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En mots en pratiques

Des plantes de service pour lutter contre les pucerons

PAR CHANTAL URVOY - Phytoma - n°759 - décembre 2022 - page 49

Comment gérer la pression pucerons en productions maraîchères sous serre quand on veut réduire les insecticides et que les lâchers d'auxiliaires ne sont pas suffisants ? Le recours à des plantes de service est une solution supplémentaire. Entretien avec Maxime Chabalier, conseiller en maraîchage à la chambre d'agriculture des Pays de la Loire.
 Photos : M. Chabalier - C. Urvoy

Photos : M. Chabalier - C. Urvoy

Conseiller pour un groupement de développement en maraîchage en Vendée d'une trentaine de producteurs, Maxime Chabalier anime également un groupe Dephy Ferme et un groupe 30 000(1).

À quelle problématique les maraîchers sont-ils confrontés ?

Maxime Chabalier : Les productions sous abri (principalement les fraises, tomates, aubergines, poivrons, salades) font face à quatre principales espèces de pucerons : Macrosiphum euphorbiae, Aphis gossypii, Myzus persicae et Aulacorthum solani. Les lâchers de Macrolophus pygmaeus (une punaise verte) ont une efficacité aléatoire pour un coût élevé. D'où l'utilisation de plantes de service depuis cinq ans pour obtenir des auxiliaires avant l'arrivée des pucerons sur les cultures (mi-avril à mi-mai). L'objectif est de réduire la pression pucerons, et donc l'usage des auxiliaires introduits et des insecticides.

Quelles plantes sont utilisées ?

Des espèces ont été sélectionnées pour leur aptitude à nourrir certains auxiliaires grâce à leur pollen, leur nectar et à des pucerons inféodés non ravageurs des cultures en place. On obtiendra ainsi des punaises (notamment Macrolophus pygmaeus) sur le souci, des syrphes sur la coriandre, des coccinelles et des hyménoptères parasitoïdes sur l'alysse maritime et le lotier, des coccinelles et des syrphes sur l'achillée millefeuille. Enfin, les deux pucerons du blé (Rhopalosiphum padi et Sitobion avenae) vont nourrir respectivement Aphidius colemani (utile pour le concombre) et Aphidius ervi (intéressant pour la tomate).

Comment sont-elles implantées ?

Je conseille l'implantation en pot pour les maraîchers très spécialisés, et en terre le long des bordures de serre et au milieu des serres multichapelles en cultures diversifiées. Le semis est réalisé à la main sur deux rangs espacés de 10 cm, avec des densités suffisamment élevées et sur du géochanvre pour éviter la levée d'adventices. Pour chaque serre, l'idéal est de miser sur plusieurs espèces (maximum quatre) semées en bande monoculture pour obtenir un large panel d'auxiliaires. L'irrigation est indispensable pour obtenir une bonne levée, puis à nouveau à partir du mois d'avril.

À quelle période ?

Semées fin août-début septembre, les plantes de service vont capter les auxiliaires quittant les cultures en octobre-novembre et les conserver sous forme hivernantes. La seconde période de semis se situe de novembre à février selon la date d'arrivée des ravageurs sur les cultures. Ainsi, on sèmera mi-janvier pour que fin février les plantes de service soient suffisamment développées pour héberger leurs propres pucerons qui vont servir de nourriture aux auxiliaires naturels (hébergés par les plantes de service semées en fin d'été). Ces derniers vont alors se développer en quantité suffisante pour protéger une production attaquée par les pucerons début avril. Côté entretien, le géochanvre a permis de supprimer le désherbage manuel.

Quelle efficacité obtient-on ?

Les auxiliaires sont présents de fin mars jusqu'à la fin de l'année. Mais dans certaines situations, les producteurs doivent encore avoir recours à des lâchers d'auxiliaires et/ou à des insecticides, soit parce que les auxiliaires ne sont pas présents en quantité suffisante en début de saison, soit parce qu'ils ne vont pas sur les cultures à protéger, celles-ci n'ayant pas suffisamment de pucerons pour les attirer. Pour y pallier, des transferts d'auxiliaires sont réalisés en aspirant les plantes de service avec un aspirateur à feuilles pour déposer les auxiliaires sur les cultures. Dans le cas d'une implantation en pot, ceux-ci sont déplacés à proximité des cultures. Autre facteur influençant l'efficacité : sur une culture trop riche en azote, les auxiliaires mangeront moins de pucerons car ils sont plus gros qu'en temps normal. Cela arrive souvent en bio où il est compliqué de maîtriser le relargage de l'azote du fumier. Pour éviter cela, la dose de fumier est fractionnée.

Quels sont les avantages et les freins ?

En plus de réduire l'utilisation de lâchers d'auxiliaires ou d'insecticides, ce dispositif permet de supprimer le désherbage des bords de tunnels. Il favorise aussi des auxiliaires utiles contre d'autres ravageurs (acariens, aleurodes, Tuta absoluta, thrips...) ainsi que les pollinisateurs. Le coût un peu élevé (88 €/100 m2 de serre) et la main-d'oeuvre nécessaire peuvent être un frein. Il faut compter 2 heures par abri de 500 m² pour l'implantation, compensé par la suppression du désherbage à réaliser en mai-juin à une période de forte activité. Le transfert d'auxiliaires nécessite une demi-heure par chapelle. Il faut également accepter le fait que l'efficacité est plus lente (minimum trois semaines) que celle d'un insecticide (trois jours) et variable d'une année à l'autre.

Quelles sont les améliorations envisageables ?

Je recherche des plantes de service vivaces qui repoussent bien pour éviter de resemer chaque année. Pour augmenter la quantité d'auxiliaires en début de saison, un travail est actuellement en cours avec le lycée nature de La Roche-sur-Yon qui va élever des pucerons sur les plantes de service dans ses serres et les ensemencer avec les auxiliaires naturels qui devraient se multiplier beaucoup plus. Ces plantes seront ensuite transférées dans les serres des producteurs.

(1) Groupe d'agriculteurs qui mettent en place des systèmes et techniques économes en produits phyto déjà éprouvés par le réseau Dephy ou d'autres acteurs.

À chaque objectif sa stratégie

Quand la technique n'est pas suffisamment efficace même avec des transferts d'auxiliaires, des lâchers d'auxiliaires sont réalisés. Les traitements sont déclenchés en dernier recours. Certains maraîchers ont pu produire sans insecticides, d'autres ont supprimé un traitement sur trois. Cela dépend de leur exigence, souvent dictée par le débouché. En effet, dans certaines situations, même si le rendement n'est pas affecté par la pression pucerons atteinte, les champignons se développant grâce au miellat des pucerons peuvent avoir un impact sur la qualité. L'idéal serait d'avoir des règles de décision (seuils d'auxiliaires) en fonction des objectifs du producteur pour déclencher les transferts actifs, les lâchers d'auxiliaires et les traitements insecticides.

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