Clara Vernay habille les semences

Ingénieur chimiste, Clara Vernay est responsable « Recherche et innovation » du site de Solvay à Méréville (Essonne). Sa mission ? Mettre au point des pelliculants pour optimiser les performances des semences protégées par un fongicide et/ou un insecticide. Un vrai challenge vu les nombreux critères auxquels ils doivent répondre, les 35 pays destinataires situés aux quatre coins de la planète et l'évolution de la réglementation !

Pour nous présenter Solvay, Clara Vernay, jeune responsable Recherche et innovation sur le site de Méréville, explique : « Spécialisé dans la chimie, les polymères hautes performances et matériaux composites, au niveau international (21 000 salariés dans 63 pays), Solvay compte en France 3 300 collaborateurs sur dix sites industriels (dont 36 à Méréville, en Essonne), deux campus tertiaires, sept centres de recherche. » Parmi les produits phare fabriqués en France, citons la vanilline pour l'industrie agroalimentaire, le carbonate et le bicarbonate de sodium (bâtiment, détergents, alimentation, pharmacie...), la silice (pneumatique, détergence...)...

Expert en formulation

« En agriculture, les ingrédients de formulation pour les matières actives phytosanitaires constituent notre coeur de métier. Solvay compte également à son actif une quarantaine de pelliculants pour les traitements de semence (TS) depuis le rachat du site de Méréville à Bayer en 2021. » Un pelliculant est une formulation liquide, généralement colorée, utilisée en combinaison avec les traitements de semences fongicides ou insecticides afin d'optimiser leurs performances. Ses missions sont de contrôler les émissions de poussières (des seuils limites sont à respecter), améliorer la résistance à l'abrasion des semences traitées au cours de sa vie, assurer une bonne fluence (pour éviter le bouchage des trémies dans les usines de traitement) et semabilité (pour obtenir un semis régulier), garantir une couverture maximale de la semence, lui donner une couleur et un aspect attractifs.

Fort impact de la culture

La culture-cible est le facteur ayant le plus d'impact sur sa composition. Ainsi, pour le blé, le challenge pour Clara Vernay sera d'obtenir une bonne fluence de la semence. Le colza étant une graine très petite, sa surface développée est importante ; il faut alors réussir à couvrir toute la surface et à bien la colorer pour masquer la couleur noire de la graine. En maïs, elle se focalisera en particulier sur le contrôle des poussières et la résistance à l'abrasion. « Certains procédés de traitement des semences relativement "durs" nécessiteront une résistance à l'abrasion extrêmement forte. Pour cela, la gamme de pelliculants Extra a été développée avec une résistance supérieure à la gamme standard. » Solvay exportant dans 35 pays, la destination est également un critère à prendre en compte, par exemple pour assurer une stabilité du pelliculant dans les régions chaudes.

Process itératif

La mise au point d'un nouveau pelliculant démarre toujours d'un cahier des charges fourni par l'équipe business et marketing de Solvay pour répondre à une demande d'un client ou à une envie d'innover. « Mon équipe commence alors le travail de formulation en partant de celles existantes dont on va modifier certains ingrédients pour élaborer plusieurs nouveaux candidats. Nous traitons ensuite des semences avec ces nouvelles formulations pour réaliser des tests de caractérisation afin de mesurer chaque critère : poussières, résistance à l'abrasion, fluence, semabilité, couverture de la graine. Les résultats nous aident à améliorer nos premières formulations. Nous refaisons des tests de caractérisation et à nouveau des améliorations si besoin jusqu'à obtenir un candidat correspondant au cahier des charges. »

Phytotoxicité et stabilité testées

Les semences traitées avec le candidat final vont ensuite subir des tests de phytotoxicité standardisés en chambre climatique où elles vont germer et pousser une à deux semaines. Si ce test est passé avec succès, les études de stabilité sont lancées pour garantir une stabilité du pelliculant pendant deux ans. « Pour cela, nous réalisons des tests accélérés à différentes températures, tests qui donnent des indications précieuses sur la stabilité d'un stockage à température ambiante sur un temps long. Si une formulation n'est pas stable, on le voit souvent au bout de quelques mois. Elle sera à nouveau modifiée et devra repasser tous les tests précédents. » Une fois la stabilité vérifiée, le pelliculant candidat est confié à certains clients qui vont à nouveau tester ses performances et mettre les semences traitées en culture. « Cela permet de vérifier qu'il correspond bien aux besoins du terrain. Les résultats peuvent conduire à modifier la formulation. Au final, la plupart des projets prennent deux à trois ans pour aboutir. »

Microplastiques à remplacer

Depuis plusieurs années, dans un souci d'innovation écoresponsable, l'équipe Recherche et innovation s'est attelée à relever un nouveau défi : remplacer les gammes actuelles par des gammes de pelliculants sans microplastiques pour anticiper une future restriction de l'UE.

Actuellement, en phase finale de discussion, elle interdirait tout produit contenant des particules de microplastiques ajoutées intentionnellement. « Un nombre important d'ingrédients utilisés dans les formulations actuelles contiennent des microplastiques. Il nous faut donc identifier des polymères d'origine naturelle, solubles dans l'eau ou biodégradables car exemptés de la future directive, et apportant les mêmes performances. Certains pelliculants nouvelle version sont déjà en test chez nos clients et devraient arriver bientôt sur le marché », conclut Clara Vernay, confiante.