Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 2012

Les traitements Une nécessité

La vigne - n°6 - mars 2012 - page 3

Comment faire comprendre à une opinion publique très critique la nécessité d’utiliser des produits phytos pour préserver sa récolte face aux maladies et aux ravageurs ? Comment expliquer de façon simple le concept de viticulture raisonnée ? Éléments de réponses parmi différentes démarches initiées dans la filière.

Ces dernières années, beaucoup de consommateurs sont devenus très sensibles à la question des phytosanitaires. Dénonçant les atteintes à l’environnement et les risques pour la santé d’éventuels résidus de pesticides dans les vins, ils veulent savoir et être rassurés. Certains ont décidé de privilégier les vignerons en agriculture biologique. D’autres continuent à se fournir chez des producteurs conventionnels, mais n’hésitent pas à poser des questions.

La viticulture nécessite un nombre élevé de traitements phytosanitaires. Il ne s’agit pas de le nier, mais d’expliquer au mieux la raison de ces traitements au grand public : préserver la qualité de la récolte face aux maladies et ravageurs. Une évidence, certes, mais qu’il faut rappeler à des consommateurs imaginant que la vigne peut se passer de tout traitement.
« De nombreuses idées fausses circulent sur le sujet », constatait Farre (Forum de l’agriculture raisonnée respectueuse de l’environnement) dans une brochure sur les phytos en 2007. L’association qui promeut l’agriculture raisonnée avait à l’époque édité un livret pour aider les agriculteurs certifiés à enrichir leurs réponses aux questions posées par des visiteurs de leur exploitation ou leurs voisins.

Terras Vitis s’engage auprès de ses adhérents

Le guide, qui « n’a jamais fait l’objet d’une communication externe », précise Farre, a été conçu à partir d’un groupe de travail d’agriculteurs Farre en partenariat avec l’UIPP (Union des industries de la protection des plantes). Sous forme de questions-réponses (Pourquoi utilisez-vous des pesticides ? Les pesticides polluent-ils la nature ? Existe-t-il un risque à manger des fruits et légumes traités ? etc.), la brochure évoque les études toxicologiques préalables à la mise en marché, les limites maximales de résidus et les bonnes pratiques environnementales développées par les agriculteurs. Le concept de protection raisonnée est bien entendu expliqué.
Il n’existe pas de tel guide propre à la filière viticole. Terra Vitis, la fédération de la viticulture durable, fournit toutefois à ses adhérents « des documents de communication interne qui leur permettent d’expliquer la démarche en des termes simples », indique Jean-Henri Soumireu, animateur national Terra Vitis et conseiller viticole à la chambre d’agriculture du Rhône. Les engagements des producteurs sont d’ailleurs présentés sur une affiche de la fédération : « Les vignerons s’engagent à concilier le respect de l’environnement et la pérennité économique de leur entreprise, à assurer la transparence de leurs interventions et de leurs pratiques. Terra Vitis est une démarche qui répond aux critères du développement durable. Elle assure la sécurité alimentaire du produit et le respect de l’environnement. »

« L’attente de communication sur les phytos est forte »

Les vignerons en viticulture raisonnée ont parfois des difficultés à faire comprendre leurs pratiques par rapport au bio. « Ils ont tendance à donner des explications techniques qui peuvent être perturbantes pour les clients, poursuit Jean-Henri Soumireu. La viticulture biologique est plus simple à présenter.
En viticulture raisonnée, ils doivent expliquer leur philosophie, leurs engagements et le fait qu’ils utilisent des phytosanitaires de synthèse, certes, mais sélectionnés pour leur impact minimal sur l’environnement. »
Chez les Vignerons indépendants, Christophe Chevré, en charge de la démarche Qualenvi, constate lui aussi que des producteurs peuvent se trouver démunis lorsque des consommateurs leur demandent s’ils sont en viticulture biologique et qu’ils ne le sont pas. « On leur conseille de questionner ces clients sur ce qu’ils recherchent exactement. Le vigneron peut alors expliquer et valoriser ses pratiques de réduction d’intrants sans casser le bio. Les producteurs nous confient qu’ils font face à davantage de questions. Mais 69 % se disent à l’aise pour communiquer sur leurs pratiques phytos, d’après un sondage que nous avons réalisé en 2010 et auquel 86 vignerons indépendants ont répondu. Dans le cadre de la communication sur notre démarche Qualenvi, nous avons un slogan simple : je ne traite la vigne qu’en cas de nécessité. »
L’agriculture durable et la lutte raisonnée sont également au centre de la certification Agriconfiance. Cette dernière, créée en 2002 par Coop de France, concerne 29 caves coopératives en viticulture. Sur le site internet d’Agriconfiance, il est indiqué que les coopérateurs s’engagent à « respecter scrupuleusement les traitements phytosanitaires ».
« La démarche repose sur un raisonnement des pratiques et sur l’idée de traiter au bon moment en réduisant les doses, explique Régine Castet, chargée de mission à Agriconfiance. Les vignerons s’engagent à choisir leurs produits sur une liste verte et la coopérative doit les conseiller et leur transmettre des alertes sur les phytos. » La certification ne comporte pas de communication spécifique sur les traitements. « Dans la filière viticole, l’attente de communication sur les phytos et l’environnement est forte de la part des consommateurs. Mais nous laissons les caves communiquer elles-mêmes sur ce sujet. Certaines ont nettement diminué les doses appliquées et elles en parlent à leurs clients. »

En 1999, Balma Venitia a mis en place sa propre charte

Michèle Vacher, responsable qualité environnement à la cave des vignerons de Balma Venitia (Vaucluse), n’a pas constaté d’augmentation des questions sur les traitements phytos. « Les clients nous demandent plutôt si nous avons mis en place des actions au niveau environnemental. »
Et en la matière, la cave de Balma Venitia peut se targuer d’avoir établi en 1999 sa propre charte, Vivre (Viticulture respectueuse de l’environnement), où elle s’engage notamment à réduire l’usage des phytos « pour répondre rapidement au plan Ecophyto 2018 » et à choisir les produits les plus « doux » pour l’environnement.
Certifiée ISO 14001 (management environnemental), la cave respecte aussi le référentiel agriculture raisonnée, « très méconnu des consommateurs », souligne Michèle Vacher. La viticulture raisonnée souffre à l’évidence d’un manque de communication. Et bientôt, la nouvelle certification environnementale va s’ajouter aux autres labels.
Il est à espérer que les exploitations viticoles ayant obtenu la Haute valeur environnementale, le niveau le plus exigeant en matière phytosanitaire, pourront mieux valoriser leurs pratiques grâce à une meilleure communication sur ce label…

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :