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1. Marc Fratantuono.
Abricotier
Larves de Ceratitis capitata dans un abricot.
Ceratitis capitata adulte. Photos : CA 66
Chargé de mission à la chambre d'agriculture des Pyrénées-Orientales, Marc Fratantuono accompagne treize exploitations Dephy en production d'abricots bio ou zéro résidu depuis 2016.
Pourquoi la cératite pose-t-elle problème en production d'abricots ?
Marc Fratantuono : La cératite (Ceratitis capitata) est une mouche très polyphage, endémique dans notre département comme au nord-est de l'Espagne, ainsi qu'en Corse. Elle est très sensible aux basses températures en hiver. Trois à cinq générations d'adultes se succèdent de fin mai à fin octobre. C'est le ravageur numéro un des variétés tardives d'abricotier cultivées dans les Pyrénées-Orientales dans la zone à climat relativement doux en hiver, zone correspondant également à celle où la cératite peut survivre. De plus, les abricots de variétés tardives sont très attractifs pour les cératites car très sucrés.
Quels sont les moyens de lutte ?
En conventionnel, des pyréthrinoïdes de synthèse peuvent être utilisés sur adultes pour réduire la pression. Mais ils ne suffisent pas à eux seuls et viennent surtout renforcer l'action du piégeage massif, moyen de lutte le plus efficace, utilisable en bio et en conventionnel. En situation de trop forte pression, les pyréthrinoïdes deviennent inefficaces. Autres moyens de lutte complémentaires : l'implantation de variétés précoces en zone sensible et le retrait des fruits restant dans les arbres après récolte pour éviter d'entretenir les populations.
Quel est l'objectif du piégeage massif ?
J'utilise cette technique, qui s'est améliorée au fil du temps, depuis 2005 sur pêcher et 2015 sur abricotier sur dix des treize exploitations Dephy suivies car elles sont en situation à risque. Ce sont des vergers en bio ou en zéro résidu. Les pièges renferment un attractif à base d'acétate d'ammonium, de diaminobutane (putrescine) et de triméthylamine (synergisant du pouvoir attractif des deux molécules précédentes) et 15 mg de deltaméthrine pour tuer les cératites piégées. En France, deux solutions sont autorisées (Decis Trap et Ceratipack). Seule la forme du piège diffère.
Conformément au règlement européen relatif à la production biologique, le cahier des charges bio autorise l'utilisation de la deltaméthrine car elle n'entre pas en contact avec le fruit. Avec le piégeage, nous cherchons à capturer le plus grand nombre possible de cératites adultes, principalement des femelles (au minimum 30 % d'entre elles), pour réduire les pontes sur les fruits.
Comment ces pièges s'utilisent-ils ?
La décision de protéger une parcelle se prend au vu de son historique en matière de risque cératite. Cinquante à soixante pièges/ha sont répartis de façon homogène (environ un piège tous les dix arbres), à la moitié supérieure de l'arbre, avant les premiers vols, soit aux environs du 15 juin. On ne peut malheureusement pas connaître la pression a priori (et donc adapter le nombre de pièges/ha à la pression de l'année). En l'absence d'autres moyens de lutte efficace, surtout en bio, on surévalue le risque par mesure de précaution. Résultat : certaines années à faible pression, le nombre de pièges nécessaires pourrait être moins important. Au fur et à mesure de la récolte des variétés tardives, l'arboriculteur déplace les pièges des vergers récoltés vers les vergers à récolter pour atteindre 70 à 80 pièges/ha dans les plus tardifs.
Quels sont les facteurs de réussite et les avantages ?
Plus la parcelle est grande et mieux ça fonctionne grâce à l'effet de masse des pièges. Sur les petites, les cératites peuvent aller et venir en dehors de la parcelle et mieux survivre. Pour se nourrir, la cératite a également le choix entre le piège et l'abricot de plus en plus attractif au fur et à mesure qu'il mûrit. On observe ainsi des différences d'efficacité (d'attractivité du piège) selon les variétés. Côté avantages, il n'y a aucun contact entre l'insecticide et les fruits (donc pas de problème de résidus ni de délai avant récolte), de même qu'avec l'applicateur et les opérateurs travaillant dans le verger. De plus, la dose d'insecticide utilisée est très faible comparée à celle employée en végétation en conventionnel.
Quelles sont les difficultés et quels sont les inconvénients ?
Le problème le plus important lors de la pause des pièges n'est pas le temps passé mais la très forte odeur désagréable de la putrescine. C'est surtout une technique qui coûte 250 à 300 €/ha. Comme elle n'est pas curative, pour ne pas se faire prendre de court, il faut toujours partir sur une pression potentiellement forte et une date des premiers vols précoce. Il nous faudrait un modèle pour la prévoir car elle conditionne le nombre de générations et les variétés les plus à risque. En effet, en cas de sortie précoce (20 juin environ), la deuxième génération causera déjà les premiers dégâts vers le 14 juillet. Si les premiers vols sont tardifs (10 juillet), les premiers dégâts arriveront seulement début août. On pourrait alors éviter de protéger les variétés récoltées en juillet.
Des dégâts pas toujours visibles
La deuxième génération de cératites (qui apparaît aux alentours de mi-juillet selon la rigueur de l'hiver précédent) est souvent celle qui commence à faire quelques dégâts. Après la ponte des adultes sur les fruits, les larves se développent dans le fruit occasionnant des pertes de rendement et des litiges à la commercialisation. En effet, de l'extérieur le fruit parasité ne se différencie pas forcément des fruits sains. Un verger mal ou pas protégé peut compter jusqu'à 80 % de fruits parasités. En France, même si les producteurs disposent de la technique du piégeage comme moyen de lutte relativement efficace, les dommages s'intensifient.
