Botrytis La prophylaxie est essentielle

Un ou deux traitements suffisent en général à contenir la pourriture grise, à condition de mettre en œuvre les mesures prophylactiques adéquates.

Comment s’est comportée la maladie en 2011 ?

} Les pluies abondantes durant l’été dans plusieurs vignobles ont créé des conditions favorables à la pourriture grise.
« Début septembre, nous avons enregistré sur nos parcelles non traitées une explosion rapide et impressionnante de la maladie, liée à la pluviométrie et à la maturité précoce des baies », indique Marc Fermaud, chercheur à l’Inra de Bordeaux. «
 En juillet, autour de la véraison, les pluies nombreuses ont diminué la résistance des baies, rendant plus facile la pénétration de Botrytis cinerea 
», note Maxime Dancoine, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de Savoie. Le temps sec et chaud de septembre a ensuite permis de contenir la maladie dans certaines régions. Mais dans d’autres, comme en Bourgogne,
« les attaques importantes ont eu des incidences sur la qualité et le rendement », signale Philippe Mangold, chef produits vigne à la coopérative Bourgogne du Sud.

Quelle est l’efficacité des mesures prophylactiques ?

} La lutte contre le botrytis est préventive. La prophylaxie est indispensable et doit s’appliquer
« quel que soit le risque parcellaire », insiste la note nationale botrytis 2011, ajoutant qu’elle peut suffire en cas de risque faible.

Il faut limiter la vigueur de la vigne par le choix d’un porte-greffe adapté, le raisonnement de la fertilisation azotée et la mise en place de l’enherbement. Il faut également prévenir les blessures des baies, qui peuvent être des portes d’entrée pour Botrytis cinerea. Pour cela, il faut soigner la protection contre les vers de la grappe et contre l’oïdium. Enfin, il faut aérer les grappes. Le mode de taille et le palissage doivent assurer une répartition des raisins homogène. Il faut soigner l’ébourgeonnage ainsi que le rognage et éclaircir si besoin. Il est également recommandé d’effeuiller les vignes en prenant garde de ne pas blesser les baies avec un matériel mal réglé. En Alsace, Frédéric Schwaerzler, de la chambre d’agriculture du Haut-Rhin, préconise un effeuillage avec une effeuilleuse à jet d’air au stade A (chute des capuchons floraux) : « Cela donne de bons résultats. »


« Certes ces interventions sont coûteuses en main-d’œuvre, observe Marc Fermaud. Mais l’effeuillage est souvent aussi efficace qu’un traitement antibotrytis. »

Combien de traitements sont nécessaires ?

} Un seul traitement suffit quand la pression est faible. C’est ce que conseille l’Alsace.
« Les vignerons ont freiné la vigueur de leurs vignes par l’enherbement et le contrôle de la fertilisation. Et la ventilation sous le pied est facilitée par le fait que leurs vignes sont hautes et larges », justifie Frédéric Schwaerzler. Même stratégie en Savoie.
« Certains cépages, comme la mondeuse, ont une pellicule épaisse, contrairement aux chardonnays, par exemple. Et certains IDM (ex-IBS) ont une action secondaire contre le botrytis », argumente Maxime Dancoine.

Mais pour Jean-Baptiste Drouillard, de Syngenta, si le botrytis se développe tardivement, un seul traitement est insuffisant. « En 2011, la pression a été forte en fin de saison et la pourriture grise était très présente à la récolte, parfois associée à des moisissures de type Penicilium, en Champagne, dans le Bordelais et le Beaujolais. Il semble que les vignerons aient sous-investi leur programme de traitement. Dans ces régions, ainsi qu’en Bourgogne, nous préconisons deux traitements avec une bonne qualité de pulvérisation sur une vigne bien effeuillée », explique-t-il. Philippe Mangold, de la coopérative Bourgogne du Sud, conseille lui aussi deux traitements avec un effeuillage à la nouaison. « Cette stratégie donne des résultats équivalents à trois traitements », assure-t-il. En Champagne, le CIVC ne conseille plus trois traitements depuis 2007. « Et le schéma à deux traitements tend à se généraliser aussi dans ce vignoble, précise Jean-Baptiste Drouillard. En France, près de 60 % des surfaces traitées contre la pourriture grise le sont avec un seul traitement, plus de 40 % le sont avec deux ou trois. »

À quels stades faut-il intervenir ?

} Frédéric Schwaerzler, dans le Haut-Rhin, et Maxime Dancoine, en Savoie, recommandent de traiter au stade B (fermeture de la grappe). Et ces deux conseillers indiquent que les produits les plus utilisés sont à base de fludioxonil associé à du cyprodinil, de fenhexamid ou de boscalid. En Bourgogne, Philippe Mangold conseille de traiter
« à la chute des capuchons floraux (stade A) et entre la fermeture de la grappe et le début véraison ».

Jean-Baptiste Drouillard préconise pour sa part d’intervenir « à la floraison, pour protéger les grappes des premières contaminations, et au stade C (début véraison) ».

« Pour une efficacité optimale, d’après nos essais, il faut intervenir aux stades les plus précoces. La fin de la floraison est le stade le plus important », explique Marie-Laure Panon, du CIVC.

« Dans le Bordelais, l’efficacité d’un traitement à la floraison est comparable à celle d’une application à la véraison, ce qui laisse la possibilité de faire l’impasse au stade A tout en gardant des munitions aux stades B ou C, souligne Marc Fermaud, de l’Inra de Bordeaux. Nous travaillons au raisonnement de la protection antibotrytis sur la base de critères fiables. Au stade fin fleur, on ne dispose que de quelques critères comme la vigueur du porte-greffe, la sensibilité du cépage et l’historique de la parcelle. Mais avant la fermeture de la grappe, on a pu voir la pression à la floraison et on en sait beaucoup plus sur les niveaux de populations de tordeuses de deuxième génération et la compacité ou non de la grappe. On peut donc ne pas traiter au stade A et attendre trois semaines après floraison pour mieux raisonner le risque. »

Comment gérer les résistances ?

} Selon la note nationale pourriture grise 2011, cinq familles chimiques sont concernées par la résistance spécifique (résistance à une seule famille chimique). Il s’agit des anilinopyrimidines (pyriméthanil, mépanipyrim, cyprodinil), des benzimidazoles (thiophanate-méthyl), des carboxamides (boscalid), des hydroxyanilides (fenhexamid) et des dicarboximides (iprodione). Des souches multirésistantes (résistantes à plusieurs familles chimiques) sont également présentes dans de nombreux vignobles, à des fréquences parfois proches de 50 %. Toutefois, leur niveau de résistance est faible à moyen.

Pour préserver l’efficacité des antibotrytis, il est impératif d’employer un seul produit par famille chimique par an. La note nationale 2011 insiste aussi sur l’alternance pluriannuelle des familles dont les matières actives sont concernées par la résistance spécifique.

Est-il intéressant d’utiliser un adjuvant lors de son traitement antibotrytis ?

} En 2005 et 2006, des essais menés par la société VitaConsult avaient montré que l’utilisation de l’adjuvant Heliosol, dans le cadre d’une stratégie à deux applications d’antibotrytis aux stades A et B ou A et C, avait augmenté l’efficacité des traitements de 15 à 20 %. Mais ce n’est pas une stratégie que mettent en avant les conseillers viticoles.

« Nous n’insistons pas sur l’emploi d’adjuvants pour améliorer l’efficacité des antibotrytis, indique Marie-Laure Panon, du CIVC. Nous avons fait des essais en 2010 avec Heliosol et un autre adjuvant, Sticman, et nous n’avons pas observé d’effet de ces adjuvants. » Du côté de Syngenta Agro, les adjuvants ne sont pas non plus préconisés.

Peut-on prévoir les attaques ?

} « On peut se baser sur plusieurs critères, comme la vigueur de la vigne, la charge, la réalisation ou non de l’effeuillage, le cépage et le type de grappe, lâche ou compacte », explique Jean-Baptiste Drouillard. Mais la tâche reste difficile. L’Inra de Bordeaux a développé un indicateur du risque de botrytis : le potentiel de réceptivité des baies ou PRB. Il vise à évaluer la sensibilité des baies de sauvignon et de merlot au botrytis dès la fermeture de la grappe.
« En 2011, le PRB annonçait un risque moyen. Cela a permis de mettre les vignerons à l’offensive, note Marc Fermaud, de l’Inra de Bordeaux.
Mais il reste un indicateur de tendance dont l’interprétation doit toujours être relativisée par les conditions climatiques en fin de saison. Celles-ci demeurent essentielles pour expliquer le taux final de maladie, mais on ne peut pas les prévoir un ou deux mois avant. »