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Encore fragmentaire, la connaissance des arômes progresse

La vigne - n°79 - juillet 1997 - page 0

L'évolution des techniques d'analyse permet d'accroître peu à peu la connaissance des arômes, même si celle-ci reste encore fragmentaire. On peut alors remonter la piste et voir comment et quand cet arôme apparaît, ce qui peut l'exalter ou ce qui peut lui nuire.

L'évolution des techniques d'analyse permet d'accroître peu à peu la connaissance des arômes, même si celle-ci reste encore fragmentaire. On peut alors remonter la piste et voir comment et quand cet arôme apparaît, ce qui peut l'exalter ou ce qui peut lui nuire.

Mieux connaître les arômes des vins et leurs précurseurs ne peut être que bénéfique à la qualité des vins. Ces éléments pourront permettre de mieux guider les vignerons dans leurs choix techniques. Les connaissances actuelles ne sont encore que fragmentaires mais elles se sont étoffées ces dernières années et permettent déjà de donner des conseils simples aux producteurs.On scinde généralement les arômes en trois catégories. La première naît entre la récolte et le stade fermentaire. Ce sont les composantes variétales et préfermentaires. Puis naissent les arômes fermentaires sous l'action des micro-organismes. La dernière composante, postfermentaire, apparaît au cours du vieillissement du vin.Les premières études ont porté sur les composantes variétales des cépages muscatés. L'Inra de Montpellier a travaillé sur les dérivés terpéniques responsables des arômes des muscats. Présents en quantité importante dans ces cépages, ils représentaient un objet d'études plus aisé. Cependant, ces composés terpéniques peuvent aussi se trouver en quantité suffisante pour participer à l'arôme du gewurztraminer, du riesling, de la muscadelle...On s'est aussi beaucoup penché sur les nor-isoprénoïdes à treize atomes de carbone, les C13-nor-isoprénoïdes, dérivés des caroténoïdes des raisins. Ces molécules, vu leur seuil de perception et leur concentration dans le vin, interviennent sans doute dans le bouquet final. Elles peuvent donner naissance à la bêta-ionone, aux notes de violette, la bêta-damascénone, évoquant les fruits exotiques, le TDN, à odeur de pétrole, qu'on retrouve parfois dans de vieux rieslings... Ces composés jouent sans doute un rôle important dans les vins de syrah.Les méthoxypyrazines et notamment l'isobutylméthoxypyrazine contribuent à l'arôme de poivron vert des vins de cabernet sauvignon. Cette famille de composés se retrouve dans le sauvignon et le cabernet franc; des chercheurs l'ont également décelée dans d'autres cépages mais à des teneurs plus faibles.Les mercaptans, composés soufrés, ont dans l'esprit des vinificateurs une connotation plutôt négative. Cependant, les chercheurs de la faculté d'oenologie de Bordeaux ont montré que certaines molécules soufrées jouaient un rôle important et positif dans l'arôme des vins de sauvignon : il s'agit notamment de la mercaptopentanone (4- mercapto-4-méthylpentan- 2-one) qui possède une odeur marquée de buis et de genêt. Des résultats récents ont montré que d'autres thiols volatils participaient à l'arôme des vins de sauvignon : le 3-mercaptohexanol et son acétate, ainsi que le 4 mer- capto-4-méthylpentan-2-ol. L'acétate apporte des arômes de fruits de la passion et de buis alors que le 3-mercapto- héxanol rappelle à la fois cette molécule et la 4 MMP. La dernière molécule évoque des notes de zestes d'agrumes.Toutes ces familles d'arômes, qui contribuent à la typicité et à la qualité des vins, ne sont pas forcément perçus dans le raisin. L'isobutyl-méthoxypyrazine est déjà présente à l'état libre dans les raisins de cabernet sauvignon et les muscats renferment également des monoterpènes à l'état libre. Mais beaucoup de Vitis vinifera donnent en revanche des raisins peu expressifs et qui, pourtant, après la vinification ou l'élevage libèrent des arômes.Beaucoup de composés volatils sont en fait liés à une molécule dans le raisin, donc inodores. Des réactions chimiques ou enzymatiques, dans lesquelles la levure joue parfois un rôle important, permettent par la suite de révéler les arômes. Très souvent, la part d'arôme sous forme de précurseurs est supérieure à la part d'arôme libre. Les chercheurs de l'Inra de Montpellier avaient découvert que les monoterpènes étaient également présents dans le raisin de muscat sous forme de précurseurs, liés à des sucres pour former des glycosides. Les monoterpènes ne sont pas les seuls ainsi accrochés à des sucres : de nombreux C13-no- risoprénoïdes sont dans le même cas. Il existe aussi dans le raisin des dérivés alcooliques liés à des sucres comme des phényl-éthanols donnant des notes de rose, des alcools benzyliques... Ces composés volatils sont également produits par la levure. Il existe enfin des glycosides de phénols qui peuvent donner naissance à des composés tels que la vanilline. Les précurseurs des arômes du sauvignon n'ont pas en revanche une structure glycosidique. Ils appartiennent à la famille chimique des S-conjugués de la cystéine et l'intervention de la levure permet de révéler plus ou moins les thiols volatils.Ces précurseurs d'arômes peuvent coexister mais dans des proportions bien différentes. Au cours de sa thèse, Raymonde Baltenweck a travaillé sur les précurseurs présents sous forme glycosidique dans des vins de gewurztraminer, de riesling et de tokay-pinot gris. Les vins de gewurztraminer s'avèrent être les plus riches en précurseurs d'arômes et notamment en composés monoterpéniques. Le riesling se différencie des deux autres par la présence relativement plus importante de glycosides de norisoprénoïdes alors que le pinot gris montre une faible teneur en précurseurs de monoterpénols. Raymonde Baltenweck aimerait maintenant évaluer le rôle des composés soufrés dans le bouquet des vins alsaciens.La levure ne se contente pas de transformer le sucre en alcool et de participer à la révélation des arômes liés mais elle confère aussi à tous les vins une base vineuse et produit un tas de composés. Elle entraîne par exemple la formation d'esters pouvant donner des arômes fruités ou floraux, ou d'alcools supérieurs qui, responsables parfois de certaines odeurs herbacées, n'ont pas forcément bonne réputation. L'intervention de la levure peut également entraîner la formation de dérivés soufrés qui ne sont pas tous aussi intéressants que les thiols volatils du sauvignon.Certains acides phénols peuvent aussi, avec l'intervention du système enzymatique de la levure, donner naissance à des phénols volatils : le vinyl-4-phénol et le vinyl-4-gaïacol. Selon leurs concentrations, ces molécules apportent un plus aux vins blancs ou les déprécient en leur conférant des arômes pharmaceutiques. Les acides phénols existent essentiellement sous forme d'esters d'acide tartrique dans le raisin, une première réaction est nécessaire pour les libérer. Certaines activités secondaires présentes dans les préparations enzymatiques favorisaient cette première étape, les fabricants de produits oenologiques semblent aujourd'hui faire davantage attention à cela. La seconde étape, qui permet de passer des acides phénols aux phénols volatils, nécessite l'intervention d'une enzyme de la levure et ne peut avoir lieu qu'en vinification en blanc, cette activité enzymatique étant inhibée par certains tanins du raisin rouge. La souche de levure peut donc plus ou moins favoriser cette seconde étape.Les mêmes acides phénols, avec l'intervention de levures de contamination des vins rouges du genre Brettanomyces, donner naissance à des éthylphénols, conférant aux vins des odeurs de sueur de cheval, caractéristiques du défaut phénolé des vins rouges.On avait longtemps supposé que les bactéries lactiques étaient à l'origine de ce défaut mais elles semblent avoir peu d'incidence. ' On ne connaît encore que peu de choses quant à l'intervention des bactéries lactiques sur les arômes, explique Raymond Baumes, à l'Inra de Montpellier. Cependant, celle-ci semble rester assez discrète. 'Certains arômes herbacés apparaissent au cours des opérations préfermentaires : des acides gras du raisin peuvent être transformés en composés à six atomes de carbone : hexanal, hexenal, et les alcools correspondants : hexanol, hexenol. Ces molécules génèrent des odeurs végétales d'herbe coupée. Pour limiter leurs apparitions, il faut éviter les oxydations et ne pas poursuivre trop loin les pressées.Des arômes enfin peuvent apparaître au cours de la conservation des vins. C'est le cas du sotolon qui naît au cours de l'élevage très particulier des vins jaunes du Jura, leur apportant des notes de noix verte et de curry. Sa production résulte d'une réaction purement chimique entre l'éthanal et un acide produit par les levures de voile. Ce sotolon n'est donc pas spécifique du cépage.Les chercheurs de la faculté d'oenologie de Bordeaux se sont penchés sur les arômes grillés ou de viande rôtie qui peuvent se retrouver dans des vins de sauvignon ou de sémillon du Bordelais, notamment lorsqu'ils sont élevés en conditions réductrices (sur lies) mais aussi dans des vins rouges. Des composés soufrés sont à l'origine de ces notes positives : deux acétates de mercaptoalcool pour les vins blancs (acétates de 2-mercaptoéthanol et de 3-mercaptopropanol) alors que l'acide 3-méthylthiopro- pionique intervient dans le caractère grillé des vins rouges. Ces nuances rôties et grillées sont renforcées par un élevage sous bois. Les composés volatils participant au bouquet final du vin n'ont pas fini de dévoiler leurs secrets, loin s'en faut. Ils sont de plus en perpétuelle évolution et se modifient avec le temps.

Mieux connaître les arômes des vins et leurs précurseurs ne peut être que bénéfique à la qualité des vins. Ces éléments pourront permettre de mieux guider les vignerons dans leurs choix techniques. Les connaissances actuelles ne sont encore que fragmentaires mais elles se sont étoffées ces dernières années et permettent déjà de donner des conseils simples aux producteurs.On scinde généralement les arômes en trois catégories. La première naît entre la récolte et le stade fermentaire. Ce sont les composantes variétales et préfermentaires. Puis naissent les arômes fermentaires sous l'action des micro-organismes. La dernière composante, postfermentaire, apparaît au cours du vieillissement du vin.Les premières études ont porté sur les composantes variétales des cépages muscatés. L'Inra de Montpellier a travaillé sur les dérivés terpéniques responsables des arômes des muscats. Présents en quantité importante dans ces cépages, ils représentaient un objet d'études plus aisé. Cependant, ces composés terpéniques peuvent aussi se trouver en quantité suffisante pour participer à l'arôme du gewurztraminer, du riesling, de la muscadelle...On s'est aussi beaucoup penché sur les nor-isoprénoïdes à treize atomes de carbone, les C13-nor-isoprénoïdes, dérivés des caroténoïdes des raisins. Ces molécules, vu leur seuil de perception et leur concentration dans le vin, interviennent sans doute dans le bouquet final. Elles peuvent donner naissance à la bêta-ionone, aux notes de violette, la bêta-damascénone, évoquant les fruits exotiques, le TDN, à odeur de pétrole, qu'on retrouve parfois dans de vieux rieslings... Ces composés jouent sans doute un rôle important dans les vins de syrah.Les méthoxypyrazines et notamment l'isobutylméthoxypyrazine contribuent à l'arôme de poivron vert des vins de cabernet sauvignon. Cette famille de composés se retrouve dans le sauvignon et le cabernet franc; des chercheurs l'ont également décelée dans d'autres cépages mais à des teneurs plus faibles.Les mercaptans, composés soufrés, ont dans l'esprit des vinificateurs une connotation plutôt négative. Cependant, les chercheurs de la faculté d'oenologie de Bordeaux ont montré que certaines molécules soufrées jouaient un rôle important et positif dans l'arôme des vins de sauvignon : il s'agit notamment de la mercaptopentanone (4- mercapto-4-méthylpentan- 2-one) qui possède une odeur marquée de buis et de genêt. Des résultats récents ont montré que d'autres thiols volatils participaient à l'arôme des vins de sauvignon : le 3-mercaptohexanol et son acétate, ainsi que le 4 mer- capto-4-méthylpentan-2-ol. L'acétate apporte des arômes de fruits de la passion et de buis alors que le 3-mercapto- héxanol rappelle à la fois cette molécule et la 4 MMP. La dernière molécule évoque des notes de zestes d'agrumes.Toutes ces familles d'arômes, qui contribuent à la typicité et à la qualité des vins, ne sont pas forcément perçus dans le raisin. L'isobutyl-méthoxypyrazine est déjà présente à l'état libre dans les raisins de cabernet sauvignon et les muscats renferment également des monoterpènes à l'état libre. Mais beaucoup de Vitis vinifera donnent en revanche des raisins peu expressifs et qui, pourtant, après la vinification ou l'élevage libèrent des arômes.Beaucoup de composés volatils sont en fait liés à une molécule dans le raisin, donc inodores. Des réactions chimiques ou enzymatiques, dans lesquelles la levure joue parfois un rôle important, permettent par la suite de révéler les arômes. Très souvent, la part d'arôme sous forme de précurseurs est supérieure à la part d'arôme libre. Les chercheurs de l'Inra de Montpellier avaient découvert que les monoterpènes étaient également présents dans le raisin de muscat sous forme de précurseurs, liés à des sucres pour former des glycosides. Les monoterpènes ne sont pas les seuls ainsi accrochés à des sucres : de nombreux C13-no- risoprénoïdes sont dans le même cas. Il existe aussi dans le raisin des dérivés alcooliques liés à des sucres comme des phényl-éthanols donnant des notes de rose, des alcools benzyliques... Ces composés volatils sont également produits par la levure. Il existe enfin des glycosides de phénols qui peuvent donner naissance à des composés tels que la vanilline. Les précurseurs des arômes du sauvignon n'ont pas en revanche une structure glycosidique. Ils appartiennent à la famille chimique des S-conjugués de la cystéine et l'intervention de la levure permet de révéler plus ou moins les thiols volatils.Ces précurseurs d'arômes peuvent coexister mais dans des proportions bien différentes. Au cours de sa thèse, Raymonde Baltenweck a travaillé sur les précurseurs présents sous forme glycosidique dans des vins de gewurztraminer, de riesling et de tokay-pinot gris. Les vins de gewurztraminer s'avèrent être les plus riches en précurseurs d'arômes et notamment en composés monoterpéniques. Le riesling se différencie des deux autres par la présence relativement plus importante de glycosides de norisoprénoïdes alors que le pinot gris montre une faible teneur en précurseurs de monoterpénols. Raymonde Baltenweck aimerait maintenant évaluer le rôle des composés soufrés dans le bouquet des vins alsaciens.La levure ne se contente pas de transformer le sucre en alcool et de participer à la révélation des arômes liés mais elle confère aussi à tous les vins une base vineuse et produit un tas de composés. Elle entraîne par exemple la formation d'esters pouvant donner des arômes fruités ou floraux, ou d'alcools supérieurs qui, responsables parfois de certaines odeurs herbacées, n'ont pas forcément bonne réputation. L'intervention de la levure peut également entraîner la formation de dérivés soufrés qui ne sont pas tous aussi intéressants que les thiols volatils du sauvignon.Certains acides phénols peuvent aussi, avec l'intervention du système enzymatique de la levure, donner naissance à des phénols volatils : le vinyl-4-phénol et le vinyl-4-gaïacol. Selon leurs concentrations, ces molécules apportent un plus aux vins blancs ou les déprécient en leur conférant des arômes pharmaceutiques. Les acides phénols existent essentiellement sous forme d'esters d'acide tartrique dans le raisin, une première réaction est nécessaire pour les libérer. Certaines activités secondaires présentes dans les préparations enzymatiques favorisaient cette première étape, les fabricants de produits oenologiques semblent aujourd'hui faire davantage attention à cela. La seconde étape, qui permet de passer des acides phénols aux phénols volatils, nécessite l'intervention d'une enzyme de la levure et ne peut avoir lieu qu'en vinification en blanc, cette activité enzymatique étant inhibée par certains tanins du raisin rouge. La souche de levure peut donc plus ou moins favoriser cette seconde étape.Les mêmes acides phénols, avec l'intervention de levures de contamination des vins rouges du genre Brettanomyces, donner naissance à des éthylphénols, conférant aux vins des odeurs de sueur de cheval, caractéristiques du défaut phénolé des vins rouges.On avait longtemps supposé que les bactéries lactiques étaient à l'origine de ce défaut mais elles semblent avoir peu d'incidence. ' On ne connaît encore que peu de choses quant à l'intervention des bactéries lactiques sur les arômes, explique Raymond Baumes, à l'Inra de Montpellier. Cependant, celle-ci semble rester assez discrète. 'Certains arômes herbacés apparaissent au cours des opérations préfermentaires : des acides gras du raisin peuvent être transformés en composés à six atomes de carbone : hexanal, hexenal, et les alcools correspondants : hexanol, hexenol. Ces molécules génèrent des odeurs végétales d'herbe coupée. Pour limiter leurs apparitions, il faut éviter les oxydations et ne pas poursuivre trop loin les pressées.Des arômes enfin peuvent apparaître au cours de la conservation des vins. C'est le cas du sotolon qui naît au cours de l'élevage très particulier des vins jaunes du Jura, leur apportant des notes de noix verte et de curry. Sa production résulte d'une réaction purement chimique entre l'éthanal et un acide produit par les levures de voile. Ce sotolon n'est donc pas spécifique du cépage.Les chercheurs de la faculté d'oenologie de Bordeaux se sont penchés sur les arômes grillés ou de viande rôtie qui peuvent se retrouver dans des vins de sauvignon ou de sémillon du Bordelais, notamment lorsqu'ils sont élevés en conditions réductrices (sur lies) mais aussi dans des vins rouges. Des composés soufrés sont à l'origine de ces notes positives : deux acétates de mercaptoalcool pour les vins blancs (acétates de 2-mercaptoéthanol et de 3-mercaptopropanol) alors que l'acide 3-méthylthiopro- pionique intervient dans le caractère grillé des vins rouges. Ces nuances rôties et grillées sont renforcées par un élevage sous bois. Les composés volatils participant au bouquet final du vin n'ont pas fini de dévoiler leurs secrets, loin s'en faut. Ils sont de plus en perpétuelle évolution et se modifient avec le temps.

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