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DOSSIER - Mieux comprendre les enjeux du cuivre

Le cuivre, un sujet dans le vent

VALÉRIE VIDRIL, Phytoma - Phytoma - n°757 - octobre 2022 - page 16

Avec son statut de candidat à la substitution, le cuivre fait l'objet de nombreuses actualités, alors que son dossier de réapprobation devrait être déposé en décembre.
Publié en janvier 2018, le rapport d'expertise collective Inrae « Peut-on se passer de cuivre en agriculture biologique ? » avait permis de dresser un panorama des leviers disponibles, de leurs limites et des situations critiques.

Publié en janvier 2018, le rapport d'expertise collective Inrae « Peut-on se passer de cuivre en agriculture biologique ? » avait permis de dresser un panorama des leviers disponibles, de leurs limites et des situations critiques.

Le « Mémo cuivre en viticulture » (36 pages) est téléchargeable sur le site www.vignevin.com

Le « Mémo cuivre en viticulture » (36 pages) est téléchargeable sur le site www.vignevin.com

Synthèse de l'expertise scientifique collective Inrae-Ifremer, 2022 (138 pages) : « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques ».

Synthèse de l'expertise scientifique collective Inrae-Ifremer, 2022 (138 pages) : « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques ».

Le cuivre est utilisé depuis le XIXe siècle pour lutter contre les maladies fongiques, mais également bactériennes. Rares sont ceux qui n'ont pas entendu parler de la bouillie bordelaise, premier fongicide « raisonné » en tant que tel. Son centenaire fut l'occasion pour Inrae d'organiser, en 1985, le premier congrès interprofessionnel et international sur les fongicides en agriculture, à Bordeaux. Ancré dans l'histoire de la protection des cultures, avant même que n'apparaissent les produits phytopharmaceutiques « modernes », le cuivre est au coeur de l'actualité.

Candidate à la substitution... non substituable ?

Un fongicide préventif de contact à action multisite

Largement plébiscité pour ses propriétés fongicides, le cuivre vaut aussi pour ses propriétés bactéricides et bactériostatiques, ainsi qu'algicides. Il a une action préventive de contact, par l'intermédiaire des ions Cu2+ libérés dans l'eau par ses différentes formes chimiques, en particulier : l'hydroxyde Cu(OH)2, le sulfate CuSO4, l'oxyde Cu2O, l'oxychlorure CuCl(OH)3. La bouillie bordelaise est un sulfate de cuivre neutralisé à la chaux. Le sulfate de cuivre et l'hydroxyde de cuivre sont les formes les plus vendues. Ces formulations diffèrent par leur solubilité et leur résistance au lessivage. Les ions Cu2+ perturbent de nombreux mécanismes cellulaires : inhibition de la germination des spores des champignons, blocage des processus respiratoires et de la biosynthèse des protéines chez les bactéries, diminution de l'activité membranaire... Du fait du mode d'action par contact, la qualité de pulvérisation est cruciale, de même qu'il est nécessaire de renouveler les applications en cas de pluie (lixiviation) ou d'apparition de nouveaux organes végétaux. En revanche, il n'est pas altéré par les ultraviolets ou les fortes températures.

Le cuivre est une substance majeure en agriculture biologique (AB), mais il est également utilisé en agriculture conventionnelle, en particulier contre le mildiou de la vigne, celui de la pomme de terre et celui de la tomate, la tavelure du pommier, et autres maladies bactériennes sur fruits et légumes (monilioses, cloques, dépérissements...). Il présente par ailleurs une action secondaire contre le botrytis, l'oïdium de la vigne et les maladies de conservation des arbres fruitiers.

Comme le dithianon, le folpel et le métirame, le cuivre est une des substances actives à action multisite non concernées par les phénomènes de résistance (code R4P O5b et FRAC NC). Il participe donc à la gestion d'apparition de résistances des pathogènes aux fongicides (voir Encadré 1).

Des usages stables... jusqu'en 2021

Un rapport de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) de 133 pages, publié en février 2022, dresse un état des lieux exhaustif des utilisations des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en France(1). Il recense, en avril 2021, 57 autorisations de mise sur le marché (AMM) (contre 59 en 2015), pour 86 usages différents. Environ 40 % de ces produits combinent le cuivre à d'autres substances, certaines classées CMR présumées ou suspectées (cancérogènes, mutagènes, toxiques pour la reproduction).

Sur la période 2010-2019, les quantités en équivalent cuivre métal vendues(2) se situent entre 1 500 et 2 000 t/an (avec un pic pour l'année 2018) ; les départements les plus consommateurs correspondent aux grands bassins viticoles. Les quantités utilisées dépendent non seulement de la culture concernée (voir Encadré 2 page suivante), mais également du type d'agriculture et de la pression des maladies qui varie en fonction des zones de production (exemple : parcelles de grandes tailles et climat humide vs petites parcelles en climat sec). L'agriculture conventionnelle, comptabilisant une surface cultivée largement supérieure à celle de l'AB, consomme une quantité totale de cuivre plus importante. Cependant, ramenée à l'hectare, la quantité utilisée est plus élevée en AB.

Surfaces AB en hausse, nombre de substances en baisse

Selon le rapport Anses de février 2022, l'évolution des surfaces en AB pourrait avoir un impact non négligeable sur les quantités totales de cuivre utilisées pour la protection des cultures. Ainsi, pour atteindre l'objectif de 15 % des surfaces en AB, une conversion en viticulture AB d'environ 6 % entraînerait une augmentation de la quantité de cuivre utilisée d'environ 14 % par rapport à 2016. En pomme de terre, l'augmentation de 13 % de la superficie en AB conduirait à une augmentation de plus de 800 % ! Globalement, le passage à 15 % en AB conduirait à une hausse de la quantité totale de cuivre utilisée d'environ 180 t par campagne de production. Cette quantité serait environ deux fois plus élevée si l'objectif de 25 % fixé par l'Union européenne était atteint pour chacune des cultures.

Le retrait de certaines substances chimiques de synthèse aussi efficaces que le cuivre constitue un autre facteur potentiel de hausse d'emploi du cuivre dans les filières conventionnelles.

Des impacts environnementaux qu'il faut approfondir

Le cuivre est un métal lourd qui ne se dégrade pas dans le sol et s'accumule dans les premières couches (10-15 cm), se fixe sur la matière organique du sol, puis sur les oxydes de fer et de manganèse. Il est classé candidat à la substitution, car il répond à deux des trois critères PBT (persistance-bioaccumulation-toxicité). Toutefois, selon l'European Union Copper Task Force (EUCuTF), ces critères PBT, adaptés pour des substances organiques, ne sont pas appropriés pour les substances métalliques comme le cuivre (un nouveau cadre d'évaluation a été proposé par l'Efsa).

Si le rapport de l'Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) du 20 décembre 2017 énumère les risques principaux du cuivre (voir article p. 20), il soulève les nombreuses inconnues entourant les études. Les impacts sur les microorganismes et macro-organismes du sol sont encore analysés. Ceux-ci dépendent évidemment des doses mises en oeuvre et de l'accumulation préalable (voir article p. 28). Karimi et al. (2021 - voir bibliographie p. 32) fixent par exemple un seuil d'écotoxicité de 200 kg Cu accumulé/ha pour les micro-organismes et de 200 kg Cu apporté/ha pour les vers de terre. Or la teneur moyenne de cuivre dans les sols viticoles est estimée à 600 kg/ha... Guilhem Bourrié (voir article p. 23) rappelle toutefois que la teneur totale du cuivre dans le sol ne reflète pas sa toxicité immédiate pour l'environnement ; c'est la forme dissoute qui importe. Or la solubilité du cuivre dépend des conditions de pH, du potentiel d'oxydo-réduction, de la teneur en matière organique... G. Bourrié constate que « les constituants du sol, qu'ils soient organiques ou minéraux, maintiennent la concentration du cuivre dissout bien en dessous de la solubilité de la spertiniite (hydroxyde de cuivre), et surtout à la limite de l'inhibition de 50 % des paramètres biologiques(3) ». L'accumulation liée aux pratiques agricoles constitue néanmoins une épée de Damoclès dont il faut tenir compte.

Ainsi, le cuivre fixé dans le sol (par la matière organique, les oxydes de fer, l'argile, etc.) peut être rendu mobile selon les conditions hydro-climatiques et pédologiques. Par exemple, une baisse du pH entraînera un transfert de cuivre vers les milieux humides où il sera toxique pour les organismes aquatiques. En rendant le cuivre plus soluble, les sols acides le rendent aussi plus nocif pour les racines (phytotoxicité), avec un impact variable selon la sensibilité et le stade des cultures.

Une expertise scientifique collective Inrae-Ifremer, publiée en mai 2022, s'est intéressée aux impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques, avec un focus sur le cuivre. Ce focus énumère les résultats de différentes études - globalement, la contamination au cuivre a des effets sur la biodiversité et les fonctions écosystémiques - et pointe un déficit de connaissances. Il souligne le caractère ubiquiste du contaminant, son accumulation au cours du temps et finalement, en l'absence d'une remédiation active, son transfert vers les milieux aquatiques.

Des impacts socio-économiques en cas de retrait

Si l'utilisation du cuivre en protection des cultures à des effets sur l'environnement qu'il faut continuer d'étudier, sa non-utilisation peut aussi entraîner des conséquences socio-économiques, liées aux coûts de mise en oeuvre des alternatives et à leurs contraintes. L'Anses se propose de documenter et d'évaluer ces impacts et, pour ce faire, a lancé en début d'année un appel à candidatures d'experts scientifiques afin de procéder à la constitution d'un groupe de travail (GT) sur l'« Analyse des impacts socio-économiques des évolutions de l'encadrement réglementaire de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en agriculture biologique et conventionnelle et identification des alternatives chimiques et non chimiques »(4).

Réglementation : des conditions d'emploi fixées jusque fin 2025

Le cuivre est une substance utilisable en agriculture biologique (UAB). En revanche, les produits cupriques ne figurent pas dans la liste des produits de biocontrôle publiée tous les mois au Bulletin officiel du ministère de l'Agriculture, en application des articles L. 253-5 et L. 253-7 du code rural et de la pêche maritime (CRPM). Rappelons que cette liste ne comporte que les produits au profil peu préoccupant, ce qui exclut quelques substances d'origine naturelle (azadirachtine, cuivre, polysulfure de calcium...). Malgré tout, les produits à base de cuivre sont des produits de biocontrôle tel que défini à l'article L. 253-6 du CRPM : « Utilisation d'agents et de produits faisant appel à des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures, tels que les macro-organismes ou les produits phytopharmaceutiques à base de micro-organismes, phéromones ou kairomones, substances naturelles d'origine végétale, animale ou minérale. »

Le cuivre est inscrit depuis 2018 comme substance dite « candidate à substitution », du fait de sa persistance et sa toxicité pour l'environnement. Il a été réapprouvé pour une période de 7 ans (au lieu de 10 ou 15 ans pour les autres substances) au 1er janvier 2019. La dose maximale de cuivre homologuée en agriculture conventionnelle et agriculture biologique est passée de 6 kg/ha/an à une moyenne de 4 kg/ha/an, avec un lissage possible sur sept ans, soit au maximum 28 kg/ha sur cette période, et la possibilité, pour les États membres, de fixer un taux d'application maximal annuel de 4 kg/ha de cuivre. Tous les apports de cuivre, y compris via les engrais, doivent être déduits du calcul des quantités annuelles appliquées par hectare. L'Anses est en train de mettre à jour les autorisations en vigueur sur la base de ces nouvelles conditions. Certains produits nouvellement homologués ou réhomologués portent la mention Spe1 : « Pour protéger les organismes du sol, ne pas appliquer ce produit ou tout autre produit contenant du cuivre à une dose annuelle totale supérieure à 4 kg/ha. » L'AMM de chaque produit cuprique est disponible sur le site ephy.anses.fr, avec les conditions d'emploi (dose maximale, lissage autorisé ou non, nombre maximal d'applications, délai avant récolte (DAR), zone de non-traitement (ZNT), distance de sécurité riverains (DSR)...). Les produits utilisables en agriculture biologique bénéficient d'une dérogation permettant de les appliquer jusqu'à la limite de propriété des parcelles voisines, c'est donc le cas des produits cupriques UAB sauf s'ils comportent une mention DSR.

Une réévaluation du cuivre, dont l'Italie et la Pologne sont les deux États membres rapporteurs, établira si le cuivre est de nouveau approuvé à partir du 1er janvier 2026. Elle tiendra compte des lignes directrices adoptées en février 2021 par un panel d'experts de l'Efsa, pour la réalisation de l'évaluation sur l'exposition et les risques pour l'environnement de certains métaux de transition et de leurs sels (cuivre, fer, cobalt, nickel), lorsqu'ils sont utilisés comme substances actives dans les produits phytopharmaceutiques(5). En effet, les documents d'orientation antérieurs sont plutôt adaptés à des substances actives organiques.

Enfin, l'Efsa a lancé entre le 24 mai et le 1er août une consultation publique sur la réévaluation des valeurs guides pour la santé concernant le cuivre (health-based guidance values HBGV). L'avis scientifique recommande de réduire la dose journalière admissible (DJA) de cuivre dans les aliments de 0,15 mg/kg de poids corporel à 0,07 mg/kg. Selon l'Efsa, les principaux aliments contribuant à l'exposition de la population européenne au cuivre sont les céréales, fruits, viandes et légumes. Les experts notent que l'utilisation du cuivre dans les produits phyto et dans les engrais conduit à des augmentations à long terme dans le sol ayant un impact potentiel sur les concentrations de cuivre dans certaines cultures, et ainsi dans les aliments consommés ; ils recommandent donc une surveillance continue du cuivre dans le sol.

Des alternatives possibles

La recherche mobilisée

Le statut actuel du cuivre comme candidat à la substitution implique de rechercher des alternatives. En juillet 2019, le ministère de l'Agriculture et de l'Alimentation a présenté une feuille de route « pour la diminution de l'utilisation du cuivre en agriculture », élaborée avec les acteurs de la recherche et du développement (Inrae, Acta, Itab, APCA, Fnab). Elle se décline en cinq axes, avec des actions à court, moyen (2 à 5 ans) et long (5 à 10 ans) termes : encourager la recherche, diffuser le recours aux alternatives disponibles, adapter la réglementation, accompagner les agriculteurs, mutualiser les efforts au niveau européen.

Publié en janvier 2018, le rapport d'expertise collective Inrae (« Peut-on se passer de cuivre en agriculture biologique ? ») avait permis de dresser un panorama des leviers disponibles, de leurs limites et des situations critiques. Sur la base de ce document, complété de données plus récentes et des entretiens avec des experts techniques des filières agricoles, le rapport de l'Anses de février 2022 liste les différentes possibilités. Si la recherche d'alternatives au cuivre est active (voir articles p. 33 et p. 37), en particulier en AB, la gamme des solutions est loin d'être suffisamment développée pour couvrir l'ensemble des usages, avec une efficacité comparable. En dehors des produits de synthèse, interdits en AB, ces solutions ne permettent pas de se substituer au cuivre. Elles doivent être combinées dans une logique de reconception des systèmes de culture, avec l'appui d'un accompagnement technique et d'outils d'aide à la décision (OAD). Le temps long de développement (exemple : sélection variétale) et les charges de travail supplémentaires constituent d'autres contraintes. Par ailleurs, l'accès au marché n'est pas assuré, les productions végétales issues des variétés résistantes ou tolérantes en particulier n'étant pas toujours faciles à écouler.

Les expérimentations s'accordent sur l'opportunité de réduire les doses de cuivre en actionnant différents leviers, voire de s'en passer si les conditions de pression parasitaires le permettent. Aux produits (huiles essentielles, substances végétales, substances minérales, stimulateurs des défenses des plantes...) peuvent se combiner le choix variétal, les techniques culturales (réduction de vigueur, taille, effeuillage...), les OAD (exemple : DeciTrait sur vigne), les biostimulants... Les perspectives s'ouvrent sur de nouvelles substances (polyphénols, levures, peptides...) et des méthodes physiques (stimulation UV-boosting, protection Viti-Tunnel...).

Diffuser les solutions disponibles : exemples

Afin de rendre accessibles à la profession viticole les leviers testés, trois structures (Acta, chambre d'agriculture de la Gironde et IFV), dans le cadre de la Cellule RIT (Recherche Innovation Transfert) et de la feuille de route « cuivre », ont mis en commun les travaux entrepris en vigne sur l'ensemble du territoire français durant ces vingt dernières années. Une quarantaine de fiches de synthèse explicitent, pour chaque solution, son statut réglementaire (exemple : produit sous AMM, substance de base, etc.) et un bilan des résultats obtenus et renvoient vers des ressources accessibles au niveau des centres ayant réalisé les essais présentés. Elles sont disponibles sur le centre de ressources Cuivre, mis en place en décembre 2021 sur le portail ÉcophytoPIC. Le site internet diffuse les résultats du réseau Dephy, mis en place dans le cadre du plan Écophyto.

Le Vinopôle Bordeaux-Aquitaine a publié en mai dernier une synthèse des connaissances sur le cuivre et son usage en viticulture pour lutter contre le mildiou. Le document de 36 pages fait un point sur la réglementation, les stratégies d'emploi ou encore les alternatives et méthodes pour en diminuer les quantités. Elle rassemble aussi quelques points pratiques indispensables pour maîtriser et optimiser l'usage du cuivre au vignoble.

(1) Voir Phytoma n° 753, p. 4.(2) L'estimation de la quantité totale de cuivre utilisée à partir des enquêtes « Pratiques culturales » et « Pratiques phytosanitaires » du Service statistique et prospective (SSP) du ministère en charge de l'agriculture représente seulement 60 % à 70 % de la quantité totale vendue. (3) Les paramètres biologiques mentionnés ici sont ceux présentés dans l'article de Sauvé S. et al. (« Derivation of soil quality criteria using predicted chemical speciation of Pb2+ and Cu2+ », Environmental Toxicology and Chemistry, n° 17, p. 1481-1489), qui compilent différentes'études de toxicité du cuivre (et du plomb) vis-à-vis de micro-organismes et de plantes supérieures.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Le cuivre est inscrit comme candidat à la substitution. Son approbation expirera le 31 décembre 2025. Sa réapprobation se basera sur le nouveau cadre d'évaluation des substances métalliques proposé par l'Efsa en février 2021.

En attendant, la feuille de route proposée par le ministère de l'Agriculture en 2019 vise à favoriser la recherche d'alternatives et leur diffusion sur le terrain.

RESSOURCES - Selon le rapport d'évaluation de l'Efsa publié en 2018, l'écotoxicologie du cuivre reste à approfondir. Toutefois, les constats actuels incitent à diminuer les doses. Une expertise scientifique collective (ESCo) Inrae-Ifremer publiée en mai 2022 contient un focus sur le cuivre et confirme des impacts sur les organismes aquatiques, et la faune du sol dans certaines conditions (eau, pH, matière organique...).

L'étude d'Inrae publiée en 2018 sur les alternatives en agriculture biologique a conclu en l'absence de substitution possible en l'état des connaissances. Comme l'illustrent les travaux des filières (notamment vigne et arboriculture fruitière) présentés dans le centre de ressource sur le cuivre mis en place en 2021, il s'agit moins de remplacer le cuivre par une substance équivalente que de combiner des leviers dans l'espoir de s'en passer (en condition de faible pression phytosanitaire) ou de réduire les doses.

MOTS-CLÉS - Cuivre, fongicide, substitution, réglementation, alternatives, vigne, arboriculture fruitière, ESCo, écotoxicologie, alternatives, Anses, Inrae.

1 - Les fongicides multisites : une nécessité

L'histoire récente de la protection des cultures rappelle cette propension que tous les bioagresseurs développent pour contourner les modes d'action, que ce soit pour les fongicides ou pour tout autre produit de protection des plantes. La recherche de solutions ciblées avec des modes d'action unisite a pour objectif l'utilisation de produits les plus sélectifs possibles du pathogène, de l'adventice ou du ravageur visé. Mais les modes d'action de ces produits sont très rapidement contournés, notamment par des pathogènes comme les mildious, les tavelures, les oïdiums qui nécessitent des interventions répétées au cours de la saison.

Le mildiou de la vigne en est un bon exemple, avec le développement de souches résistantes à des substances actives récentes : zoxamide, oxathiapiproline, cyazofamide, fluopicolide, amisulbrom mais aussi de nombreuses plus anciennes (cymoxanil, métalaxyl M, azoxystrobine, pyraclostrobine...).

Dans ce contexte, le recours à l'alternance ou l'association avec des substances dites multisites est une solution pour différer l'apparition de souches résistantes. En effet, ces fongicides multisites agissent au travers de différents modes d'action et la probabilité qu'une souche soit en mesure de modifier plusieurs sites simultanément est beaucoup plus réduite.

En 2022, la note technique commune résistance 2022(1) pour les maladies de la vigne le rappelle : « Les associations d'un mode d'action concerné par la résistance et d'un multisite (non concerné par la résistance) visent principalement à gérer l'efficacité de la spécialité. »

Aujourd'hui, le nombre de fongicides multisites est réduit : cuivre, soufre, dithianon, folpel, métirame, et plusieurs font l'objet de procédure de réévaluation (folpel, métirame, dithianon) dans les deux ans à venir. Sans préjuger du résultat de ces réévaluations, la disparition de produits multisites constituerait un casse-tête pour la gestion des résistances de pathogènes.

André Fougeroux

(1) Note technique commune résistances 2022 maladies de la vigne : mildiou, oïdium, pourriture grise, black rot, IFV-Anses-Casper-CIVC-Chambres d'agriculture-DGAL-SDSPV.

2 - Les usages du cuivre pour la protection des cultures en France

La viticulture est la principale filière utilisatrice du cuivre (plus de la moitié des quantités vendues), étant donné la surface totale concernée et les doses moyennes apportées à l'hectare. Les quantités totales estimées sont de 783 t et 174 t de cuivre en 2016 pour des surfaces respectives 603 600 ha de vigne en conventionnel et d'environ 68 300 ha de vigne en AB. La quantité moyenne de cuivre apportée par hectare et par campagne est deux à trois fois plus élevée en AB, avec un nombre de traitements sur une même parcelle trois fois plus élevé.

L'arboriculture fruitière a traité avec 118 t de cuivre sur près de 63 500 ha en conventionnel contre 29 t pour 9 400 ha en AB (données 2018), une part importante étant dédiée aux maladies du pommier.

En 2018, les cultures légumières ont utilisé près de 18 t pour environ 13 200 ha en conventionnel et 1,95 t pour 1 300 ha en AB, le poireau, la tomate et le melon étant les principales cultures concernées. En pomme de terre, le cuivre est utilisé sur environ 75 % des surfaces en AB - alors qu'il concerne très peu de surface en conventionnel (données 2017) - pour une quantité totale de 5,37 t sur plus de 2 300 ha. Le traitement des semences est très peu concerné par l'utilisation du cuivre (un seul produit cuprique homologué pour les traitements de semence de blé et de seigle).

Source : Autosaisine de l'Anses sur les utilisations des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en agriculture biologique et conventionnelle en France : https://tinyurl.com/2p9eenw7

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : v.vidril@gfa.fr

LIENS UTILES : Synthèse du rapport d'expertise scientifique collective Inrae, 2018 (66 pages) : « Peut-on se passer du cuivre en protection des cultures biologiques ? » - https://tinyurl.com/2p9ur2yj

Feuille de route pour la diminution de l'utilisation du cuivre en agriculture, 2019 (8 pages) : https://tinyurl.com/mryk42bz

Rapport d'appui scientifique et technique de l'Anses sur le cuivre, 2022 (133 pages) : « Cartographie des utilisations des produits phytopharmaceutiques à base de cuivre en France en considérant leur application en agriculture biologique et conventionnelle » - https://tinyurl.com/2p9eenw7

Synthèse de l'expertise scientifique collective Inrae-Ifremer, 2022 (138 pages) : « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques » - https://tinyurl.com/ry2y4bhf

Centre de Ressources Cuivre sur le site ÉcophytoPIC : https://tinyurl.com/ffwd3d2x

Synthèse IFV, 2022 (36 pages) : « Mémo cuivre en viticulture » - https://tinyurl.com/2eyp2a5f

Cet article fait partie du dossier Mieux comprendre les enjeux du cuivre

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