. Paradoxalement, l'agriculture conventionnelle est plus exposée au maïs ensilage qui peut être contaminé en cas de désherbage insuffisant, étant donné que le maïs ensilage bio reste marginal avec un peu plus de 10 000 ha cultivés en France contre 1,5 million d'hectares conventionnels. Les contaminations des récoltes de tournesol ou de soja sont également relativement fréquentes pour les cultures insuffisamment désherbées, mais avec un risque chronique pour le bétail et en général non aigu du fait des mélanges de lots.
Une recommandation de la commission UE soulignait dans un avis du 15 juin 2015 un risque pour l'ensemble des céréales estivales(2), les légumineuses potagères et sèches et les graines oléagineuses aux cycles compatibles avec le cycle du datura. Une réglementation votée le 15 avril 2021 en révision du règlement 1881/2006 pour une application au 1er septembre 2022 limite la somme des alcaloïdes tropaniques à 15 ug/kg pour le maïs grain, 10 ug/kg dans le sarrasin et 5 ug/kg pour le pop-corn.Bien que plus complexe que pour l'agriculture conventionnelle, le désherbage de ces cultures maïs, soja et tournesol bio est possible mais suppose de compléter le binage par du désherbage manuel pour éliminer tous les daturas avec un repérage aérien par drone désormais systématique.
Les alcaloïdes de datura sont régulièrement détectés dans le sarrasin bio servant à fabriquer des galettes. Le dernier accident grave en date a envoyé 50 consommateurs à l'hôpital en 2019(3). Des signalements avec retraits de lots récents sont intervenus en février, décembre 2018 et août 2019(4), sans préciser si ces retraits avaient pu être faits avant ou après consommation humaine. La production de sarrasin conventionnelle dispose des herbicides capables d'éviter ces contaminations au champ.
Une difficulté en AB : la conservation des grains
La principale difficulté de l'agriculture biologique en matière de mycotoxines reste la conservation du grain au-delà de quelques mois, en l'absence d'insecticide efficace. Des contaminations ponctuelles mais significatives par les « moisissures » productrices d'ochratoxine A sont observées dans le cas des blés issus de l'agriculture biologique. L'activité des insectes facilite la dissémination des moisissures productrices d'ochratoxines à l'ensemble du lot, même si la cause principale de la contamination reste les mauvaises conditions de stockage, plus rares dans les pays développés mais toujours possibles (Wagener, 2014). Des systèmes de refroidissement de l'air pour abaisser la température du grain aussitôt après récolte sont désormais généralisés dans les sites de conservation de grains bio et permettent d'éviter tout risque. Ce choix reste « gourmand » en énergie. Les systèmes de ventilation nocturne classiquement mis en oeuvre peuvent être insuffisants dans les régions du sud et de l'ouest de la France, pour du grain qui ne reçoit pas d'insecticide après la récolte.
Pour le maïs, la situation est délicate, notamment en raison de l'incidence des chenilles de l'épi sur l'exposition aux mycotoxines et la nécessité de semis précoces pour éviter le stress hydrique. Une exploitation disposant de l'irrigation, située dans des régions peu concernées par la pyrale ou la sésamie, semant des hybrides précoces à partir du mois de mai, peut échapper à ces contaminations. Il n'y a donc pas de fatalité à voir le maïs produit en agriculture biologique plus contaminé.
Conclusion
Les contaminants naturels dans les céréales destinées à l'alimentation humaine et animale (animaux d'élevage ou de compagnie) constituent un sujet de préoccupation qui va croissant avec la connaissance de leur étendue et de leur incidence. Ils ne se limitent pas aux quelques mycotoxines mentionnées dans les pages qui précèdent. Leurs métabolites sont en outre, pour la plupart, aussi dangereux, voire pour certains plus dangereux. La situation en France reste enviable, comparée à celle des pays tropicaux ou même des États-Unis. La différence tient exclusivement au climat. Le caractère stratégique de filières d'alimentation animale capables de valoriser les lots les plus affectés par ces contaminants doit être également souligné, ainsi que l'importance de disponibilités bien supérieures aux besoins des populations humaines. Cela suppose soit des stocks considérables soit des surfaces emblavées en céréales bien supérieures aux besoins des populations humaines.Les produits phytopharmaceutiques de synthèse restent complémentaires de techniques de cultures adaptées. Leur disponibilité, dans leur diversité (y compris le biocontrôle), reste indispensable, tant que d'autres outils associés au seul biocontrôle n'assurent pas la sécurité de l'aliment, ce que l'institut de recherche Inrae envisage possible à partir de 2035.
(1) www.fwi.co.uk/arable/late-maturing-crops-showingbetter-yields.htm
RÉSUMÉ
CONTEXTE - La gestion des mycotoxines reste complexe en 2021. Les contaminations dépendent largement des conditions climatiques.
ANALYSE - Des moyens génériques sont mis en oeuvre pour prévenir ou gérer ces contaminations en grandes cultures : rotation, dates de semis et de récolte, labour, résistance variétale, trieurs optiques... Certaines interactions limitent leur efficacité. Des plantes adventices comme les vulpins et ray-grass peuvent être des hôtes des champignons toxinogènes, ou être elles-mêmes toxiques (galégas, séneçons, datura...), rendant nécessaire des actions de désherbage. Le recours aux fongicides, insecticides et herbicides permet de compléter les actions agronomiques et les éventuelles solutions génétiques. En agriculture conventionnelle comme en agriculture biologique, les risques existent.
MOTS-CLÉS - Contaminants, mycotoxines, agriculture conventionnelle, agriculture biologique.
1 - Contaminations sur céréales à paille en Europe
Les céréales à paille, et principalement le blé, ont connu des épisodes de forte contamination par les fusarioses de l'épi en Europe en général et en France en particulier, notamment en 2007, 2008, 2012 puis dans une moindre mesure en 2013, et localement mais significativement en 2016 avec la présence en forte augmentation de déoxynivalénol (DON) et zéaralénone (ZEN) dans le grain à la récolte. En 2020, cette contamination a été plus ponctuelle et a surtout concerné le sud de la France. Après une présence anormale d'ergot du seigle en 2006, 2009, 2012 et plus encore en 2013 (Délos et al., 2014), une progression plus ou moins régulière a été observée dans le blé et l'orge depuis cette période. La contamination par l'ergot du seigle est généralisée en Europe : une communication de l'Efsa rend compte, en 2010, de 86 % des produits céréaliers à base de blé contaminés et 96 % pour ceux à base de seigle, par au moins 1 microgramme d'alcaloïde de l'ergot par kg de farine (LOQ : Limit Of Quantification). Il s'agissait généralement seulement de traces d'alcaloïdes sans conséquences encore connues sur la santé des consommateurs mais avec des doses moyennes, dans certains pays, supérieures à 10 microgrammes par kg de farine pour le blé et 100 microgrammes par kilo pour le seigle (Diana Di Mavungu et al., 2011). Ce champignon a pu toucher également les graminées prairiales avec des conséquences ponctuelles sur l'état sanitaire des troupeaux.
2 - Des surfaces et des productions excédentaires pour une sécurité alimentaire
La sécurité sanitaire de l'alimentation (« food safety » en anglo-saxon) est en grande partie assurée en Europe par la segmentation des lots récoltés avec allotement dès la parcelle pour des contaminants faciles à identifier comme l'ergot du seigle et l'affectation des lots dépassant les valeurs-seuils. Ces lots peuvent être nombreux certaines années (2007, 2008, 2012, 2013 et 2016 pour le blé tendre ; 2013 et 2014 pour le maïs). Pour des utilisations à moindre risque en alimentation animale, la sensibilité des espèces animales est prise en compte. La production d'éthanol avec ou sans valorisation des drèches est choisie pour des lots plus à problème, voire la destruction par incinération ou enfouissement profond pour les lots les plus contaminés.
Les pays développés, soit grâce à leurs surfaces de production largement excédentaires par rapport aux besoins humains, soit avec des stocks de céréales conséquents (Chine, Japon), ont la possibilité d'utiliser la valorisation des lots moins conformes par les animaux. En 2018, la sécheresse historique qui a touché l'Europe n'a pu être gérée que par des excédents qui sont, en année « normale » et pour les lots moins conformes, affectés en alimentation animale. Les pays pauvres obligés d'importer une partie de l'alimentation qui est vitale pour leur population sont en revanche souvent dans l'incapacité d'une gestion de ce type et n'ont d'autre choix que de laisser leur population consommer des denrées non conformes sur le plan des contaminants. C'est le cas de nombreux pays africains en zone subsaharienne.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : marc.delos@agriculture.gouv.fr
LIENS UTILES :
Article source : https://tinyurl.com/2p8vm9xn
Webinaire 17 mai 2021 : https://www.inrae.fr/evenements/imaginons-lagriculture-2035-acta-inrae