1. Coccinelle asiatique (Harmonia axyridis) prédatrice de pucerons, désormais considérée comme nuisible pour de nombreuses espèces de coccinelles autochtones qu'elle tend à éliminer. Photos : 1. Inrae/Sophia Antipolis 2. G. Raynal - Inrae
Distribution (nombre) des références bibliographiques (Web of Science, 2000-2020) selon les usages des produits de biocontrôle
Fig. 1 : Catégories de produits de biocontrôle et leur utilisation partielle dans l'agriculture biologique Certaines substances naturelles sont classées comme peu préoccupantes (PNPP) et incluent des substances naturelles à usage biostimulant (SNUB) et des substances de base (SB). Les équivalents en anglais sont en italique et entre parenthèses. Les flèches rouges indiquent d'autres produits naturels pouvant être utilisés pour limiter les intrants conventionnels.
Fig. 2 : Distribution des produits de biocontrôle A. Distribution des 617 produits de la liste biocontrôle (note DGAL/SDQSPV/2021/277) selon les trois catégories (micro-organismes, phéromones et kairomones, substances naturelles). B. Distribution des produits appartenant aux catégories micro-organismes et substances naturelles : extrait animal (dont la farine de sang, diatomée, COS-OGA, etc.) ; extrait végétal ; extrait minéral ; extrait de moisissure (exemple : Cerevisane) ; extrait bactérien (spinosad) ; extrait d'algues (dont laminarine). (*) Catégories contenant des molécules naturelles synthétisées à l'identique ou des produits naturels transformés.
Au cours d'une expertise scientifique collective (ESCo) portant sur les « impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques » (Mamy et al., 2022), réalisée par Inrae et l'Ifremer à la demande des ministères en charge de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Recherche, un groupe de chercheurs s'est intéressé au biocontrôle (voir encadré), en réalisant un état des lieux des solutions existantes en France et de leur usage, mais aussi en examinant la littérature disponible sur le sujet pour répondre à plusieurs questions :
- l'environnement est-il contaminé par les produits de biocontrôle ?
- quels sont les effets des produits de biocontrôle sur la biodiversité ?
- peut-on comparer les effets du biocontrôle et des PPP (produits phytopharmaceutiques) conventionnels ?
Contexte : les produits de biocontrôle
Définition
Devant la nécessité de limiter l'usage des PPP conventionnels et leurs effets négatifs sur l'environnement et la santé, le biocontrôle apparaît comme une alternative prometteuse. Ce dernier correspond à un ensemble de méthodes de protection des cultures défini comme « des agents et produits utilisant des mécanismes naturels dans le cadre de la lutte intégrée contre les ennemis des cultures » (code rural et de la pêche maritime, article L. 253-6) (Figure 1 p. 44). Il comprend des substances naturelles, des micro- et macro-organismes et des médiateurs chimiques. Le terme de « substances naturelles » inclut toutes les substances naturelles et leurs équivalents strictement identiques, issus de la synthèse chimique (exemple : cytokinines, acide pélargonique, eugénol).
La liste des PPP de biocontrôle autorisés en France est diffusée régulièrement par la direction générale de l'alimentation (DGAL) du ministère en charge de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire (dans cette étude note DGAL/SDQSPV/2021-277 du 12 avril 2021). Elle n'intègre pas les macro-organismes, mais les pièges à insectes avec des phéromones, des attractifs alimentaires et des insecticides dans un contenant fermé. Tous les produits de biocontrôle ne sont pas autorisés en agriculture biologique (Figure 1) et réciproquement.
Répartition des produits de la liste biocontrôle
Dans la liste biocontrôle, les substances naturelles sont majoritaires et sont les produits de biocontrôle les plus utilisés (72 % des ventes des adhérents IBMA - International Biocontrol Manufacturers Association - en 2021, Figure 2A p. 45), et les extraits minéraux et végétaux sont les plus présents (Figure 2B).
En France, le marché du biocontrôle est en plein essor (13 % des parts du marché (PDM) des PPP en 2021) et une projection annonce 30 % de PDM à l'horizon 2030. Selon l'IBMA, le chiffre d'affaires des PPP de biocontrôle a augmenté de 16,1 % en 2021. Les insecticides sont les produits les plus utilisés (38 % de PDM), avec les molluscicides (29 %) et les fongicides (19,5 %). Bien que les herbicides représentent 70 % des PPP conventionnels vendus en France, ils sont les parents pauvres du biocontrôle (3 % des PDM).
Contamination du milieu par les produits de biocontrôle
Des substances peu analysées ou difficiles à analyser dans l'environnement
Les PPP de biocontrôle sont très rarement recherchés dans le milieu. Certains sont naturellement présents (acides gras, kaolin, soufre, etc.) et il est donc difficile de distinguer la fraction native de la fraction provenant des PPP de biocontrôle appliqués (d'autant que les quantités apportées peuvent être très faibles). De plus, d'autres matières actives ont une nature chimique peu compatible avec un suivi analytique (graisse de mouton, huile de poisson, etc.). Les quantités de médiateurs chimiques apportées par les traitements phytopharmaceutiques sont aussi difficiles à déterminer. Ainsi, les quelques résultats présentés ci-dessous concernent-ils les substances de biocontrôle exogènes pouvant être dosées dans le milieu par des méthodes analytiques.
Contamination du sol et de l'eau
Les données de contamination du sol et des milieux aquatiques, dulcicoles ou marins par les PPP de biocontrôle sont quasi inexistantes. Cependant, la connaissance de leur devenir dans les sols et les milieux aquatiques (eaux et sédiments) peut apporter quelques éléments : plus un PPP est persistant et/ou mobile, plus il est susceptible de conduire à une contamination du milieu (sol, eau, sédiment, biote).
Une synthèse portant sur le comportement des substances naturelles dans les sols a montré que la plupart d'entre elles étaient peu persistantes hormis l'abamectine, l'huile de paraffine, le spinosad et les phosphonates (Mamy et Barriuso, 2022). Par ailleurs, certaines substances actives ont une mobilité élevée et présentent donc un risque de contamination des eaux souterraines (en particulier l'acide acétique), tandis que d'autres sont quasi immobiles dans le sol (huiles, pyréthrines). Celles-ci sont toutefois susceptibles de contaminer les eaux de surface par ruissellement ou érosion. L'usage répété de Bacillus thuringiensis peut conduire à une contamination du milieu et à la production de toxines Cry plusieurs mois après l'application (Tetreau et al., 2012 ; Vettori et al., 2003), toxines qui peuvent affecter la colonisation endomycorhizienne des systèmes racinaires des plantes. Cependant, il faut noter que la persistance de Bacillus thuringiensis dans l'environnement est très liée à la nature de ce dernier (qualité du sol) ou à la présence d'hôtes.
Contamination de l'air
Parmi les matières actives utilisées en biocontrôle, seules les pyréthrines ont été recherchées par quelques Associations agréées de surveillance de la qualité de l'air (AASQA) en France en 2011 et en 2016 : elles n'ont pas été quantifiées. En 2019, l'abamectine devait être étudiée dans le cadre de la Campagne nationale exploratoire des pesticides (CNEP) (Anses, 2020), mais le suivi s'est révélé impossible en raison de problèmes d'efficacité de piégeage du composé.
Impact sur la biodiversité et effets écotoxicologiques
Effets des macro-organismes : des interactions complexes
Les macro-organismes, auxiliaires des cultures, ont des effets variés sur la biodiversité. Certains prédateurs généralistes (acariens superprédateurs) peuvent consommer d'autres prédateurs (diptères prédateurs de pucerons), ce qui conduit à l'échec du traitement à cause de la réduction du nombre de prédateurs. Des interactions positives (des prédateurs peuvent détecter la présence d'un parasite dans une proie et ne pas la consommer) ou négatives (cannibalisme) peuvent exister pour ces macro-organismes (insectes prédateurs, nématodes entomopathogènes, parasitoïdes), nécessitant des recommandations d'usage. Ceci est aussi vrai pour les interactions entre macro- et micro-organismes : par exemple, la moisissure Lecanicillium muscarium a un impact sur le prédateur coccinelle, induisant 30 % de mortalité. Cependant, l'association des deux améliore l'efficacité sur les populations de pucerons ravageurs. Le cas d'Harmonia axyridis (coccinelle prédatrice de puceron) est emblématique d'une espèce allochtone devenue invasive et qui consomme d'autres prédateurs autochtones, dont des populations locales de coccinelles. Ainsi, selon les conditions environnementales, l'attaque d'espèces autochtones par des espèces allochtones introduites à des fins de biocontrôle peut entraîner leur déclin, avec des effets écologiques indirects, sans observation d'un retour de l'écosystème à l'état initial.
L'emploi des macro-organismes à visée insecticide révèle une complexité certaine des modes d'action et des interactions de ces organismes avec leur environnement. Ils peuvent interagir directement (prédation, parasitisme, hybridation) ou indirectement (compétition pour les ressources), avec parfois des changements d'hôtes ou de proies.
Une spécificité faible de micro-organismes insecticides
Plusieurs moisissures et bactéries utilisées comme insecticides (Beauveria bassiana, Metarhizium anisopliae, Bacillus thuringiensis) sont actives contre une grande diversité d'insectes et d'acariens. Cependant, les toxines et enzymes secrétées peuvent avoir une spécificité assez faible, ce qui conduit à poser des restrictions quant à leur utilisation. Certains entomopathogènes comme M. anisopliae affectent les parasitoïdes de diptères et B. bassiana aurait des effets écotoxicologiques négatifs sur les coccinelles et les abeilles. Concernant les souches de B. thuringiensis utilisées contre quelques espèces d'insectes appartenant à différentes familles de lépidoptères, elles peuvent exercer une toxicité chronique (pas de mortalité immédiate, mais par exemple une augmentation de la durée de développement) pour des espèces non-cibles (diptères, coléoptères, hémiptères, hyménoptères). De plus, des travaux montrent que l'usage prolongé de B. thuringiensis conduit à la réduction de la ressource alimentaire en arthropodes pour les oiseaux et que la souche introduite persiste dans l'environnement plusieurs années (exemple : 28 mois en forêt de chênes), pouvant ainsi favoriser l'apparition de résistance chez les insectes ciblés.
Impact des micro-organismes à visées antifongiques
Les micro-organismes à visées antifongiques produisant des toxines peuvent nuire non seulement aux espèces fongiques ciblées, mais aussi aux plantes, animaux marins et terrestres.
Les bactéries et moisissures à usage fongicide ont un impact limité sur la biodiversité microbienne (exemple : Bacillus amyloliquefaciens, Bacillus subtilis). Différents effets des bactéries sur la richesse des communautés bactériennes ou fongiques (positifs ou négatifs) des sols ont également été recensés mais, dans la plupart des cas, ces effets sont transitoires et ils s'atténuent au cours du temps (exemple : Phlebiopsis gigantea, Trichoderma atroviride, Pseudomonas, Pythium oligandrum). De même, Clonostachys rosea appliquée à fortes doses modifie la structure des communautés de protistes et peut, par conséquent, altérer le fonctionnement des sols agricoles. Quelques micro-organismes à usage fongicide tendent à augmenter la biodiversité microbienne.
Certains Bacillus qui produisent des phytohormones peuvent favoriser la croissance des végétaux (effet PGPR - Plant Growth Promoting Rhizobacteria), la production d'exsudats racinaires (exemple : B. amyloliquefaciens) et la dégradation d'une matière active de synthèse aux propriétés insecticides, le chlorpyrifos (désormais interdit d'utilisation en Europe). Enfin, B. amyloliquefaciens a des effets négatifs sur les abondances de chenilles et adultes de certains papillons de nuit.
Étudier les effets des apports en masse de micro-organismes
Les micro-organismes utilisés en biocontrôle peuvent modifier transitoirement la biodiversité sans impact majeur, excepté peut-être les impacts observés de Bacillus (exemple : B. thuringiensis, B. amyloliquefaciens) sur les populations d'insectes non ciblés. Toutefois, la recrudescence de l'utilisation de micro-organismes comme PPP de biocontrôle, mais aussi comme biostimulants, interroge quant à la production et à l'application en masse de « micro-organismes bénéfiques » qui pourraient devenir invasifs avec des conséquences inattendues sur la santé des écosystèmes. En effet, l'apport en masse de « micro-organismes bénéfiques » peut modifier les microbiotes des écosystèmes et avoir de multiples effets en cascade conduisant par exemple au développement de plantes invasives ou à l'apparition de sols suppressifs (exemple : Streptomyces et production d'antibiotiques).
Des substances naturelles, en général, faiblement écotoxiques
Concernant les substances naturelles, les quelques résultats existants indiquent que la plupart d'entre elles présentent une faible écotoxicité, à l'exception de l'abamectine et du spinosad, qui ont des modes d'action similaires à ceux de matières actives de synthèse (effet sur les canaux ioniques du système nerveux, par exemple). Le spinosad aurait des effets létaux sur les abeilles sauvages et indirects sur les réseaux trophiques, réduisant les ressources alimentaires des vertébrés insectivores. D'autres matières actives naturelles insecticides comme l'huile de paraffine diminuent la densité des populations de coccinelles. Par ailleurs, les pyréthrines, peu toxiques pour les vertébrés terrestres, ont des effets sur les organismes aquatiques, les abeilles et les vers de terre. Le soufre, un fongicide ayant aussi une action insecticide, induit une acidification du sol et atteint les micro-organismes et, indirectement, les coccinelles fongivores. Le phosphate ferrique utilisé comme molluscicide est peu toxique pour les mammifères et les abeilles, mais il présente une écotoxicité marquée pour les vers de terre et les organismes aquatiques. Aux doses actuellement homologuées, le sulfate de fer, qui a une efficacité limitée pour la gestion des bryophytes, est dans l'ensemble peu toxique. Les phosphonates, quant à eux, libèrent de l'acide phosphoreux qui s'accumule dans les organes des plantes, comme certains fertilisants, mais ils n'ont aucun effet sur la structure de la végétation et semblent avoir une faible écotoxicité. Enfin, le kaolin (insecticide répulsif), utilisé aussi parfois pour la formulation de certains PPP de biocontrôle (exemple : Clonostachys rosea ou Beauveria bassiana + kaolin), peut avoir un impact sur les hyménoptères (exemple : perte d'eau et réduction de la survie de bourdons). D'une manière générale, les substances naturelles ont plutôt un faible impact sur l'environnement.
Comparaisons de l'impact des PPP de biocontrôle et des PPP de synthèse
Les travaux comparant l'impact des produits de biocontrôle à ceux des PPP de synthèse sont rares. L'abamectine et le spinosad sont plus toxiques (mortalité et reproduction) pour le prédateur Orius laevigatus que les matières actives insecticides métaflumizone et indoxacarbe. En revanche, B. thuringiensis est moins toxique que les PPP de synthèse conventionnels sur ce prédateur. Le fosétyl-aluminium et le chlorhydrate de propamocarbe, deux matières actives fongicides de synthèse, et le PPP de biocontrôle à base de Clonostachys rosea ont tous trois peu d'effet écotoxicologique sur les communautés microbiennes. B. subtilis n'a pas d'effet sur le microbiote de la rhizosphère, sauf en milieu argileux et, comparé au dazomet, il montre moins d'effet écotoxicologique, augmentant le ratio bactéries/champignons et certaines activités enzymatiques du sol. Trichoderma harzianum et Pythium oligandrum ont des effets moins marqués sur les acariens oribates que les fongicides de synthèse contenant du métalaxyl et du cuivre ou du mancozèbe (récemment interdit d'usage en Europe).
L'utilisation des PPP de biocontrôle est encore minoritaire par rapport à celle des PPP de synthèse, ce point pouvant partiellement rendre compte du peu de travaux sur les produits de biocontrôle. À ceci il faut ajouter l'idée reçue « si c'est naturel, c'est sans problème ». Faut-il rappeler que les poisons connus les plus violents sont quasi tous des produits naturels ? De plus, l'évaluation de l'impact environnemental des agents de lutte biologique nécessite des concepts issus de l'écologie pour appréhender leur devenir et leur impact, ce qui modifie la vision actuelle de la toxicité et de l'impact des PPP.
Des cas particuliers et des incertitudes
Il est difficile de conclure quant à l'impact écotoxicologique des PPP de biocontrôle sur l'environnement en raison du peu d'études scientifiques disponibles et de la diversité des substances actives de biocontrôle. De plus, l'utilisation d'organismes vivants comme PPP de biocontrôle amène une dimension inédite et spécifique dans l'évaluation des risques par rapport aux PPP de synthèse car, contrairement aux molécules naturelles ou chimiques, les organismes (micro- et macro-organismes) peuvent se multiplier, se déplacer et coloniser d'autres milieux et créer des interactions positives ou négatives avec les organismes non ciblés. Il est donc important de considérer l'écodynamique des micro- et macro-organismes de biocontrôle en prenant en compte les différentes interactions trophiques et les aspects spatio-temporels de leur cycle biologique.
Globalement, les micro-organismes et les substances naturelles utilisés comme matières actives des PPP de biocontrôle ont un impact modéré sur la biodiversité. Toutefois, certains d'entre eux (exemple : B. thuringiensis, abamectine ou spinosad) présentent une écotoxicité élevée pour différentes composantes du biote des écosystèmes. Plusieurs macro-organismes allochtones utilisés à des fins de biocontrôle ont un effet écotoxicologique négatif avéré sur la biodiversité.
La comparaison des impacts écotoxicologiques produits par les PPP conventionnels et les PPP de biocontrôle montre en général un effet moins marqué pour les PPP de biocontrôle. Cependant, les comparaisons sont souvent réalisées avec des PPP conventionnels anciens et le nombre de travaux traitant de ce sujet reste très réduit.
Aucune étude ne compare la persistance des PPP de biocontrôle en situation de production dans des temps longs et selon le nombre d'applications, ni n'aborde les effets possibles sur la microfaune des plantes traitées. L'adaptation des organismes-cibles aux molécules produites par les micro-organismes utilisés à des fins de biocontrôle, dont les antibiotiques, n'a fait, à notre connaissance, l'objet d'aucune recherche.
Quelles perspectives de recherche et développement ?
Herbicides
La bibliographie des vingt dernières années révèle la recherche de matières actives biosourcées, mais ne décrit pas de solutions de biocontrôle herbicides véritablement efficaces. Le statut particulier des espèces d'adventices (natives) ne laisse pas espérer dans un avenir proche de solutions de biocontrôle à partir d'organismes vivants, à l'exception de possibilités de contrôle d'espèces végétales exotiques envahissantes comme dans le cas de l'ambroisie à feuilles d'armoise(1). La forte demande en solutions herbicides avec peu d'effets négatifs sur l'environnement rend nécessaire le maintien d'un effort de recherche. Par ailleurs, dans le cas d'espèces envahissantes comme la renouée du Japon (Reynoutria japonica), qui se développe souvent en bord de zones humides, les solutions biologiques seraient les seules à pouvoir potentiellement apporter des solutions de gestion à faible impact environnemental.
Associations
De nombreuses recherches visent à utiliser des combinaisons de substances actives naturelles associant des micro- et macro-organismes (exemple : champignons entomopathogènes/prédateur) comme insecticides, mais elles requièrent des connaissances approfondies sur la biologie de chaque acteur de biocontrôle pour une efficacité maximale. Des associations de PPP de biocontrôle et de fertilisant, ou entre organismes et substances naturelles, semblent conduire à une meilleure efficacité que celles des produits utilisés seuls.
Action multiple
Les micro-organismes aux propriétés insecticides, comme Beauveria bassiana ou Bacillus thuringiensis, auraient aussi une action fongicide, voire antibiotique, mais aucune étude de leur impact écotoxicologique sur les organismes non ciblés n'est disponible. Par ailleurs, B. amyloliquefaciens pourrait être utilisé comme fongicide et insecticide. Des macro-organismes (exemple : coccinelle mycophage) peuvent rendre un service écosystémique de régulation, mais il est mis à mal en présence de matières actives fongicides conventionnelles. Des études sont menées sur l'exploitation de l'immunité naturelle des plantes via des micro-organismes (exemple : Trichoderma, B. subtilis) qui ont des modes d'action multiples (antibiose, compétition, stimulation des défenses, etc.).
Nouvelles sources
Des matières actives naturelles provenant du milieu marin (extraits d'algues, cyanobactéries) ou des macromycètes pourraient constituer de nouvelles substances actives phytopharmaceutiques de biocontrôle.
Amélioration de la formulation et de la biodisponibilité
De nouvelles formulations utilisant des nanoparticules sont à l'étude pour améliorer l'efficacité des produits de biocontrôle, mais les risques liés à leur utilisation sont encore mal connus. Il en va de même pour l'entomovectoring, qui consiste à utiliser des insectes comme vecteurs pour des micro-organismes.
Concernant l'autorisation des agents de lutte biologique (ALB), des auteurs ont montré que l'évaluation d'organismes vivants n'était pas adaptée aux propriétés intrinsèques des micro-organismes, qui peuvent non seulement s'implanter dans l'environnement mais aussi partager une partie de leur patrimoine génétique avec des micro-organismes autochtones. Ils proposent ainsi une réforme réglementaire afin de limiter les effets non intentionnels (ENI) des micro-organismes bénéfiques pour les plantes (biostimulants ou PPP).
Évaluer les effets non intentionnels (ENI)
Les préoccupations relatives aux PPP conventionnels conduisent à rechercher des moyens de lutte alternatifs, dont le recours à des PPP de biocontrôle. Toutefois, l'utilisation d'organismes vivants comme substances actives de PPP de biocontrôle cause des problèmes liés à l'introduction intentionnelle d'espèces allochtones (micro- ou macro-organismes) qui peuvent devenir envahissantes et entrer en compétition avec des espèces autochtones occupant la même niche écologique. Les lacunes des connaissances actuelles entravent notre capacité à prévoir et à gérer efficacement les invasions biologiques qui pourraient se produire dans le cadre de l'utilisation à grande échelle de PPP de biocontrôle, conduisant à des inoculations microbiennes ou à des lâchers importants d'insectes dans les agrosystèmes.
Une meilleure prise en compte des ENI des PPP de biocontrôle a pour but d'assurer leur durabilité et, comme objectif ultime, d'éviter de reproduire les atteintes à la santé de l'environnement et de l'homme liées à l'utilisation généralisée des PPP de synthèse dans l'agriculture conventionnelle.
MARIE-FRANCE CORIO-COSTET(1), LAURE MAMY(2), FABRICE MARTIN-LAURENT(3), BRUNO CHAUVEL(3), CÉDRIC BERTRAND(4) ET MARCEL AMICHOT(5) (1) Inrae, UMR Save - Bordeaux. (2) Inrae, UMR Ecosys. (3) Inrae, UMR Agroécologie - Dijon. (4) Université de Perpignan, CNRS-Ephe, UPDV. (5) Inrae, Université Côte d'Azur, CNRS, ISA - Sophia Antipolis.
RÉSUMÉ
CONTEXTE - L'agriculture française a de plus en plus recours aux produits de biocontrôle, pour répondre à la pression sociétale et réglementaire sur la limitation de l'usage des produits phytopharmaceutiques (PPP) conventionnels. Toutefois, cet intérêt nécessite d'appréhender la durabilité du biocontrôle pour parfaire son développement et son utilisation.
ÉTUDE - Dans le cadre d'une expertise scientifique collective (ESCo), deux aspects majeurs du biocontrôle ont été étudiés à l'aide de requêtes bibliographiques basées sur des mots-clés liés aux produits de biocontrôle : d'une part, sur l'état des lieux en France de solutions de biocontrôle existantes et de leurs usages ; d'autre part, sur l'analyse de leur devenir dans l'environnement et de leur impact sur la biodiversité, comparés à ceux des PPP conventionnels.
RÉSULTATS - Le biocontrôle est promu comme une alternative susceptible de présenter des effets non intentionnels moindres que ceux des PPP conventionnels. Toutefois, la bibliographie de ces vingt dernières années est principalement axée sur le développement de solutions de biocontrôle, la description de leurs modes d'action, de leur efficacité et de leurs interactions avec d'autres agents de biocontrôle. Très peu de travaux concernent leur présence dans l'environnement et leurs effets écotoxicologiques, à l'exception de travaux sur des organismes utilisés depuis longtemps comme Bacillus thuringiensis et Harmonia axyridis. Les solutions de biocontrôle présentent le plus souvent une faible écotoxicité, mais certaines ont une toxicité équivalente ou supérieure à celle des PPP conventionnels.
MOTS-CLÉS - Biodiversité, effet non intentionnel, écotoxicologie, environnement, macro-organismes, médiateurs chimiques, micro-organismes, biocontrôle, substances naturelles.
Une analyse bibliographique sur vingt années de publication
Plusieurs requêtes bibliographiques ont été effectuées dans la base de données Web of Science durant la période 2000-2020. La première a été basée sur des termes peu spécifiques portant sur le biocontrôle pour sélectionner le maximum d'articles publiés dans des revues internationales (46 701 articles), et avec les termes macro-organismes (6 914), micro-organismes, substances naturelles et médiateurs chimiques (228 605). Une requête plus ciblée sur les produits autorisés en biocontrôle a conduit à 5 563 articles, dont 4 662 ont été examinés, complétée par divers documents connus du groupe de chercheurs et absents de la base de données Web of Science (85 références).
La littérature scientifique internationale s'intéresse principalement aux effets des produits de biocontrôle utilisés pour la gestion des populations d'insectes et de champignons phytopathogènes à l'aide de macro- et micro-organismes et/ou de substances naturelles. Il y a très peu d'études d'impacts environnementaux concernant les herbicides et aucune concernant les médiateurs chimiques.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : marie-france.corio-costet@inrae.fr laure.mamy@inrae.fr ; fabrice.martin@inrae.frbruno.chauvel@inrae.fr cedric.bertrand@univ-perp.fr marcel.amichot@inra.fr.
LIENS UTILES : Note officielle des PPP de biocontrôle de 25 juillet 2022 : https://tinyurl.com/bdf9e8wb
Anses (https://tinyurl.com/3cmma22x) et site E-Phy (https://ephy.anses.fr/) pour la mise à jour des autorisations de PPP en France.
IBMA : https://www.ibmafrance.com
- Fauvergue X., Rusch A., Barret M., Bardin M., Jacquin-Joly E., Malausa T., Lannou C. (Coord.), 2020. Biocontrôle, éléments pour une protection agroécologiques des cultures, édition Quae, p. 374.
- Leenhardt S., Mamy L., Pesce S., Sanchez W. et al., 2022. Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques, Synthèse de l'expertise collective. Inrae-Ifremer (France). p. 138. https://tinyurl.com/bdzxckhf
- Mamy L., Barriuso E., 2022. Les substances naturelles : une alternative aux pesticides de synthèse. L'Actualité chimique n° 470, p. 9-14.
- Mamy L. et al., 2022. Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques, Rapport d'ESCo, Inrae - Ifremer (France), 1 408 p. https://doi.org/10.17180/0gp2-cd65
- Roger C., Philogène B. J. R., Vincent C., 2008. Biopesticides d'origine végétale, Lavoisier Tech et Doc, Paris, p. 546.
- Tetreau G., Alessi M., Veyrenc S., Perigon S., David J.-P., Reynaud S., Despres L., 2012. Fate of Bacillus thuringiensis subsp. israelensis in the Field: Evidence for spore recycling and differential persistence of toxins in leaf litter. Applied and Environmental Microbiology n° 78 (23), p. 8362-8367. http://dx.doi.org/10.1128/aem.02088-12.
- Vettori C., Paffetti D., Saxena D., Stotzky G., Giannini R., 2003. Persistence of Toxins and Cells of Bacillus Thuringiensis Subsp. Kurstaki Introduced in Sprays to Sardinia Soils. Soil Biology and Chemistry n° 35, p. 1635-1642.
REMERCIEMENTS
Ce travail a été réalisé dans le cadre de l'ESCo « Impacts des produits phytopharmaceutiques sur la biodiversité et les services écosystémiques » commanditée par les ministères en charge de l'Environnement, de l'Agriculture et de la Recherche, menée par Inrae et l'Ifremer, et financée par l'Office français de la biodiversité (OFB). Les auteurs remercient Sophie Le Perchec (Inrae) pour son appui documentaire.