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Bioagressseurs

Prédire les pics de présence d'Halyomorpha halys

ALEXANDRE BOUT(1), ROBIN JAIL(1) (2), RACHID HAMIDI(3) ET ADELINE GACHEIN(2) (1) Institut Sophia Agrobiotech (Université Côte d'Azur, Inrae, CNRS, ISA) - Sophia Antipolis. (2) Bureau national interprofessionnel du kiwi (BIK) - Toulouse. (3) Association na - Phytoma - n°755 - juin 2022 - page 9

Le suivi de la maturité sexuelle chez la punaise diabolique offre la possibilité d'anticiper les phases-clés du cycle du ravageur, et ainsi de mieux positionner les moyens de lutte.
Spécimen adulte d'Halyomorpha halys sur kiwi. Photo : A. Bout

Spécimen adulte d'Halyomorpha halys sur kiwi. Photo : A. Bout

2. Piège Diablex en culture de kiwi. Photos : A. Bout

2. Piège Diablex en culture de kiwi. Photos : A. Bout

3. Larve d'Halyomorpha halys.

3. Larve d'Halyomorpha halys.

Fig. 1 : Grille d'évaluation des différents stades de maturation ovarienne de la punaise diabolique après dissection des abdomens      Le stade 5 « punaise ayant pondu » n'est pas représenté car aucun oocyte n'est présent.

Fig. 1 : Grille d'évaluation des différents stades de maturation ovarienne de la punaise diabolique après dissection des abdomens Le stade 5 « punaise ayant pondu » n'est pas représenté car aucun oocyte n'est présent.

Fig. 2 : Évolution des stades de développement ovarien chez les femelles collectées en Garonne en 2021 : des femelles immatures sexuellement (S1) aux femelles matures sexuellement et pondeuses (S4 et ponte)      Le biofix servant de calcul aux degrés jours (DJ) est notamment estimé à une photopériode de 13 h par jour. En fin de saison, c'est à partir de cette valeur que nous n'observons plus de pontes d'Halyomorpha halys.

Fig. 2 : Évolution des stades de développement ovarien chez les femelles collectées en Garonne en 2021 : des femelles immatures sexuellement (S1) aux femelles matures sexuellement et pondeuses (S4 et ponte) Le biofix servant de calcul aux degrés jours (DJ) est notamment estimé à une photopériode de 13 h par jour. En fin de saison, c'est à partir de cette valeur que nous n'observons plus de pontes d'Halyomorpha halys.

Parmi l'ensemble des punaises d'intérêt agronomique (Streito et Bout, 2019a et Streito et Bout, 2019b), il en est une qui fait actuellement consensus chez la plupart des arboriculteurs français, tous vergers confondus : c'est Halyomorpha halys, la punaise dite diabolique. Cette punaise invasive, originaire d'Asie, est, depuis ses premières détections en Europe (2007), puis en France (2012), désormais bien acclimatée et s'est considérablement dispersée sur l'ensemble du territoire (Streito et al., 2020). Il est toujours possible de signaler sa présence sur le site Ephytia ou de participer au réseau de surveillance et de piégeage mis en place l'an dernier (voir encadré page suivante).

Halyomorpha halys, la punaise dite diabolique

Polyphage, uni- ou bivoltine en Europe

Halyomorpha halys se caractérise notamment par un grand nombre de plantes-hôtes allant de diverses essences sauvages - frênes, érables, saules, etc. - à des essences cultivées - noisetiers, kiwi, pommiers/poiriers (Haye et al., 2014).

Dans sa zone d'origine en Asie, il est considéré qu'H. halys présente une à deux générations par an. Toutefois, en zone tropicale comme dans le sud-est de la Chine, H. halys serait multivoltine avec quatre à six générations annuelles (Lee et al., 2013). En Europe, malgré des conditions climatiques favorables à la dispersion de la punaise, H. halys présenterait des populations plutôt univoltines (Suisse, nord de l'Europe) ou bivoltines (sud de l'Europe).

Dégâts « attribués »

Halyomorpha halys est un insecte piqueur suceur (photo 1). Il se nourrit en insérant son stylet dans les organes végétaux et injecte, lors de la piqûre, des enzymes digestives. Des nécroses se forment alors aux abords de la piqûre. Les dégâts sont à forte incidence économique lorsque H. halys s'attaque aux fruits. En fonction de leur stade de développement, ces dégâts peuvent être plus ou moins marqués : avortement, déformation, altération de la coloration, apparition des zones liégeuses sous l'épiderme, etc. Les niveaux de dégâts sont variables en fonction des régions et des cultures, et dépendent de la densité des populations d'H. halys.

Par exemple, en culture de noisettes, dans les Landes et le Tarn-et-Garonne où la punaise est bien installée, jusqu'à 10 % des lots sont touchés par la punaise ! Les dégâts se répartissent entre des noisettes vides aux amandons atrophiés à la présence plus ou moins importante de spots nécrotiques. Les amandons ponctionnés par la punaise présentent un goût désagréable rendant le produit impropre à la consommation. De plus, des pertes cachées, difficiles à évaluer, viennent s'ajouter : lorsque la punaise attaque très tôt dans la saison, les jeunes bouquets tout juste formés avortent ; ces avortements dus aux piqûres ne peuvent être différenciés des avortements naturels des bouquets, mais contribuent à réduire significativement la productivité des vergers. Enfin, contrairement à ce que l'on peut penser, la coque de la noisette n'est pas une barrière impénétrable aux fins stylets de la punaise (Hamidi et al., 2022). C'est donc lorsque le consommateur casse sa noisette qu'il découvre le fruit abîmé !

En culture de pommes et poires, les dégâts observés sont généralement de 10 à 20 % mais peuvent localement exploser jusque 50 à 100 % comme dans certains vergers de poirier de Savoie (Fredon Grand-Est, 2018). Les piqûres contribuent là encore à des avortements précoces des fleurs, à la déformation des fruits, à la présence de piqûres en surface ou de chair des fruits localement subérifiée et désagréable à consommer.

En vergers de kiwis, les dégâts sur fruits causés par les piqûres sont compris en moyenne entre 5 et 25 % et peuvent atteindre plus de 35 % sur les parcelles les plus touchées. Les dégâts sont peu visibles sur l'épiderme du kiwi 'Hayward', poilu. Lorsque le fruit est pelé, on observe des taches vert foncé et des lignifications blanches (Lara et al., 2018 ; Chen et al., 2020). Le goût n'est pas altéré mais la chair du fruit devient ligneuse. Sur les variétés de kiwi jaune, les piqûres de punaises entraînent également la chute des fruits.

Les moyens de gestion considérés

Produits phytopharmaceutiques

Parmi les méthodes considérées actuellement pour contrôler les dégâts occasionnés par cette punaise, nous pouvons citer :

- les insecticides

- les barrières physiques

- et des solutions de biocontrôle.

L'utilisation des produits phytosanitaires est actuellement réduite. Seul les pyréthrinoïdes sont encore homologués, avec une efficacité plus importante sur les stades juvéniles. En effet, ces pyréthrinoïdes sont des produits faiblement rémanents (photosensibles, lessivables, et rapidement biodégradables), rendant la lutte contre des ravageurs polyphages et très mobiles, comme les punaises, plus compliquée. Des études portent sur l'utilisation de produits permettant de détruire les symbiontes présents à la surface des oeufs d'H. halys et nécessaire au bon développement futur des larves (Gonella et al., 2020). Ces symbiontes sont normalement récupérés par les larves lors de l'émergence. Ces produits ont donc vocation à être utilisés sur les oeufs d'H. halys.

Protection physique

Les barrières physiques comprennent notamment l'usage des filets insect-proof. Ceux-ci nécessitent une fermeture parfaite, suffisamment tôt en saison pour éviter les entrées précoces avant la fermeture des filets et une pose suffisamment à l'écart des arbres fruitiers pour éviter que les punaises ne piquent les fruits à travers la maille. Dans la pratique, la protection est souvent partielle. Si certaines cultures comme les vergers de pommiers utilisent déjà classiquement des filets (paragrêle, Alt'Carpo), toutes ne sont pas adaptées à ce type de solutions : les vergers de noisettes par exemple. En culture de kiwi, le facteur limitant est l'existence préalable de la structure pour le filet paragrêle, qui permet de rajouter facilement le filet insect-proof. Ainsi, ce sont les vergers récents de 'Hayward' ou les variétés jaunes qui peuvent bénéficier actuellement de leur protection.

Pièges à phéromones

Il existe des pièges à phéromones qui permettent de capturer les insectes, quel que soit leur stade. Il s'agit de phéromones d'agrégation associées à un synergiste. Ces produits sont largement utilisés à travers le monde pour lutter contre la punaise. Ces pièges peuvent être considérés, soit massivement pour réduire les populations en cours de saison et/ou pourquoi pas pour capturer les individus diapausants et ainsi réduire les futurs inocula de la saison suivante (Morrison III et al., 2019), soit comme outils de monitoring et indicateur des dynamiques saisonnières des populations (Leskey et al., 2018). Cependant, ceux -ci sont plus efficaces en fin de saison, lorsque les punaises répondent aux phéromones d'agrégation, en vue de préparer la diapause hivernale.

Lutte biologique

La lutte biologique est envisagée notamment à travers l'acclimatation d'une ou deux espèces de parasitoïdes oophages présents dans la zone d'origine de cette punaise. Le premier candidat, largement étudié à travers le monde, est la guêpe samouraï Trissolcus japonicus. Cette espèce a été retrouvée de manière fortuite dans différents pays où H. halys a été introduite : États-Unis, Canada, Suisse, Italie, Allemagne (Milnes et al., 2016 ; Hedstrom et al., 2017 ; Abram et al., 2019 ; Sabbatini-Peverieri et al., 2018 ; Stahl et al., 2019). Malgré des efforts de prospection important, celle-ci n'a pas été retrouvée en France.

En Italie, un second candidat exotique a également été fortuitement retrouvé et se disperse naturellement : il s'agit de T. mitsukurii (Sabbatini et al., 2018). Cette espèce également originaire d'Asie n'avait pas été initialement évaluée comme un candidat pertinent dans la mise en place d'une lutte biologique classique (encore appelée lutte biologique par acclimatation) contre H. halys (à la différence de T. japonicus). Les inventaires en France ont permis de détecter la présence de cette espèce sur le territoire, dans le Lot, en très petite population (Bout et al., 2021). Les travaux actuels doivent se poursuivre pour confirmer son acclimatation et sa dispersion naturelle.

H. halys est une espèce polyphage et très mobile. Dans un paysage agricole, les densités de punaises sont plus fortes en bordure de culture et dans les haies. D'ailleurs, c'est dans les premiers rangs que l'on constate les dégâts les plus importants. Ce phénomène est bien connu outre-Atlantique sous le nom de « border effect » ou « edge species ». Ce comportement particulier est un véritable défi aux méthodes de lutte par l'utilisation de produits insecticides dont les produits sont faiblement rémanents et interdits d'usage hors cultures. L'utilisation des parasitoïdes oophages représente dès lors un atout face à ces nouveaux ravageurs. En effet, ces micro-hyménoptères sont capables de détecter les punaises et leurs oeufs au sein des paysages complexes. Leur longévité et leur efficacité en font les meilleures solutions de biocontrôle d'avenir contre ces punaises.

La nécessité d'anticiper les différents stades

Ainsi, l'utilisation de ces différents moyens requièrent de bien connaître et anticiper les différentes phases du cycle d'H. halys sur le territoire, notamment :

- les sorties post-hivernales des adultes diapausants et les périodes de pontes, c'est-à-dire les oeufs vulnérables aux parasitoïdes oophages (anticipation des lâchers de parasitoïdes) ;

- les stades larvaires 1 et 2 pour l'application éventuelle des pyréthrinoïdes.

Les piégeages capturent les adultes en toutes saisons mais avec un effet plus prononcé en fin d'été et début d'automne.

Une piste pour anticiper les phases-clés du cycle

Étudier la maturation ovarienne

Capturer des punaises adultes femelles depuis les premières sorties post-hivernales jusqu'à la fin de la saison d'activité et les disséquer doit permettre de répondre à deux principales questions :

- Quel est l'état de maturité sexuelle d'H. halys en sortie d'hiver ? Sont-elles prêtes à pondre ?

- Peut-on détecter les périodes de pontes et les anticiper à l'aide de paramètre abiotiques ? En déduire les périodes de présence des premiers stades larvaires également vulnérables ?

Les partenaires de l'étude

Cette étude a pu être réalisée durant la saison 2021 dans le cadre du projet France Agrimer PolckA « Régulation des punaises pentatomides en cultures de choux, concombres, kiwis et aubergines par optimisation de différents leviers de protection alternatifs aux produits phytosanitaires » porté par le groupe Invenio et incluant notamment le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab), le Centre de vulgarisation et d'études techniques maraîchères de la région d'Orléans (Cvetmo), la société Koppert, le Bureau national interprofessionnel du kiwi (BIK) et l'Inrae UMR ISA (Institut Sophia Agrobiotech).

Cette étude a également bénéficié du soutien d'une bourse de stage du GIS Fruit, et d'un appui méthodologique de l'Association nationale des producteurs de noix et noisettes (ANPN) dans le cadre du groupe « Punaise diabolique et autres punaises » du GIS fruit.

L'étude de la maturation ovarienne d'H. halys a été menée au sein du BIK sur des prélèvements issus de trois zones de production de kiwi : l'Adour, le Gard et la Garonne.

Collectes, dissections et évaluation des cycles d'Halyomorpha halys

En raison d'une faible densité de punaises adultes observées par battage, l'étude a inclus finalement majoritairement des punaises prélevées dans les pièges (pièges de type Diablex - photo 2 page précédente - avec phéromones Trécé).

Les individus à disséquer ont été récupérés toutes les semaines entre le 17 mai et 5 septembre. La dissection d'H. halys s'est faite sur des individus frais ou congelés et sur des individus conservés en alcool (suivant la période et leurs origines).

Au niveau des ovaires et ovarioles, les stades de développement s'échelonnent du stade 1 au stade 4 (Figure 1), c'est-à-dire de la présence d'oocytes (futurs oeufs) non matures dans les ovarioles à celle d'oocytes bien formés et engagés dans l'oviducte, ce dernier stade étant considéré comme un stade mature en période d'oviposition. Un stade non représenté sur la figure existe dans la nature : le stade 5 correspondant à des femelles ayant terminé de pondre. L'abaque des stades de maturation ovarienne est tiré des travaux de Nielsen et al. (2017).

Le modèle de prédiction basé sur les degrés jours (DJ)

Les insectes sont des animaux dont la température interne est dépendante des conditions externes : notamment la température ambiante, mais également les rayonnements lumineux. Ils sont pour cela qualifié d'organismes poïkilothermes. L'activité des insectes et leur développement est par conséquent hautement dépendante de cette température extérieure, laquelle peut être enregistrée. Il est ainsi possible de calculer la chaleur accumulée au-delà d'une température seuil de développement de l'insecte (Tref) : ce que nous nommons plus communément le nombre de degrés jours (DJ) nécessaire à la croissance. Ce calcul doit démarrer à partir d'un point que nous appelons biofix. Celui-ci peut avoir différentes formes, comme par exemple, chez la punaise diabolique, un stade de développement ovarien, une photopériode ou encore un pic de capture à l'aide de piège à phéromones (Nielsen et al., 2017). Les DJ sont calculés à partir de la formule suivante :

Dans cette formule, Tmin = température journalière minimale ; Tmax = température journalière maximale ; Tref = température de référence. Cette dernière correspond à la température de base de l'organisme considéré, c'est-à-dire la température en-deçà de laquelle l'organisme ne se développe plus. Dans le cas d'H. halys, la température de référence a été évaluée à 14 °C (Haye et al., 2014 ; Nielsen et Matadha, 2008).

Les températures ont été obtenues pour les trois zones échantillonnées sur la période du 1er janvier 2021 au 5 septembre 2021, soit via une station météo en Adour, soit via le site internet AccuWeather pour les vergers de la Garonne et Gard.

Estimation des pics de ponte et de présence des premiers stades

Dissections et premières évaluations

3 598 H. halys ont été collectées sur l'ensemble des trois sites. Le sex-ratio observé est quasiment de 50 % sur cet échantillonnage. Sur les 1 807 femelles piégées, seules 1 316 ont présenté un état satisfaisant à la dissection permettant une évaluation de l'état de maturation ovarienne ; les 491 autres femelles étant trop dégradées pour permettre une observation satisfaisante.

La Garonne présentant à elle seule 54 % des échantillons disséqués, seuls les résultats pour cette région sont présentés ici (Figure 2 page suivante), en particulier :

- les densités de punaises (femelles) collectées par semaine ;

- et pour chaque semaine, la proportion des différents stades de maturation ovarienne observés.

Statistiquement, la présence de trois pics principaux de pontes a été déterminée : le premier en semaine 23, puis les suivants en semaines 29 et 32.

Une comparaison entre les stades de maturation ovarienne observés et les observations réalisées au champ, notamment la présence de nymphes (photo 3 page précédente), permet de mettre en relation les pics de pontes estimés d'après les observations par dissection (stades 4 et 5) et les pics de présence de nymphes du second stade. Ainsi, pour la Garonne, trois pics de présence de nymphes d'H. halys au stade 2 ont pu être observés, correspondant respectivement aux trois pics de pontes estimés d'après les dissections.

Le lien entre les stades d'H. halys observés au champ et les périodes de ponte estimées d'après les dissections est obtenu d'une part en calculant les températures moyennes sur les périodes considérées et, d'autre part, en se rapportant au temps estimé de développement des différents stades d'H. halys en fonction d'une gamme de températures (Haye et al., 2014).

Ainsi, il est effectivement possible relier les pics de pontes aux pics de stade 2 observés dans les populations d'H. halys, ce qui permet :

- de confirmer la justesse de l'évaluation des pics de pontes via les dissections ovariennes ;

- et de confirmer in fine la capacité à estimer les pics de présence des deux premiers stades nymphaux d'H. halys sur les vergers à partir de ces mêmes dissections.

Modèle de prédiction

En Garonne, les derniers stades de développement ovarien ont été observés à partir du début du mois de juin. Plus de la moitié des femelles étaient alors matures sexuellement. Ainsi, à 148 DJ et une durée de jour de 15 h 30, un premier pic de ponte a lieu. S'ensuivent, au cours de la saison, plusieurs périodes de ponte, aux délimitations plus vagues, notamment à 429 DJ et à 466 DJ.

Le premier pic peut s'expliquer par la possible synchronisation des pontes à la suite de la levée de la diapause reproductive hivernale. Puis le chevauchement des générations et l'absence de diapause obligatoire érode la présence d'une période de ponte bien déterminée (Figure 2). À la fin août, toutes les femelles collectées sont en diapause reproductive. Cette diapause est induite par la réduction de la durée de jour en deçà des 13 h de lumière (Nielsen et al., 2017 ; Musolin et al., 2019). Aux États-Unis, il a été montré que le pic de mouvement des insectes vers des sites d'hivernation a lieu après l'équinoxe d'automne, ce qui se traduit par des captures importantes d'insectes dans les pièges alimentés par de la phéromone d'agrégation (Leskey et al., 2018).

Décalage des pics de ponte

En Adour en 2021, les 148 DJ ont été atteints le 15 juin (semaine 24), alors qu'ils avaient été atteints le 18 mai en 2020. Le premier pic d'oviposition a été identifié autour du 15 juin en 2021 et autour du 18 mai en 2020. De même, un autre pic de ponte a été constaté mi-juillet en 2020 alors qu'il a été aperçu fin-juillet/début août en 2021. Les pics de ponte sont donc apparus deux semaines plus tard en 2021 par rapport à 2020 du fait des différences de températures entre les deux années.

Une diminution directe des punaises capturées

Dans les pièges à phéromones près des vergers de kiwis, en Adour, une diminution des punaises a été observée par rapport à 2020 (Bureau national interprofessionnel du kiwi, 2021). Dans la Garonne et le Gard, le constat contraire a été fait. Les 148 DJ ont été atteints le 10 juin et le 15 juin 2021 pour le Gard et la Garonne respectivement. Le premier pic de ponte est donc apparu autour de ces dates et confirme la validité du modèle DJ.

Des indicateurs pour mieux planifier la gestion

Ces résultats confirment que, dans le sud de la France, H. halys est bien une espèce bivoltine. En effet, deux pics principaux de pontes sont clairement identifiés. La présence d'un pic de ponte intermédiaire visible pour les trois zones est probablement due à la durée de vie des individus adultes. Cette durée de vie, couplée aux conditions climatiques plus ou moins favorables (épisode caniculaire), induit des décalages provoquant une sorte de pic de ponte intermédiaire. Cependant, il est possible d'anticiper les premières périodes de pontes, soit à partir de l'identification des premiers individus post-émergeants, et en comptabilisant 148 DJ à partir du moment où la photopériode atteint le seuil de 13 h d'ensoleillement par jour, soit en recalculant les temps de développement à partir de stades de maturation ovarienne éventuellement observés en disséquant des spécimens issus des pièges collectés. De la même façon, il est possible d'anticiper la présence des premiers stades nymphaux. L'étude permet également de confirmer les données de biologie sur H. halys déjà publiées outre-Atlantique.

Ces indicateurs sont importants pour planifier les opérations à venir : soit en termes de recherches (recherches d'ooplaques parasitées, préparation des primo-introductions de parasitoïdes exotiques contre H. halys...), soit en termes d'opération de contrôle (utilisation des pyréthrinoïdes sur les stades juvéniles par exemple, ou dans le cadre de futurs lâchers inondatifs de parasitoïdes oophages).

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Détectée en France en 2012, la punaise invasive et polyphage Halyomorpha halys, originaire d'Asie, s'est dispersée sur l'ensemble du territoire.

ÉTUDE - Dans le cadre d'un projet France Agrimer portant sur la régulation des punaises pentatomides porté par le groupe Invenio et différents partenaires (Grab, Cvetmo, Koppert, BIK, Inrae), le suivi de la maturité sexuelle de la punaise diabolique a été étudié pour optimiser le biocontrôle du ravageur dans les vergers de kiwis.

RÉSULTATS - Les résultats montrent que :

• le cycle de l'insecte peut être suivi à l'aide de piège à phéromones ;

• les modèles de prédiction basés sur les facteurs abiotiques (degrés jours et photopériode) contribuent à identifier les pics de pontes les plus importants, ainsi que l'occurrence des insectes dans l'environnement.

Ces travaux doivent à terme permettre d'anticiper les périodes d'intérêt dans un contexte agraire - pontes et jeunes stades d'Halyomorpha halys -, soit pour organiser les travaux de recherches en cours, soit pour organiser les actions de régulation à l'aide d'outils de biocontrôle.

MOTS-CLÉS - Punaise diabolique, Halyomorpha halys, pièges, OAD, biocontrôle.

Halyomorpha halys : une problématique partagée

L'étude mentionnée dans cet article sur la maturation ovarienne d'Halyomorpha halys, dans l'optique de mieux comprendre sa dynamique au champ et d'arriver à l'anticiper pour mieux mettre en oeuvre les moyens de gestion disponible à venir, n'est pas isolée. En effet, un grand nombre de partenaires sont impliqués dans différents projets s'intéressant à la régulation d'H. halys, entre autres, quelles que soient la ou les méthodes de régulations envisagées. Actuellement deux projets, en plus du projet PolckA, sont en cours :

• le projet FranceAgrimer « Supor » (Stratégies de protection contre les punaises phytophages en vergers de pommiers et poiriers) cible les vergers de pommiers et poiriers en France et implique le CTIFL (coordination), Sud Expé, les vergers expérimentaux de la Morinière et de la Pugère, la chambre d'agriculture Savoie-mont-Blanc et l'Inrae UMR ISA ;

• le projet Région Nouvel Aquitaine (Fonds Feder) « Ripposte » (Recherche et innovation pour la production de parasitoïdes oophages comme solution vers la transition écologique) s'intéresse plus particulièrement à la filière noisette et implique l'ANPN (coordination), Unicoque, l'université de Turin-Difasa et l'lnrae UMR ISA.

Parmi les actions communes de ces projets, la caractérisation des dynamiques d'H. halys est en cours, sur chaque culture et pour les différentes aires géographiques considérées. À terme, une image fiable et robuste de la situation en France devrait pouvoir être obtenue.

Cette complémentarité entre les projets est notamment rendue possible par les échanges réalisés au sein du groupe « H. halys et autres punaises » du GIS fruit :

https://www.gis-fruits.org/Groupes-thematiques/Bio-agresseurs/Groupe-Punaise-diabolique-et-autres-punaises

Parmi les efforts de coordination et de partage, nous pouvons également citer le réseau de suivi d'H. halys : https://punaisesdiaboliques.com

Ce site web est un outil collectif gratuit dont la coordination et la mise en ligne des observations sont gérées par la Fédération des fruits et légumes d'Occitanie. Ce dernier a été structuré à la suite du dernier séminaire « Punaises » du GIS fruit (25 mars 2021) et a pour but d'accompagner et de favoriser une dynamique autour d'H. halys. C'est un outil d'échange (via des documents, photos, résultats de piégeage et tchat), qui permet de cartographier et suivre la dynamique des populations et ainsi améliorer les connaissances sur le ravageur. La participation au réseau est accessible à tous ceux qui souhaitent piéger la punaise diabolique en France.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : alexandre.bout@inra.fr

adeline.gachein@kiwidefrance.fr

LIENS UTILES : Webiphyl : Punaises (ré-) émergentes des cultures : ravageurs et/ou auxiliaires. 26/02/2021 - Végéphyl.

https://www.vegephyl.fr/nos-activites/webiphyl/punaises-re-emergentes-des-cultures-ravageurs-et-ou-auxiliaires-26-02-2021/

Webinaire punaise en arboriculture. 25/03/2021. Gis Fruit, groupe « Halyomorpha halys et autres punaises » et Fédération des fruits et légumes d'Occitanie.

https://www.youtube.com/channel/UCDLEsN10IMmBbDKdS4_mHYA/videos

BIBLIOGRAPHIE : la bibliographie de cet article (20 références) est disponible auprès de ses auteurs (contacts ci-dessus).

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