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DOSSIER - Préserver les sols et gérer les adventices

Supprimer le labour : conserver les sols ou les dégrader ?

PIERRE STENGEL(1), JÉRÔME LABREUCHE(2) ET GUY RICHARD(3) (1) Inrae. (2) Arvalis-Institut du végétal. (3) Direction de l'expertise scientifique collective, de la prospective et des études, Inrae - Paris - Phytoma - n°761 - février 2021 - page 14

Au cours des dernières décennies, les techniques culturales sans labour ont évolué, répondant à différents enjeux, dans des contextes mettant en balance les bénéfices et les risques associés.
Examen des performances du semis direct sous couvert de résidus végétaux. Photo : J. Labreuche - Arvalis-Institut du végétal

Examen des performances du semis direct sous couvert de résidus végétaux. Photo : J. Labreuche - Arvalis-Institut du végétal

Fig. 1 : Évolution des surfaces de grandes cultures implantées annuellement sans labour Source : enquête pratiques culturales - Agreste

Fig. 1 : Évolution des surfaces de grandes cultures implantées annuellement sans labour Source : enquête pratiques culturales - Agreste

Depuis plus de cinquante ans, la recherche agronomique et le développement ont évalué les bénéfices et les risques des techniques culturales sans labour. Leur extension se situe désormais dans un contexte où s'impose une approche intégratrice, aux niveaux des systèmes de culture et de la gestion durable des sols.

Les révolutions du XXe siècle

Labourer les sols est historiquement pour l'agriculture un acte étroitement associé à l'activité productive. Le contrôle de la végétation adventice et l'enfouissement des déjections animales fertilisantes le rendaient indispensable, malgré ses contraintes : le labour est dépendant d'une puissance de traction élevée et coûteux en temps. Les révolutions technologiques opérées durant le XXe siècle ont profondément bouleversé ses modalités et ses fonctions.

Ces révolutions sont de deux natures :

- la mécanisation, en particulier la diffusion des tracteurs de plus en plus puissants ;

- la capacité de contrôle chimique des « mauvaises herbes », par des herbicides à large spectre d'action.

La mécanisation a favorisé dans un premier temps ce qu'on peut appeler une intensification du travail du sol, en particulier les opérations de labour et leur approfondissement. À l'inverse, le désherbage chimique privait le labour d'une de ses fonctions essentielles, la maîtrise des adventices, et ouvrait la perspective de réduire les opérations de travail du sol, voire d'y renoncer en pratiquant le semis direct (photo ci-dessus).

En France, la mécanisation s'est généralisée dans les décennies suivant la Seconde Guerre mondiale. L'industrie phytosanitaire a fourni des herbicides « totaux »(1) plus tardivement, posant alors aux agronomes la question de l'intérêt de simplifier les façons culturales préparatoires aux semis.

L'émergence du questionnement

Le prédécesseur américain

La mécanisation de l'agriculture américaine a été précoce (3 500 000 tracteurs en 1949) et a contribué à des excès dommageables. La mise en culture des grandes plaines de l'Ouest a recouru au travail du sol comme facteur principal d'obtention de rendements économiquement satisfaisants. Élimination des adventices et limitation de l'évaporation à la surface du sol étaient en particulier considérées comme des moyens d'adaptation au climat sec de ces régions. Il en est résulté un état de surface fragilisé qui a rendu les sols très sensibles à l'érosion, notamment éolienne. En situation de sécheresse intense, cette dernière s'est traduite par le phénomène du « dust-bowl » et ses manifestations catastrophiques, les « black blizzard ».

Il s'en est suivi, dans les années 1930, une réaction politique puissante, conjuguant maîtrise des effets de l'érosion, protection des sols et régulation des productions favorable au soutien des cours(2). C'est ainsi qu'au niveau fédéral du département de l'Agriculture des États-Unis (l'USDA) a été créé en 1935 le « Soil Conservation Service » et que furent imposées des mesures de conservation telles que les cultures en courbe de niveau. La limitation de la profondeur du travail du sol et le maintien des résidus végétaux en surface faisaient également partie des mesures de protection étudiées et diffusées auprès des producteurs.

La « simplification » du travail du sol, ou plutôt la modération de son intensité, apparaîtra donc à l'origine aux États-Unis comme un choix de gestion durable des sols et de maintien de leur capacité productive. Il sera d'autant mieux accepté qu'il justifiera un soutien financier dans une période de crise économique profonde. Par la suite, avec des enjeux évolutifs, par exemple la prise en compte du stockage du carbone, cette aura positive restera associée au non-labour. Mais les motivations d'économie de moyens (travail en particulier) prendront une importance croissante dans un contexte de réduction de la main-d'oeuvre agricole.

Une situation française très différente

Les années de l'immédiat après la Seconde Guerre mondiale sont celles de la généralisation de la mécanisation de l'agriculture française. Le labour, en particulier, en « bénéficie » : plus vite, plus profond, dans tous les types de sol. Très rapidement, les agronomes et les praticiens observent l'existence d'effets négatifs d'un usage mal maîtrisé des machines :

- des tassements par les roulages (tracteurs, engins de récolte) et par les outils eux-mêmes, notamment les « semelles » en fond de labour ;

- la dilution de la matière organique due à l'approfondissement des labours et une perte de stabilité de la structure, avec pour effets la battance ou la prise en masse de structures affinées et instables.

Dans un premier temps, néanmoins, à la différence du cas américain, peu d'attention est portée à d'éventuels phénomènes d'érosion, hydriques, éoliens ou mécaniques.

Ces dégâts sur le sol et les effets enregistrés sur les cultures stimulent le développement des recherches sur la physique du sol, et en particulier sa structure, ses dégradations et sa régénération. Le milieu de la décennie 1960 est marqué par la publication, et le succès, de l'ouvrage fondateur Le Profil cultural, associant S. Henin et ses plus proches émules G. Monnier, R. Gras et N. Feodoroff. Dans le sillage de S. Henin, à l'Institut national agronomique (INA) et à l'Inra (actuel Inrae), se développent des équipes consistantes : à l'INA, autour de M. Sebillotte, avec H. Manichon et J. Boiffin ; à l'Inra de Versailles puis d'Avignon, autour de G. Monnier, avec J.-C. Fies, J. Guerif et P. Stengel.

L'intérêt potentiel d'une réduction d'intensité du travail du sol est clairement perçu dans cette communauté de la recherche et dans celle du développement agricole, en termes d'économie de l'exploitation et d'organisation du travail. À la fin de cette décennie 1960, c'est particulièrement le cas au sein de l'Institut technique des céréales et des fourrages ITCF (actuel Arvalis-Institut du végétal), sous l'impulsion en particulier de B. Faivre-Dupaigre. Mais ce bouleversement potentiel des pratiques est source d'interrogations sur sa faisabilité et de préoccupations quant à ses effets à long terme sur le sol. Si le semis direct, sensu-stricto, version extrême de la simplification du travail du sol, apparaît particulièrement vecteur d'économies, il est aussi le plus porteur d'incertitudes et de risques. À ce titre, il concentre un intérêt particulier pour les spécialistes du sol et ceux de la protection des cultures.

À l'interrogation sur la capacité à maîtriser la flore adventice sans recourir au labour, s'ajoute celle sur les effets cumulatifs possibles des tassements et des dégradations de la structure, notamment à la suite des récoltes d'automne en conditions humides. De même, la suppression ou la réduction de profondeur de l'enfouissement des résidus de récolte et des matières fertilisantes font craindre un appauvrissement des couches antérieurement affectées par le labour.

Finalement, l'étude scientifique des techniques « simplifiées » est abordée dans une optique visant à les maîtriser, mais surtout à prévenir les risques à long terme associés à des options stratégiques pour les systèmes de culture : abandon définitif du labour et changement corrélatif du matériel par exemple. L'état d'esprit est donc très éloigné, voire opposé à celui qui a prévalu aux États-Unis où il s'agissait de contribuer à lutter contre un désastre avéré.

Une autre spécificité nationale contribuant à cette attitude de précaution est la discrétion du rôle de l'industrie phytosanitaire dans le développement des techniques nouvelles, beaucoup plus actives aux États-Unis et au Royaume-Uni. Après cette phase initiale, son implication deviendra plus visible, notamment à travers sa contribution active à des associations comme l'Apad (Association pour le développement d'une agriculture durable), très engagée en faveur du non-labour.

Un investissement important et rapide

La conscience de l'importance potentielle de l'enjeu se traduit par un investissement important dont l'ITCF est matériellement le principal acteur, très sérieusement accompagné par l'Inra.

Ainsi, dès 1971, trois essais de plein champ, dispositifs lourds et complexes, sont mis en place pour comparer trois modalités de travail du sol pour l'implantation de blé tendre et du maïs : le labour « traditionnel », le travail superficiel, le semis direct. Ils se situent sur des sols différents et dans des régions éloignées (Boigneville dans l'Essonne, Saint-Aubin-la-Plaine en Vendée, Auzeville-Tolosane près de Toulouse, Haute-Garonne).

Ces essais sont conçus pour une longue durée et pour un suivi intensif des données sur les pratiques, la végétation et le sol. La démarche est donc cohérente avec l'option de choix stratégiques durables pour l'exploitation et avec l'hypothèse des effets de long terme sur le sol.

À ces trois dispositifs fondateurs s'ajouteront par la suite des expérimentations complémentaires, contribuant à une diversification des conditions pédoclimatiques, des thèmes abordés (impacts environnementaux, qualité des eaux), des systèmes de culture et des techniques de travail du sol utilisées (tableau page suivante).

Pour les trois essais initiaux, l'intention de durée a été respectée, leur vie ayant atteint ou dépassé les dix années. L'engagement de plus longue durée a bénéficié à l'essai de Boigneville, maintenu maintenant depuis plus de cinquante ans. Ce dernier est un lieu important de concentrations d'observations scientifiques et agronomiques sur la physique, la chimie et la biologie du sol, mais aussi sur les aspects phytosanitaires. La permanence de cet investissement témoigne de l'intérêt agronomique persistant des questions posées par l'évolution des techniques de travail du sol, et plus largement d'implantation des cultures, dans un contexte de transformation profonde des enjeux qui leur sont attachés.

Des réponses à moyen terme

Le premier intérêt de ces dispositifs expérimentaux consistait à établir, dans la durée, le degré de faisabilité et d'efficacité des techniques nouvelles. Leur maîtrise, même pour des agronomes compétents, n'était pas acquise. Le contrôle de la végétation adventice et la qualité des semis en relation avec les performances des matériels nouveaux ont pu s'avérer problématiques.

Après une phase d'apprentissage, la viabilité technologique des techniques simplifiées, y compris le semis direct, a été assurée, au prix, pour ce dernier, d'une baisse mineure du rendement. La première décennie d'expérimentation a permis d'écarter la crainte relative à la dégradation physique cumulative du sol(3).

La diminution de la porosité structurale a atteint en quelques années un palier, sans effet négatif important pour la végétation et les transferts d'eau, malgré une limitation de l'aération favorable à la dénitrification. De même, la concentration des éléments minéraux nutritifs à proximité de la surface n'a pas affecté la production de manière significative. En revanche, la concentration des résidus organiques a bien joué un rôle de protection physique de la surface du sol contre la battance, avec toutefois un effet négatif de support du développement de la flore fongique. En sols hydromorphes, les impacts négatifs sur les cultures d'hiver étaient plus marqués.

Finalement, dès la première décennie d'études, les préoccupations relatives à l'état du sol et aux effets sur la production ont été largement réduites. Cela a permis de penser le recours aux techniques sans labour comme une diversification des itinéraires techniques, ou comme un changement stratégique possible pour différents systèmes de culture et types de sol. Les conditions les plus favorables, ou au contraire clairement limitantes (sites, saison et conditions météorologiques, systèmes de culture), ont été explorées via des essais plus légers ou l'observation des résultats des agriculteurs. Une incertitude demeurait, relative à des systèmes de culture favorisant le tassement par des engins lourds, c'est-à-dire la répétition de passages dans des conditions à humidité défavorables. C'est ce qui a conduit à la mise en place d'un essai dédié par l'Inra (Mons-en-Chaussée).

L'extension du domaine d'application des techniques nouvelles a été favorisée par les développements des outils de travail du sol et de semis. Ce sont en particulier les matériels permettant de fragmenter le sol et d'accroître sa porosité sans retournement, et de semer dans un mulch végétal épais de résidus. Les performances des herbicides, en matière d'efficacité et de coût, y ont pris une part décisive.

Des enjeux évolutifs

La diffusion des pratiques nouvelles

En France et en Europe, la diffusion de ces techniques de travail du sol réduit a été très lente dans les premières décennies. Selon l'estimation de l'ITCF, concernant 11,5 millions d'hectares de grandes cultures, le travail superficiel concernait 600 000 ha en 1980 et le semis direct seulement 100 000 ha. On serait passé, selon la même source, et sur 12,7 millions d'ha, à 400 000 ha et 40 000 ha respectivement en 1989. L'enquête Agreste de 1994 confirme cet état des lieux. La faisabilité, désormais démontrée, n'a donc eu que peu d'impact.

Toutefois, un regain d'intérêt pour ces techniques sans labour s'est manifesté durant la décennie 1990. Il est associé à l'impératif, devenu plus prégnant, de réductions des charges de mécanisation et de main-d'oeuvre, en conséquence de l'évolution de la politique agricole commune (PAC) notamment. Il concerne prioritairement des agriculteurs installés sur des sols difficiles à labourer pour implanter des cultures d'automne. La fin des années 1990 et les décennies suivantes donneront lieu à une extension continue et telle que les implantations sans labour apparaîtront majoritaires sur les principales cultures d'automne (blé, colza) dans l'enquête Agreste de 2017 (Figure 1). Toutefois, la version extrême de la réduction de l'intensité du travail du sol, le semis direct, reste limitée dans sa diffusion en France, à la différence de ce qui est observé en Amérique du Nord et du Sud ou en Australie. Les différences des structures, des dimensions des exploitations, des systèmes de culture pratiqués, ainsi que la diffusion de plantes génétiquement modifiées, résistantes aux herbicides, expliquent largement cette différence.

Les enjeux de productivité du travail et du matériel sont décisifs, en Europe comme dans les autres continents. En France, on peut associer l'abandon partiel du labour à l'extension de la taille des exploitations, et à la dispersion corrélative des parcelles exploitées. Conjointement, la raréfaction de la main-d'oeuvre familiale, le recours aux salariés et la disponibilité limitante de la main-d'oeuvre concourent à la réduction d'une opération coûteuse en temps de travail(4). Les arguments relatifs aux bénéfices environnementaux escomptés viennent conforter ce choix et la conservation des sols est de plus en plus mise en exergue comme motivation de la suppression du labour. Cet enjeu est au coeur des débats qui animent les congrès de l'ISTRO (International Soil Tillage Research Organization).

L'émergence des enjeux nouveaux

Dès l'origine des questionnements sur le travail du sol, dans la première moitié du siècle passé, la question du statut organique des sols a été prise en compte, d'abord comme un enjeu de fertilité et de conservation physique. Dans la décennie 1990, l'émergence de la problématique des gaz à effet de serre (GES) fait apparaître le stock organique du sol comme un réservoir-clé dans le bilan planétaire. Dès lors, l'impact du travail du sol acquiert le statut de question globale et une envergure internationale. C'est notamment la motivation d'une première expertise scientifique collective de l'Inra sur ce sujet(5).

Une tendance internationale forte se développe en faveur de la suppression du labour et du semis direct, appuyé sur des estimations très positives des capacités de stockage du carbone et des réductions de consommation d'énergie fossile résultant du changement des techniques. Les données françaises, en particulier celles qu'a produites l'essai de Boigneville, viennent tempérer ou contrecarrer cet optimisme et ramener les perspectives à des niveaux beaucoup plus modestes, voire nuls selon les conditions climatiques. Elles sont d'ailleurs à modérer par une augmentation d'émission de protoxyde d'azote observée en semis direct, la faible porosité libre à l'air favorisant les conditions anoxiques. Compte tenu des enjeux politico-économiques sous-jacents - moyens de maîtrise du changement climatique, légitimité d'un soutien public dédié -, la controverse s'entretient et se développe. Dans ce contexte, on ne peut que souligner la pertinence des choix initiaux des pères fondateurs des dispositifs d'étude. Les essais de longue durée, suffisamment renseignés en données physiques et chimiques, sont rares. Celui de Boigneville fait partie d'un petit nombre de références reconnues sur le plan mondial. Par une estimation plus réduite du stockage de carbone du sol, en l'absence de labour, il justifie de soutenir, par rapport au continent américain, une posture moins engagée a priori dans le soutien à la suppression du labour comme facteur majeur de préservation de l'environnement et du sol.

Perspectives et conclusion

Au cours des décennies du XXIe siècle, la dimension globale des enjeux associés au travail du sol ne cessera de se renforcer en se diversifiant. À la question de la qualité des eaux, présente depuis les années 1990, notamment dans l'essai « environnement » de Boigneville, se sont ajoutées celles de la biodiversité et de l'impact des substances phytosanitaires, d'économie d'énergie et de matières premières. Ainsi, la préservation de la biodiversité du sol apparaît désormais comme un enjeu pour une partie des agriculteurs, sans que ses objectifs et les moyens d'arbitrer ses différentes composantes émergent encore clairement.

Résultat de ces évolutions, la pensée agronomique est passée de la simplification (ou réduction d'intensité) du travail du sol à celle de l'« agriculture de conservation », beaucoup plus intégrative(6). Elle situe en effet la réduction des perturbations mécaniques du sol, considérées comme néfastes, dans un système qui place au centre de l'action la gestion des couverts végétaux, vivants ou morts, et la diversification des rotations. L'objectif d'accroître la quantité de carbone organique retournée au sol - par les résidus de cultures et de couverts végétaux, et par les exsudats racinaires - et d'augmenter ainsi l'activité biologique tellurique y reste central. L'agronomie de la production devient aussi une agronomie du sol, avec l'espoir de substituer aussi complètement que possible des intrants dont le coût et les impacts environnementaux négatifs rendent l'usage contestable.

Cet extrême élargissement des objectifs attendus de l'agriculture rend aussi très lourde et complexe l'évaluation des changements de techniques, dont les modalités ne cessent de se diversifier. Connaître les impacts sur le sol, l'eau, la biodiversité, l'atmosphère, analyser le cycle de vie des matériels et des intrants... nous éloigne lourdement des approches expérimentales simples qui prévalaient encore au début de la période que nous venons de rappeler.

Cette situation rend la décision elle-même extrêmement complexe, que ce soit au niveau des stratégies individuelles des producteurs, ou au niveau collectif, en particulier celui de l'attribution éventuelle de soutiens publics. Les évolutions doivent tenir compte de la pression citoyenne active contre la protection chimique des cultures.

Au-delà de la force des convictions d'une partie des agriculteurs, cette décision restera soumise à la hiérarchie des contraintes d'organisation, d'économie, de disponibilité ou d'interdiction de produits, dans un contexte extrêmement volatile, quant au coût des intrants par exemple.

Parmi celles-ci, la protection des cultures contre la végétation adventice restera extrêmement prégnante. Dans un contexte de forte incertitude sur les prix des produits et les coûts des intrants, sur les contraintes réglementaires et sur le climat. La stabilité de telles combinaisons est très douteuse. Malgré les bénéfices avérés d'expérimentations répétitives de longue durée, les supports de la recherche et ses démarches doivent eux-mêmes s'adapter à cette flexibilité des systèmes de culture. C'est un des nombreux défis que relève l'agronomie moderne.

(1) Chauvel B., Gauvrit C., Guillemin J.-P., 2022. From sea salt to glyphosate salt: a history of herbicide use in France. Adv Weed Sci. 2022;40(Spec1):e020220015.(2) Masutti C., 2007. Action publique et expertise dans la conservation des sols aux États-Unis dans les années 1930. Ruralia n° 20.

RÉSUMÉ

CONTEXTE - Historiquement, la diversification des itinéraires techniques et la suppression du labour sont consécutives à la mécanisation du travail du sol et à la disponibilité des herbicides non sélectifs.

ÉTUDES - Dès le début de la décennie 1970, les techniques dites « simplifiées » ont fait l'objet d'études expérimentales lourdes dont les piliers en France ont été l'Inra (actuel Inrae) et l'ITCF (actuellement Arvalis-Institut du végétal). Rendements des cultures, contrôle de la flore adventice et risques de dégradation physique et chimique des sols en étaient les enjeux principaux.

RÉSULTATS - Les références ainsi acquises ont établi, dès la première décennie, la faisabilité et l'efficacité des itinéraires techniques simplifiés, dont le semis direct, ainsi que l'absence de risque de dégradations cumulatives du sol. Malgré cela, leur adoption ne s'est accélérée qu'à partir de la seconde moitié de la décennie 1990, impulsée en particulier par l'évolution des conditions économiques. Bien insérées dans l'arsenal des techniques disponibles, les implantations sans labour sont désormais un élément des systèmes de culture de conservation des sols. Diversification des rotations, gestion des couverts végétaux, amélioration des sols et des bilans environnementaux en sont les composantes majeures.

MOTS-CLÉS - Travail du sol, conservation des sols, labour.

POUR EN SAVOIR PLUS

CONTACT : pierre.stengel@orange.fr

BIBLIOGRAPHIE : voir notes (1) à (6).

L'essentiel de l'offre

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