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DOSSIER - Vertébrés nuisibles Nouvelles approches

Limiter l'expansion du choucas des tours

SÉBASTIEN DUGRAVOT ET RÉMI CHAMBON, université de Rennes 1 - Unité Borea MNHN, CNRS 8067, SU, IRD 207, UCN, UA Rennes - Phytoma - n°754 - mai 2022 - page 39

Pour diminuer les contraintes de Corvus monedula sur la production agricole, une solution consiste à identifier les leviers susceptibles de freiner la dynamique démographique de cette espèce protégée.
En région Bretagne, la population de choucas des tours semble avoir augmenté au cours des dernières décennies. Photo : S. Dugravot

En région Bretagne, la population de choucas des tours semble avoir augmenté au cours des dernières décennies. Photo : S. Dugravot

 Fig. 1 : Estimation (moyenne avec IC95 % - surface vert clair) de la probabilité de présence d'au moins un couple reproducteur dans le centre-ville d'une ville, selon l'effet (additif) de la longitude de la ville et de la superficie (ha) avoisinante en pr

Fig. 1 : Estimation (moyenne avec IC95 % - surface vert clair) de la probabilité de présence d'au moins un couple reproducteur dans le centre-ville d'une ville, selon l'effet (additif) de la longitude de la ville et de la superficie (ha) avoisinante en pr

Fig. 2 : Estimation (moyenne avec IC95 %) de la distance moyenne journalière (kilomètres) entre les zones de recherche alimentaire et le site de nidification pour un adulte reproducteur, selon l'effet de la période (P1, P2, P3, P4 et P5)       Différentes lettres en minuscule correspondent à des estimations significativement différentes en comparant les périodes.

Fig. 2 : Estimation (moyenne avec IC95 %) de la distance moyenne journalière (kilomètres) entre les zones de recherche alimentaire et le site de nidification pour un adulte reproducteur, selon l'effet de la période (P1, P2, P3, P4 et P5) Différentes lettres en minuscule correspondent à des estimations significativement différentes en comparant les périodes.

Fig. 3 : Estimation (moyenne avec IC95 %) de la superficie de la zone d'activité (hectares) de recherche alimentaire journalière pour un individu, selon la classe d'âge       +2A = adulte reproducteur. 2A = immature. 1A = jeune. Différentes lettres en minuscule correspondent à des estimations significativement différentes.

Fig. 3 : Estimation (moyenne avec IC95 %) de la superficie de la zone d'activité (hectares) de recherche alimentaire journalière pour un individu, selon la classe d'âge +2A = adulte reproducteur. 2A = immature. 1A = jeune. Différentes lettres en minuscule correspondent à des estimations significativement différentes.

 Fig. 4 : Distribution de la proportion (chaque disque représente un pourcentage) du nombre cumulé de localisations de recherche alimentaire liées à différentes cultures pour chaque combinaison de classe d'âge et période+2A = adultes reproducteurs. 2A = im

Fig. 4 : Distribution de la proportion (chaque disque représente un pourcentage) du nombre cumulé de localisations de recherche alimentaire liées à différentes cultures pour chaque combinaison de classe d'âge et période+2A = adultes reproducteurs. 2A = im

Le choucas des tours, Corvus monedula, est une espèce de corvidé protégée en France par l'arrêté ministériel du 29 octobre 2009, contrairement à ses proches parents, la corneille noire, C. corone et le corbeau freux, C. frugilegus présentant un statut d'Esod (espèce susceptible d'occasionner des dégâts), pouvant être détruits par tir ou piège toute l'année dans un grand nombre de départements français. Nichant initialement en colonies plus ou moins importantes au niveau de cavités naturelles, le choucas des tours a progressivement investi les villes et les villages, leur offrant des substrats de nidification adéquats (clochers d'église, cheminées...) et des ressources abondantes dans les parcelles agricoles adjacentes.

Une espèce protégée occasionnant des dégâts

Une population en hausse en Bretagne

Dans l'ouest de la France et notamment en région Bretagne, la taille de la population de choucas des tours semble avoir augmenté significativement au cours des dernières décennies (GOB, 2012). En parallèle, cette expansion s'est accompagnée d'une augmentation des dommages sur les parcelles agricoles, notamment de céréales (maïs, blé et orge). En 2020, la chambre régionale d'agriculture de Bretagne a enregistré des déclarations de dégâts attribuées au choucas des tours concernant 992 ha de surface pour un coût total estimé à 1 400 952 €. Parmi les déclarations de dégâts enregistrées en 2020, 62 % concernaient la culture de céréales (dont 85 % pour le maïs), et 28 % concernaient des dégâts estimés au sein des infrastructures des exploitations agricoles (notamment au niveau des bottes d'enrubannage) (Copil Choucas des tours, 2020). Il est toutefois probable que les dégâts imputés aux seuls choucas soient en partie liés à la présence de groupes d'oiseaux hétérospécifiques (présence constatée de corneilles noires et de corbeaux freux pour certaines zones (Dugravot & Chambon, observations personnelles).

Des dérogations au statut de protection

En réponse aux pertes agricoles engendrées par l'espèce, des dérogations au statut de protection du choucas des tours, visant la destruction d'individus, ont été mises en place dès 2007 dans le département du Finistère. De quelques centaines d'individus en 2007, les autorisations de prélèvements de l'espèce ont concerné près de 30 000 individus dans trois départements (Côtes-d'Armor, Finistère et Morbihan) en 2021. Malgré l'augmentation considérable du nombre d'individus prélevés, aucun effet sur la dynamique de la population et les dégâts engendrés sur parcelles agricoles ne semble avoir été constaté. De récentes publications tendent à confirmer que la régulation des corvidés peut s'avérer inefficace en tant que méthode de prévention de dégâts aux cultures. Heinemann et al. (2020) soulignent que les campagnes de destruction massives des corvidés sont inefficaces, car elles perturbent leur structure sociale et déclenchent des stratégies de reproduction plus élevées qui permettent de maintenir les densités de populations. De même, en Autriche, la régulation continue des corneilles noires pendant vingt ans n'a pas réduit la taille de la population (Preininger et al., 2019). Les auteurs de cette étude affirment qu'une stabilisation et une réduction durable à long terme ne seront atteintes que si les ressources alimentaires anthropiques deviennent limitées (Preininger et al., 2019).

Une étude sur son écologie

Considérant que la destruction d'individus, qui plus est, appartenant à une espèce protégée, n'est pas une mesure pérenne pour la protection des cultures, il devient indispensable d'améliorer les connaissances sur l'écologie du choucas des tours, afin d'identifier des leviers pour freiner la dynamique démographique de l'espèce et diminuer les contraintes sur la production agricole.

Pour ce faire, la Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) Bretagne, avec un cofinancement de la Fondation François Sommer, a confié début 2020 à l'UMR Borea-université de Rennes 1 la mise en place d'une étude scientifique visant notamment à :

- évaluer la distribution des couples reproducteurs au sein du territoire breton et les facteurs susceptibles de l'influencer ;

- étudier l'utilisation de l'espace agricole par différentes classes d'âges d'oiseaux dans un contexte de recherche alimentaire ;

- caractériser le régime alimentaire de l'espèce en période de reproduction et en période hivernale.

Une partie seulement des résultats concernant ces trois volets sont présentés de manière synthétique dans le présent article. Pour plus de détails, notamment concernant la méthodologie utilisée, il convient de se référer au rapport « Acquisition de connaissances sur l'écologie du Choucas des tours (Corvus monedula) en région Bretagne (2022) » (référence en fin d'article).

Distribution des individus reproducteurs en Bretagne

Sur les cheminées des centres-villes

Des prospections visant à déterminer le nombre de couples reproducteurs de choucas dans un échantillon de 25 villes et 25 hameaux (sites tirés aléatoirement mais à répartition équilibrée à l'échelle du territoire) par département ont été effectuées dans les quatre départements bretons (Côtes-d'Armor, Finistère, Ille-et-Vilaine et Morbihan) entre le 1er avril et le 4 mai 2021.

Il apparaît que la grande majorité des couples reproducteurs sont cantonnés sur les cheminées des centres-villes où s'établit le coeur des colonies. Dans les zones à l'extérieur des centres-villes, telles que les zones pavillonnaires, la nidification semble plus anecdotique, satellitaire et lâche. Des disparités d'abondance entre départements ont également été notées. En effet, en dépit d'une quantification relativement peu précise, il apparaît que le nombre de couples reproducteurs dans le département du Finistère est en moyenne plus de deux fois plus important que dans le département des Côtes-d'Armor et quatre fois plus important que dans les départements du Morbihan et de l'Ille-et-Vilaine.

Par ailleurs, sur la base des sites prospectés, il apparaît que la probabilité d'occupation d'un centre-ville diminue avec un gradient ouest-est (Figure 1A), ce qui est cohérent avec la différence d'abondance reportée entre le département du Finistère et celui d'Ille-et-Vilaine. Ce résultat est probablement la résultante de variations passées. Le Finistère fait historiquement figure de bastion de l'espèce, Hesse et Leborgne prétendant déjà en 1838 (Guermeur et Monnat, 1980) que l'espèce était particulièrement abondante dans ce département, mais rare dans le reste de la Bretagne, avec une nidification principalement reportée au niveau des clochers et vieilles masures. Toutefois, aucune explication n'est donnée concernant la différence de répartition au sein des départements bretons. La présence d'habitats favorables, associée à une fidélité spatiale de la reproduction pour les couples et à une dispersion des jeunes sur de courtes distances (Roëll, 1978), a probablement conduit à une colonisation très progressive des autres départements bretons au cours du XXe siècle, comme en témoignent les différentes enquêtes réalisées à cette époque (Lebeurier, 1955, dans Guermeur et Monnat, 1980 ; Guermeur et Monnat, 1980). À titre d'exemple, en Ille-et-Vilaine, le taux d'occupation communale est passé de 12 % en 1975 à 49 % en 1989, et 64 % en 2001 (GOB, 2012).

Prairies en périphérie des villes

Un effet positif de la surface totale (ha) en prairies dans un périmètre de 1 kilomètre de large autour des villes a été mis en évidence, de façon additionnelle à l'effet longitude, sur la probabilité d'occupation d'un centre-ville (Figure 1B). Ce phénomène est probablement lié aux besoins alimentaires spécifiques du choucas des tours lors de la reproduction, puisque les arthropodes diversifiés et abondants dans les prairies sont très largement utilisés pour l'alimentation des oisillons (Holyoak, 1968, Goodwin 1976, Henderson & Hart, 1995). Aucun effet d'une autre surface d'assolement ou d'indice paysager n'a été mis en évidence sur cette probabilité d'occupation. Dans ce cadre, l'absence d'effet de la surface en maïs aux alentours des villes peut être liée à une répartition importante et relativement homogène sur le territoire breton de cette culture (environ 25 % de la surface agricole utile dans les quatre départements bretons), et à une importance et utilisation moindre de celle-ci (à l'inverse des prairies) durant les phases cruciales de la reproduction telles que l'élevage des jeunes (fin mai à début juillet).

Enfin, seule la superficie du centre-ville influence (positivement) la taille de la colonie dans les sites occupés. Certaines données pourraient suggérer que la taille de colonie puisse être toutefois limitée par un phénomène densité/dépendant.

Utilisation de l'espace agricole

Vingt-sept oiseaux suivis de mai à septembre

Vingt-sept oiseaux mâles ont été équipés d'un traceur GPS (Ornitrack-10, firme Ornitela) permettant d'obtenir près de 100 000 localisations géographiques exploitables pour les analyses présentées. Parmi ces vingt-sept oiseaux, treize étaient des adultes reproducteurs (âgés de 2 ans ou plus), dix étaient immatures (âgés de 1 an) et quatre étaient des jeunes de l'année.

Ces oiseaux ont été capturés au sein de la communauté de commune de Quimperlé (Finistère) en mai pour les adultes et immatures, et début juillet pour les jeunes. Les données présentées ci-dessous ont été acquises entre le 26 mai et le 16 septembre 2021. Entre ces dates, des phases de quelques journées consécutives soit sans acquisition de données GPS, soit avec une localisation toutes les 5 minutes en journée, ont été alternées afin de permettre la recharge des appareils via leur panneau solaire intégré.

Les phases avec acquisition de données GPS ont été réunies en cinq périodes (P1 = 26 mai-12 juin ; P2 = 19 juin-6 juil. ; P3 = 13 juil.-30 juil. ; P4 = 6 août-23 août ; P5 = 30 août-16 sept.), sachant qu'aucune donnée n'était disponible pour les jeunes durant les périodes P1 et P2 (équipés seulement quelques jours avant le début de la P3). Pour l'ensemble de ces cinq périodes, une approche par modélisation a permis de déterminer le type de comportement associé à chaque localisation, sur la base de la distribution de la vitesse de déplacement d'un oiseau entre localisations consécutives et de l'angle des trajectoires associées. Cela a permis de distinguer les grands mouvements de vols, et les mouvements plus stationnaires et typiques d'un comportement de recherche alimentaire. En parallèle, via l'utilisation de couches cartographiques, un type d'habitat a été associé à chaque localisation, l'objectif étant de pouvoir utiliser conjointement le type d'habitat et le type de comportement attribués à chaque localisation afin d'étudier divers patrons d'utilisation de l'habitat chez les oiseaux suivis par télémétrie.

Aire de prospection alimentaire

La Figure 2 illustre la distance journalière moyenne entre les zones de recherche alimentaire et le site de nidification chez des adultes reproducteurs selon la période considérée. En P1 (fin de la phase d'élevage des jeunes), les adultes recherchent en moyenne leurs ressources alimentaires à moins de 1 km de leur nid. Cette distance moyenne augmente significativement en P2 (phase d'envol des jeunes) pour atteindre une valeur maximale (toutefois assez restreinte) en P3 et P4. Ces deux dernières périodes correspondent à la période où les adultes quittent provisoirement les sites de reproduction (Roëll, 1978). La distance entre le site de nidification et les zones de recherche alimentaire diminue à nouveau en P5 pour ces oiseaux, lors du retour sur les sites de la colonie pour défendre à nouveau le nid (Roëll, 1978, Chambon et Dugravot, obs. pers.).

La Figure 3 illustre l'aire (ha) de la zone d'activité journalière de recherche alimentaire (polygone convexe minimum de l'ensemble des points de recherche alimentaire journaliers en milieu agricole) moyenne en fonction de l'âge. Cette aire est globalement assez restreinte, d'environ 25 à 30 hectares en moyenne pour les reproducteurs. Cette aire est la plus importante pour les jeunes et intermédiaire pour les immatures.

Des cultures fréquentées peu diversifiées

Les différents types de cultures fréquentés par les choucas des tours lors de leur recherche alimentaire, en fonction de leur âge et de la période considérée, sont représentés sur la Figure 4. Les cultures majoritairement fréquentées sont globalement assez peu diversifiées. Ainsi, lors des deux premières périodes, les individus passent la majorité de leur temps dans les surfaces enherbées de type prairies. À titre d'exemple, en P1 et P2, plus de 80 % des localisations concernant les adultes reproducteurs en recherche alimentaire dans l'espace agricole sont situées dans des prairies. À partir de P3, il apparaît d'une manière générale que la fréquentation des prairies diminue au profit des cultures de céréales de type blé tendre d'hiver et orge d'hiver, dans lesquelles les oiseaux trouvent des grains matures à consommer.

Caractérisation de son régime alimentaire

Des cadavres de choucas ont été récupérés dans le cadre des dérogations liées aux actions de destruction menées dans le Finistère en période de reproduction (25 avril-30 mai) et en période hivernale (décembre) en 2020. À la suite de son prélèvement par tir, chaque oiseau a été placé et maintenu en congélation afin d'assurer la qualité de sa conservation (à noter qu'une digestion post-mortem particulièrement limitée a été mise en évidence chez l'espèce : Soler et Alcala, 1988). Le gésier, organe de la digestion mécanique des aliments, a été prélevé pour chaque individu dans son intégralité après ouverture du thorax. Les éléments présents dans chaque gésier ont été triés et regroupés dans des catégories taxonomiques relativement larges (taxons alimentaires) pour permettre la comparaison du contenu entre gésiers. L'occurrence dans les gésiers des principaux taxons alimentaires a ensuite été analysée pour les différentes classes d'âge et périodes considérées. À noter que le contenu d'un gésier représente une image ponctuelle résultante d'un ou plusieurs événements de recherche alimentaire ayant eu lieu peu de temps avant la mort de l'oiseau.

Le tableau page suivante présente la synthèse descriptive de cette occurrence (en pourcentages de gésiers) pour les immatures (2A) et les adultes (+2A) prélevés pendant la période de reproduction 2020, et pour les jeunes de l'année (1A) et les individus âgés de plus de 1 an (2A/+2A non distinguables à ce moment) pendant la période hivernale (29 décembre 2020).

Il apparaît qu'en période de reproduction les immatures et les adultes semblent globalement consommer les mêmes taxons alimentaires, avec une grande majorité de gésiers contenant à la fois des taxons végétaux (notamment céréales) et animaux (principalement des insectes avec une forte proportion de coléoptères du genre Aphodius, coprophages inféodés aux bouses de vaches).

En période hivernale, la proportion de gésiers chez les individus de plus de 1 an (2A ; +2A) contenant à la fois des taxons végétaux et animaux reste importante et comparable à la période de reproduction. Toutefois, au niveau des végétaux, le maïs occupe une place prépondérante, puisque présent dans 96 % des gésiers de cette classe d'âge. De façon analogue, 92 % des gésiers de jeunes choucas (1A) contiennent du maïs, alors que la proportion de gésiers contenant des insectes semble un peu moins importante chez cette catégorie d'individus.

Conclusion

Les conditions propices à l'expansion du choucas

Les résultats de l'étude, fortement synthétisés dans cet article, révèlent que les populations bretonnes de choucas des tours utilisent les infrastructures humaines pour leur nidification (dans le Finistère, 98 % des couples nichent dans les cheminées ou les clochers d'église : Huteau et Gélinaud, 2013) et exploitent très largement de façon opportuniste l'espace agricole situé à proximité directe des sites abritant les colonies, pour leur alimentation. Par ailleurs, la littérature sur le choucas des tours nous enseigne que la fluctuation des effectifs (à la hausse ou à la baisse) observée chez nos voisins européens semble dépendre de la disponibilité en ressources alimentaires (Wretenberg et al., 2006 ; Woodward et al., 2020) et en sites de nidification (Westermann et al., 2006 ; Bozic, 2016 ; Brezghunova et Sinna, 2020).

En Bretagne et probablement plus globalement dans l'ouest de la France, toutes les conditions semblent actuellement réunies pour favoriser la présence et l'expansion du choucas des tours. En effet, de nombreux logements anciens possèdent des cheminées non utilisées dans lesquelles les couples reproducteurs peuvent s'installer. De plus, la présence importante de prairies pour l'élevage bovin, associée à la culture de céréales dont le maïs, garantit au choucas des tours une source de nourriture abondante tout au long de l'année. La disponibilité en maïs, dans les chaumes ou à proximité des exploitations, en période hivernale (voir Roullaud, 2021), période en principe particulièrement critique pour les jeunes oiseaux, permet très probablement d'augmenter considérablement le taux de survie de ces individus.

Des leviers pour limiter les populations

Ainsi, pour freiner la dynamique du choucas des tours dans l'ouest de la France, considérant que la destruction d'individus par tir ou par piège n'est pas une solution efficace à terme (Preininger et al., 2019 ; Heinemann et al., 2020), il semble nécessaire de mettre en place des solutions pour limiter autant que possible l'accès aux sites de nidification (engrillagement/obstruction des conduits de cheminées) et aux ressources alimentaires (destruction du maïs dans les chaumes, limitation de l'accès aux tas d'ensilage et stabulations, etc.).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le choucas des tours est une espèce de corvidé protégée dont les populations ont augmenté dans l'ouest de la France et notamment en Bretagne lors des dernières décennies. Cette augmentation s'est accompagnée de dégâts importants engendrés aux cultures.

Dans le but de limiter les contraintes imposées par l'espèce à la profession agricole, des dérogations au statut de protection attribuées ces quinze dernières années ont conduit à la destruction d'individus, sans que cela permette une amélioration de la situation.

ÉTUDE - La présente étude initiée en 2020 a pour objectif d'améliorer les connaissances sur l'écologie du choucas des tours, afin d'identifier des leviers pour freiner la dynamique démographique de l'espèce.

RÉSULTATS - Le coeur des colonies de choucas s'établit dans les cheminées des centres-villes historiques des villes.

Les individus reproducteurs s'alimentent dans les zones péri-urbaines directement adjacentes (moins d'un kilomètre) aux sites de nidification.

Les prairies sont alors particulièrement fréquentées par les individus, lors de la recherche alimentaire en période de reproduction, et les parcelles agricoles céréalières sont exploitées en complément, notamment pendant la période post-reproductive. Enfin, le maïs constitue une part très importante de la ration alimentaire en période hivernale avec pour conséquence probable une diminution de la mortalité pendant cette période critique. Il semble donc que, pour freiner la dynamique du choucas des tours à moyen et long termes, il convient de limiter autant que possible l'accès aux sites de nidification et aux ressources alimentaires, notamment en période hivernale.

MOTS-CLÉS - Choucas des tours, Corvus monedula, écologie, alimentation, nidification.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : sebastien.dugravot@univ-rennes1.fr

LIEN UTILE : Rapport « Acquisition de connaissances sur l'écologie du Choucas des tours (Corvus monedula) en région Bretagne (2022) » disponible en téléchargement sur le site de la Dreal Bretagne : https://www.bretagne.developpement-durable.gouv.fr/de-nouvelles-connaissances-sur-l-ecologie-du-a4942.html

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (16 références) est disponible auprès de ses auteurs (contact ci-dessus).

REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier toutes les personnes qui nous ont aidés lors de la réalisation de cette étude. Parmi nos collègues, Aurélien Besnard, Alexandre Carpentier, Frédéric Jiguet et Jérôme Fournier pour les conseils prodigués sur les différents volets de l'étude. Une partie des travaux réalisés ont nécessité la contribution précieuse d'étudiants lors de stages universitaires (Guillaume Abraham, Chloé Bessaguet, Célia Cassou-Leins, Ayrton Guerillon, Ganaëlle Laout, Maria Lugué, Clara Mainprize, Montaine Peson, Marine Proux et Caroline Trochard). Sont remerciés, également, toutes les personnes et organismes ayant contribué directement ou indirectement à l'étude, à tous niveaux d'implication (en particulier : agriculteurs, piégeurs, lieutenants de louveterie, services communaux, Dreal Bretagne, DDTM de Bretagne, OFB, chambre régionale d'agriculture de Bretagne, Eureden, Arvalis, associations naturalistes : Bretagne Vivante, LPO, Geoca). Enfin, nous remercions nos financeurs, la Dreal Bretagne et la Fondation François Sommer.

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