Pourriture post-récolte dans les fruits tropicaux et subtropicaux. Photos : Gutierrez-Martinez - 2021
Fig. 1 : Effet de différentes concentrations de chitosan sur la croissance mycélienne d'Alternaria alternata Photos : Lopez-Mora - 2013
Fig. 2 : Effet de différentes concentrations de chitosan sur le contrôle post-récolte de Colletotrichum sur mangue, 72 heures après application du traitement - Conservation à 25 °C Photos : Berumen-Varela - 2015
Fig. 3 : Effet du chitosan associé à des huiles essentielles (cannelle et eucalyptus) sur le contrôle in vitro de Colletotrichum acutatum et C. gloesosporioides sur avocat Photos : Chavez-Magdaleno - 2019
Fig. 4 : Effet du chitosan associé à des inducteurs d'enzymes et de protéines (acide salicylique et jasmonate de méthyle) sur la détérioration par Colletotrichum gloesosporioides et Rhizopus stolonifer sur fruit de corossol Annona muricata mM= millimole. MJ= jasmonate de méthyle. AS= incorrect. SA= acide salicylique. Photos : Ramos-Guerrero - 2018.
Le Mexique est l'un des principaux producteurs et exportateurs de fruits tropicaux et subtropicaux. Cependant, divers agents pathogènes affectent ces fruits au stade post-récolte, notamment Colletotrichum gloeosporioides, Rhizopus stolonifer, Alternaria alternata, Fusarium oxysporum, empêchant leur commercialisation et causant des pertes considérables (photos 1 à 5). Les produits fongicides y sont à ce jour la seule méthode de lutte. Des alternatives sont étudiées, telles que l'utilisation de substances naturellement produites par les plantes et les animaux, possédant des propriétés fongicides et de stimulation de défense des plantes. Parmi ces substances, le chitosan est particulièrement prometteur.
Un contrôle écologique possible en post-récolte
Parmi les substances susceptibles d'offrir un contrôle écologique en post-récolte des champignons pathogènes des fruits, certaines peuvent être regroupées dans la catégorie des substances de base (Encadré p. 37), en particulier les composés utilisés dans l'industrie alimentaire et la pharmacopée : aldéhydes alcooliques, extraits de plantes, hormones végétales, chitosan... (Bautista-Baños et al., 2019 ; Gutierrez-Martinez et al., 2019). L'éthanol et l'utilisation d'eau chaude à différentes températures et temps de contact ont donné de bons résultats dans le contrôle post-récolte de Curvularia lunata et Pestalotia mangiferae, champignons pathogènes des mangues <201B_7>Tommy Atkins', sans endommager leur qualité après récolte (Gutierez et al., 2012).
Propriétés fongicides du chitosan
Mécanismes d'action
Le chitosan est un polymère naturel, biodégradable, non toxique et bioactif qui a montré des effets fongicides contre des pathogènes végétaux spécifiques et qui induit des mécanismes de défense dans les tissus végétaux (Terry et Joyce 2004 ; Zhang et al., 2011). Au stade post-récolte, c'est l'un des produits les plus prometteurs pour le contrôle de divers champignons (El-Hadrami et al., 2010 ; López-Mora et al., 2012 ; Coronado-Partida et al., 2021). L'interaction électrostatique entre les groupes NH3+ du chitosan et les groupes phosphoryle des phospholipides présents dans la membrane cellulaire des champignons provoque la fuite de matériel intracellulaire, endommageant les pathogènes (Fernández et al., 2003 ; Xoca-Orozco, 2017).
Effets in vitro
Lopez-Mora et al., en 2013, ont appliqué du chitosan (solutions à faible poids moléculaire de 0,05 % à 1 %) sur le champignon Alternaria alternata isolé de mangues et ont observé un contrôle progressif de la croissance et du développement du champignon en fonction de la concentration de chitosan (Figure 1). Des résultats similaires ont été obtenus avec le pathosystème Colletotrichum-Fusarium-banane : le chitosan contrôlait la croissance et inhibait la germination des spores fongiques (Hernandez-Ibañez, 2012).
Test in vivo
Selon les résultats obtenus par Berumen et al., en 2015, en appliquant une solution à faible poids moléculaire à 1 % de chitosan, l'infection par Colletotrichum est contrôlée sur les mangues et la qualité post-récolte du fruit en est améliorée vs les fruits non traités (Figure 2).
Propriétés SDP du chitosan
L'une des tendances actuelles au Mexique dans le contrôle des maladies post-récolte est de stimuler les plantes (fruits et légumes) pour activer leurs mécanismes de défense (Gutierrez-Martínez et al., 2016 ; Gonzalez-Estrada et al., 2019).
Appliqué à la surface du fruit, le chitosan déclenche la transduction de signaux qui atteignent le noyau cellulaire, entrainant l'expression d'un grand nombre de gènes appartenant à différentes voies métaboliques (par exemple les protéines PR) intervenant dans la protection des fruits contre l'attaque d'agents pathogènes (Xoca-Orozco et al., 2017, Landi et al., 2017 et Duan et al., 2019).
L'utilisation du chitosan comme SDP peut être intéressante, compte tenu de la nature persistante et systémique des protéines de défense dans les tissus végétaux en réponse à la présence de chitosan. Cette action permettrait de retarder la reprise d'une infection latente, laquelle commence généralement à s'activer lorsque la résistance des tissus diminue (Romanazzi et al., 2016 ; Ramos-Guerrero et al., 2019).
En 2015, Hernández-Ibañez a évalué l'expression génétique du gène NPR1 (gène lié aux systèmes de défense, par la voie de l'acide salicylique) en appliquant une solution à 1,5 % de chitosan sur des bananes récoltées à maturité physiologique et inoculées avec Colletotrichum sp., observant une expression génétique élevée dans les premiers temps de l'interaction pathogène/fruit/chitosan (données non publiées).
Selon Berumen-Varela et al., 2015, une application de chitosan permet d'induire l'activité des enzymes PFO et POD, nécessaires au système de défense de la mangue. La concentration de 1 % de chitosan a donné les meilleurs résultats : les chercheurs ont obtenu une augmentation de l'expression des gènes dès les premiers stades du processus d'infection par Colletotrichum sur les mangues, suggérant que la substance agit par contact avec l'hôte par un processus de transduction du signal, commandant l'induction et l'augmentation de l'expression génétique des deux enzymes (PFO et POD), ce qui génère l'activation des mécanismes de défense du fruit.
Concernant les informations générées dans les fruits tropicaux, Ochoa-Jimenez (données non publiées, 2014) a analysé l'expression du gène qui code la polygalacturonase (PG) présente dans les spores de Colletotrichum isolées de la banane. Il rapporte une diminution de l'expression du gène de la PG à la suite de l'application de chitosan à 1 %, ce qui a pour effet l'altération de la germination des spores. Dans l'avocat <201B_8>Hass', une concentration de 1 % de chitosan modifie aussi l'expression de ce gène (Gutierrez-Martinez et al., 2016).
Le chitosan combiné à des composés gras
Les huiles essentielles de cannelle ou d'eucalyptus à une concentration de 2 % combinées au chitosan à des concentrations de 0,1 et 0,5 % présentent un effet significatif sur le contrôle de la croissance mycélienne de Colletotrichum sp. (Chávez Magdaleno et al., 2018) (Figure 3).
L'application combinée du chitosan avec différents inducteurs (acide salicylique, jasmonate de méthyle) a inhibé le développement d'agents pathogènes dans des tests in vitro (Ramos-Guerrero et al., 2018a), et a contrôlé les maladies causées par Colletotrichum gloeosporioides et Rhizopus stolonifer par activation des mécanismes de défense du fruit du corossol Annona muricata, retardant la maturation jusqu'à huit jours (Ramos-Guerrero et al., 2018b) (Figure 4).
En outre, l'effet antifongique de l'application d'extraits de mésocarpe de noix de coco en combinaison avec du chitosan commercial a été évalué sur fruit de corossol. Un contrôle in vitro de Rhizopus stolonifer a été obtenu, ainsi qu'une réduction notable de la pourriture molle des fruits de corossol en post-récolte (Cortes-Rivera et al., 2021).
Enfin, lorsque du chitosan et des composés gras comme le sorbate de potassium sont appliqués sur des fruits du jacquier (Arthocarpus heterophyllus), le développement de Rhizopus stolonifer responsable de leur pourriture molle est stoppé, et la qualité d'exportation du fruit est préservée (Coronado-Partida et al., 2021) (Figure 5).
Perspectives
Comme le rapporte la bibliographie, le chitosan présente un potentiel en tant que substance biodégradable d'origine naturelle présentant des propriétés antifongiques - en altérant directement le mycélium et les spores de l'agent pathogène - ainsi que des propriétés SDP. Son application devrait être envisagée dès le stade prérécolte pour stimuler les défenses de la plante, puis obligatoirement en post-récolte.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - D'importance économique dans certains pays, les fruits tropicaux et subtropicaux sont produits dans la plupart des cas dans des conditions d'humidité et température propices au développement d'agents pathogènes. La demande des consommateurs pour des produits sans résidus chimiques incite à rechercher des solutions alternatives, parmi lesquelles se trouvent les substances de base.
Bien que ce ne soit pas leur vocation première, ces substances présentent des propriétés utiles à la protection des cultures. Certaines ont ainsi la capacité de contrôler les champignons pathogènes des fruits.
ÉTUDE - Cet article recense les résultats encourageants obtenus au Mexique et relevés dans la bibliographie dans le contrôle des agents pathogènes en post-récolte avec la substance de base chitosan, seule ou associée avec d'autres substances impliquées dans la stimulation de défense des plantes (huiles essentielles, extraits de sous-produits végétaux, inducteurs d'enzymes et de protéines).
MOTS-CLÉS - Chitosan, activité antifongique, post-récolte, stimulateur de défense des plantes (SDP), expression de gènes de défense.
Qu'est-ce qu'une substance de base ?
Les substances de base sont utilisées à des fins phytopharmaceutiques en agriculture alors que cela n'est pas leur vocation première. Il peut ainsi s'agir de substances alimentaires ou médecinales : chitosan, sucre, vinaigre, petit-lait, charbon argileux... Bien que soumises à une procédure d'approbation simplifiée européenne, pour une durée illimitée et pour un ou plusieurs usages précis, elles ne font donc pas l'objet d'une autorisation de mise sur le marché (AMM).
L'Institut technique de l'agriculture biologique (Itab) met à disposition des fiches présentant les substances approuvées. Parmi ces dernières, le chitosan est pour l'instant utilisable en tant qu'éliciteur ayant un effet fongicide et bactéricide via la stimulation des mécanismes naturels de défense des plantes sur plusieurs cultures (petits fruits, légumes, céréales, épices...).
Plus d'informations : http://substances.itab.asso.fr/
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : pgutierrez@ittepic.edu.mx
BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (25 références) est disponible auprès de son auteur (contact ci-dessus).