La loi viticole de 1907, qui devait résoudre la crise née dans le Languedoc à la suite des replantations postphylloxériques, ne réglait pas la question de la surproduction et surtout pas celle des appellations.
La loi viticole de 1907, qui devait résoudre la crise née dans le Languedoc à la suite des replantations postphylloxériques, ne réglait pas la question de la surproduction et surtout pas celle des appellations.
La question des appellations et donc celle de la délimitation des régions de production agitèrent bien des vignobles. La Champagne connut pendant quelques années une situation difficile car la prospérité ou la misère dépendaient fortement de la possibilité de produire du champagne dans la seule Champagne. On sait que depuis le 1er août 1905, la loi sur la répression des fraudes, très générale dans son contenu, considérait qu'une origine attribuée faussement à un produit pour en faciliter la vente devait être sanctionnée par des amendes ou même des peines d'emprisonnement. A cette époque, il n'était pas rare que des négociants en champagne fassent venir de régions plus ou moins lointaines, donc extérieures à la province, des vins blancs pour les champagniser. Cette pratique n'était pas interdite par la loi mais pénalisait gravement les vignerons locaux, producteurs de raisins puisque les achats extérieurs pesaient sur les prix qu'on leur offrait.Un décret promulgué le 4 janvier 1909 et confirmé par la loi de finances du 6 février 1911 accorda l'appellation champagne aux vins récoltés et manipulés dans les arrondissements de Reims, d'Epernay et de Châlons, dans quelques communes de l'arrondissement de Vitry-le-François ainsi qu'à certaines communes de l'Aisne situées dans les arrondissements de Château-Thierry et de Soissons.Mais, décision grave, l'Aube était totalement exclue, ce qui aboutit à la révolution auboise du printemps 1911, que La Vigne a décrite antérieurement (n° 53, mars 1995).Or, ce qui pénalisait injustement l'Aube ne convenait pas non plus aux vignerons de la Marne. Ils étaient évidemment d'accord pour exclure le département voisin mais ils étaient surtout d'accord pour mener la lutte contre les négociants qu'ils accusaient, souvent à juste titre, de frauder en achetant à l'extérieur de la province. La vendange de 1910 ayant été très médiocre (c'est l'année des grandes inondations), les vignerons de la Marne avaient espéré vendre cher leur raisin mais beaucoup de négociants achetèrent à l'extérieur. Aussi le 16 octobre 1910, la Fédération des syndicats viticoles de la Marne, fondée en 1904, organisa-t-elle à Epernay une réunion dirigée contre la fraude. Celle-ci ne s'arrêtant pas, les vignerons passèrent à l'action et menèrent toute une série de sabotages dans des caves appartenant à des négociants ayant acheté des vins à l'extérieur.Le scénario fut toujours le même : entrés en force dans les caves, quelques dizaines d'individus cassaient les bouteilles sur les pupitres, éventraient les tonneaux, endommageaient le matériel, parfois même pillaient et mettaient le feu aux maisons. Le centre de ce mouvement fut Venteuil et les caves de Damery, d'Hautvillers, de Dizy, d'Ay et d'Epernay eurent à souffrir de ces multiples expéditions. Le mouvement s'exaspéra au cours du mois d'avril 1911 quand le Sénat sembla vouloir revenir sur les délimitations afin de satisfaire l'Aube.Le 11 avril, six caves étaient sabotées à Damery. Le lendemain, les municipalités de Venteuil et de Cumières démissionnaient, cinq mille vignerons marchaient sur Ay, se massaient devant la mairie et défilaient dans les rues derrière le drapeau rouge, les clairons et les tambours. Mais déjà des émeutiers dressaient des barricades pendant que d'autres pénétraient dans les caves de trois importants négociants, éventraient les tonneaux, mettaient le feu aux bâtiments. En l'absence d'ordres précis, les gendarmes n'intervenaient pas. Le lendemain, quinze mille soldats arrivés en renfort quadrillaient le vignoble. Dubois et Lagache, responsables du comité de défense de Venteuil, étaient arrêtés ainsi que quarante-sept autres mutins. Jugés par prudence à Douai, en août 1911, ils étaient acquittés dans le but évident d'apaiser la population et de mettre fin à la jacquerie. D'ailleurs, un décret du 7 juin 1911, mettant l'Aube en seconde zone de production, et un renforcement de la lutte contre la fraude aux achats étrangers calmaient les esprits, en attendant qu'une loi de 1927 reconnaisse enfin les droits de soixante et onze communes de l'Aube à produire du champagne à part entière.
La question des appellations et donc celle de la délimitation des régions de production agitèrent bien des vignobles. La Champagne connut pendant quelques années une situation difficile car la prospérité ou la misère dépendaient fortement de la possibilité de produire du champagne dans la seule Champagne. On sait que depuis le 1er août 1905, la loi sur la répression des fraudes, très générale dans son contenu, considérait qu'une origine attribuée faussement à un produit pour en faciliter la vente devait être sanctionnée par des amendes ou même des peines d'emprisonnement. A cette époque, il n'était pas rare que des négociants en champagne fassent venir de régions plus ou moins lointaines, donc extérieures à la province, des vins blancs pour les champagniser. Cette pratique n'était pas interdite par la loi mais pénalisait gravement les vignerons locaux, producteurs de raisins puisque les achats extérieurs pesaient sur les prix qu'on leur offrait.Un décret promulgué le 4 janvier 1909 et confirmé par la loi de finances du 6 février 1911 accorda l'appellation champagne aux vins récoltés et manipulés dans les arrondissements de Reims, d'Epernay et de Châlons, dans quelques communes de l'arrondissement de Vitry-le-François ainsi qu'à certaines communes de l'Aisne situées dans les arrondissements de Château-Thierry et de Soissons.Mais, décision grave, l'Aube était totalement exclue, ce qui aboutit à la révolution auboise du printemps 1911, que La Vigne a décrite antérieurement (n° 53, mars 1995).Or, ce qui pénalisait injustement l'Aube ne convenait pas non plus aux vignerons de la Marne. Ils étaient évidemment d'accord pour exclure le département voisin mais ils étaient surtout d'accord pour mener la lutte contre les négociants qu'ils accusaient, souvent à juste titre, de frauder en achetant à l'extérieur de la province. La vendange de 1910 ayant été très médiocre (c'est l'année des grandes inondations), les vignerons de la Marne avaient espéré vendre cher leur raisin mais beaucoup de négociants achetèrent à l'extérieur. Aussi le 16 octobre 1910, la Fédération des syndicats viticoles de la Marne, fondée en 1904, organisa-t-elle à Epernay une réunion dirigée contre la fraude. Celle-ci ne s'arrêtant pas, les vignerons passèrent à l'action et menèrent toute une série de sabotages dans des caves appartenant à des négociants ayant acheté des vins à l'extérieur.Le scénario fut toujours le même : entrés en force dans les caves, quelques dizaines d'individus cassaient les bouteilles sur les pupitres, éventraient les tonneaux, endommageaient le matériel, parfois même pillaient et mettaient le feu aux maisons. Le centre de ce mouvement fut Venteuil et les caves de Damery, d'Hautvillers, de Dizy, d'Ay et d'Epernay eurent à souffrir de ces multiples expéditions. Le mouvement s'exaspéra au cours du mois d'avril 1911 quand le Sénat sembla vouloir revenir sur les délimitations afin de satisfaire l'Aube.Le 11 avril, six caves étaient sabotées à Damery. Le lendemain, les municipalités de Venteuil et de Cumières démissionnaient, cinq mille vignerons marchaient sur Ay, se massaient devant la mairie et défilaient dans les rues derrière le drapeau rouge, les clairons et les tambours. Mais déjà des émeutiers dressaient des barricades pendant que d'autres pénétraient dans les caves de trois importants négociants, éventraient les tonneaux, mettaient le feu aux bâtiments. En l'absence d'ordres précis, les gendarmes n'intervenaient pas. Le lendemain, quinze mille soldats arrivés en renfort quadrillaient le vignoble. Dubois et Lagache, responsables du comité de défense de Venteuil, étaient arrêtés ainsi que quarante-sept autres mutins. Jugés par prudence à Douai, en août 1911, ils étaient acquittés dans le but évident d'apaiser la population et de mettre fin à la jacquerie. D'ailleurs, un décret du 7 juin 1911, mettant l'Aube en seconde zone de production, et un renforcement de la lutte contre la fraude aux achats étrangers calmaient les esprits, en attendant qu'une loi de 1927 reconnaisse enfin les droits de soixante et onze communes de l'Aube à produire du champagne à part entière.