Retour

imprimer l'article Imprimer

Gestion des adventices

Désherbage du maïs : évaluation multicritère des alternatives

VALÉRIE BIBARD ET ÉMILIE NOUGUÉ, Arvalis-Institut du végétal - Montardon - Phytoma - n°756 - septembre 2022 - page 45

Les techniques alternatives de désherbage du maïs sont passées au crible de l'évaluation multicritère (économique, environnementale, sociale) par l'outil Systerre.
En culture de maïs, les conditions estivales favorisent un développement abondant et rapide des adventices, qu'il faut contrôler rapidement. Photo : R. Doucet

En culture de maïs, les conditions estivales favorisent un développement abondant et rapide des adventices, qu'il faut contrôler rapidement. Photo : R. Doucet

Fig. 1 : Différentes stratégies alternatives comparées dans une approche multicritère

Fig. 1 : Différentes stratégies alternatives comparées dans une approche multicritère

Fig. 2 : Efficacité des différentes stratégies selon le type de flore Pré plein = application de prélevée en plein. PréLOC/2 binages = application de prélevée localisée sur le rang suivie de deux binages de l'interrang. PréLOC/ratt. chimique = application de prélevée localisée sur le rang suivie d'un rattrapage de post-levée en plein). Dicot = dicotylédones. gram = graminées. La note de 7 traduit l'absence de nuisibilité.

Fig. 2 : Efficacité des différentes stratégies selon le type de flore Pré plein = application de prélevée en plein. PréLOC/2 binages = application de prélevée localisée sur le rang suivie de deux binages de l'interrang. PréLOC/ratt. chimique = application de prélevée localisée sur le rang suivie d'un rattrapage de post-levée en plein). Dicot = dicotylédones. gram = graminées. La note de 7 traduit l'absence de nuisibilité.

Fig. 3 : Rendement du maïs pour les trois stratégies de désherbage, exprimé en pourcentage du témoin non traité (TNT), et indicateur de fréquence de traitement (IFT)

Fig. 3 : Rendement du maïs pour les trois stratégies de désherbage, exprimé en pourcentage du témoin non traité (TNT), et indicateur de fréquence de traitement (IFT)

Fig. 4 : Charges globales de production et temps de travaux des différentes stratégies

Fig. 4 : Charges globales de production et temps de travaux des différentes stratégies

Fig. 5 : Émissions de gaz à effet de serre (GES) des différentes stratégies de désherbage

Fig. 5 : Émissions de gaz à effet de serre (GES) des différentes stratégies de désherbage

Fig. 6 : Impact des choix de matériel sur les charges (€/ha) et temps de travaux dédiés au désherbage

Fig. 6 : Impact des choix de matériel sur les charges (€/ha) et temps de travaux dédiés au désherbage

Les enjeux de la production agricole évoluent continuellement. S'ils ont longtemps été réduits à la simple production quantitative, ces enjeux se diversifient : la lutte contre le réchauffement climatique, le renforcement du cadre réglementaire, les attentes sociétales et le respect du milieu environnant ont un impact de plus en plus important sur la mise en oeuvre des productions agricoles.

Une étape incontournable de l'itinéraire cultural

Des pertes de rendement importantes

La lutte contre les mauvaises herbes demeure indispensable pour la conduite d'une culture de maïs ; à défaut, l'impact sur le potentiel de rendement peut être considérable ; en moyenne, sur les douze essais de l'étude présentée dans cet article, 164 % de perte de rendement sont observés. Ce sont des valeurs fréquemment observées dans les témoins non désherbés des essais effectués par Arvalis.

Le maïs est une culture d'été avec une flore adventice diversifiée. Les conditions estivales chaudes et humides favorisent un développement abondant et rapide de ces adventices qu'il faut contrôler rapidement, au risque qu'elles prennent l'avantage sur la culture. Les graminées de type panic, sétaire ou digitaire (panicoidées) sont parfois difficiles à gérer chimiquement en raison de leur proximité génétique avec le maïs. Elles peuvent alors se révéler très nuisibles. Les dicotylédones annuelles telles que la morelle noire, les chénopodes, amarantes, mais aussi renouées, mercuriale etc., peuvent également être préoccupantes, en particulier lorsqu'elles présentent un risque sur la santé ou la sécurité sanitaire comme c'est le cas de l'ambroisie à feuilles d'armoise ou le datura stramoine.

Prophylaxie, désherbage mécanique et chimique

Les problèmes liés aux adventices peuvent être anticipés par des méthodes prophylactiques. Les rotations de cultures permettent de casser les cycles biologiques de certaines espèces et les faux-semis diminuent les stocks grainiers par exemple. Elles sont souvent insuffisantes pour gérer la totalité de l'enherbement et, sur la culture en place, les méthodes de lutte directe mécanique et chimique sont complémentaires.

Sur le plan chimique, plusieurs substances actives sont disponibles sous différentes formulations. On distingue les produits racinaires applicables en prélevée des adventices ou foliaires applicables en post levée des adventices, certains produits combinant les deux modes d'action. Des stratégies de traitement combinant des interventions avant et/ou après la levée de la culture permettent d'obtenir une efficacité suffisante, si elles sont réalisées dans des conditions favorables. De plus, il est possible de réduire la quantité de substance active appliquée à l'hectare en positionnant le traitement sur le rang de maïs avant la levée ou peu après, ce qui implique une gestion différenciée des adventices sur l'interrang.

Les solutions mécaniques agissent de façon « non sélective » sur les adventices et permettent de s'affranchir des problèmes de résistances ou d'identifications parfois délicates. Elles permettent aussi d'intervenir plus tard dans la culture par binage par exemple, mais la vigilance est de mise en présence de vivaces : les outils mécaniques peuvent dans certains cas contribuer à leur prolifération. L'investissement en matériel peut être assez vite rentabilisé et la non-exposition aux produits est toujours un bénéfice pour les agriculteurs, les riverains et l'environnement.

Aucune solution n'est parfaite

Le désherbage est encore réalisé chimiquement la plupart du temps (95 % des surfaces de maïs cultivées) ; son efficacité est conditionnée par le nombre de jours avec de bonnes conditions de traitement, une bonne connaissance et identification de la flore adventice, ainsi qu'une réactivité suffisante de l'agriculteur. En effet, les adventices sont généralement plus faciles à détruire lorsqu'elles sont peu développées, et certains produits sont autorisés jusqu'à un stade précis de la culture.

Les retraits d'AMM et autres contraintes règlementaires qui encadrent l'utilisation des herbicides deviennent de plus en plus nombreux et variés (zones de non-traitement ZNT, interdictions d'appliquer un an sur deux, doses réduites...). De plus, les résistances des adventices à certaines familles d'herbicides s'intensifient.

Enfin, les coûts restent importants, et les demandes sociétales et environnementales tendent vers une réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Ce contexte est favorable à la recherche de solutions de désherbage moins dépendantes de la chimie de synthèse ou permettant de positionner les herbicides plus précisément là où sont présentes les adventices.

Bien que des alternatives mécaniques existent, sous différentes formes, elles restent néanmoins parfois délicates à mettre en oeuvre selon les flores, les conditions météorologiques ou les types de sols. Le temps passé, le carburant supplémentaire utilisé et l'investissement en matériel peuvent être conséquents. En outre, elles peuvent occasionner une perte de pieds, ce qui incite donc à majorer (de 10 %) la densité de maïs semé. Le binage est une technique intéressante parmi ces méthodes mécaniques mais son principal désavantage est de ne pas travailler le rang de culture, même si certains équipements spécifiques permettent de le désherber partiellement.

II semble donc pertinent de combiner les avantages des solutions chimiques et mécaniques en appliquant les herbicides précocement en plein ou localisés sur le rang et en complétant avec un rattrapage mécanique plus tardif réalisé par un binage de l'interrang, plusieurs passages étant souvent nécessaires.

La prélevée localisée sur le rang comme technique alternative

Arvalis teste plusieurs stratégies afin de valoriser au mieux les techniques alternatives à la chimie conventionnelle. L'analyse présentée ici est basée sur une série d'essais (douze essais 2020 et 2021(1)) dont le protocole a pour objectif d'étudier la localisation du désherbage sur le rang du maïs dans le but de réduire les quantités d'herbicides utilisées, tout en maintenant une efficacité suffisante pour le contrôle de la flore. La localisation peut se faire aussi bien pour une application de pré-levée que de post-levée (relativement précoce pour éviter l'effet parapluie du rang de maïs). Dans cette étude, il s'agit de comparer trois stratégies (Figure 1), à un témoin non traité :

- prélevée chimique en plein ;

- prélevée chimique localisée sur le rang de maïs suivie de deux binages de l'interrang ;

- prélevée chimique localisée sur le rang de maïs suivie d'une post-levée chimique en plein.

Afin de pouvoir comparer au mieux ces stratégies, il convient de prendre en compte non seulement les résultats techniques d'efficacité et de rendements, mais également tous les paramètres importants pour l'agriculteur. On peut citer : les coûts de mise en oeuvre, les impacts environnementaux ou le temps passé qui sont, par exemple, des indicateurs essentiels pour décider de la pertinence d'une stratégie comparée aux autres.

Un outil pour aller au-delà de l'évaluation technique

Systerre : enregistrement des opérations et calcul d'indicateurs

Systerre est un outil d'enregistrement des opérations réalisées sur une parcelle et de calcul d'indicateurs, destiné à évaluer les performances techniques, économiques et environnementales des productions de grandes cultures à l'échelle de la culture, la parcelle ou du système de culture. Systerre permet d'évaluer les stratégies les plus prometteuses dans un contexte particulier et de calculer de nombreux indicateurs de performance. Sur le critère économique, l'outil calcule différents types de charges, les recettes, marges et coûts de production. Sur les aspects techniques, il propose comme indicateurs les temps de traction et les consommations d'intrants. En complément, les indicateurs liés à l'énergie et les indicateurss de fréquence de traitement (IFT) couvrent notamment le domaine environnemental.

Les indicateurs Systerre sont couramment utilisés par la communauté technique et scientifique pour évaluer la performance des itinéraires culturaux et comparer des pratiques alternatives à un système en place.

Données économiques

Dans cette étude, toutes les données économiques concernant les matériels utilisés sont issues des coûts des opérations culturales édités par l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture APCA (voir tableau) ; ces coûts intègrent le carburant (gasoil non routier (GNR) à 70 cts/l en moyenne sur quatre ans (2018-2021) ainsi que la main-d'oeuvre. L'analyse multicritère a été réalisée, à l'échelle de l'itinéraire de culture du maïs, en considérant que la pré-levée localisée a été réalisée en herbisemis (des buses de pulvérisation sont placées sur le semoir de façon à désherber sur le rang de maïs lors du semis) et que les interventions de binage ont été effectuées avec une bineuse classique à six rangs, sans assistance de guidage. Aucun temps supplémentaire n'a été ajouté au temps de semis pour l'application en herbisemis même si, dans les faits, cette opération demande une attention accrue difficilement quantifiable en minutes effectives.

Par ailleurs, la rampe localisée ainsi que la bineuse guidée par caméra haute définition (HD) sont deux matériels utilisés dans un second temps pour faire des simulations portant à la fois sur les temps de travaux et les coûts des opérations avec les éléments techniques de notre série d'essais.

Indicateurs environnementaux, économiques et sociaux

Parmi la pluralité des indicateurs calculés par Systerre, seuls quelques-uns ont été retenus pour leur pertinence dans l'évaluation de stratégies de désherbage, en complément des indicateurs techniques d'efficacité, à savoir :

• des indicateurs environnementaux tels que l'IFT traduisant la dépendance aux herbicides, la consommation de carburant, les émissions de gaz à effet de serre (GES) ou le bilan d'énergie primaire (différence entre consommation - liée à la production des intrants, des matériels et aux opérations culturales - et production liée à la biomasse récoltée) ;

• des indicateurs économiques telles les charges dédiées au désherbage ou la marge nette qui présente l'intérêt de prendre en compte les charges de mécanisation ; pour ce faire, des indicateurs intermédiaires sont calculés : le produit brut est directement lié à la production et au prix de vente, alors que le choix des stratégies de désherbage va impacter sur les charges tant au niveau des intrants (herbicides uniquement) que des charges de mécanisation ; en outre, les frais de main-d'oeuvre vont impacter les charges fixes ;

• des indicateurs sociaux tels que les temps de travaux qui vont exercer une influence sur la charge globale de travail et surtout sur l'organisation, dans la mesure où l'ensemble des opérations de désherbage se concentre sur quelques semaines entre le semis et 10 à 12 feuilles du maïs ; par ailleurs, le recours à des pratiques mécaniques réduit l'exposition des opérateurs aux herbicides de synthèse.

Résultats obtenus sur la série de douze essais

Une efficacité globale comparable

L'efficacité globale donne un reflet de la satisfaction apportée par le désherbage proposé par chacune des stratégies sur l'ensemble de la flore de la parcelle. La note de 7 traduit l'absence de nuisibilité à la fois directe, qui conditionne le rendement de l'année, et indirecte impactant le stock grainier pour les années à venir.

Les résultats montrent que les différentes stratégies ont une efficacité globale acceptable sans pouvoir réellement les différencier les unes des autres (Figure 2). La stratégie de prélevée chimique en plein offre une bonne efficacité sur dicotylédones classiques et graminées estivales, mais présente quelques soucis de gestion des dicotylédones difficiles en raison d'un spectre d'efficacité insuffisant (produits choisis a priori par les protocoles d'essai, peu adaptés à la flore de certains essais) et d'un manque de persistance des substances actives sur les levées tardives.

La localisation de la prélevée permet d'obtenir les mêmes performances sur le rang de culture qu'avec un traitement en plein. Le contrôle différencié de la flore sur l'interrang présente des efficacités variables selon le type de flore et le mode de gestion. En effet, le binage offre l'avantage d'être non sélectif vis-à-vis de la flore annuelle contrairement aux herbicides foliaires dont l'efficacité dépend du spectre d'action. Par ailleurs, la moindre efficacité du rattrapage chimique sur les graminées estivales s'explique par un stade trop développé des adventices au traitement mais aussi une efficacité herbicide qui peut être mise en difficulté par des populations de graminées estivales (panics, digitaires et sétaires) de plus en plus résistantes aux herbicides foliaires et en particulier aux inhibiteurs de l'ALS (sulfonylurées).

Des rendements équivalents mais des IFT différents

Dans cette étude, les rendements sont exprimés en pourcentage du témoin non traité (TNT=100 %) présent sur chaque essai de façon à pouvoir regrouper différents types de récolte (grain et fourrage). Les résultats permettent d'abord de confirmer la nécessité de désherber une culture de maïs ; sans désherbage, le potentiel de la culture est plus que divisé par deux la première année. Ensuite, ces résultats montrent que, quelle que soit la stratégie utilisée, les rendements sont comparables, dans la mesure où les efficacités de désherbage le sont aussi (Figure 3).

En revanche, la localisation de la prélevée sur le rang, complétée de binages de l'interrang, en comparaison à la même stratégie avec rattrapage chimique ou à une prélevée en plein permet de réduire de façon très importante la valeur de l'IFT herbicide. Dans cette étude, la réduction de l'IFT herbicide est proche des deux tiers ; toutefois elle dépend, d'une part, du choix des produits et des doses mises en oeuvre, mais aussi de la largeur de la bande de traitement sur le rang et de l'écartement entre les rangs de maïs. Dans cette étude, la largeur traitée est de 25 à 30 cm selon les essais et les écartements varient de 75 à 80 cm.

Coûts de production et temps de travaux

Sur le plan des coûts de production, la localisation de la prélevée associée au binage des interrangs permet de réaliser une économie de 20 €/ha environ, ce qui représente une réduction de l'ordre de 25 % du poste désherbage estimé, en comparaison avec le témoin non traité, à 80 €/ha dans les conditions de cette étude (Figure 4). Cette réduction s'explique par une moindre utilisation d'herbicides non intégralement compensée par une augmentation des charges de mécanisation, lesquelles ont été calculées avec un carburant GNR à 0,7 €/l. Toutefois, les récentes évolutions du contexte géopolitique mondial révèlent une vulnérabilité certaine de ce type de pratiques inféodées au prix de l'énergie. À titre d'exemple, en juin dernier le prix du GNR a oscillé entre 1,5 €/l et 1,7 €/l (voir encadré). Par ailleurs, ce sont principalement les temps de travaux qui sont touchés par les techniques alternatives. En effet, le recours au binage - sachant que deux passages sont nécessaires pour une efficacité équivalente au rattrapage chimique - induit une augmentation de plus d'une heure par hectare (Figure 4). Ce sont les résultats obtenus dans le cadre de cette étude, pour un binage sans guidage avec un débit de chantier de 1,7 ha/h.

Des marge nettes peu différenciées

L'analyse des marges nettes sur la culture du maïs est, par construction, multifactorielle. Les résultats de l'étude montrent, dans leur globalité, que le recours à la localisation de la prélevée associée à deux binages pour désherber l'interrang ne dégrade pas la marge nette, sous réserve de maintenir un niveau d'efficacité satisfaisant. Cette marge nette s'élève à un peu plus de 500 €/ha pour les différentes stratégies, ce qui s'explique essentiellement par le maintien du rendement, mais aussi dans une moindre mesure par la balance entre la diminution du poste intrant et l'augmentation de celui des charges de mécanisation qui dépend des coûts de l'énergie. En comparaison, l'outil Systerre calcule une marge nette négative d'environ 20 € pour le témoin non désherbé en moyenne pour les douze essais de cette étude.

Indicateurs environnementaux : GES et énergie primaire

Par ailleurs, parmi les indicateurs d'impact environnemental des pratiques agricoles, l'outil Systerre propose de calculer les émissions des GES en tenant compte des processus de fabrication des différents intrants et des matériels agricoles utilisés. Les stratégies alternatives de désherbage du maïs consistant principalement à introduire du désherbage mécanique, il apparaît pertinent de prendre cet indicateur en considération. Les résultats de l'étude montrent que le désherbage ne représente que près de 4 % des émissions de GES de l'ensemble de l'itinéraire technique du maïs et que le recours au binage en remplacement d'un rattrapage chimique n'influence que très faiblement, à moins de 1 %, cet indicateur (Figure 5).

Enfin, dans une approche plus globale, cette analyse multicritère permet d'appréhender la notion d'énergie primaire à travers le bilan calculé par la différence entre l'énergie produite, essentiellement dépendante du rendement de la culture, et l'énergie consommée, résultante des consommations liées à la conduite de la culture. Celle-ci génère notamment des consommations d'intrants et de carburant utilisé par le matériel agricole, mais également la consommation d'énergie nécessaire à la fabrication du matériel et des intrants. En outre, la production de maïs constitue une source de production d'énergie primaire par la biomasse produite. Le bilan d'énergie primaire traduit alors l'efficience énergétique de la culture, c'est-à-dire le nombre d'unité énergétique produite par unité consommée.

Avoir une bonne efficience énergétique nécessite à la fois la maîtrise des charges et le maintien d'une production importante. Le bilan d'énergie primaire plaide en faveur du désherbage de la culture ce qui s'explique par la perte de rendement importante du témoin non désherbé. Par ailleurs, ce bilan diffère assez peu d'une stratégie à l'autre, mais là aussi le poste « carburant » pourrait bien changer la donne (voir encadré).

Des alternatives performantes...

Toutes ces observations sont basées sur les choix de matériel effectués a priori, c'est-à-dire :

• la localisation de la prélevée par herbisemis, avec un kit de pulvérisation installé sur un semoir monograine permettant à chaque buse de pulvériser au-dessus du rang de semis ;

• l'utilisation d'une bineuse classique, six rangs, sans système spécifique de guidage.

Dans ces conditions, il est possible de conclure que, dès lors que les conditions optimales sont réunies pour une bonne efficacité du désherbage, la localisation sur le rang de la prélevée associée à deux passages de bineuse est comparable à une prélevée en plein, tant sur le plan des performances techniques qu'économiques. Deux précautions sont toutefois indispensables. La première concerne la disponibilité en main-d'oeuvre, car cette stratégie alternative nécessite un peu plus d'une heure supplémentaire par hectare. La seconde concerne la fréquence des conditions optimales pour une bonne efficacité. En effet, le nombre de jours disponibles pour réaliser un binage dans les conditions favorables (c'est-à-dire séchantes pendant deux à quatre jours après binage pour éviter la reprise de végétation et le repiquage des adventices binées) est généralement plus faible que pour effectuer une pulvérisation d'herbicides foliaires en post-levée de la culture ; il est toutefois difficile d'être plus précis dans la mesure où le nombre de jours disponibles est une donnée multifactorielle qui dépend de la région, de la date de semis et du stade de la culture, du type de sol, etc. Arvalis travaille d'ailleurs sur la mise au point d'un outil d'aide à la décision dont l'objectif sera de déterminer le nombre de jours disponibles dans un contexte donné pour effectuer une intervention de désherbage mécanique dans des conditions favorables à son efficacité. Les résultats montrent également que le recours à un désherbage chimique de rattrapage, après la prélevée localisée sur le rang, est une alternative pertinente si les conditions de sont pas favorables à l'efficacité du binage.

Concernant les temps de travaux, d'autres choix de matériel (Figure 6) peuvent être effectués. En se basant sur les simulations réalisées d'après nos résultats d'essais, l'utilisation d'un système de guidage de la bineuse, par caméra HD par exemple, apparaît comme un moyen intéressant d'augmenter sensiblement le débit de chantier du binage, ce qui permet de diviser presque par deux le temps dédié au rattrapage mécanique, mais augmente les charges de matériel de 20 €/ha (avec un GNR à 70 cts/l).

Par ailleurs, l'herbisemis est une pratique qui ne fait pas l'unanimité auprès des producteurs de maïs, l'opération de semis nécessitant déjà une grande technicité et une vigilance importante. Aussi, il est envisageable d'utiliser une rampe de pulvérisation pour localiser l'intervention sur le rang, en prélevée ou en post-levée précoce, même si ce type de matériel est encore peu répandu sur le marché. Dans ce cas, toujours d'après les simulations effectuées avec les résultats de notre série d'essais, les temps de travaux seraient augmentés d'une quinzaine de minutes par hectare et les charges de désherbage d'une dizaine d'euros par hectare (sur le poste matériel).

(1) Réalisés avec le concours financier du Compte d'affectation spécial pour le développement agricole et rural géré par le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - En culture de maïs, iI semble pertinent de combiner les avantages des solutions chimiques et mécaniques.

ÉTUDE - Sur la base d'une série de douze essais conduits par Arvalis, trois stratégies de désherbage ont été évaluées sur les plans techniques, économiques et environnementaux, grâce à l'outil Systerre : application d'herbicide précocement en plein, application localisée sur le rang avec un rattrapage mécanique réalisé par un binage de l'interrang ou un rattrapage post-levée en plein.

RÉSULTATS - Réalisées dans des conditions favorables, les trois stratégies présentent des efficacités et des rendements équivalents. Aussi, ce sont principalement les temps de travaux et l'indicateur de fréquence de traitement qui sont touchés par les techniques alternatives. Les charges d'intrants contrebalançant les charges de mécanisation, les marges nettes diffèrent peu.

MOTS-CLÉS - Maïs, désherbage, chimique, mécanique, application localisée, indicateur de fréquence de traitement (IFT).

Des résultats d'analyse économique à contextualiser

L'analyse économique peut difficilement se faire aujourd'hui sans s'attarder un peu sur le contexte géopolitique de ce printemps 2022, qui révèle la vulnérabilité de nos résultats et la nécessité de les contextualiser. Ceux présentés dans cette étude ont été acquis alors que le carburant utilisé par les agriculteurs affichait un prix moyen de 70 centimes du litre. Mais avec un prix du gasoil non routier (GNR) qui augmente, les charges de mécanisation ne sont plus les mêmes. C'est tout logiquement le recours au binage qui se trouve le plus largement touché, dans la mesure où cette pratique est la plus consommatrice de carburant parmi les stratégies comparées dans cette étude (A). En revanche, si on suppose une augmentation concomitante du prix des intrants phyto, et donc des herbicides, la stratégie avec prélevée localisée suivie de deux binages demeure compétitive, même avec un GNR à 1,8 €/l et une augmentation de 25 % du prix des herbicides (B).

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : v.bibard@arvalis.fr ; e.nougue@arvalis.fr

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :