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Gestion des maladies

Le mildiou de la laitue sous haute surveillance

MATHIEU PEL(1) ET VALÉRIE GRIMAULT(2) (1) Enza Zaden Research & Development B.V. - Enkhuizen (Pays-Bas). (2) Geves - Beaucouzé - Phytoma - n°759 - décembre 2022 - page 45

Face à l'apparition régulière de nouvelles races de Bremia lactucae, les semenciers se sont organisés pour surveiller la maladie et continuer de proposer des variétés résistantes.
Fig. 1 : Échelle de notation du protocole OCVV (Office communautaire des variétés végétales) de résistance de la laitue à Bremia lactucae

Fig. 1 : Échelle de notation du protocole OCVV (Office communautaire des variétés végétales) de résistance de la laitue à Bremia lactucae

2. Symptômes causés par Bremia lactucae sur variété de laitue sensible (à droite). Variété résistante à gauche.

2. Symptômes causés par Bremia lactucae sur variété de laitue sensible (à droite). Variété résistante à gauche.

3. Test d'évaluation de la résistance de la laitue à Bremia lactucae montrant une variété sensible à gauche et des variétés résistantes à droite. Photos : Geves

3. Test d'évaluation de la résistance de la laitue à Bremia lactucae montrant une variété sensible à gauche et des variétés résistantes à droite. Photos : Geves

Fig. 3 : Répartition géographique des isolats caractérisés par l'IBEB en 2021

Fig. 3 : Répartition géographique des isolats caractérisés par l'IBEB en 2021

Fig. 2 : Nombre d'isolats caractérisés par l'IBEB au cours des vingt dernières années

Fig. 2 : Nombre d'isolats caractérisés par l'IBEB au cours des vingt dernières années

Le mildiou de la laitue est une maladie causée par Bremia lactucae, présente sur l'ensemble des continents(1). Les plantes infectées présentent des décolorations sur la face supérieure des feuilles avec une sporulation abondante sur la face inférieure (photo 1) suivie de nécroses. Bremia lactucae est un oomycète présentant une phase sexuée avec une multiplication par oospores et une phase asexuée avec dissémination par des sporanges, qui correspond aux symptômes de mildiou observés en culture(2). L'association de méthodes de lutte permet de prévenir des pertes importantes. Elle associe l'utilisation de fongicides et de variétés résistantes (photo 2 page suivante). Cependant, Bremia lactucae évolue et surmonte les résistances assez rapidement. Il est donc indispensable de pouvoir suivre ces évolutions et identifier les races d'importance économique, pour continuer à avoir une stratégie de lutte efficace au champ.

L'IBEB : pour un suivi épidémiologique de Bremia

Deux initiatives, américaine et européenne

Initialement, l'International Bremia Evaluation Board (IBEB) a été créé en 1997 pour suivre la situation épidémiologique du Bremia en Europe(3). En Californie, une initiative similaire a commencé vers 1990 à l'université de Californie Davis sous la responsabilité de Richard Michelmore. Sous l'impulsion des entreprises semencières basées aux États-Unis, ce comité d'évaluation a été dénommé ABEB (American Bremia Evaluation Board). Afin de continuer à standardiser et d'harmoniser les méthodes et les hôtes différentiels (set de variétés et lignées utilisé pour caractériser les races) utilisés pour le suivi épidémiologique sur les deux continents, IBEB-Global (IBEB-G) a été créé en 2016, supervisant les activités des comités d'évaluation aux États-Unis et en Europe. En 2016, ces derniers ont été renommés IBEB-US et IBEB-EU. Au vu de la situation épidémiologique en Australie et au Brésil, des discussions sont en cours pour établir un comité d'évaluation dans ces pays.

IBEB-G est une initiative conjointe d'entreprises de sélection de laitue aux États-Unis, en Europe, de l'université de Californie-Davis et du Groupe d'étude et de contrôle des variétés et des semences (Geves). Afin de coordonner et standardiser le travail des comités d'évaluation européen et américain, l'IBEB-G utilise un système de dénomination de race bien défini et internationalement accepté. La mission de IBEB-EU et IBEB-US est d'identifier de nouvelles races de Bremia lactucae qui constituent une menace importante pour l'industrie européenne et américaine de la laitue, respectivement. Cet objectif est réalisé en collectant et en caractérisant des isolats de terrain de Bremia lactucae dans toute l'Europe et pour les États-Unis, principalement en Californie. De plus, IBEB-EU et IBEB-US organisent la sélection des nouveaux hôtes différentiels candidats, qui sera in fine validée par IBEB-G, et la communication aux producteurs. Une description générale de l'IBEB est disponible sur le site internet de l'ISF(4).

Des comités pour évaluer les nouvelles races

IBEB-EU est composé d'entreprises de sélection de laitue basées en Europe, du service d'inspection néerlandais (Naktuinbouw) et du Geves. IBEB-US est quant à lui composé d'entreprises de sélection de laitue basées aux États-Unis et de l'université de Californie-Davis.

Au sein de chaque comité d'évaluation, les responsabilités sont partagées entre le président et les membres. Le président de l'IBEB-EU ou de l'IBEB-US est toujours un représentant d'une des entreprises de sélection de laitue. Les principales tâches du président comprennent la présidence des réunions, l'établissement des ordres du jour des réunions, en collaboration avec tous les membres, et la liaison directe entre le secrétariat de Plantum (en Europe), les membres et les collaborateurs. Plantum est une association commerciale néerlandaise pour les entreprises du secteur de la sélection, de la propagation et de la culture des semences et des jeunes plants. Les entreprises membres de cette association sont actives dans l'agriculture et l'horticulture. Les membres des entreprises de sélection de laitue ont pour tâches de fournir des résultats de diagnostic du mildiou de la laitue, de partager leur compréhension de la situation du mildiou sur le terrain et de proposer des isolats candidats à la nomination d'une nouvelle race. Une des particularités du comité d'évaluation IBEB-EU est de comporter des instituts de recherche et des entreprises de sélection de la laitue ayant un rôle de collaborateurs. Les collaborateurs peuvent être des instituts, des universités ou des entreprises de sélection actives sur le marché de l'UE. Les collaborateurs peuvent partager des conseils et des données de diagnostic du mildiou avec IBEB-EU mais ne participent pas aux réunions. En conséquence, ils ne sont pas impliqués dans le processus de décision sur la nomination d'une nouvelle race, mais leurs conseils sont pris en compte et discutés.

Identification des nouvelles races

Une échelle harmonisée pour noter le niveau de résistance

Les membres IBEB-EU réalisent chaque année des visites des zones de production de laitue, avec observation des symptômes de Bremia et échantillonnages sur les plantes malades. Les sporanges sont prélevés et l'isolat multiplié sur un hôte sensible. Après multiplication, l'isolat est testé sur une gamme d'hôtes différentiels (tableau non présenté, disponible sur internet(5)) par inoculation au stade cotylédons selon le protocole de l'Office communautaire des variétés végétales (OCVV)(6) (photo 3). Les symptômes sont observés et classés selon une échelle de notation (Figure 1) mise au point lors d'un workshop organisé par le Geves en 2014, dans le cadre d'un projet de recherche cofinancé par l'OCVV et piloté par le Geves (Harmores), pour l'harmonisation de l'évaluation de la résistance des variétés aux bioagresseurs dans le cadre des études de DHS (Distinction, Homogénéité, Stabilité) pour leur inscription et protection. Cette échelle de notation permet d'interpréter les résultats en sensible ou résistant et est utilisée pour l'interprétation du comportement des variétés dans le protocole OCVV.

Un code pour chaque isolat

Les sextet codes servent à grouper les isolats afin de pouvoir déterminer rapidement la variation d'une collection d'isolats.

Le sextet code de chaque isolat est calculé selon une formule mathématique dans laquelle les hôtes différentiels sont séparés en trois groupes (S1-S6, S7-S12 et S13-S18 - sur le tableau(5)) et, dans chaque groupe, une note est attribuée à chaque hôte différentiel (HD) (ligne « sextet value »). Une réaction sensible est notée + et une résistance -, la note attribuée est ensuite comptabilisée et additionnée dans chaque groupe d'HD quand un + est présent. Ainsi, dans le cas illustré sur le site de l'IBEB(5), pour la race Bl: 16EU, les HD sensibles sont 'Dandie', R4T57D et CGDm16, soit la somme des sextet values 1+2+16 =19 pour le premier groupe, cela donne donc un sextet code de 19-00-00. Un sextet code est attribué à chaque isolat. Il peut correspondre à une race déjà connue ou présenter un nouveau sextet code.

Validation des nouvelles races

Les résultats des échantillonnages sont envoyés par chaque membre au service d'inspection néerlandais (Naktuinbouw) qui les met en commun. Ils sont présentés en réunion plénière de l'IBEB-EU deux fois par an et discutés. Entre 200 et plus de 600 isolats ont été caractérisés au cours des dernières années (Figure 2). En 2021, les 377 isolats caractérisés provenaient par exemple de 14 pays européens différents (Figure 3).

L'IBEB analyse les sextets codes, les groupant par similarité, et suit les règles définies par l'association internationale des semenciers plus connue sous le sigle ISF (International seed association)(7) pour définir ou non de nouvelles races. Parmi les critères importants pris en compte, l'impact économique, la répartition géographique, la récurrence et surtout la validation d'un isolat de référence à comportement clair et stable permettent de dénommer une nouvelle race. Cette validation est réalisée en organisant des essais interlaboratoires avec les isolats candidats, pour aboutir au choix de l'isolat de référence qui sera conservé et mis à disposition des utilisateurs par les offices d'examen néerlandais et français.

La communication de la nomination d'une nouvelle race est réalisée par les fédérations de semences, via une lettre d'information.

La dernière race dénommée est la Bl: 37EU, soit 37 races depuis le début des études épidémiologiques. Mais les 37 races ne sont pas conservées en continu : les anciennes races, qui ne sont plus présentes dans les études épidémiologiques et n'ont plus d'importance économique, ont été retirées des listes. Les races dénommées sont utilisées pour l'évaluation de la résistance des variétés de laitue, certaines sont incluses dans les protocoles officiels de l'OCVV et les informations générées sont utilisées dans les catalogues commerciaux des entreprises semencières pour permettre aux producteurs d'effectuer leur choix variétal.

L'IBEB souhaite avoir une étude épidémiologique la plus large possible, et peut être contacté par toute personne non-membre qui a obtenu des résultats de caractérisation de races et souhaite les mettre en commun.

(1) EPPO Global database : https://gd.eppo.int/taxon/BREMLA/distribution(2) Fiche d'information sur B. lactucae sur http://ephytia.inra.fr : https://tinyurl.com/2dxrab8m(3) Van Ettekoven K., 1999. Identification and denomination of new. races of Bremia lactucae. In: Lebeda A. & Køístková E. (Eds.) Eucarpia Leafy Vegetables, 99. Palacký University, Olomouc (Czech Re-public), p. 171-175.(4) Présentation de l'IBEB : https://tinyurl.com/ytr69u4j

RÉSUMÉ

CONTEXTE - L'utilisation de fongicides et de variétés de laitue résistantes permet de lutter contre Bremia lactucae, mais l'évolution de l'oomycète lui permet de surmonter les résistances assez rapidement.

ÉPIDÉMIOSURVEILLANCE - Afin d'effectuer un suivi épidémiologique des races de Bremia en Europe avec des méthodes standardisées et de coordonner la communication des résultats, l'International Bremia Evaluation Board (IBEB) a été créé en 1997.

MOTS-CLÉS - Bremia lactucae, laitue, mildiou de la laitue, fongicide, épidémiosurveillance, semences, races, Geves.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACTS : mathieu.pel@enzazaden.nl

valerie.grimault@geves.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir notes (1) à (6).

REMERCIEMENTS

à Diederik Smilde pour la carte de répartition des isolats de Bremia, Sophie Perrot et Jade Pezard pour la relecture de l'article.

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