1. Symptômes de fusariose sur échalote. Le mycélium blanchâtre se développe à la base du plateau et peut ensuite remonter le long des écailles du bulbe.
1 - La culture de l'échalote En Bretagne, l'échalote se plante au début du printemps. Après une période de latence, le bulbe se développe et se divise. Les bulbes issus de cette division se récoltent en été, après le dessèchement des parties aériennes. L'hiver précédant la plantation, de septembre à février, un trempage des bulbes de 2 h dans de l'eau à 42 °C est pratiqué pour limiter leur contamination par de nombreux pathogènes et nématodes. Vingt pour cent des bulbes peuvent être contaminés en climat favorable à la fusariose, soit par le sol en cours de culture, soit lors de la conservation l'hiver.
Les cultures d'oignon et d'échalote sont sensibles à de nombreuses maladies. Un trempage des plants dans une eau à 42 °C est réalisé avant plantation pour assurer un bon état sanitaire, en agriculture conventionnelle et biologique (AB). Il prévient notamment la transmission des nématodes et protège contre la plupart des maladies : mildiou (Peronospora destructor), brûlure des feuilles (Botrytis squamosa), Botrytis allii, pourriture blanche (Sclerotium cepivorum), mais pas contre la fusariose.
Contrer la fusariose
Criblage de substances en laboratoire
Causée par Fusarium oxysporum f. sp. cepae, la fusariose se transmet par le sol ou par le plant d'échalote (photo 1, Encadré 1 page suivante). Des fongicides conventionnels ont été autorisés par le passé pour le traitement du plant, mais il n'y a plus de produits phytopharmaceutiques autorisés pour cet usage depuis 2021. Un travail a donc été effectué entre plusieurs structures partenaires (voir encadré en fin d'article) pour identifier une solution pour les producteurs (Collet et al., 2021).
La première étape a été de cribler en laboratoire, à Vegenov, à Saint-Pol-de-Léon (Finistère), une dizaine de substances de base (voir Encadré 2 page suivante) et produits de biocontrôle. Le choix des produits a été assez large, privilégiant ceux à faible risque : des produits à base de micro-organismes comme Pseudomonas, Streptomyces, Gliocladium et Trichoderma ; des extraits de plantes : moutarde, huile essentielle d'orange, vinaigre ; des extraits minéraux : hydrogénocarbonate de potassium, bicarbonate de soude...
Les tests ont été réalisés in vitro en Erlenmeyer et sur boîte de Petri : des spores de fusariose ont été placées en culture liquide, avec un passage de 2 h à 42 °C, puis une incubation de cinq jours à température ambiante. Dans un milieu de culture favorable à sa croissance ou dans de l'eau, une observation visuelle permet de se rendre compte que la fusariose se développe bien malgré les 2 h à 42 °C. Le thiophanate-méthyl, ancienne substance active de référence qui n'est plus autorisée depuis octobre 2021, ralentit la croissance de la fusariose, mais ne la stoppe pas. Parmi les premiers produits criblés, le vinaigre alimentaire (à 10 ° d'acide acétique) ressort comme efficace à contrer la germination des spores de fusariose (photo 2).
Un protocole modifié a été mis en place pour cribler une seconde série de produits comprenant également des produits à base de micro-organismes : après le passage de 2 h à 42 °C en culture liquide, seul ou avec des produits de biocontrôle, le mélange produit/spores de fusariose a été étalé sur boîte de Pétri. L'efficacité du produit est cette fois-ci mesurée par notation du développement de la fusariose avec une échelle allant de 0 (absence de croissance) à 5 (développement important de la fusariose, sur plus de 75 % de la surface de la boîte de Petri). Pour les micro-organismes, des pastilles sont imprégnées dans la solution de micro-organismes et déposées sur les boîtes de Petri, où les spores de fusariose ont préalablement été étalées. La taille des halos d'inhibition de croissance de la fusariose ou un développement du micro-organisme autour de la pastille indiquent l'effet de ce micro-organisme sur le mycélium de fusariose. Les produits à base de Trichoderma et dans une moindre mesure de Gliocladium permettent de limiter le développement de la fusariose. De même, les extraits de moutardes blonde et brune, mais surtout le vinaigre, ont montré un fort potentiel. Plusieurs doses inférieures aux doses initiales de 10 % ont été évaluées et, en effet, un développement modéré de la fusariose a été observé aux doses de 1 % et 1,5 % de vinaigre, mais aucun développement aux doses supérieures ou égales à 2 % de vinaigre (Figure 1).
Le choix a été fait de poursuivre les essais avec le vinaigre, plus facile d'utilisation qu'un micro-organisme.
Tests du vinaigre sur bulbes
En conditions semi-contrôlées
La phase suivante a été réalisée par traitement de bulbes dans des conditions aussi proches que possible des situations professionnelles. Les essais en pot et au champ ont été menés à la station expérimentale du Cate à Saint-Pol-de-Léon.
Les essais en conteneur horticole ont été réalisés en contre-saison, en conditions semi-contrôlées sous serre pour identifier rapidement les modalités intéressantes. Ils ont été conduits sur des bulbes inoculés artificiellement par le pathologiste de l'Organisation bretonne de sélection. Les bulbes ont été plongés dans les différents bains de trempage avec les produits phytopharmaceutiques (conventionnels et de biocontrôle), 2 h à 42 °C, puis séchés. La plantation a alors été réalisée en pot (quatre répétitions de soixante bulbes par modalité - témoin non inoculé non trempé, témoin trempé inoculé, témoin non trempé inoculé, thiophanate-méthyl, vinaigre 2 %, vinaigre 5 %, vinaigre 10 %) et les bulbes ont été placés sous serre pendant huit semaines environ (photo 3).
En 2021, les deux essais en pots ont dévoilé une phytotoxicité du vinaigre, c'est-à-dire un retard de la levée des bulbes, en fonction de la concentration employée, qui s'estompe dans la durée par un rattrapage de croissance par rapport à la modalité témoin trempée inoculée. À la concentration de 2 %, cet effet n'est pas significatif par rapport à la modalité trempée inoculée (Figure 2). En comparaison à la référence chimique (thiophanate-méthyl) qui n'est plus autorisée, le vinaigre permet une protection contre la fusariose de niveau similaire, en conditions de forte contamination. Par inoculation artificielle, autour de 25 % de bulbes sont contaminés par de la fusariose chez le témoin inoculé et trempé. Aux doses de 5 et 10 % de vinaigre, l'effet de phytotoxicité entraîne le développement de nécroses du plateau, limitant le nombre de bulbes sains en fin d'essai.
Dispositif d'évaluation au champ
Un essai à plus grande échelle a été mené en 2021 en situation professionnelle avec plantation d'échantillons au champ à la station du Cate et chez quelques producteurs (photo 4) avec le suivi de la chambre d'agriculture de Bretagne. Dans ces deux essais, il n'a pas été observé d'effet négatif sur la levée des bulbes, ni de phytotoxicité. L'essai de la station expérimentale du Cate a confirmé l'effet positif du vinaigre à 2 % dans le contrôle de la fusariose, mais en conditions de moindre contamination des témoins par infestation naturelle. Ces résultats devront être confirmés sur les essais de 2022.
Perspectives
En l'absence de variété résistante à la fusariose et face au retrait du thiophanate méthyl, le vinaigre alimentaire a présenté des résultats préliminaires probants en termes d'efficacité et de sélectivité en trempage de l'échalote. En lien avec les risques opérateurs et environnementaux, l'objectif du projet Vinaigrette, porté par le Cate (financement Écophyto 2 - 2022-2025), est de valider cet usage au niveau européen et français et de promouvoir ce levier vers les conseillers et les producteurs de la filière, en production conventionnelle et biologique.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - La fusariose de l'échalote et de l'oignon est un problème potentiellement grave qui n'a plus de solution à l'heure actuelle. L'espoir de voir un nouveau fongicide être homologué pour le traitement des bulbes d'échalote ou d'oignon est faible.
ÉTUDE ET RÉSULTATS - Des essais réalisés au laboratoire, en station expérimentale (en pot et au champ) et chez des producteurs montrent que le vinaigre de qualité alimentaire est une alternative très prometteuse pour le trempage des bulbes d'échalote et d'oignon, autant en production conventionnelle qu'en AB.
En tant que substance de base, le vinaigre n'est pas soumis à homologation, mais le mode d'application définissant ce nouvel usage doit encore être approuvé au niveau européen.
MOTS-CLÉS - Échalote, oignon, fusariose, vinaigre, thermothérapie, Fusarium oxysporum.
2 - Le vinaigre, une substance de base
Le vinaigre alimentaire (vinaigre à 10 ° d'acide acétique) est une substance de base (UE) depuis 2015. Une substance de base est une substance pouvant être utilisée à des fins phytopharmaceutiques en agriculture alors que cela n'est par sa vocation première. Par exemple, le sel, le sucre, la bière... (voir le site de l'Itab). Il est donc compatible au cahier des charges de l'agriculture biologique et est autorisé, par exemple, en traitement des graines de céréales en AB, en désherbage et pour la désinfection des outils (Itab, 2018). Son emploi ne nécessite donc pas d'homologation, mais la « recette » et l'usage sur bulbes d'échalotes et d'oignons doivent être validés au niveau européen.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACT : monot@vegenov.com
LIENS UTILES :
Itab 2018 - Fiche d'usage agricole de la substance de base vinaigre, http://substances.itab.asso.fr/vinaigre
BIBLIOGRAPHIE : - Collet J.-M., Le Goff-Prat A., Gouez C., Monot C, Tanguy J.-L., 2021. Échalote et oignon : du vinaigre pour gérer la fusariose ? Aujourd'hui et demain n° 149, p. 8-11.