Si beaucoup connaissent aujourd'hui la problématique de l'ambroisie en France, cette connaissance se limite généralement à une seule espèce, l'ambroisie à feuilles d'armoise (Ambrosia artemisiifolia L.). Or il existe plusieurs autres espèces d'ambroisies en France présentant différents niveaux de risque. Une espèce en particulier fait beaucoup parler d'elle, notamment dans les environs de Toulouse : l'ambroisie trifide (Ambrosia trifida L.) qui, au cours des dernières années, semble montrer une nette tendance à l'expansion (Chauvel et al., 2015).
De multiples impacts
L'ambroisie trifide a été introduite en France de manière accidentelle via des lots contaminés de semences de cultures. En Occitanie, la contamination de semences de soja lui a permis d'être directement introduite dans les parcelles agricoles (Chauvel et al., 2015). C'est une espèce annuelle estivale qui produit de nombreuses graines (akènes) à partir de septembre. Elle germe de façon échelonnée à partir du printemps, de préférence sur des sols nus, et se développe plus rapidement que la plupart des autres plantes. C'est une espèce de grande taille (1 à 5 m) qui peut dominer la culture. Toutes ces caractéristiques en font une redoutable adventice des cultures très complexe à gérer. La production de pollen est importante et son caractère allergène est comparable à celui de l'ambroisie à feuilles d'armoise (Anses, 2017). Elle constitue donc une problématique sanitaire importante et s'inscrit de ce fait dans le cadre de la stratégie globale de lutte mise en place par la Direction générale de la santé (DGS). La plante est à ce titre classée nuisible pour la santé humaine dans le code de la santé publique. Au regard des différents risques qu'elle pose à l'échelle de l'Union européenne, le faible niveau actuel de l'invasion et les difficultés de gestion curative de cette espèce dans le contexte actuel, l'Anses considère que le risque phytosanitaire posé par l'ambroisie trifide est inacceptable (Anses, 2017). En France, elle est aujourd'hui essentiellement connue en Ariège et Haute-Garonne et dans une moindre mesure dans quelques autres départements de France, notamment dans l'Ain. En Occitanie, le SRAL a lancé en 2018 une étude qui a permis d'identifier 86 foyers en Ariège et 43 foyers en Haute-Garonne. D'autres foyers ont été découverts dans le Gers et le Tarn et sont sous surveillance. En Auvergne-Rhône-Alpes, une trentaine de nouvelles parcelles contaminées ont été découvertes en 2021 dans l'Ain. Un comité de suivi a rapidement été mis en place par l'Agence régionale de santé, et des campagnes de surveillance et lutte sont réalisées par Fredon Aura. En Paca, une parcelle est concernée dans le Vaucluse ; le foyer y est contrôlé par l'agriculteur et suivi par le CBN méditerranéen et Fredon Paca.
Akènes dans les aliments pour oiseaux ?
Dans le Grand-Est, un pied a été observé et détruit en 2018 sous une mangeoire à oiseaux. En 2021, deux signalements en pied de mangeoire ont eu lieu en Bourgogne-Franche-Comté. Des pieds isolés ont également été observés dans le Lot (2020), et dans l'Aisne (2021). Ces remontées d'information sont particulièrement inquiétantes, car la présence de ces graines dans des mélanges largement distribués constituerait une voie d'entrée pour la plante et pourrait conduire à de nouveaux foyers d'invasion.
Les moyens de gestion
Comme la plupart des espèces exotiques envahissantes, une détection précoce des foyers avec une mise en place rapide d'actions facilite la gestion des populations. Cependant, le contexte international (échanges commerciaux en hausse), la disparition annoncée de certains moyens de gestion chimique et la multiplication des cas de populations d'A. artemisiifolia résistantes aux inhibiteurs de l'ALS rendent la gestion de plus en plus compliquée. Cela montre d'autant plus l'importance de la mise en place de moyens de lutte préventifs (Fried et al., 2017) : placement des espèces sur le statut d'espèces de quarantaine, rotation plus diversifiée avec des cultures défavorables aux ambroisies, fertilisation de précision au plus près des pieds de la culture, diversification des méthodes de contrôle, maintien d'un couvert en interculture, etc. Il n'existe pas en France de tradition de lutte organisée contre des adventices émergentes. L'ambroisie trifide, du fait de sa naturalisation effective récente et de ses caractères de nuisibilité avérés, représente un cas d'école intéressant pour essayer de définir comment organiser une telle lutte. Un classement national au titre de l'article L. 251-3 a 6° du code rural comme espèce nuisible à la santé des végétaux sur la base d'un arrêté national permettrait d'accentuer les efforts déployés actuellement en facilitant la mise en place d'une lutte collective, orientation appuyée par les membres du Conseil national d'orientation de la politique sanitaire animale et végétale (CNOPSAV). Reste une décision à prendre en ce sens par le ministère chargé de l'agriculture.