æQuels moyens de lutte biologique adopter pour une gestion de terrain efficiente ? Pour travailler sur cette problématique, la ville de Nice s'est engagée dans des travaux de recherche cofinancés par la région Sud. Le 14 juin à Nice, durant une journée technique en Jevi (jardins, espaces végétalisés et infrastructures), les échanges très riches entre les participants(1) et les organisateurs ont permis de restituer des résultats et créer une véritable synergie vers les stratégies de surveillance, de diagnostic et protection des végétaux de climat doux, le tout dans la convivialité.
æMême si le thème de la journée pouvait paraître assez anxiogène au vu des effets du changement climatique, de l'installation sur notre territoire d'espèces invasives, des exigences phytosanitaires européennes, de la loi Labbé et de son prolongement avec l'arrêté du 15 janvier 2021, la direction des espaces verts de la ville de Nice, en collaboration avec les sociétés Végétech, UPL, Getade et Bioplanet, a donné des perspectives encourageantes, en misant sur la responsabilisation, le pragmatisme et la rigueur scientifique. Elle a également considéré la situation actuelle en Italie confrontée à plusieurs de ces bioagresseurs.
Tour à tour, un état des lieux précis sur la situation des nouveaux insectes phytophages détectés ces vingt dernières années et des solutions innovantes en matière de protection biologique intégrée (PBI) a été fait par des spécialistes(2).
æAu premier rang des bioagresseurs les plus préoccupants dans l'arc méditerranéen figurent les insectes défoliateurs et foreurs, dont la plupart sont des coléoptères, avec en tête :
des charançons (Rhynchophorus ferrugineus sur palmiers, Aclees foveatus sur figuiers, Scyphophorus acupunctatus sur les agaves, cactées, bananiers, cordylines, cycas, strelitzias, yuccas et autres plantes méditerranéennes ornementales) ;
le scarabée japonais (Popillia japonica) sur de multiples végétaux d'ornement, dont le rosier, la glycine et le tilleul ;
les capricornes (Xylotrechus chinensis sur mûriers...) ;
les scolytes (Xylosandrus compactus sur le laurier-sauce et Xylosandrus crassiusculus sur le caroubier, ainsi que divers arbres et arbustes feuillus...).
Les insectes piqueurs et suceurs de sève ne sont pas en reste, tels que :
la cochenille tortue des pins (Toumeyella parvicornis) détectée depuis l'automne 2021 entre Saint-Tropez et Ramatuelle ;
les cicadelles vectrices de la bactériose à Xylella fastidiosa.
Ils font l'objet, en 2022, de plans de surveillance renforcés.
Comme l'ont rappelé les intervenants de la ville de Nice, de la Draaf-SRAL et de la Fredon de la région Paca, ces ravageurs émergents sont presque tous arrivés d'Italie. La vigilance est donc de mise dans les établissements importateurs, comme les exploitations horticoles, les jardineries, les centrales d'achats, mais aussi dans les jardins et espaces verts, ainsi que dans les peuplements forestiers et les vergers pour certaines plantes sensibles.
æEn matière de lutte biologique, les stratégies intégrées sont primordiales. Basées sur des observations visuelles et du piégeage, elles mettent à profit des technologies de pointe éprouvées dans des dispositifs expérimentaux rigoureux, souvent longs et coûteux. Les sociétés Végétech et UPL ont expliqué la nature de leurs travaux et des démarches partagées avec les acteurs de terrain pour parvenir à combiner les traitements les plus efficaces avec les mesures prophylactiques. Par exemple, pour réduire les infestations de charançons, des produits de biocontrôle à base de nématodes auxiliaires et de différentes souches du champignon entomopathogène Beauveria bassiana sont testés en complément de phéromones, de barrières physiques d'origine minérale ou encore de pulvérisation d'huiles essentielles.
æRedoutable ravageur originaire des États-Unis, arrivée en Italie en 2014 avant d'être détectée en France en 2021, la cochenille-tortue Toumeyella parvicornis s'est probablement disséminée dans le golfe de Saint-Tropez via le commerce des pins parasols, puis par le vent (jusqu'à 5 km au stade larvaire) et les animaux (écureuils, oiseaux). Les plantes-hôtes majeures, par ordre de sensibilité, sont le pin parasol, le pin Maritime, le pin noir et le pin sylvestre. Le pin d'Alep, lui, se montre résistant. Très prolifique et particulièrement nuisible, la cochenille-tortue peut produire une à quatre générations par an selon les sommes thermiques. En 2022, ses dégâts ont été localement importants, en particulier sur des pins en situation de stress hydrique. Des mesures prophylactiques ont été prises pour tenter d'enrayer le développement des colonies, mais en vain dans certains parcs et jardins. Si la réglementation en vigueur(3) prône l'élimination des parties infestées, des études récentes mises sur des stratégies de lutte intégrée en Jevi. Il faudra donc probablement à l'avenir réguler les niveaux de population à un niveau acceptable, grâce à une combinaison judicieuse de méthodes culturales, physiques et biologiques : macro-organismes auxiliaires (coccinelle Exochomus quadripustulatus, chrysopes Chrysoperla carnea, C. lucasina...), produits de biocontrôle (huile de colza, huile de paraffine, huile essentielle d'orange douce, maltodextrine...).
Ce colloque très réussi pourrait donner lieu à d'autres rendez-vous similaires dans les années à venir, de façon à poursuivre la mutualisation des compétences et des acquis d'expériences vis-à-vis des bioagresseurs des plantes les plus préoccupants en Jevi.
(1) gestionnaires d'espaces verts de collectivités, arboristes, entrepreneurs paysagistes, prestataires de services phytosanitaires...(2) Responsables de parcs et jardins paysagers, chercheurs, représentants des organismes officiels chargés de la santé et de la protection des végétaux, fabricants de moyens de biocontrôle et prestataires en traitements phytosanitaires.(3) Arrêté ministériel du 11 mars 2022 relatif aux mesures visant à éviter l'introduction et la propagation de Toumeyella parvicornis ; arrêté préfectoral de la région Paca du 14 avril 2022 définissant le périmètre de la zone délimitée relative à Toumeyella parvicornis.
GLOSSAIRE
AMM = autorisation de mise sur le marché
De biocontrôle L. 253-5 = figurant sur la liste des produits de biocontrôle « établie au titre des articles L. 253-5 et L. 253-7, IV du code rural (...) »
JORF = Journal officiel de la République française
JOUE = Journal officiel de l'Union européenne
MAA = ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation
Phyto = phytopharmaceutique (qualifie un produit, une substance, un pesticide, un marché...)
UAB = utilisable en agriculture biologique