Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1997

Des habits neufs pour de grands crus

La vigne - n°75 - mars 1997 - page 0

Le reconditionnement, cette opération minutieuse, est réservée aux grands millésimes des grands châteaux. Le vin, destiné au départ à être bu, se transforme alors en objet d'art et de convoitise.

Le reconditionnement, cette opération minutieuse, est réservée aux grands millésimes des grands châteaux. Le vin, destiné au départ à être bu, se transforme alors en objet d'art et de convoitise.

Le maître de chai prend la bouteille, fermement pour ne pas qu'elle lui échappe mais avec douceur pour surtout ne pas la heurter. Délicatement, il ôte la capsule et vérifie l'estampille à travers le goulot. Puis vient la partie la plus critique qui exige de lui adresse et concentration. Retirer un bouchon vieux de cinquante, soixante, parfois plus de cent ans, est une opération excessivement pointue quand on sait ce qu'il a protégé toutes ces années. Au risque de voir ce dernier s'effriter, Guy Latrille, qui officie au château Yquem, enfonce le tire-bouchon et retire doucement l'objet du goulot. Sans même goûter le vin, il ajoute une goutte de soufre à l'aide d'une pipette, nettoie minutieusement la bouteille avant de replacer le bouchon tout neuf, prêt à supporter des dizaines d'années de garde. Dernière retouche : une nouvelle étiquette toute belle, toute propre, est apposée et le vin, vieux d'un demi-siècle ou plus, se voit paré de ses nouveaux habits.Reconditionner un vin! Faut-il que le jeu en vaille la chandelle pour prendre autant de risques! Un tel geste montre surtout à quel point le vin, au départ humblement destiné à être bu, peut devenir un objet d'art et de convoitise extrêmement recherché. Un premier cru bordelais peut voir son prix passer du simple au double s'il a été remis à niveau. Alex de Clouet, commissaire-priseur à Paris, estime en effet que le vin perd 10 % de sa valeur quand le liquide descend en-deçà du goulot, 25 % quand il arrive plus bas encore et 50 % quand il est à basse épaule. Et vu le prix des nectars (environ 25 000 F un 1945), autant dire que c'est de l'or en bouteilles!Les professionnels des ventes aux enchères ne s'y sont pas trompés : certains sont prêts à payer des fortunes pour avoir un 1929, un 1947 ou un 1961 des plus présentables : une statuette redorée qu'on place sur la cheminée du salon. Actuellement, les Asiatiques raffolent de Cheval Blanc : ' Pour eux, c'est comme posséder un bijou ou une belle voiture, explique Pierre Lurton, directeur du château, c'est asseoir son rang social. ' Etre propriétaire d'un grand millésime d'un grand cru classé du Médoc, de Saint-Emilion, de Pétrus ou de la Romanée-Conti, est signe de richesse, d'aboutissement. Quand le vin français prend toute sa dimension culturelle et financière...

Le maître de chai prend la bouteille, fermement pour ne pas qu'elle lui échappe mais avec douceur pour surtout ne pas la heurter. Délicatement, il ôte la capsule et vérifie l'estampille à travers le goulot. Puis vient la partie la plus critique qui exige de lui adresse et concentration. Retirer un bouchon vieux de cinquante, soixante, parfois plus de cent ans, est une opération excessivement pointue quand on sait ce qu'il a protégé toutes ces années. Au risque de voir ce dernier s'effriter, Guy Latrille, qui officie au château Yquem, enfonce le tire-bouchon et retire doucement l'objet du goulot. Sans même goûter le vin, il ajoute une goutte de soufre à l'aide d'une pipette, nettoie minutieusement la bouteille avant de replacer le bouchon tout neuf, prêt à supporter des dizaines d'années de garde. Dernière retouche : une nouvelle étiquette toute belle, toute propre, est apposée et le vin, vieux d'un demi-siècle ou plus, se voit paré de ses nouveaux habits.Reconditionner un vin! Faut-il que le jeu en vaille la chandelle pour prendre autant de risques! Un tel geste montre surtout à quel point le vin, au départ humblement destiné à être bu, peut devenir un objet d'art et de convoitise extrêmement recherché. Un premier cru bordelais peut voir son prix passer du simple au double s'il a été remis à niveau. Alex de Clouet, commissaire-priseur à Paris, estime en effet que le vin perd 10 % de sa valeur quand le liquide descend en-deçà du goulot, 25 % quand il arrive plus bas encore et 50 % quand il est à basse épaule. Et vu le prix des nectars (environ 25 000 F un 1945), autant dire que c'est de l'or en bouteilles!Les professionnels des ventes aux enchères ne s'y sont pas trompés : certains sont prêts à payer des fortunes pour avoir un 1929, un 1947 ou un 1961 des plus présentables : une statuette redorée qu'on place sur la cheminée du salon. Actuellement, les Asiatiques raffolent de Cheval Blanc : ' Pour eux, c'est comme posséder un bijou ou une belle voiture, explique Pierre Lurton, directeur du château, c'est asseoir son rang social. ' Etre propriétaire d'un grand millésime d'un grand cru classé du Médoc, de Saint-Emilion, de Pétrus ou de la Romanée-Conti, est signe de richesse, d'aboutissement. Quand le vin français prend toute sa dimension culturelle et financière...

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :