La typicité existe : les chardonnays bourguignons ne ressemblent pas aux autres chardonnays; le gewurztraminer s'exprime plus ou moins selon le terroir. Derrière ces constats, il y a des composés volatils, variables en qualité et en quantité d'un vin à l'autre.
La typicité existe : les chardonnays bourguignons ne ressemblent pas aux autres chardonnays; le gewurztraminer s'exprime plus ou moins selon le terroir. Derrière ces constats, il y a des composés volatils, variables en qualité et en quantité d'un vin à l'autre.
On connaît un peu plus de chose aujourd'hui sur ce qui fait l'arôme d'un cabernet sauvignon, des muscats, du vin jaune ou encore du sauvignon. Mais rien ne permet encore de dire ce qui contribue à la typicité des pinots noirs ou des chardonnays bourguignons. L'Inra de Dijon s'y attelle depuis quelques années. Son but est de trouver dans le bouquet de ces vins, des composés volatils, baptisés composés d'impact, ayant un rôle déterminant : des marqueurs en quelque sorte. Dans un premier temps, des professionnels ont dégusté vingt-trois chardonnays bourguignons de 1989, issus de différentes appellations, en se cantonnant à cinq descriptifs par vin et en évaluant leur typicité. Tout cela a permis d'établir une liste de seize descripteurs les mieux associés aux vins jugés représentatifs : miel, vanille, pain grillé, beurre frais, boisé, floral, noisette, citron, acacia, amande grillée, écorce d'orange, amande amère, épicé, menthe, café et réglisse. Puis les vins jugés les plus représentatifs ont été soumis à une analyse olfactométrique. Grâce à elle, dix-huit odeurs ont pu être classées selon leur impact olfactif décroissant et les composés chimiques responsables de ces odeurs, à une exception près (la note miel), ont été identifiés. Dans cette liste, les chercheurs n'ont retenu que les composés les plus originaux : le cinnamate d'éthyle, décrit comme donnant des odeurs de noyaux de cerises, de fruits rouges, le maltol qui rappelle le caramel, le cyclotène évoquant le curry, la réglisse ou le grillé, le guaiacol avec des notes fumé et mentholé, et enfin une pyranone (sucre brûlé). Ces cinq molécules, susceptibles d'être des composés d'impact, ont permis d'entreprendre l'étape suivante : l'analyse sensorielle. Elle a nécessité une sélection rigoureuse de dégustateurs et surtout leur entraînement. Les jurés sélectionnés ont été entraînés à décrire les molécules choisies dans des milieux plus ou moins complexes et à s'entendre sur les termes employés pour caractériser les arômes qu'elles génèrent. Une fois cet étalonnage terminé, vingt-huit bourgognes blancs de 1991, issus de différentes zones de production, ont été dégustés par ce jury particulier, exercé à reconnaître quelques molécules, avec en tête une vingtaine de descripteurs-consensus. Les composés d'impact ont bel et bien été détectés dans les vins car chaque échantillon a pu être associé à au moins l'un des descripteurs-consensus. Restait à savoir ce que révélait l'analyse instrumentale : il s'avère que là où le couple vin-descripteur est clairement établi à la dégustation, la teneur en la molécule correspondant à ce descripteur est la plus importante. La boucle est bouclée? Pas encore : ' Il faut maintenant chiffrer ces corrélations, explique prudemment Yves Le Fur, à l'Inra de Dijon. Le fumé par exemple peut être associé à autre chose que le guaiacol. ' Cependant, ces premiers résultats permettent d'être optimiste. S'il est confirmé que ces molécules constituent bien des composés d'impact, il restera à savoir comment et quand elles apparaissent. Les questionnaires remplis par les vignerons ayant fournis les échantillons laissent penser que le guaiacol, le cyclotène et le maltol seraient plutôt associés aux conditions d'élevage, comme l'utilisation de fûts neufs par exemple. Une démarche identique sur le pinot noir a permis de lister vingt termes pertinents pour le décrire : kirsch-noyau, cerise, fraise, cassis, groseille, mûre, framboise, pruneau, café torréfié, fumé, grillé, brûlé, bois, animal, cuir, herbe coupée, sous-bois, cannelle, poivre, vanille, caramel. Lors de l'analyse sensorielle d'un échantillonnage de trente vins de pinot noir de Bourgogne, venant de neuf maisons différentes, il apparaît que les vins issus d'un même propriétaire, pourtant d'appellations différentes, sont décrits avec des termes empruntés à la même famille aromatique : certains apparaissent plus fruités, d'autres plus animaux, plus boisés ou plus végétaux. Quatre molécules, retenues comme pouvant avoir un impact olfactif prépondérant, ont été dosées dans ce même échantillonnage (éthyl dihydrocinnamate, éthyl cinnamate, méthyl anthranilate, éthyl anthranilate). Comme en analyse sensorielle, ce dosage révèle un effet propriétaire prépondérant. ' On a trouvé des marqueurs du style du vigneron ', conclut Victoire Aubry, de l'Inra de Dijon. Ces résultats soulignent l'importance des choix techniques du vinificateur. A l'Inra de Dijon, les travaux se poursuivent. Les chercheurs de l'Inra de Colmar ont une démarche un peu similaire mais à une autre échelle. Les terroirs alsaciens, pris au sens milieu naturel, donnent des vins différents; ce constat est établi depuis longtemps. Les chercheurs ont tenté de corréler un terroir à un groupe de constituants chimiques. ' Il y a de très bons vins partout dans le monde, explique Alex Schaeffer, de l'Inra de Colmar. Or, le consommateur ne cherche pas l'uniformité mais la diversité. Ce qu'il faut essayer d'exalter, c'est le caractère original et exploiter le potentiel de chaque terroir au maximum. ' Pour cela, encore faut-il savoir comment ces différences entre terroirs se traduisent chimiquement. Pour y parvenir, les chercheurs ont choisi de travailler sur un clone de gewurztraminer, cultivé et vinifié selon le même protocole, vendangé à la même date mais provenant de cinq milieux différents. A la dégustation, les vins se différencient bien. L'analyse instrumentale révèle que qualitativement, les molécules retrouvées dont beaucoup d'alcool terpéniques (géraniol, citronellol...), sont les mêmes. Cependant, leur concentration fluctue d'un terroir à l'autre et ces variations sont bien corrélées avec les informations fournies par l'analyse sensorielle. ' Cela permet de montrer de façon objective qu'en Alsace, il y a un effet terroir, chaque terroir permettant plus ou moins au gewurztraminer de s'exprimer, explique Nicole Dirninger, à l'Inra de Colmar. A terme, ce qu'on souhaite, c'est augmenter la masse des connaissances pour aider le vigneron à tirer le meilleur parti de son terroir en optimisant l'encépagement par l'adaptation du tandem cépage-terroir en fonction du type de vin qu'il désire élaborer. ' Des études sont en cours également dans la vallée du Rhône, en collaboration avec l'Inra de Montpellier, pour évaluer si la quantité et la qualité des caroténoïdes que renferment les raisins de syrah ne pourraient pas être corrélées à la notion de terroir.
On connaît un peu plus de chose aujourd'hui sur ce qui fait l'arôme d'un cabernet sauvignon, des muscats, du vin jaune ou encore du sauvignon. Mais rien ne permet encore de dire ce qui contribue à la typicité des pinots noirs ou des chardonnays bourguignons. L'Inra de Dijon s'y attelle depuis quelques années. Son but est de trouver dans le bouquet de ces vins, des composés volatils, baptisés composés d'impact, ayant un rôle déterminant : des marqueurs en quelque sorte. Dans un premier temps, des professionnels ont dégusté vingt-trois chardonnays bourguignons de 1989, issus de différentes appellations, en se cantonnant à cinq descriptifs par vin et en évaluant leur typicité. Tout cela a permis d'établir une liste de seize descripteurs les mieux associés aux vins jugés représentatifs : miel, vanille, pain grillé, beurre frais, boisé, floral, noisette, citron, acacia, amande grillée, écorce d'orange, amande amère, épicé, menthe, café et réglisse. Puis les vins jugés les plus représentatifs ont été soumis à une analyse olfactométrique. Grâce à elle, dix-huit odeurs ont pu être classées selon leur impact olfactif décroissant et les composés chimiques responsables de ces odeurs, à une exception près (la note miel), ont été identifiés. Dans cette liste, les chercheurs n'ont retenu que les composés les plus originaux : le cinnamate d'éthyle, décrit comme donnant des odeurs de noyaux de cerises, de fruits rouges, le maltol qui rappelle le caramel, le cyclotène évoquant le curry, la réglisse ou le grillé, le guaiacol avec des notes fumé et mentholé, et enfin une pyranone (sucre brûlé). Ces cinq molécules, susceptibles d'être des composés d'impact, ont permis d'entreprendre l'étape suivante : l'analyse sensorielle. Elle a nécessité une sélection rigoureuse de dégustateurs et surtout leur entraînement. Les jurés sélectionnés ont été entraînés à décrire les molécules choisies dans des milieux plus ou moins complexes et à s'entendre sur les termes employés pour caractériser les arômes qu'elles génèrent. Une fois cet étalonnage terminé, vingt-huit bourgognes blancs de 1991, issus de différentes zones de production, ont été dégustés par ce jury particulier, exercé à reconnaître quelques molécules, avec en tête une vingtaine de descripteurs-consensus. Les composés d'impact ont bel et bien été détectés dans les vins car chaque échantillon a pu être associé à au moins l'un des descripteurs-consensus. Restait à savoir ce que révélait l'analyse instrumentale : il s'avère que là où le couple vin-descripteur est clairement établi à la dégustation, la teneur en la molécule correspondant à ce descripteur est la plus importante. La boucle est bouclée? Pas encore : ' Il faut maintenant chiffrer ces corrélations, explique prudemment Yves Le Fur, à l'Inra de Dijon. Le fumé par exemple peut être associé à autre chose que le guaiacol. ' Cependant, ces premiers résultats permettent d'être optimiste. S'il est confirmé que ces molécules constituent bien des composés d'impact, il restera à savoir comment et quand elles apparaissent. Les questionnaires remplis par les vignerons ayant fournis les échantillons laissent penser que le guaiacol, le cyclotène et le maltol seraient plutôt associés aux conditions d'élevage, comme l'utilisation de fûts neufs par exemple. Une démarche identique sur le pinot noir a permis de lister vingt termes pertinents pour le décrire : kirsch-noyau, cerise, fraise, cassis, groseille, mûre, framboise, pruneau, café torréfié, fumé, grillé, brûlé, bois, animal, cuir, herbe coupée, sous-bois, cannelle, poivre, vanille, caramel. Lors de l'analyse sensorielle d'un échantillonnage de trente vins de pinot noir de Bourgogne, venant de neuf maisons différentes, il apparaît que les vins issus d'un même propriétaire, pourtant d'appellations différentes, sont décrits avec des termes empruntés à la même famille aromatique : certains apparaissent plus fruités, d'autres plus animaux, plus boisés ou plus végétaux. Quatre molécules, retenues comme pouvant avoir un impact olfactif prépondérant, ont été dosées dans ce même échantillonnage (éthyl dihydrocinnamate, éthyl cinnamate, méthyl anthranilate, éthyl anthranilate). Comme en analyse sensorielle, ce dosage révèle un effet propriétaire prépondérant. ' On a trouvé des marqueurs du style du vigneron ', conclut Victoire Aubry, de l'Inra de Dijon. Ces résultats soulignent l'importance des choix techniques du vinificateur. A l'Inra de Dijon, les travaux se poursuivent. Les chercheurs de l'Inra de Colmar ont une démarche un peu similaire mais à une autre échelle. Les terroirs alsaciens, pris au sens milieu naturel, donnent des vins différents; ce constat est établi depuis longtemps. Les chercheurs ont tenté de corréler un terroir à un groupe de constituants chimiques. ' Il y a de très bons vins partout dans le monde, explique Alex Schaeffer, de l'Inra de Colmar. Or, le consommateur ne cherche pas l'uniformité mais la diversité. Ce qu'il faut essayer d'exalter, c'est le caractère original et exploiter le potentiel de chaque terroir au maximum. ' Pour cela, encore faut-il savoir comment ces différences entre terroirs se traduisent chimiquement. Pour y parvenir, les chercheurs ont choisi de travailler sur un clone de gewurztraminer, cultivé et vinifié selon le même protocole, vendangé à la même date mais provenant de cinq milieux différents. A la dégustation, les vins se différencient bien. L'analyse instrumentale révèle que qualitativement, les molécules retrouvées dont beaucoup d'alcool terpéniques (géraniol, citronellol...), sont les mêmes. Cependant, leur concentration fluctue d'un terroir à l'autre et ces variations sont bien corrélées avec les informations fournies par l'analyse sensorielle. ' Cela permet de montrer de façon objective qu'en Alsace, il y a un effet terroir, chaque terroir permettant plus ou moins au gewurztraminer de s'exprimer, explique Nicole Dirninger, à l'Inra de Colmar. A terme, ce qu'on souhaite, c'est augmenter la masse des connaissances pour aider le vigneron à tirer le meilleur parti de son terroir en optimisant l'encépagement par l'adaptation du tandem cépage-terroir en fonction du type de vin qu'il désire élaborer. ' Des études sont en cours également dans la vallée du Rhône, en collaboration avec l'Inra de Montpellier, pour évaluer si la quantité et la qualité des caroténoïdes que renferment les raisins de syrah ne pourraient pas être corrélées à la notion de terroir.