Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation reconnaît au propriétaire d'une parcelle le droit de la reprendre une fois plantée à la fin d'un bail, alors qu'il l'avait louée nue et que le preneur l'avait plantée avec des droits qui lui étaient propres.
Dans un arrêt de principe, la Cour de cassation reconnaît au propriétaire d'une parcelle le droit de la reprendre une fois plantée à la fin d'un bail, alors qu'il l'avait louée nue et que le preneur l'avait plantée avec des droits qui lui étaient propres.
Un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 avril 1996, reproduit au bulletin cassation et autres revues juridiques (JCP 97-22 782), a suscité de nombreux commentaires au point qu'il apparaîtrait comme un arrêt de principe. Les faits générateurs du procès sont simples : un propriétaire foncier, n'ayant pas de droits de plantation, est propriétaire de terres classées en appellation champagne. Il va consentir un bail rural sur cette terre à un preneur en mesure d'obtenir des droits de plantation, étant précisé que dans le bail, le preneur s'engageait à maintenir l'exploitation en vignes. Pendant des années, le propriétaire, qui a largement participé aux frais de plantation, perçoit un fermage. Au moment du renouvellement du bail, il demande au tribunal paritaire d'inscrire dans le contrat renouvelé, la clause de reprise sexennale. C'est là que naît le débat. Le locataire soutient que si reprise il y a, elle ne pourra porter que sur la terre nue car il se réserve le droit d'arracher la vigne qu'il a lui-même plantée avec les droits qui lui ont été octroyés. Le tribunal paritaire puis les juges du second degré feront droit à sa demande. La Cour suprême mettra à néant la solution adoptée par la cour d'appel. Il importe de savoir pourquoi et quelles sont les conséquences de l'arrêt rendu. La discussion, même si elle ne ressort pas explicitement des motifs, repose sur des principes tirés du droit civil et du droit vitivinicole. D'abord l'article 551 du code civil : tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, c'est ce qu'on appelle l'accession. Puis l'article 555 du même code : lorsque des plantations ont été faites par un tiers et avec des matériaux lui appartenant sur un fonds dont il n'est pas propriétaire, le véritable propriétaire du bien peut conserver la plantation contre paiement d'une indemnité ou en demander la suppression, étant toutefois observé que la question se pose de l'application de cet article 555 aux rapports entre bailleur et preneur. La législation communautaire et nationale en matière viticole autorise, sous certaines conditions, les transferts de droit de replantation provenant d'une superficie équivalente d'une exploitation à l'autre et surtout prévoit que les droits de replantation de vignes peuvent être transférés, en fin de bail rural, du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds de laquelle ils ont été exercés si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds (article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 modifié). De ce texte, il semble résulter que le preneur peut faire obstacle à l'accession en arrachant les vignes avant son départ pour conserver les droits de plantation utilisés. Dans l'espèce, le preneur entendait se réserver le droit d'arrachage si la reprise sexennale était opérée. C'est pourquoi il soutenait qu'elle devait être considérée comme s'exerçant sur des terres nues. La cour d'appel affirmera que les droits de plantation doivent être considérés comme ayant un caractère mobilier appartenant à l'exploitant, en considérant la personne à laquelle ils ont été accordés. Réfutant la théorie de l'accession, elle distinguera entre les vignes incorporées au sol et le droit de les exploiter, indépendant de l'immeuble et le bailleur n'étant pas juridiquement apte à utiliser les droits de plantation et surtout, le preneur peut opter pour les conserver en se faisant autoriser par justice à procéder, à ses frais, à l'arrachage. En une phrase lapidaire, la Cour de cassation intervient ' qu'en statuant ainsi alors que les droits de plantation et de replantation sont attachés à l'exploitation viticole, la cour d'appel a violé les articles L 411-6 et L 411-58 du code rural ', étant observé que ces deux articles cités ont trait à la reprise sexennale ou en fin de bail... Si la doctrine (Franck Roussel, JCP 97-22 782) approuve la solution, on est en droit de se poser une question : eu égard à la rédaction de l'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953, le transfert des droits de plantation au propriétaire n'a lieu que si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds. Il est bien beau de dire que les droits de plantation sont attachés au fonds comme en matière de quotas betteraviers ou laitiers; il faut tenir compte de la législation vitivinicole qui permet au preneur de reprendre ses droits en arrachant. Parfaitement correcte sur le plan du droit civil, la solution ne se heurte-t-elle pas à l'article 35-1 du décret que la Cour de cassation n'a du reste pas visé dans son arrêt? Pour parfaire la portée de la décision rendue, ne faudrait-il pas prévoir dans le bail une clause aux termes de laquelle le preneur s'interdirait d'arracher les vignes? Dans ce cadre, la solution préconisée par la Cour de cassation serait plus logique. Il restera le problème de l'indemnisation; certes, en application des articles L 411-69 et suivants du code rural, le preneur devra être indemnisé pour la réalisation de la plantation; en revanche, l'incorporation du droit de plantation à la propriété n'a-t-il pas une valeur vénale indemnisable? Dans la chronique précitée, M. Roussel ne le pense pas. Ainsi, à l'issue du bail, les plantations deviendront-elles propriété du bailleur à condition, semble-t-il, que le bail ne soit pas fictif et c'est le problème soulevé par l'Inao ayant donné lieu au contentieux qu'on connaît. (Référence : cassation, 17 avril 1996, BC 96-III n° 105)
Un arrêt rendu par la troisième chambre civile de la Cour de cassation le 17 avril 1996, reproduit au bulletin cassation et autres revues juridiques (JCP 97-22 782), a suscité de nombreux commentaires au point qu'il apparaîtrait comme un arrêt de principe. Les faits générateurs du procès sont simples : un propriétaire foncier, n'ayant pas de droits de plantation, est propriétaire de terres classées en appellation champagne. Il va consentir un bail rural sur cette terre à un preneur en mesure d'obtenir des droits de plantation, étant précisé que dans le bail, le preneur s'engageait à maintenir l'exploitation en vignes. Pendant des années, le propriétaire, qui a largement participé aux frais de plantation, perçoit un fermage. Au moment du renouvellement du bail, il demande au tribunal paritaire d'inscrire dans le contrat renouvelé, la clause de reprise sexennale. C'est là que naît le débat. Le locataire soutient que si reprise il y a, elle ne pourra porter que sur la terre nue car il se réserve le droit d'arracher la vigne qu'il a lui-même plantée avec les droits qui lui ont été octroyés. Le tribunal paritaire puis les juges du second degré feront droit à sa demande. La Cour suprême mettra à néant la solution adoptée par la cour d'appel. Il importe de savoir pourquoi et quelles sont les conséquences de l'arrêt rendu. La discussion, même si elle ne ressort pas explicitement des motifs, repose sur des principes tirés du droit civil et du droit vitivinicole. D'abord l'article 551 du code civil : tout ce qui s'unit et s'incorpore à la chose appartient au propriétaire, c'est ce qu'on appelle l'accession. Puis l'article 555 du même code : lorsque des plantations ont été faites par un tiers et avec des matériaux lui appartenant sur un fonds dont il n'est pas propriétaire, le véritable propriétaire du bien peut conserver la plantation contre paiement d'une indemnité ou en demander la suppression, étant toutefois observé que la question se pose de l'application de cet article 555 aux rapports entre bailleur et preneur. La législation communautaire et nationale en matière viticole autorise, sous certaines conditions, les transferts de droit de replantation provenant d'une superficie équivalente d'une exploitation à l'autre et surtout prévoit que les droits de replantation de vignes peuvent être transférés, en fin de bail rural, du preneur au propriétaire de l'exploitation sur le fonds de laquelle ils ont été exercés si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds (article 35-2 du décret du 30 septembre 1953 modifié). De ce texte, il semble résulter que le preneur peut faire obstacle à l'accession en arrachant les vignes avant son départ pour conserver les droits de plantation utilisés. Dans l'espèce, le preneur entendait se réserver le droit d'arrachage si la reprise sexennale était opérée. C'est pourquoi il soutenait qu'elle devait être considérée comme s'exerçant sur des terres nues. La cour d'appel affirmera que les droits de plantation doivent être considérés comme ayant un caractère mobilier appartenant à l'exploitant, en considérant la personne à laquelle ils ont été accordés. Réfutant la théorie de l'accession, elle distinguera entre les vignes incorporées au sol et le droit de les exploiter, indépendant de l'immeuble et le bailleur n'étant pas juridiquement apte à utiliser les droits de plantation et surtout, le preneur peut opter pour les conserver en se faisant autoriser par justice à procéder, à ses frais, à l'arrachage. En une phrase lapidaire, la Cour de cassation intervient ' qu'en statuant ainsi alors que les droits de plantation et de replantation sont attachés à l'exploitation viticole, la cour d'appel a violé les articles L 411-6 et L 411-58 du code rural ', étant observé que ces deux articles cités ont trait à la reprise sexennale ou en fin de bail... Si la doctrine (Franck Roussel, JCP 97-22 782) approuve la solution, on est en droit de se poser une question : eu égard à la rédaction de l'article 35-2 du décret du 30 septembre 1953, le transfert des droits de plantation au propriétaire n'a lieu que si le preneur n'a pas procédé à l'arrachage de la vigne avant la restitution du fonds. Il est bien beau de dire que les droits de plantation sont attachés au fonds comme en matière de quotas betteraviers ou laitiers; il faut tenir compte de la législation vitivinicole qui permet au preneur de reprendre ses droits en arrachant. Parfaitement correcte sur le plan du droit civil, la solution ne se heurte-t-elle pas à l'article 35-1 du décret que la Cour de cassation n'a du reste pas visé dans son arrêt? Pour parfaire la portée de la décision rendue, ne faudrait-il pas prévoir dans le bail une clause aux termes de laquelle le preneur s'interdirait d'arracher les vignes? Dans ce cadre, la solution préconisée par la Cour de cassation serait plus logique. Il restera le problème de l'indemnisation; certes, en application des articles L 411-69 et suivants du code rural, le preneur devra être indemnisé pour la réalisation de la plantation; en revanche, l'incorporation du droit de plantation à la propriété n'a-t-il pas une valeur vénale indemnisable? Dans la chronique précitée, M. Roussel ne le pense pas. Ainsi, à l'issue du bail, les plantations deviendront-elles propriété du bailleur à condition, semble-t-il, que le bail ne soit pas fictif et c'est le problème soulevé par l'Inao ayant donné lieu au contentieux qu'on connaît. (Référence : cassation, 17 avril 1996, BC 96-III n° 105)