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Oïdium Une lutte serrée et précise

La vigne - n°6 - mars 2012 - page 30

La protection contre l’oïdium ne peut être que préventive. Elle ne tolère aucun relâchement. Il faut respecter les cadences et même les resserrer si les conditions le nécessitent. Le renouvellement des produits doit tenir compte des résistances.

Comment la maladie s’est-elle comportée en 2011 ?

} La pression oïdium a été variable selon les vignobles.
« Elle a été importante dans le Sud-Est, note Frédéric Derolez, chef de marché vigne chez Bayer CropScience.
Dans d’autres régions, comme le Val de Loire, le champignon a profité d’un relâchement de la protection mildiou combinée habituellement avec la lutte contre l’oïdium. »

Quelle est sa nuisibilité ?

} Dès 5 % de grappes très oïdiées, recouvertes de mycélium, le vin peut subir un impact au niveau aromatique. C’est ce qu’a montré une étude réalisée en 2006 et 2007 par l’ICV et BASF. «
À

ce seuil apparaissent de très légères notes soufrées et le vin est plus sec, signale Jacques Rousseau, de l’ICV.
Avec 10 % de grappes oïdiées, le profil aromatique du vin est modifié. Les arômes fruités et confiturés sont beaucoup moins présents et laissent place à des notes animales et de champignons. Ces vins sont plus agressifs et, dans notre étude, tous les dégustateurs les avaient jugés à défauts. »

Quelle prophylaxie adopter ?

? Afin de limiter la sensibilité de la vigne à la maladie, la maîtrise de la vigueur est indispensable. Il faut aussi favoriser l’aération des grappes par le palissage. «
Le viticulteur doit soigner les relevages et ne pas négliger l’effeuillage », souligne Fabrice Guillois, conseiller viticole à la chambre d’agriculture de l’Aude. «
L’effeuillage doit cependant être raisonné pour éviter l’échaudage », prévient Laurent Paupelard, responsable technique environnement chez Soufflet Vigne, en Bourgogne-Beaujolais. Limiter l’entassement des feuilles favorise en outre la pénétration de la bouillie lors de la pulvérisation. «
Toutes ces mesures prophylactiques peuvent sensiblement réduire l’incidence de la maladie mais ne dispenseront jamais d’une protection minimale », rappelle Bernard Molot, responsable du pôle IFV Rhône-Méditerranée.

Quand faut-il classiquement démarrer les traitements ?

? Le début de la lutte se raisonne en fonction du stade végétatif de la vigne, de la sensibilité de la parcelle et du cépage. Pour ce premier traitement, il faut éviter les produits strictement préventifs. Dans les vignobles méridionaux, pour les parcelles touchées l’année précédente, Bernard Molot préconise de commencer la lutte lorsque 50 % des pousses sont au stade cinq à six feuilles étalées, avec un IDM (tébuconazole et penconazole) ou de la trifloxystrobine (QoI). «
Sur les parcelles sans problème, le démarrage peut s’effectuer au stade boutons floraux séparés (dix à douze feuilles étalées), là aussi avec un produit curatif. » En Bourgogne-Beaujolais, Laurent Paupelard n’estime «
pas nécessaire de traiter avant sept à huit feuilles étalées. Il est possible de commencer par un IDM, de la spiroxamine ou du meptyldinocap, en prenant en considération le fait que ce produit est lessivable ». Frédéric Derolez défend quant à lui un démarrage plus précoce : «
Je conseille de commencer au stade cinq à six feuilles étalées avec du tebuconazole ou de la spiroxamine. Les symptômes ne sont pas encore visibles, mais l’oïdium peut être déjà présent. Il est préférable de commencer la lutte tôt pour moins traiter plus tard. »

Et dans les parcelles à drapeaux ?

? La forme d’oïdium à drapeaux implique une stratégie spécifique. Ce symptôme résulte d’une forte présence du mycélium sur de jeunes rameaux, ce qui perturbe leur croissance. On voit alors apparaître des jeunes pousses rabougries, avec des feuilles crispées au feutrage gris. «
Il est nécessaire d’intervenir avant toute contamination du bourgeon porteur, indique Bernard Molot.
Si l’on compte plus d’un drapeau par cep, il faut démarrer la protection lorsque 50 % des pousses sont à deux à trois feuilles étalées, avec un IDM à effet curatif prononcé. » On peut utiliser du tébuconazole par exemple. «
Si l’on observe moins d’un drapeau par cep, la protection peut débuter au stade cinq à six feuilles étalées sur 50 % des pousses, avec un produit pénétrant et curatif, comme de la trifloxystrobine. Le but est d’éradiquer, ou du moins de limiter, l’inoculum primaire. Si ces règles ne sont pas respectées, on maintient intact ou, pire, on renforce cet inoculum primaire l’année suivante », poursuit Bernard Molot. Frédéric Derolez conseille aussi d’intervenir au stade trois feuilles étalées avec du triadiménol (IDM).

Comment gérer le renouvellement des produits ?

? Selon les produits, les cadences sont de dix, douze ou quatorze jours maximum. Certains peuvent même tenir vingt et un jours dans certaines situations. Il faut respecter ces délais de renouvellement et les resserrer en cas de nécessité. La lutte anti-oïdium doit être constante. Elle ne doit pas pâtir d’un relâchement de la protection antimildiou. Si la pousse est vigoureuse, il ne faut surtout pas relâcher les rythmes, même en cas de pression faible ou modérée. De la floraison jusqu’à la nouaison, Fabrice Guillois conseille de resserrer les cadences de deux jours. «
Cela apporte un gain systématique d’efficacité. À cette période-là, il n’y a rien de pire que de pousser jusqu’à seize, voire vingt jours, surtout en cas de pluies. »

Quelle est la période la plus critique ?

? L’encadrement de la floraison requiert une vigilance accrue. Avant la fleur, la réceptivité des feuilles à l’oïdium est très élevée. Après la fleur et jusqu’à la fermeture de la grappe, ce sont les grappes qui y sont très sensibles. «
Les cadences doivent être réduites de deux jours à cette période en cas de forte pression, souligne Laurent Paupelard.
Si les feuilles sont très touchées ou si de l’oïdium est décelable sur grappes, le viticulteur peut appliquer un traitement curatif à base de meptyldinocap. Il est également essentiel de veiller à la qualité de la pulvérisation. » Pour Bernard Molot, «
l’encadrement de la floraison faisant souvent appel à des antimildious à durée de protection de quatorze jours, il est judicieux d’y associer des anti-oïdiums à durée de protection identique. Les IDM, QoI et SDHI (carboxamides : boscalid) sont donc des options logiques. Le spectre ou les effets secondaires de chaque produit (botrytis et black-rot) permettent d’affiner le choix en fonction des autres pathogènes présents. Une efficacité sur oïdium déjà présent est également un plus non négligeable à cette époque ».

Est-il intéressant d’intégrer du soufre à son programme ?

? Des applications de soufre peuvent permettre d’optimiser l’efficacité de son programme de lutte. «
Je préconise deux traitements au soufre poudre à la nouaison et juste avant la fermeture de la grappe. Cela peut couper le cycle de résistances. En cas d’érinose, un premier traitement au soufre mouillable positionné entre le stade bourgeon dans le coton et la sortie des feuilles règle le problème », précise Gilbert Cazals, de la chambre d’agriculture de l’Aude. Mais le soufre est délicat à utiliser. «
8 à 10 kg/ha de soufre mouillable sont nécessaires. Un agitateur est indispensable pour éviter le colmatage des buses du pulvé », poursuit Gilbert Cazals. Quant au soufre poudre, il est irritant. Pour sa part, Frédéric Derolez n’adhère pas à cette stratégie «
Nous ne recommandons pas de traiter au soufre poudre en raison de sa difficulté d’application qui pose problème quant à la sécurité de l’applicateur. »

Que faire en cas d’attaque déclarée ?

? «
Affronter une attaque déclarée révèle un échec de la protection, assène Fabrice Guillois.
Dans ce cas, le soufre peut être efficace, à raison de deux applications à quatre jours d’intervalle, pour casser le cycle de développement du champignon. La spiroxamine semble aussi donner des résultats intéressants, à faire suivre quatre jours après par une autre matière active, un IDM ou du meptyldinocap. » Frédéric Derolez recommande également de la spiroxamine. «
En cas de conditions difficiles, avec un oïdium bien développé, nous conseillons deux applications de spiroxamine espacées de sept jours. »

Comment gérer les résistances ?

? En 2010, les services officiels ont mis sous surveillance les QoI (azoxystrobine, krésoxim-méthyl, pyraclostrobine et trifloxystrobine) et les IDM (IBS du groupe 1 : tébuconazole, penconazole…). La résistance aux QoI, détectée pour la première fois en 2008 en Armagnac, a progressé en 2009 et en 2010.
Désormais, elle concerne huit vignobles. La note nationale oïdium 2011 indique néanmoins qu’elle «
n’est pas généralisée ». Mais elle recommande de se limiter à une à deux applications de QoI par an. En Armagnac, une application unique est même préférable.

Pour les IDM, les résultats 2010 ont confirmé ceux de 2009. La note nationale demande de ne pas utiliser le même IDM tout au long de la saison. Et elle recommande trois applications maximum, de préférence deux, non consécutives. Même chose pour la spiroxamine (IBS du groupe 2). Pour le quinoxyfen, la note nationale 2011 signale qu’une résistance à cette matière active a été décelée très ponctuellement en France. Elle fixe donc la limite à deux applications maximum, de préférence non consécutives, en intégrant dans le comptage les produits contenant du proquinazid. Concernant le boscalid, l’AMM restreint son utilisation à deux applications annuelles. Même chose pour la métrafénone. L’alternance des familles chimiques est donc de mise.

Quand faut-il arrêter la lutte ?

? La poursuite de la lutte se décide en fonction de la fréquence d’attaque, de la pression, de la sensibilité du cépage et de l’historique de la parcelle.
«
En règle générale, la fin des traitements intervient lors de la fermeture de la grappe, mais cette période peut être critique, prévient Laurent Paupelard.
En 2009 et 2010 en Bourgogne et en Beaujolais, l’oïdium s’est développé en juillet et en août. Dans ces situations, je préconise un traitement supplémentaire dix à douze jours après la fermeture avec du meptyldinocap ou de la spiroxamine, en veillant à respecter le délai avant récolte des produits. »
Dans l’Aude, Fabrice Guillois estime lui aussi nécessaire de rester vigilant après la fermeture de la grappe. «
Des attaques sur les feuilles peuvent être préjudiciables à la maturation des baies. Il faut surveiller la vigne jusqu’en août. Un traitement au soufre mouillable peut éviter au champignon de se conserver pendant l’hiver. »
Pour les vignobles méridionaux, Bernard Molot préconise de raisonner l’arrêt de la protection au début de la fermeture (sauf muscat petit grain, chardonnay et piquepoul en secteurs très sensibles). «
En l’absence de symptômes, on arrête la protection. Si l’on dénombre 10 à 30 % de grappes oïdiées, il est possible de réaliser un à deux traitements de plus pour enrayer la progression de la maladie jusqu’à la véraison. Au-delà de 30 % de grappes oïdiées, deux traitements supplémentaires peuvent être réalisés, mais sans trop d’espoir. » Le responsable du pôle IFV Rhône-Méditerranée conseille aussi un traitement au cuivre début véraison, «
qui a un effet freinant ».



Quelles sont les principales causes d’échec ?

? L’échec de la protection peut être dû à un relâchement dans le renouvellement des traitements. «
Les vignerons sont parfois tentés d’étirer les cadences lorsqu’il n’y a pas de pluies », observe Laurent Paupelard. Mais bien souvent, la cause de l’échec est à rechercher du côté de la pulvérisation.
«
Les viticulteurs surestiment les capacités de leur appareil. Or, il peut être mal réglé ou des buses peuvent être colmatées, remarque Fabrice Guillois.
Et traiter trois ou quatre rangs à chaque passage est risqué. »
La chambre d’agriculture audoise conseille de traiter face par face, deux rangs au maximum à partir de la préfloraison, de bien étalonner le pulvé (vitesse d’avancement, pression…) et de bien orienter les buses ainsi que le flux d’air vers les feuilles et grappes.

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