Retour

imprimer l'article Imprimer

archiveXML - 1997

Les gélées de printemps

La vigne - n°76 - avril 1997 - page 0

De multiples moyens de lutte contre les gelées ont été et sont encore essayés. Mais chacun montre des limites. Aujourd'hui, pour progresser encore face à ce fléau, il faut revenir au végétal et comprendre ce qui se passe dans le bourgeon lorsque le mercure descend trop bas.

De multiples moyens de lutte contre les gelées ont été et sont encore essayés. Mais chacun montre des limites. Aujourd'hui, pour progresser encore face à ce fléau, il faut revenir au végétal et comprendre ce qui se passe dans le bourgeon lorsque le mercure descend trop bas.

La physiologie des gelées de printemps a été la partie la moins travaillée, commente Olivier Brun, de Mumm-Perrier Jouët. C'est pourtant, je pense, la seule voie intéressante pour une nouvelle approche des gelées car sur les moyens de lutte, on a fait un peu le tour de la question. En effet, les gelées de printemps posent encore plusieurs interrogations : on observe, par exemple, aucune différence de sensibilité entre cépages ou entre clones, alors qu'il en existe face au froid de l'hiver. Les deux éléments déterminants pour les gelées de printemps sont le stade phénologique et la présence ou l'absence d'eau sur le bourgeon. Le seuil de gélivité passe de - 8°C pour un bourgeon dans le coton à - 2,5°C lorsque deux ou trois feuilles sont étalées. Mais si le bourgeon est mouillé, ces seuils remontent, pour tous les stades, à une température supérieure à - 4°C! Comprendre ce qui se passe dans le bourgeon, c'est ce qu'ont tenté de faire MM. Aït Barka et Audran (UFR sciences de Reims), Leddet et Dereuddre (université Pierre et Marie Curie, Paris) et Olivier Brun. Pour cela, ils ont étudié en laboratoire les incidences d'un refroidissement de + 5 à - 50°C sur des bourgeons prélevés entre les mois de novembre et de mai.Un bourgeon latent est constitué d'un bourgeon primaire, bien développé, avec une tige rudimentaire qui porte les ébauches de feuilles et d'inflorescences, d'un bourgeon secondaire et, éventuellement, d'un bourgeon tertiaire, tous deux bien moins développés. Les chercheurs ont montré que lorsque la température descend, les tissus d'un bourgeon prélevé l'hiver ne réagissent pas de manière homogène : certaines zones gèlent plus tôt que d'autres. En effet, ils ont détecté trois niveaux de prises en glace, c'est-à-dire trois températures auxquelles des cristaux se forment à l'intérieur des bourgeons. Ces cristallisations sont repérées en mesurant les calories qu'elles libèrent : l'eau qui gèle dégage des calories, c'est d'ailleurs cette propriété qui est utilisée dans la lutte contre le gel par aspersion.Le premier pic calorique est détecté autour de 11 ou 12°C en laboratoire. Une coupe longitudinale montre que ce sont les cellules de la base du bourgeon primaire (ou principal) qui sont touchées, alors qu'on a longtemps cru que l'apex du bourgeon et les inflorescences étaient les plus fragiles. Le bourgeon secondaire ne présente en revanche aucune altération. Lorsque la température poursuit sa chute, une seconde vague de cristallisation est détectée. On observe alors qu'un nombre plus important de cellules de la base sont touchées et que ce phénomène s'étend à l'axe du bourgeon. Lorsque la température descend encore, le troisième pic détecté prend une forme arrondie, ce qui traduit une prise en glace progressive, qui gagne de proche en proche l'ensemble des organes du bourgeon primaire. Celui-ci est entièrement détruit. De plus, la base du bourgeon secondaire est, elle aussi, touchée. Ce troisième pic est atteint entre environ 25 et 30°C. Il simule ce qui se passe in situ lors d'une gelée d'hiver.Ces trois pics coexistent jusqu'à mars. Puis, sans qu'aucune modification morphologique ne soit décelable, le bourgeon devient de plus en plus sensible au froid. Ceci se traduit en laboratoire par une détection des cristallisations à des températures de plus en plus hautes. Et dès que la végétation repart, au stade 2 (gonflement du bourgeon), le troisième pic disparaît. Ensuite, entre le stade 3 (bourgeon dans le coton) et le stade 9 (deux à trois feuilles étalées), l'écart de températures entre les deux pics restant s'amenuise pour finalement disparaître. Ces observations corroborent ce que les vignerons connaissent : une remontée du seuil critique de gélivité de - 8°C à - 2,5°C entre le bourgeon dans le coton et le stade 9. Lors des gelées de printemps, contrairement à ce qui peut être observé en hiver, il n'y a pas de phase réversible : dès qu'une cristallisation est détectée, il y a mort du bourgeon. Une coupe longitudinale montre que dès la première prise en glace, les dégâts sont beaucoup plus conséquents et plus étendus que sur un bourgeon d'hiver, avec des tissus désorganisés ou déchirés.Ces changements de comportement ont plusieurs origines : dans le bourgeon latent, les tissus ne sont pas homogènes. A sa base, les cellules, en différenciation, sont plus riches en eau que les autres, donc plus sensibles au froid. En revanche, lorsque la végétation reprend, les cellules reprennent une forte activité et, de ce fait, se réhydratent, devenant ainsi plus sensibles au froid. D'autre part, lorsque le bourgeon croît, ses vaisseaux conducteurs deviennent fonctionnels. Ils peuvent alors propager rapidement la cristallisation. Enfin, la faculté qu'avaient les cellules de développer le phénomène de surfusion (le liquide cellulaire ne cristallise pas à des températures pourtant basses) disparaît. Tout cela explique qu'à partir du stade 5 (pointe verte), tout prend en glace d'un seul coup.Les bourgeons secondaires, moins bien organisés, sont moins sensibles au gel. Des auteurs rapportent qu'ils gèlent à partir de 3°-3,5°C.

La physiologie des gelées de printemps a été la partie la moins travaillée, commente Olivier Brun, de Mumm-Perrier Jouët. C'est pourtant, je pense, la seule voie intéressante pour une nouvelle approche des gelées car sur les moyens de lutte, on a fait un peu le tour de la question. En effet, les gelées de printemps posent encore plusieurs interrogations : on observe, par exemple, aucune différence de sensibilité entre cépages ou entre clones, alors qu'il en existe face au froid de l'hiver. Les deux éléments déterminants pour les gelées de printemps sont le stade phénologique et la présence ou l'absence d'eau sur le bourgeon. Le seuil de gélivité passe de - 8°C pour un bourgeon dans le coton à - 2,5°C lorsque deux ou trois feuilles sont étalées. Mais si le bourgeon est mouillé, ces seuils remontent, pour tous les stades, à une température supérieure à - 4°C! Comprendre ce qui se passe dans le bourgeon, c'est ce qu'ont tenté de faire MM. Aït Barka et Audran (UFR sciences de Reims), Leddet et Dereuddre (université Pierre et Marie Curie, Paris) et Olivier Brun. Pour cela, ils ont étudié en laboratoire les incidences d'un refroidissement de + 5 à - 50°C sur des bourgeons prélevés entre les mois de novembre et de mai.Un bourgeon latent est constitué d'un bourgeon primaire, bien développé, avec une tige rudimentaire qui porte les ébauches de feuilles et d'inflorescences, d'un bourgeon secondaire et, éventuellement, d'un bourgeon tertiaire, tous deux bien moins développés. Les chercheurs ont montré que lorsque la température descend, les tissus d'un bourgeon prélevé l'hiver ne réagissent pas de manière homogène : certaines zones gèlent plus tôt que d'autres. En effet, ils ont détecté trois niveaux de prises en glace, c'est-à-dire trois températures auxquelles des cristaux se forment à l'intérieur des bourgeons. Ces cristallisations sont repérées en mesurant les calories qu'elles libèrent : l'eau qui gèle dégage des calories, c'est d'ailleurs cette propriété qui est utilisée dans la lutte contre le gel par aspersion.Le premier pic calorique est détecté autour de 11 ou 12°C en laboratoire. Une coupe longitudinale montre que ce sont les cellules de la base du bourgeon primaire (ou principal) qui sont touchées, alors qu'on a longtemps cru que l'apex du bourgeon et les inflorescences étaient les plus fragiles. Le bourgeon secondaire ne présente en revanche aucune altération. Lorsque la température poursuit sa chute, une seconde vague de cristallisation est détectée. On observe alors qu'un nombre plus important de cellules de la base sont touchées et que ce phénomène s'étend à l'axe du bourgeon. Lorsque la température descend encore, le troisième pic détecté prend une forme arrondie, ce qui traduit une prise en glace progressive, qui gagne de proche en proche l'ensemble des organes du bourgeon primaire. Celui-ci est entièrement détruit. De plus, la base du bourgeon secondaire est, elle aussi, touchée. Ce troisième pic est atteint entre environ 25 et 30°C. Il simule ce qui se passe in situ lors d'une gelée d'hiver.Ces trois pics coexistent jusqu'à mars. Puis, sans qu'aucune modification morphologique ne soit décelable, le bourgeon devient de plus en plus sensible au froid. Ceci se traduit en laboratoire par une détection des cristallisations à des températures de plus en plus hautes. Et dès que la végétation repart, au stade 2 (gonflement du bourgeon), le troisième pic disparaît. Ensuite, entre le stade 3 (bourgeon dans le coton) et le stade 9 (deux à trois feuilles étalées), l'écart de températures entre les deux pics restant s'amenuise pour finalement disparaître. Ces observations corroborent ce que les vignerons connaissent : une remontée du seuil critique de gélivité de - 8°C à - 2,5°C entre le bourgeon dans le coton et le stade 9. Lors des gelées de printemps, contrairement à ce qui peut être observé en hiver, il n'y a pas de phase réversible : dès qu'une cristallisation est détectée, il y a mort du bourgeon. Une coupe longitudinale montre que dès la première prise en glace, les dégâts sont beaucoup plus conséquents et plus étendus que sur un bourgeon d'hiver, avec des tissus désorganisés ou déchirés.Ces changements de comportement ont plusieurs origines : dans le bourgeon latent, les tissus ne sont pas homogènes. A sa base, les cellules, en différenciation, sont plus riches en eau que les autres, donc plus sensibles au froid. En revanche, lorsque la végétation reprend, les cellules reprennent une forte activité et, de ce fait, se réhydratent, devenant ainsi plus sensibles au froid. D'autre part, lorsque le bourgeon croît, ses vaisseaux conducteurs deviennent fonctionnels. Ils peuvent alors propager rapidement la cristallisation. Enfin, la faculté qu'avaient les cellules de développer le phénomène de surfusion (le liquide cellulaire ne cristallise pas à des températures pourtant basses) disparaît. Tout cela explique qu'à partir du stade 5 (pointe verte), tout prend en glace d'un seul coup.Les bourgeons secondaires, moins bien organisés, sont moins sensibles au gel. Des auteurs rapportent qu'ils gèlent à partir de 3°-3,5°C.

Cet article fait partie du dossier

Consultez les autres articles du dossier :

L'essentiel de l'offre

Voir aussi :