æLe règlement dévoilé le 22 juin par la Commission européenne doit remplacer la directive 2009/128/CE sur l'utilisation des produits phytopharmaceutiques compatible avec le développement durable adoptée en 2009 actuellement en place. Le texte sera ainsi directement contraignant et uniformément applicable à tous les États membres. La révision vise à aligner les objectifs à ceux fixés dans le pacte vert pour l'Europe, la stratégie en faveur de la biodiversité et la stratégie « De la ferme à la table ». Elle cible une réduction de 50 % d'ici 2030 de l'utilisation de pesticides chimiques et des risques qui y sont associés, ainsi que l'utilisation des pesticides les plus dangereux. Le projet de règlement, en consultation publique jusqu'au 19 septembre, sera ensuite examiné par le Parlement et le Conseil européen, les négociations pourraient s'étaler sur les deux prochaines années.
æLa proposition prévoit que les États membres fixent, dans le cadre de leur législation nationale, leurs propres objectifs contraignants. Chaque État aura la latitude de tenir compte de sa situation nationale, et notamment des progrès enregistrés depuis 2011 et de l'intensité de l'utilisation des pesticides (quantité de substance active vendue divisée par le nombre d'hectares sur lesquels elle est appliquée). Selon ces paramètres et une formule détaillée dans le règlement, l'objectif communautaire de - 50 % pourra être ajusté à la hausse ou à la baisse, avec un niveau plancher minimum de - 35 %.
Les ventes de référence pour calculer la réduction de 50 % sont la moyenne des ventes pour les années 2015, 2016 et 2017. La baisse du risque et des usages est évaluée sur la base d'indicateurs de risques harmonisés (Harmonized Risk Indicator, HRI) ; mis en place en 2019, ils seront éventuellement l'objet de nouvelles discussions. Selon le dispositif actuel, les substances actives mises sur le marché sont ventilées dans quatre groupes munis d'un coefficient correspondant à sa dangerosité, de façon à favoriser le recours aux produits contenant des SA à faible risque et défavoriser l'utilisation des substances les plus dangereuses (en particulier les substances non approuvées utilisées au titre d'autorisations d'urgence nationales limitées dans le temps) : les coefficients sont ainsi respectivement de 1, 8, 16 et 64 pour les substances à faible risque, SA « normales » (parties A et B de l'annexe du règlement n° 540/2011), celles dont la substitution est envisagée et les substances non approuvées (ventes réalisées dans le cadre des dérogations « 120 jours »).
Chaque année, la Commission publiera les tendances en compilant les données des ventes de produits phytopharmaceutiques communiquées par les États membres.
æL'UE propose une interdiction totale de tous les produits phytopharmaceutiques chimiques en zones « sensibles » (et à moins de 3 mètres de ces zones) - telles que les parcs ou jardins publics, les terrains de jeux ou de sport, les sentiers publics - et « écologiquement sensibles » telles que les zones protégées Natura 2000, les aires de captage, etc. Dans le premier cas, la France a mis en place une interdiction (qui ne concerne pas les produits de biocontrôle, à faible risque et UAB) dès 2017 avec la loi Labbé (étendue à l'ensemble des lieux fréquentés par le public depuis le 1er juillet) ; depuis 2019, les usages sont aussi interdits chez les jardiniers amateurs. Par ailleurs, un projet de décret encadrant l'utilisation des produits phyto dans les zones Natura 2000 est en cours de préparation(1).
æLe projet de règlement encourage l'application de la lutte intégrée contre les organismes nuisibles, les pesticides chimiques devant être considérés comme un dernier recours. Chaque État membre devra établir « des règles propres à une culture, qui sont efficaces et applicables, pour les cultures couvrant une surface qui représente au moins 90 % de sa superficie agricole utilisée (à l'exception des jardins potagers) ». Le but est de transformer les principes de la lutte intégrée en critères objectifs et vérifiables. Le texte prévoit que les utilisateurs professionnels devront recourir aux services de conseillers indépendants au moins une fois par an pour les aider à trouver et utiliser des solutions de substitution efficaces. Ils devront enregistrer de manière électronique les mesures relatives à la surveillance, à la prévention et à la lutte contre les bioagresseurs.
æLes modifications apportées par le règlement proposé seront progressives. Les États membres bénéficieront d'une dérogation spécifique qui leur permettra de recourir à la politique agricole commune (PAC) pour couvrir les coûts que représentent les nouvelles exigences applicables aux agriculteurs pendant cinq ans. Notons que le 22 juin la Commission européenne a également communiqué sur une proposition de loi concernant la restauration de la nature, dont un des objectifs est une augmentation globale de la biodiversité y compris dans les écosystèmes agricoles, sur la base de trois indicateurs (papillons des prairies, carbone organique stocké dans le sol, éléments paysagers à haute diversité biologique) et d'objectifs fixés de rétablissement des oiseaux en milieux agricoles.
(1) Voir Phytoma n° 755, p. 8.
POUR EN SAVOIR PLUS
Règlement sur une utilisation des pesticides compatible avec le développement durable : https://tinyurl.com/bdfy3pr6
Consultation publique : https://tinyurl.com/2p92hwm5
Indicateurs de risque harmonisé : https://tinyurl.com/bdevzah5
« Utilisation durable des phytos : des indicateurs de risques harmonisés », Phytoma n° 725, p. 4.
« Indicateurs de risques harmonisés : une baisse à relativiser », Phytoma n° 729, p. 7
GLOSSAIRE
AMM = autorisation de mise sur le marché
De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »
JORF = Journal officiel de la République française