Fig. 1 : Espèces végétales pour lesquelles une liste d'organismes nuisibles transmis par les semences est, à ce jour, publiée par l'ISTA (1-23) ou l'ISF (24-38) Cultures : pommier (1), prunier (2), abricotier (3), cerisier (4), poirier (5), pêcher (6), amandier (7), triticale (8), riz (9), blé (10), sorgho (11), colza (12), avoine (13), soja (14), luzerne (15), tournesol (16), orge (17), coton (18), pin (19), épicéa (20), araucaria (21), sapin (22), sapin de Douglas (23), oignon (24), haricot (25), choux (26), melon (27), aubergine (28), tomate (29), laitue (30), pastèque (31), épinard (32), carotte (33), maïs (34), courgette (35), poivron (36), gombo (37), concombre (38). Semences (39) : blé, riz, luzerne, soja, orge, colza, coton, sorgho, tournesol, avoine, triticale. Photos : Geves sauf 19-23 (Vilmorin Mikado) et 37 (Suzifoo) - 39 : ID SEED - https://www.geves.fr/outils/idseed/
Fig. 2 : Exemples de champignons phytopathogènes transmis par les semences A. Didymella pinodella/pois. B. Colletotrichum capsici/poivron. C. Botrytis allii/oignon D. Pyrenophora teres/orge. E. Trichoconiella padwickii/riz. F. Alternaria japonica/choux. Photos : Geves
Fig. 3 : Exemples de techniques utilisées pour la détection d'organismes nuisibles sur semences A. Dépôt de semences sur milieu gélosé pour la détection de champignons. B. Test de pouvoir pathogène avec Xanthomonas campestris pv. campestris sur chou. C. Étape de tamisage pour la détection de nématodes. D. Bio-essai sur plante indicatrice (indexage sur tabac). E. Isolement de Pseudomonas syringae pv. pisi sur milieu gélosé. F. Radiographie 2D sur semences de pois, certaines présentant des dégâts d'insectes. G. Grow-out : identification de Peronospora valerianellae sur plantules de mâches symptomatiques après semis direct en terrines. Photos : Geves
La santé des végétaux et la sécurité alimentaire, interconnectées, sont affaiblies par des organismes nuisibles, quelles que soient les cultures, les pratiques agricoles ou les régions du monde. Dans un contexte commercial global, le transport de végétaux infestés - dont les semences - constitue un facteur important de dissémination de bioagresseurs vers de nouveaux territoires, pouvant provoquer l'émergence de maladies. Cet article décrit, pour les semences, l'importance de disposer d'un inventaire d'organismes nuisibles et d'outils de détection adaptés, dans un cadre réglementaire évolutif.
Système international de surveillance en santé végétale
Pour lutter plus efficacement contre les maladies des cultures, la Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV) a structuré, dès 1951, la surveillance des organismes nuisibles via une dizaine d'organisations régionales de la protection des végétaux (ORPV), au sein desquelles chaque pays établit une organisation nationale de la protection des végétaux (ONPV). Une étroite collaboration existe entre la CIPV, les ORPV (qui contribuent à coordonner les actions menées sur leur territoire pour répondre aux objectifs fixés par la CIPV) et les ONPV (qui ont la responsabilité de mettre en oeuvre les actions liées aux directives de la CIPV). La France est membre de trois ORPV : l'Organisation européenne et méditerranéenne de protection des plantes (OEPP), mais aussi, pour l'outre-mer, la Commission phytosanitaire pour l'Asie et le Pacifique, et l'Organisation de protection des végétaux pour le Pacifique.
Réglementation en santé végétale en France
Depuis 2019, la France applique le nouveau règlement européen dans lequel la dichotomie organisme de quarantaine/non de quarantaine fait place à une catégorisation plus fine : organismes non réglementés, organismes réglementés non de quarantaine (ORNQ) et organismes de quarantaine (OQ). Dans cette dernière catégorie, une distinction est faite selon l'échelle géographique concernée : l'ensemble du territoire de l'UE (OQ-UE) ou une région plus restreinte, dite zone protégée (OQ-ZP). On compte également des OQ prioritaires (OQP) dont l'impact économique, environnemental et social dans l'Union européenne est, actuellement, jugé le plus grave. Enfin, dans certains cas, un organisme peut être répertorié OQ à titre provisoire, faisant ainsi l'objet de mesures d'urgence mises en place par l'UE. Des contrôles phytosanitaires stricts existent pour éviter l'introduction et l'établissement d'OQ ou ORNQ sur le territoire. Le déplacement des semences doit être accompagné de documents officiels garantissant une vérification préalable de l'absence d'organismes réglementés. Un passeport phytosanitaire (PP) est requis pour du matériel déplacé au sein de l'UE. Un certificat phytosanitaire est requis pour une circulation impliquant un pays extra-communautaire (import d'un pays tiers vers l'UE ou export d'un pays de l'UE vers un pays tiers). Au titre du règlement européen, les territoires français d'outre-mer sont considérés comme des pays tiers.
L'ONPV français est le ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, au sein duquel la Direction générale de l'alimentation (DGAL) veille, notamment, à la santé des végétaux. Les services de contrôle du ministère bénéficient d'un réseau de laboratoires officiels, incluant des laboratoires nationaux de référence (LNR) et des laboratoires d'analyses agréés. En santé des végétaux, le ministère a nommé deux LNR : le laboratoire de la santé des végétaux de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) et le Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves) qui gère la matrice « semences » (Tableau 1 page précédente). Les LNR développent des méthodes de détection répondant à des critères de performance rigoureux. Ils ont aussi la responsabilité de former un réseau de laboratoires et de vérifier leur aptitude à réaliser ces analyses officielles afin de les leur transmettre. Ces laboratoires sont alors agréés par l'ONPV.
Diversité des organismes nuisibles des semences
Certains champignons, oomycètes, bactéries, virus, viroïdes, nématodes ou insectes sont capables d'infecter les semences. Au champ, la transmission aux semences a lieu sur la plante-mère et peut se réaliser via trois voies majeures : le système vasculaire, l'extrémité florale ou la paroi ovarienne. L'infestation peut aussi être indirecte, pendant ou après la récolte, via la machinerie agricole ou le transport. Enfin, des organismes saprotrophes (pathogènes opportunistes) peuvent nuire aux semences, notamment en raison de conditions de stockage inadaptées. La colonisation des semences peut être externe (en surface) et/ou interne, de façon plus ou moins profonde jusqu'à l'embryon. Une synthèse réalisée par le ministère, comprenant plus de 4 600 organismes nuisibles réglementés, liste 44 bioagresseurs des semences chez 18 espèces végétales. Il s'agit essentiellement d'ORNQ, certains étant listés pour plusieurs cultures, avec une présence en France plus ou moins restreinte (Tableau 2).
Les semences, vectrices d'organismes nuisibles
Depuis 2017, une norme internationale pour les mesures phytosanitaires (NIMP38) publiée par la CIPV(1) définit un cadre afin de mieux contrôler la dissémination de bioagresseurs via les déplacements internationaux des semences. On y distingue trois niveaux :
le transport d'organismes nuisibles par les semences, pouvant être véhiculés de façon interne et/ou externe ;
la transmission par les semences de ces organismes qui ont, en plus, la capacité d'infester directement le végétal-hôte issu de la semence ;
le transfert d'organismes nuisibles par les semences, qui, sans être directement transmis, peuvent contaminer l'environnement adjacent à la semence (exemple : le sol avec des sclérotes) et ensuite infester un végétal-hôte dans des conditions naturelles.
Selon cette terminologie, les semences sont dites vectrices de dissémination et d'établissement d'un organisme nuisible si la transmission verticale (de la semence à la plante) ou le transfert à l'environnement a été démontré en conditions naturelles.
Plusieurs initiatives internationales ont pour objectif d'inventorier les organismes nuisibles pour lesquels les semences d'une espèce végétale-hôte sont vectrices, en suivant la terminologie définie dans la NIMP38. Avec une approche analytique différente et un répertoire de cultures distinct, l'ISTA et l'ISF mettent en ligne régulièrement leur base de données. L'ISTA se focalise sur les espèces non légumières(2), alors que les espèces légumières sont traitées par l'ISF. Collectivement, ces deux initiatives répertorient, chez 38 espèces végétales, 145 à 150 organismes nuisibles dont la dissémination par les semences de plantes-hôtes est prouvée (Figure 1 p. 34). Chez les espèces légumières, ce sont principalement des champignons (64), bactéries (28), virus (26) et insectes (21). Hors espèces légumières, il s'agit surtout de champignons (92), virus (31) et bactéries (16) (Figure 2). Ces outils contribuent à une meilleure synthèse des connaissances des bioagresseurs des semences et devraient servir de support aux ONPV et aux décideurs politiques dans les décisions de réguler ou non un organisme, sur la base de données scientifiques, et donc de rendre obligatoire ou non un certain nombre d'analyses de qualité sanitaire pour la détection de bioagresseurs dans des lots de semences destinés à l'exportation/importation.
Ces outils sont appelés à évoluer, avec la publication de nouvelles listes (exemple : lupin, lentille, pois chiche, pomme de terre par l'ISTA) et la mise à jour régulière de listes existantes au gré des données scientifiques disponibles.
Diversité des méthodes de détection sur semences
L'évaluation de la qualité sanitaire des semences nécessite d'utiliser des méthodes officialisées ou au moins reconnues par des instances compétentes. À l'international, les méthodes officielles sont publiées par l'ISTA et les méthodes reconnues le sont par l'ISF. En France, l'Anses publie les méthodes officielles pour la détection d'OQ et le Geves le fait pour certains ORNQ. La disponibilité de méthodes validées est essentielle pour faciliter la circulation des semences et être la référence en cas de litige. Chaque méthode, faisant intervenir une ou plusieurs techniques, doit être pensée en fonction des caractéristiques des bioagresseurs (identité, localisation sur ou dans la semence) et le niveau d'information souhaité (analyse qualitative ou quantitative, viabilité, pathogénicité). Le principe général peut inclure l'extraction du bioagresseur de la semence, son isolement, son identification, la mesure de sa viabilité et de sa pathogénicité sur l'hôte d'isolement (Tableau 3).
Les analyses peuvent être de différentes natures : microbiologiques, sérologiques, biochimiques, moléculaires ou d'identification sur plantes. Les analyses microbiologiques incluent le dépôt sur milieu gélosé des semences ou d'un macérat, afin d'observer l'éventuelle croissance d'un organisme fongique ou bactérien.
Des propriétés biochimiques peuvent également être évaluées pour confirmer une identité, notamment en bactériologie. L'identification peut être réalisée sous loupe binoculaire ou microscope, selon des critères de reconnaissance morphologique en mycologie et en nématologie. Les analyses sérologiques peuvent être réalisées via des tests Elisa, sur la base d'une réaction colorimétrique antigènes/anticorps. Des méthodes d'analyses d'images (rayon X, radiographie 2D ou 3D, tomographie) permettent d'observer la présence d'insectes à l'intérieur des semences. Les analyses moléculaires sont applicables à tout type de bioagresseur : l'amplification de gènes marqueurs, ou le séquençage, ciblé ou sans a priori, d'un échantillon apportent un niveau d'information complémentaire permettant généralement un gain de temps dans l'analyse. Les tests sur plantes informent notamment sur la viabilité, la pathogénicité et/ou la transmission par les semences d'un organisme (Figure 3).
Échantillonnage des lots de semences pour analyses
Pour chaque méthode, la première étape consiste à obtenir un échantillon représentatif du lot de semences, selon des règles d'échantillonnage définies par l'ISTA. L'analyse et son résultat se rapporteront à cet échantillon, dont la taille minimale est prescrite pour chaque méthode en fonction du seuil de nuisibilité du bioagresseur mesuré lors d'études épidémiologiques si possible.
Elle peut varier en fonction du mode de culture (exemple : densité de semis) et de la technique d'analyse employée. Par exemple, la taille peut varier de 400 à 30 000 semences pour la détection d'un champignon ou d'une bactérie (Tableau 4 page suivante). Toutefois, si la quantité de semences disponibles ne permet pas d'atteindre ce seuil minimal, il est préconisé d'analyser au moins de 10 % du lot initial et dans les limites techniques de l'analyse.
Dans certains cas, l'échantillon représentatif d'un lot doit lui-même être divisé en sous-échantillons d'une taille maximale afin de respecter le niveau de sensibilité d'une méthode, c'est-à-dire la capacité de respecter un seuil de détection. L'échantillon représentatif (ou l'ensemble des sous-échantillons) est alors analysé afin de déterminer s'il est infecté par un bioagresseur.
Impact des traitements sur les méthodes de détection
Les diverses méthodes officielles de détection doivent être adaptées aux semences analysées. Aujourd'hui, la majorité des semences commercialisées dans le monde sont traitées, or la très grande majorité des méthodes officielles ne sont validées que sur semences non traitées. Un traitement appliqué à la semence, qu'il soit chimique, physique, par désinfection ou de biocontrôle, peut affecter la performance d'une méthode en créant la possibilité de faux négatifs ou de faux positifs. Pour garantir un résultat d'analyse, il est crucial que la méthode employée soit fiable sur la matrice d'usage. Ainsi, l'addition de contrôles ou d'étapes supplémentaires peut permettre, dans certains cas, de valider le résultat sur semences traitées (Tableau 5).
Ressources bibliographiques pour une lutte collective
La lutte contre l'insécurité alimentaire liée aux maladies véhiculées par les organismes nuisibles des semences est collective : elle nécessite une cohésion entre les différents acteurs, allant des agriculteurs et expérimentateurs sur le terrain aux décideurs politiques. La mise à disposition récente de ressources bibliographiques (voir « Liens utiles » ci-dessous) identifiant, par culture, les bioagresseurs concernés, constitue une base forte pour statuer d'un besoin de réglementation éventuel, de mettre en place des outils de détection et de lutte adaptés permettant un usage des semences sans risque de dissémination de maladies.
(1) Norme Internationale pour les mesures phytosanitaires 38, 2017. Déplacements internationaux de semences. Rome, Convention internationale pour la protection des végétaux (CIPV), FAO. https://www.ippc.int/en/publications/84340/ (2) Denancé N., Grimault V., 2022. Seed pathway for pest dissemination: The ISTA Reference Pest List, a bibliographic resource in non-vegetable crops. EPPO Bulletin, n° 52(2), p. 434-445. https://doi.org/10.1111/epp.12834
RÉSUMÉ
CONTEXTE - Les organismes nuisibles des semences peuvent être à l'origine de l'émergence de maladies dans les zones géographiques de productions végétales. Limiter leur dissémination requiert un contrôle de la qualité sanitaire des lots de semences destinés à être déplacés. Cette surveillance ciblée découle de la réglementation d'un certain nombre de bioagresseurs et nécessite de disposer d'outils de détection adéquats.
ÉTUDE - L'article rappelle dans un premier temps le cadre réglementaire actuel lié à la qualité sanitaire des semences, avant de présenter deux initiatives internationales de mise à jour de ressources bibliographiques sur les bioagresseurs des semences produites par l'ISTA (International Seed Testing Association) et l'ISF (International Seed Federation).
Enfin, il présente, à travers quelques exemples, l'enjeu de valider des méthodes d'analyses adaptées aux différents pathosystèmes et aux types de semences.
MOTS-CLÉS - Organismes nuisibles, semences, réglementation.
POUR EN SAVOIR PLUS
CONTACTS : nicolas.denance@geves.fr
isabelle.serandat@geves.fr
LIENS UTILES : - Ressource bibliographique ISTA : https://tinyurl.com/mr4dzyvj
- Ressource bibliographique ISF : https://tinyurl.com/ms8vjneh
- Base de données globale de l'OEPP : https://gd.eppo.int/
- Plateforme d'analyses de risques de l'OEPP : https://pra.eppo.int/
BIBLIOGRAPHIE : voir notes (1) et (2).