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Mildiou Anticipez et restez réactifs

La vigne - n°6 - mars 2012 - page 18

2011 a été une année plutôt calme sur le front du mildiou. Mais à la faveur de conditions climatiques pluvieuses, la maladie peut revenir en force. Une lutte préventive est indispensable pour ne pas se laisser dépasser.

Quelle a été la pression en 2011 ?

} «
L’année a été très calme en raison de conditions climatiques exceptionnellement sèches au printemps, sauf en Languedoc-Roussillon, indique Catherine Gauthier, responsable marketing vigne chez BASF Agro.
En moyenne, nous avons enregistré une baisse de 20 % d’hectares déployés par rapport aux six dernières campagnes. »
Pascal Trémeau, responsable technique chez Phytoservice, dans le Loir-et-Cher, l’a aussi constaté : «
Les viticulteurs ont réalisé en moyenne 3,5 traitements en 2011, contre 6 pour une année dite normale. »

Quelle est la nuisibilité du mildiou sur la récolte ?

} Fin 2010, Ludivine Davidou et Jean-Christophe Crachereau, de la chambre d’agriculture de Gironde, ont montré que le mildiou, par des attaques tardives sur grappes en faciès rot brun, avait non seulement un impact quantitatif sur la récolte, mais aussi un impact qualitatif. Le rot brun se traduit par un développement de la maladie à l’intérieur des baies, qui brunissent et se dessèchent.
Leur étude, réalisée sur deux vinifications en rouge en 2008 (année de forte pression) et en 2009, met en évidence l’effet préjudiciable de la maladie sur les vins : apparition de notes végétales et diminution du fruité. Le goût de mildiou est apparenté à une perception de type feuille de lierre par de nombreux dégustateurs. Les vins présentent également des tanins plus durs.
Selon Ludivine Davidou et Jean-Christophe Crachereau, la vendange commence à être altérée dès 2 % de grappes atteintes, mais cela reste peu perceptible à la dégustation. «
À partir de 5 % d’intensité d’attaque, la qualité du vin se dégrade nettement, amenant un début de rejet pour les dégustateurs les plus sensibles, assurent-ils.
À partir de 10 % de grappes atteintes, la qualité est nettement dépréciée. »

Quelle prophylaxie faut-il adopter ?

} Les mesures prophylactiques sont incontournables
. « Il faut freiner la vigueur des vignes qui accroît leur sensibilité à la maladie. Il faut également épamprer en début de saison car les jeunes feuilles à la base de la souche peuvent offrir un tremplin au mildiou et entraîner des contaminations primaires », explique Virginie Viguès, de l’IFV Sud-Ouest.
Les œufs d’hiver présents au sol dans les feuilles mortes peuvent contaminer les jeunes pousses par le biais de flaques d’eau. «
Il est indispensable de drainer le sol », note Bernard Molot, de l’IFV Rhône-Méditerranée. De même, il faut soigner le rognage. «
Ces mesures peuvent permettre d’économiser un ou deux traitements », insiste l’expert.

Quand faut-il démarrer les traitements ?

} Le positionnement du premier traitement est déterminant. S’il est appliqué trop tôt, la croissance de la vigne diluera les principes actifs du produit. Son efficacité sera alors insuffisante face aux contaminations secondaires. «
Mais si l’on attend trop, on risque de courir après la maladie, prévient Pascal Trémeau.
La décision de traiter doit prendre en compte le calendrier végétatif de la vigne, la modélisation qui indique la date potentielle de la première contamination et les données du



Bulletin de santé du végétal

. »

Le risque de mildiou est étroitement dépendant des conditions météo, en particulier des pluies. Pour Catherine Gauthier, « sur des parcelles sensibles ou face à des conditions climatiques très favorables, traiter tôt et fort permet de juguler la maladie ».
Si le risque de mildiou apparaît moyen ou élevé, le premier traitement doit être positionné juste avant l’apparition probable des premières tâches, moment annoncé par la modélisation. Cette stratégie vise à empêcher les contaminations secondaires. Si la météo annonce une pluie un peu avant la date de sortie de ces foyers primaires, il faut anticiper le traitement avant la nuée contaminatrice. Si le risque est faible, la première intervention n’est réalisée qu’après la sortie des foyers primaires. Mais elle doit intervenir avant les pluies qui vont provoquer le repiquage de ces foyers.
Ce choix est privilégié dans le sud de la France « dans le but d’économiser un ou deux traitements, précise Bernard Molot. Mais cette stratégie est parfois mise en défaut quand les foyers primaires sortent en hauteur, pour des raisons que nous n’avons pas encore éclaircies ».

Avec quels produits est-il préférable d’attaquer ?

} «
Pour le premier traitement, nous laissons le choix au vigneron entre produits de contact, pénétrants ou systémiques, poursuit Bernard Molot.
Les pénétrants me semblent un bon compromis à ce stade : ils offrent une bonne résistance au lessivage et la végétation n’est pas encore très développée. »
Pascal Trémeau préconise des systémiques. «
La vigne est alors en pousse active, avec une sève brute en systémie ascendante. Des produits à base de fosétyl-Al ou de méfénoxam sont tout indiqués. »
Du côté de BASF Agro, Catherine Gauthier conseille les produits de contact.

Comment gérer le renouvellement des traitements ?

} Les fongicides de contact à base de cuivre, mancozèbe et folpel se renouvellent au bout de huit à dix jours maximum, les pénétrants à base de cymoxanil, QoI et de zoxamide au bout de dix à douze jours, les systémiques au bout de quatorze jours maximum. Les CAA se renouvellent au bout de douze ou de quatorze jours maximum selon les produits.
En cas de forte pression, «
les cadences sont à resserrer de deux jours », recommande Pascal Trémeau. «
La modélisation est essentielle pour gérer les renouvellements, souligne Bernard Molot.
Il est indispensable d’anticiper toute période pluvieuse. Je suis opposé aux cadences fixes. Il s’agit d’être réactif : si une pluie est annoncée trois jours avant la fin de la rémanence du produit, il faut intervenir. Certaines spécialités tiennent quatorze jours. Mais si le mildiou est présent et qu’il progresse, le traitement doit être renouvelé au bout de douze jours. »
La croissance de la vigne doit aussi être prise en compte. «
On peut être amené à resserrer les cadences lorsque la vigne est en pousse active et à l’annonce d’une pluie contaminante, observe Catherine Gauthier.
À l’inverse, si les conditions ne sont pas favorables à la maladie, on peut relâcher la protection. Cette année, dans certains secteurs, trois applications antimildiou ont suffi. »

Quelle est la période la plus critique ?

} La floraison demande une vigilance accrue.
« Tout peut aller très vite, confie Bernard Molot.
Toutefois, il n’est pas obligatoire de traiter à ce moment-là s’il n’y a pas de contamination. Mais il faut rester sur ses gardes jusqu’au début de la fermeture de la grappe. » Catherine Gauthier insiste sur «
la nécessité de bien protéger la fleur pour préserver les grappes et limiter les risques de rot-gris ».
Le rot-gris désigne des attaques sur les inflorescences qui, après avoir jauni, se recroquevillent puis se dessèchent. «
Notre nouveau produit à base d’amétoctradine est particulièrement efficace jusqu’à la nouaison », précise Catherine Gauthier. Pour Virginie Viguès, «
les systémiques peuvent être une bonne solution autour de la fleur en offrant une protection jusqu’à quatorze jours ».

Comment rattraper une contamination ?

} Il peut arriver qu’une pluie survienne alors que le produit qui a été appliqué est en fin de rémanence et ne protège plus la vigne. Il faut alors réagir très vite. «
On doit intervenir dans les 24 à 48 heures maximum avec un produit à effet curatif, comme un CAA. Mais ces produits sont confrontés à des résistances. Leur efficacité dans ce cas n’est pas garantie et risque de générer davantage de résistance », prévient Bernard Molot.
«
La situation nécessite un produit stoppant de la famille des CAA comme du diméthomorphe associé à du mancozèbe ou une spécialité combinant cuivre et benthiavalicarbe après floraison », conseille Pascal Trémeau. De son côté, Catherine Gauthier préconise «
des produits pénétrants à base de cymoxanil ou des CAA à base de diméthomorphe (DMM) ».

Quels produits faut-il choisir en cas de pluies continues ?

} «
La solution la plus confortable est de privilégier les systémiques classiques à base de fosétyl-Al les plus dosés en cette matière active (2 000 g/ha) et tenter autant que possible de les renouveler tous les dix à onze jours, déclare Bernard Molot.
Les fongicides récents à base de cyazofamide ou de fluopicolide sont très probablement encore plus efficaces dans ce contexte, mais cela demande à être confirmé dans la pratique. » Catherine Gauthier recommande «
le DMM, particulièrement résistant au lessivage, tout comme le produit à base d’amétoctradine ».

Comment réagir en cas d’attaque déclarée ?

} «
Il n’y a pas de solution miracle. Un traitement dans cette circonstance est susceptible d’aggraver la sélection de mildiou résistant et présentera de toute façon une efficacité très partielle, signale Bernard Molot.
Les CAA sont parfois utilisés dans ce contexte, mais je déconseille les produits stoppant. » Pascal Trémeau préconise «
un pénétrant de type CAA ou associant cymoxanil et métirame-zinc, ou bien un produit de contact à base d’organocupriques ».
Catherine Gauthier estime qu’une attaque déclarée «
signe l’échec de la protection. Tout le travail est à effectuer avant. Les antisporulants ne sont pas recommandés. Je ne peux que conseiller de resserrer fortement les cadences ».

Comment gérer les résistances ?

} En 2010, les services officiels ont placé les CAA et les QiI (cyazofamide et amétoctradine) sous surveillance. En 2009, la résistance aux CAA s’est fortement aggravée. En 2010, face à une pression moins forte, la situation ne s’est pas améliorée. La note nationale 2011 recommande une à deux applications (non consécutives) de CAA (y compris associé avec du fosétyl-Al) et proscrit leur utilisation en cas d’attaque déclarée.
Concernant les Qil, des souches résistantes à la cyazofamide ont été décelées en 2010 dans des populations de mildiou provenant de quatre régions viticoles différentes. La note nationale demande donc de ne pas dépasser deux applications par an de produits à base de cyazofamide ou d’amétoctradine.
Les produits à base d’anilides font également l’objet de résistances. Leur utilisation doit être restreinte à un ou deux traitement par an. Et il ne faut pas les appliquer sur du mildiou déclaré.
Pour les produits à base de cymoxanil, il existe une dérive de la sensibilité. La note nationale conseille de ne pas construire son programme de traitements uniquement avec ces spécialités.
Quant aux QoI, «
la présence généralisée et persistante de la résistance rend sans intérêt leur emploi contre le mildiou », indique la note nationale. Catherine Gauthier est moins catégorique : «
Les résistances aux QoI ont été plus faibles en 2011. Ces produits restent efficaces lorsqu’ils sont bien positionnés, c’est-à-dire appliqués en préventif une fois durant la saison. »

Quand faut-il arrêter la lutte ?

} «
Tant que des pluies ou des orages se succèdent, les risques persistent, prévient Catherine Gauthier.
Si le temps est au beau fixe, la protection peut cesser avant le début de la véraison. » Pour Bernard Molot, l’arrêt de la lutte s’effectue «
au

début de la véraison, avec un traitement cuprique qui a aussi un effet contre la pourriture acide et l’inoculum de l’oïdium de l’année suivante ».

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