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ACTUS

RAVAGEUR ÉMERGENT LE SCARABÉE JAPONAIS : À SURVEILLER DE PRÈS !

Phytoma - n°755 - juin 2022 - page 4

Déjà présent en Italie et en Suisse, Popillia japonica représente une menace pour des centaines d'espèces végétales, qu'il ne sera possible d'éradiquer en France que si elle est détectée et traitée à temps. Un plan d'urgence national a été mis en place.
1. Scarabée japonais adulte. Face à la menace importante que représente Popillia japonica pour plusieurs cultures-hôtes majeures en France, un plan d'urgence national a été élaboré. 2. Dégâts sur vigne de Popillia japonica.  Photos : 1. D. Cappaert - Michigan State University - Bugwood.org 2. W. Cranshaw - Colorado State University - Bugwood.org

1. Scarabée japonais adulte. Face à la menace importante que représente Popillia japonica pour plusieurs cultures-hôtes majeures en France, un plan d'urgence national a été élaboré. 2. Dégâts sur vigne de Popillia japonica. Photos : 1. D. Cappaert - Michigan State University - Bugwood.org 2. W. Cranshaw - Colorado State University - Bugwood.org

Piège à Popillia japonica en verger de noyers. Photo : J. Jullien

Piège à Popillia japonica en verger de noyers. Photo : J. Jullien

æL'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) vient de publier une expertise sur la probabilité d'introduction du scarabée ou hanneton japonais (Popillia japonica, photo 1) en France, ainsi que ses impacts. Elle propose des mesures de gestion en termes de surveillance puis de lutte. Si, pour l'instant, le ravageur polyphage n'a pas été détecté en France, « il n'y a aucune raison qu'il n'entre pas sur le territoire », selon Christine Tayeh, coordinatrice scientifique au sein de l'unité Expertise sur les risques biologiques, du laboratoire de la santé des végétaux de l'Anses, qui a piloté cette expertise. « Rien ne s'oppose non plus à son établissement en France : c'est un insecte qui se déplace facilement, les conditions de température et de précipitation lui sont favorables et, comme il peut consommer de nombreuses espèces de plantes présentes sur le territoire français, il n'aura pas de difficulté à trouver des sources de nourriture. »

æLe scarabée japonais s'est propagé et établi en dehors de son aire d'origine, le Japon, d'abord aux États-Unis, puis en Europe. Il a été repéré pour la première fois en Italie en 2014 et en Suisse en 2017(1). « La crainte d'une invasion du territoire national par P. japonica a été vive en 2021, particulièrement dans le Grand Est et en Bourgogne-Franche-Comté après les cas isolés détectés à Bâle (Suisse) en juillet et à Fribourg (Allemagne) en novembre 2021, indique Jérôme Jullien, expert national en Surveillance biologique du territoire (DGAL-Sous-direction de la santé et protection des végétaux). L'infestation initiale au nord de l'Italie depuis 2017 a donc progressé vers le nord de l'Europe en suivant les axes routiers et pourrait gagner la France cette année. »

L'adulte se nourrit préférentiellement de feuilles, diminuant la capacité de photosynthèse des plantes et donc potentiellement leur vitalité, le rendement des productions agricoles, et la valeur esthétique des plantes ornementales. Les larves s'alimentent des racines des plantes-hôtes. Plus de 400 espèces de plantes de 92 familles botaniques sont concernées, dont plus d'une centaine présentes sur le territoire français métropolitain : parmi elles, des plantes cultivées à des fins alimentaires (prunier, pommier, vigne (photo 2), maïs, soja, prairie, haricot, asperge...), des espèces forestières (érable plane, peuplier...), des plantes ornementales (rosier, arbres et arbustes de pépinière et de jardins...), des espèces herbacées (dont Festuca, Lolium, Poa... utilisées dans les pelouses et les gazons).

æIl est impossible d'empêcher l'entrée du scarabée en France : il peut à la fois voler au stade adulte (de fin mai à septembre) et avoir un comportement « autostoppeur » ou « passager clandestin », c'est-à-dire qu'il peut être transporté sur n'importe quel support, pas uniquement sur les plantes dont il se nourrit. La stratégie consiste donc à détecter sa présence de façon précoce, notamment à l'aide de pièges équipés de leurres mixtes (combinaison de phéromones sexuelles et d'attractifs floraux) (photo 3). Ces pièges sont déjà disposés dans le cadre de la surveillance programmée officielle pilotée par le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire à des endroits stratégiques, comme dans les zones frontalières françaises avec les pays où l'insecte est présent, et à proximité des points d'entrée-clés (ports, aéroports, environnement des MIN, zones commerciales), ainsi que des réseaux de transport. Une sensibilisation des principaux acteurs, notamment les professionnels des différentes filières concernées, est aussi recommandée.

æ« Il y a une chance d'éradiquer le scarabée japonais dès le début de l'invasion, à condition de déployer des moyens de surveillance dynamiques puis de lutte tant que la population est encore faible et isolée. Les éradications qui ont réussi dans l'Oregon et en Californie se sont faites dans ce contexte », précise Christine Tayeh. En cas de détection d'un individu, il est recommandé de délimiter une zone infestée. Celle-ci devra faire l'objet d'une surveillance renforcée et de l'utilisation combinée de plusieurs moyens de lutte, adaptés selon les disponibilités et les autorisations d'utilisation. Cela inclut le piégeage de masse, l'utilisation de produits phytopharmaceutiques de synthèse et la lutte biologique. Des pratiques culturales et méthodes physiques ont aussi démontré leur efficacité dans la réduction des dégâts associés aux adultes et la survie des larves : la réduction de l'irrigation en période de ponte ou le labour du sol à l'automne.

æ« Un plan d'urgence national ou plan national d'intervention sanitaire d'urgence (PNISU - voir encadré) a été élaboré ce premier semestre 2022 par la Direction générale de l'alimentation-Sous-direction de la santé et de la protection des végétaux, précise Jérôme Jullien. Ce plan d'urgence est complémentaire du dispositif de surveillance programmée officielle des organismes réglementés (Sore) par piégeage phéromonal et observations visuelles pour l'ensemble des filières végétales. Il prévoit notamment des mesures opérationnelles de lutte curatives pour éradiquer d'éventuels foyers dans la zone infestée et le renforcement des inspections dans la zone tampon, afin de s'assurer de l'absence du ravageur. Le PNISU pour P. japonica, dont la publication est prévue ce début d'été, est à destination des services de l'État (Draaf-Sral) et, par délégation, aux organismes à vocation sanitaire (Fredon), mais il peut également servir de référence aux professionnels du végétal pour activer leur vigilance et signaler toute suspicion de détection aux autorités phytosanitaires(2). »

(1) En novembre 2020, les autorités suisses ont décidé de passer d'une stratégie d'éradication à une stratégie d'enrayement, comme l'ont fait également les autorités italiennes, l'éradication n'étant plus considérée possible dans les zones délimitées.

(2) Pour le télécharger, consulter le site Internet https://agriculture.gouv.fr

LE PLAN D'URGENCE NATIONAL

Le plan d'urgence national ou plan national d'intervention sanitaire d'urgence (PNISU) vise à préparer les services de l'État à intervenir vite et efficacement en cas de suspicion ou de détection d'un foyer d'organisme nuisible de quarantaine prioritaire sur le territoire. Celui-ci est activé, le cas échéant, par les services régionaux de l'alimentation des Directions régionales de l'alimentation, de l'agriculture et de la forêt (Draaf-Sral).

POUR EN SAVOIR PLUS

Avis Anses du 31 mai 2022 : www.anses.fr/fr/system/files/SANTVEG2021SA0090Ra.pdf

Fiche de reconnaissance Sore : https://plateforme-esv.fr/sites/default/files/2020-12/Fiche_Diagnostic_POPIJA_Version2_1.pdf

GLOSSAIRE

• AMM = autorisation de mise sur le marché

• De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »

• JORF = Journal officiel de la République française

• JOUE = Journal officiel de l'Union européenne

• MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation

• Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)

• UAB = utilisable en agriculture biologique

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