Passer du vrac à la bouteille, jouer autant la carte des vins de cépages que des assemblages, rester performant sur le marché des moûts concentrés... : les défis commerciaux que doit relever la viticulture argentine sont à la hauteur de la marge de progression dont disposent les producteurs locaux.
Passer du vrac à la bouteille, jouer autant la carte des vins de cépages que des assemblages, rester performant sur le marché des moûts concentrés... : les défis commerciaux que doit relever la viticulture argentine sont à la hauteur de la marge de progression dont disposent les producteurs locaux.
Juan José Canay est le directeur des ventes internationales de la maison Trapiche. Disposant de plusieurs bodegas à Mendoza et à Saint-Juan, elle appartient au géant agroalimentaire Pénaflor. C'est le plus gros intervenant de la filière du vin argentine. ' Nous sommes confiants pour les exportations de vins de notre pays, cela pour trois raisons. D'abord, nous sommes le pays du Nouveau Monde possédant le potentiel de croissance le plus grand, comparé au Chili, à l'Afrique du Sud ou à l'Australie par exemple. Ensuite, j'estime que nos produits sont compétitifs sur le plan qualité-prix. Enfin, il y a une croissance de la consommation de vin en Europe du Nord et nous sommes bien placés pour en profiter. 'Trapiche commercialise 500 000 caisses (de 12 bouteilles) par an dont 300 000 à l'exportation. Un chiffre en progression puisqu'il était de 80 000 caisses en 1994. ' Nous espérons atteindre 400 000 caisses en 1997, d'autant que nous sommes aidés par un meilleur millésime que celui de l'an dernier ', annonce-t-on. Dans ce conglomérat, Trapiche est la marque des vins fins, Pénaflor ' traitant ' plutôt le vin de masse.' Nous avons exporté 350 000 hl en vrac l'an passé mais c'était une année atypique à cause de la sécheresse en Espagne. Une année normale, c'est plutôt 100 000 hl. ' L'unité Pénaflor de Mendoza possède six chaînes de conditionnement (tournant parfois en 3 8) de Tétra Brik. Ici, c'est le lieu de tous les records puisqu'on y trouve aussi la plus grande cuve du monde (52 000 hl). Elle sert aux assemblages... et a déjà abrité des dîners assis!' Là où nous devons le plus progresser, c'est dans le suivi du commercial ', indique Hubert Webert, oenologue suisse de la bodega Weinert. Cette unité moyenne (vingt-cinq permanents), créée il y a vingt ans, fonctionne surtout par l'achat de raisins à une vingtaine de fournisseurs habituels. Ici, la particularité est de tout vinifier (la quasi-totalité en rouge) en foudres de bois... qui sont ensuite très bien recyclés en parquet de luxe! Weinert exporte 80 % de sa production. ' Dès le départ, nous avons davantage travaillé l'exportation que le marché local. C'était une volonté du fondateur. Nos meilleurs clients sont aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Suisse. ' Avec son 'oeil suisse' et 'nouveau' (il est en poste depuis un peu plus d'un an), notre technicien décortique la situation. ' Ce qu'il faut à ce pays, c'est une culture exportatrice en matière de vin. Elle commence d'abord par une régularité de la qualité, ce qui n'est pas toujours le cas. N'oublions pas qu'en Argentine, à tous les stades de la filière, les gens ont d'abord une culture de vins de masse, commercialisés en briques ou en contenants de plusieurs litres. ' Ainsi, sur le marché local, trouve-t-on la fameuse Dama Juana, bonbonne de 5 l vendue environ 5 dollars (1 dollar = 5,84 FF) pour le vin courant et 8 dollars pour un vin fin. ' Il faut changer la manière de travailler des employés, les former à la propreté, à l'exigence, au travail soigné. La qualité est un travail de tous les jours ', ajoute notre interlocuteur.' L'exportation est aussi une chaîne complète. Par exemple, le vin livré doit être le même que celui contenu dans l'échantillon envoyé! Ou encore qu'on ne promette pas une livraison à un client pour le mois de juin alors qu'il y a de fortes présomptions pour qu'il ne l'ait qu'en juillet... Depuis un an, j'ai l'impression que les étrangers connaissent mieux la viticulture de ce pays. Ici, nous recevons davantage de visiteurs allemands, américains, britanniques... Quand je constate que dans nombre de bodegas, personne ne parle anglais! Tout cela est un travail énorme : il faudra une dizaine d'années au vignoble de Mendoza pour atteindre une production de 50 % de vins fins ', poursuit le technicien.Chez Nieto et Senetiner, on ne manque pas d'ambition. ' Nous avons commencé l'exportation en 1996 avec cinquante conteneurs et notre objectif est qu'elle atteigne 30 % de nos ventes d'ici à deux ou trois ans ', explique Walter Bressia, le directeur.Cette bodega de Mendoza a des allures de château bordelais, ce qui est rare dans le pays. Elle possède 250 ha de vignes, ce qui couvre 55 % de ses besoins, et emploie trente-six personnes. ' Nous avons beaucoup investi, il faut que la vente marche ', annonce-t-on. Depuis trois ans, cinq millions de dollars ont été investis avec notamment, en 1996, l'achat d'une cuverie complète en France, assuré par la Coface.Comme d'autres, la bodega Nieto et Senetiner mène une offensive sur tous les salons du monde (Etats-Unis, Scandinavie, Londres, Vinexpo...) avec d'importants financements provenant de l'Etat. ' La Grande-Bretagne est le marché le plus exigeant. Si l'on passe là, on peut aller partout ', commente un responsable. Contrairement à d'autres nouveaux venus sur le marché mondial du vin, l'Argentine ne joue pas uniquement la carte des vins de cépages. Bien sûr, les cépages mondialement connus sont là. Mais autant en blancs qu'en rouges, ils sont à la dégustation moins ' technologiques ' qu'ailleurs. Ils possèdent souvent du corps et une vraie structure en bouche. Des assemblages, notamment en rouges à base de malbec, sont de bonne qualité. C'est d'ailleurs ce cépage qui peut, à terme, représenter l'avantage concurrentiel que les Argentins recherchent. Il y en a 10 500 ha dans le pays... et il est peu présent sur le marché mondial. Ici, ce n'est pas le royaume des vins ' faciles à boire ' mais plutôt celui des vins puissants.Les prix-départs annoncés par les bodegas sont très variables. On sent que tout n'est pas encore très bien calé : cela peut aller d'excellents blancs à deux dollars la bouteille jusqu'à onze ou douze dollars pour un malbec vieilli sous bois. Les vins boisés sont monnaie courante : on trouve des chais entiers de barriques provenant de France mais aussi des copeaux : ' ils nous sont proposés en abondance par presque tous les tonneliers ', affirme un directeur de bodega.Pour l'expédition du vin, les bodegas passent par le port de Buenos Aires qui donne sur l'Atlantique ou par Valparaiso, le grand port chilien, à côté de Santiago, qui ouvre sur le Pacifique. Dans les deux cas, il faut acheminer préalablement le vin ou le moût par la route ou le rail. ' Le coût du transport? Cela dépend de la destination mais comme ici, nous sommes loin de tous les marchés, il faut compter environ 2 dollars par caisse. Dans le détail, ce sont 1 100 dollars pour un conteneur, plus 900 dollars pour l'acheminer jusqu'au port ', décortique un responsable de l'exportation. Un autre annonce 2,69 dollars/caisse pour acheminer le vin de Mendoza à Londres.A cela, il faut ajouter les droits de douanes, notamment pour entrer dans l'Union européenne. ' C'est souvent un frein, commente un responsable. Du coup, on préfère travailler avec les pays de l'est de l'Europe. ' Le règlement n° 2 021/96 de la Commission du 21 octobre, paru au Journal officiel des Communautés le lendemain, ouvre cependant pour l'Argentine et l'actuelle campagne, un contingent de 14 000 t de jus et de moûts de raisin, exempté de droits sous certaines conditions. Cela ne concerne pas le vin. Tout cela découle des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).En Argentine, on élabore tous les types de produits viticoles. Les effervescents sont ainsi un marché important. Le Français Chandon a une unité depuis 1956. Nous avons aussi la bodega Bianchi dans la zone de Saint-Raphaël, au sud de Mendoza. ' En plus de nos vins tranquilles, on produit 150 000 bouteilles par an de ' champagne ' et nous croyons beaucoup à ce marché. Nous venons d'achever la construction d'une unité spéciale qui a coûté 650 000 dollars. A terme, on pense vendre 100 000 caisses par an! Nous sommes les premiers Argentins à vraiment travailler ce marché. Cela fait vingt ans que je rêve d'une vraie bodega de ' champagne '. On utilisera surtout du pinot noir et du chardonnay mais on fait aussi des essais de sauvignon ', affirme avec malice le propriétaire des lieux qui, avec ses 70 ans passés et sa canne en bois sculpté, ressemble à un patriarche sicilien.' Nous avons 150 ha de vignes et achetons bien sûr du raisin. Depuis vingt ans, nous sommes à l'exportation : au début, il fallait supplier pour qu'on nous prenne du vin; maintenant, l'Argentine commence à intéresser... 50 000 des 400 000 caisses que nous avons vendues l'année dernière sont allées hors de nos frontières. ' Concernant les prix, il faut compter sur le marché intérieur, de 4,5 dollars/bouteille d'effervescent, à 8-10 dollars pour le top. Localement, le mot ' champagne ' est devenu un générique. Cette appellation française n'est pas respectée. Officiellement, à l'Institut national de vitiviniculture, ' on souhaite à terme un respect mutuel des appellations, autant pour le champagne que pour le bourgogne ou le chablis. Il faudrait un accord entre l'Argentine et l'Union européenne et travailler dans le cadre de l'OMC '.Dans les bodegas, nombre de responsables veulent maintenant jouer la carte des noms locaux ' sinon, on fait de la publicité à des vins qui ne sont pas de chez nous '. D'autres ne se posent même pas la question, comme ce propriétaire de bodega de Saint-Raphaël qui a dans son hall d'entrée, une affiche représentant l'un de ses vins baptisé ' beaujolais nouveau ' ' car on s'est aperçu que cela plaisait '.Il faut dire qu'en Argentine, la notion d'AOC est complètement balbutiante. Officiellement, elles sont trois : deux à Mendoza (Lujan de Cuyo et Saint-Raphaël pour partie) et une dans la Rioja. A Saint-Raphaël par exemple, seulement huit bodegas sur la trentaine de la région, se sont montrées intéressées... A la bodega San Telmo (au nord de Mendoza, zone de Maipu), créée en 1973 et qui possède 200 ha de vignes, Gonzalo Alonzo, le directeur technique, est même très catégorique sur le sujet : ' On réfléchit ici à une appellation mais je n'en veux pas car c'est la bodega qui serait considérée comme telle et non l'aire géographique., On ferait venir du raisin de 50 km et il serait AOC! De plus, cela créerait une technostructure pour contrôler le tout... ' Les AOC sont souhaitées mais leur intérêt n'est pas encore perçu sur le terrain. Même un scandale de vins trafiqués provenant de Saint-Juan, qui a causé plusieurs morts à Buenos Aires au début de la décennie, n'a pas fait progresser l'idée de traçabilité du produit.Les moûts concentrés sont un important débouché pour la viticulture argentine. 920 000 hl ont été exportés en 1996 dont la moitié vers les Etats-Unis. Suivent l'Afrique du Sud, le Canada, le Japon, l'Espagne et les Pays-Bas.' Ce marché se porte bien. Avec de forts rendements (35 000 kg/ha), c'est une alternative intéressante aux vins de table courants pour ceux qui ne veulent pas ou qui n'ont pas les moyens de se res- tructurer ', indique le patron d'une grande bodega. Depuis une dizaine d'années, l'Etat impose qu'une partie (revue à la baisse) de la récolte des bodegas soit écoulée en moûts concentrés pour éponger des excédents. Mais d'une contrainte, c'est devenu un vrai marché depuis trois ans. Localement, il sert à l'autoenrichissement. A l'exportation, on en fait du vin mais il sert aussi de produit de base pour des confitures, des cosmétiques et autres. Le prix est d'environ 1 100 dollars/tonne. 20 à 30 % de la récolte de raisins du pays vont à l'élaboration des moûts concentrés.
Juan José Canay est le directeur des ventes internationales de la maison Trapiche. Disposant de plusieurs bodegas à Mendoza et à Saint-Juan, elle appartient au géant agroalimentaire Pénaflor. C'est le plus gros intervenant de la filière du vin argentine. ' Nous sommes confiants pour les exportations de vins de notre pays, cela pour trois raisons. D'abord, nous sommes le pays du Nouveau Monde possédant le potentiel de croissance le plus grand, comparé au Chili, à l'Afrique du Sud ou à l'Australie par exemple. Ensuite, j'estime que nos produits sont compétitifs sur le plan qualité-prix. Enfin, il y a une croissance de la consommation de vin en Europe du Nord et nous sommes bien placés pour en profiter. 'Trapiche commercialise 500 000 caisses (de 12 bouteilles) par an dont 300 000 à l'exportation. Un chiffre en progression puisqu'il était de 80 000 caisses en 1994. ' Nous espérons atteindre 400 000 caisses en 1997, d'autant que nous sommes aidés par un meilleur millésime que celui de l'an dernier ', annonce-t-on. Dans ce conglomérat, Trapiche est la marque des vins fins, Pénaflor ' traitant ' plutôt le vin de masse.' Nous avons exporté 350 000 hl en vrac l'an passé mais c'était une année atypique à cause de la sécheresse en Espagne. Une année normale, c'est plutôt 100 000 hl. ' L'unité Pénaflor de Mendoza possède six chaînes de conditionnement (tournant parfois en 3 8) de Tétra Brik. Ici, c'est le lieu de tous les records puisqu'on y trouve aussi la plus grande cuve du monde (52 000 hl). Elle sert aux assemblages... et a déjà abrité des dîners assis!' Là où nous devons le plus progresser, c'est dans le suivi du commercial ', indique Hubert Webert, oenologue suisse de la bodega Weinert. Cette unité moyenne (vingt-cinq permanents), créée il y a vingt ans, fonctionne surtout par l'achat de raisins à une vingtaine de fournisseurs habituels. Ici, la particularité est de tout vinifier (la quasi-totalité en rouge) en foudres de bois... qui sont ensuite très bien recyclés en parquet de luxe! Weinert exporte 80 % de sa production. ' Dès le départ, nous avons davantage travaillé l'exportation que le marché local. C'était une volonté du fondateur. Nos meilleurs clients sont aux Etats-Unis, en Grande-Bretagne et en Suisse. ' Avec son 'oeil suisse' et 'nouveau' (il est en poste depuis un peu plus d'un an), notre technicien décortique la situation. ' Ce qu'il faut à ce pays, c'est une culture exportatrice en matière de vin. Elle commence d'abord par une régularité de la qualité, ce qui n'est pas toujours le cas. N'oublions pas qu'en Argentine, à tous les stades de la filière, les gens ont d'abord une culture de vins de masse, commercialisés en briques ou en contenants de plusieurs litres. ' Ainsi, sur le marché local, trouve-t-on la fameuse Dama Juana, bonbonne de 5 l vendue environ 5 dollars (1 dollar = 5,84 FF) pour le vin courant et 8 dollars pour un vin fin. ' Il faut changer la manière de travailler des employés, les former à la propreté, à l'exigence, au travail soigné. La qualité est un travail de tous les jours ', ajoute notre interlocuteur.' L'exportation est aussi une chaîne complète. Par exemple, le vin livré doit être le même que celui contenu dans l'échantillon envoyé! Ou encore qu'on ne promette pas une livraison à un client pour le mois de juin alors qu'il y a de fortes présomptions pour qu'il ne l'ait qu'en juillet... Depuis un an, j'ai l'impression que les étrangers connaissent mieux la viticulture de ce pays. Ici, nous recevons davantage de visiteurs allemands, américains, britanniques... Quand je constate que dans nombre de bodegas, personne ne parle anglais! Tout cela est un travail énorme : il faudra une dizaine d'années au vignoble de Mendoza pour atteindre une production de 50 % de vins fins ', poursuit le technicien.Chez Nieto et Senetiner, on ne manque pas d'ambition. ' Nous avons commencé l'exportation en 1996 avec cinquante conteneurs et notre objectif est qu'elle atteigne 30 % de nos ventes d'ici à deux ou trois ans ', explique Walter Bressia, le directeur.Cette bodega de Mendoza a des allures de château bordelais, ce qui est rare dans le pays. Elle possède 250 ha de vignes, ce qui couvre 55 % de ses besoins, et emploie trente-six personnes. ' Nous avons beaucoup investi, il faut que la vente marche ', annonce-t-on. Depuis trois ans, cinq millions de dollars ont été investis avec notamment, en 1996, l'achat d'une cuverie complète en France, assuré par la Coface.Comme d'autres, la bodega Nieto et Senetiner mène une offensive sur tous les salons du monde (Etats-Unis, Scandinavie, Londres, Vinexpo...) avec d'importants financements provenant de l'Etat. ' La Grande-Bretagne est le marché le plus exigeant. Si l'on passe là, on peut aller partout ', commente un responsable. Contrairement à d'autres nouveaux venus sur le marché mondial du vin, l'Argentine ne joue pas uniquement la carte des vins de cépages. Bien sûr, les cépages mondialement connus sont là. Mais autant en blancs qu'en rouges, ils sont à la dégustation moins ' technologiques ' qu'ailleurs. Ils possèdent souvent du corps et une vraie structure en bouche. Des assemblages, notamment en rouges à base de malbec, sont de bonne qualité. C'est d'ailleurs ce cépage qui peut, à terme, représenter l'avantage concurrentiel que les Argentins recherchent. Il y en a 10 500 ha dans le pays... et il est peu présent sur le marché mondial. Ici, ce n'est pas le royaume des vins ' faciles à boire ' mais plutôt celui des vins puissants.Les prix-départs annoncés par les bodegas sont très variables. On sent que tout n'est pas encore très bien calé : cela peut aller d'excellents blancs à deux dollars la bouteille jusqu'à onze ou douze dollars pour un malbec vieilli sous bois. Les vins boisés sont monnaie courante : on trouve des chais entiers de barriques provenant de France mais aussi des copeaux : ' ils nous sont proposés en abondance par presque tous les tonneliers ', affirme un directeur de bodega.Pour l'expédition du vin, les bodegas passent par le port de Buenos Aires qui donne sur l'Atlantique ou par Valparaiso, le grand port chilien, à côté de Santiago, qui ouvre sur le Pacifique. Dans les deux cas, il faut acheminer préalablement le vin ou le moût par la route ou le rail. ' Le coût du transport? Cela dépend de la destination mais comme ici, nous sommes loin de tous les marchés, il faut compter environ 2 dollars par caisse. Dans le détail, ce sont 1 100 dollars pour un conteneur, plus 900 dollars pour l'acheminer jusqu'au port ', décortique un responsable de l'exportation. Un autre annonce 2,69 dollars/caisse pour acheminer le vin de Mendoza à Londres.A cela, il faut ajouter les droits de douanes, notamment pour entrer dans l'Union européenne. ' C'est souvent un frein, commente un responsable. Du coup, on préfère travailler avec les pays de l'est de l'Europe. ' Le règlement n° 2 021/96 de la Commission du 21 octobre, paru au Journal officiel des Communautés le lendemain, ouvre cependant pour l'Argentine et l'actuelle campagne, un contingent de 14 000 t de jus et de moûts de raisin, exempté de droits sous certaines conditions. Cela ne concerne pas le vin. Tout cela découle des négociations dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce (OMC).En Argentine, on élabore tous les types de produits viticoles. Les effervescents sont ainsi un marché important. Le Français Chandon a une unité depuis 1956. Nous avons aussi la bodega Bianchi dans la zone de Saint-Raphaël, au sud de Mendoza. ' En plus de nos vins tranquilles, on produit 150 000 bouteilles par an de ' champagne ' et nous croyons beaucoup à ce marché. Nous venons d'achever la construction d'une unité spéciale qui a coûté 650 000 dollars. A terme, on pense vendre 100 000 caisses par an! Nous sommes les premiers Argentins à vraiment travailler ce marché. Cela fait vingt ans que je rêve d'une vraie bodega de ' champagne '. On utilisera surtout du pinot noir et du chardonnay mais on fait aussi des essais de sauvignon ', affirme avec malice le propriétaire des lieux qui, avec ses 70 ans passés et sa canne en bois sculpté, ressemble à un patriarche sicilien.' Nous avons 150 ha de vignes et achetons bien sûr du raisin. Depuis vingt ans, nous sommes à l'exportation : au début, il fallait supplier pour qu'on nous prenne du vin; maintenant, l'Argentine commence à intéresser... 50 000 des 400 000 caisses que nous avons vendues l'année dernière sont allées hors de nos frontières. ' Concernant les prix, il faut compter sur le marché intérieur, de 4,5 dollars/bouteille d'effervescent, à 8-10 dollars pour le top. Localement, le mot ' champagne ' est devenu un générique. Cette appellation française n'est pas respectée. Officiellement, à l'Institut national de vitiviniculture, ' on souhaite à terme un respect mutuel des appellations, autant pour le champagne que pour le bourgogne ou le chablis. Il faudrait un accord entre l'Argentine et l'Union européenne et travailler dans le cadre de l'OMC '.Dans les bodegas, nombre de responsables veulent maintenant jouer la carte des noms locaux ' sinon, on fait de la publicité à des vins qui ne sont pas de chez nous '. D'autres ne se posent même pas la question, comme ce propriétaire de bodega de Saint-Raphaël qui a dans son hall d'entrée, une affiche représentant l'un de ses vins baptisé ' beaujolais nouveau ' ' car on s'est aperçu que cela plaisait '.Il faut dire qu'en Argentine, la notion d'AOC est complètement balbutiante. Officiellement, elles sont trois : deux à Mendoza (Lujan de Cuyo et Saint-Raphaël pour partie) et une dans la Rioja. A Saint-Raphaël par exemple, seulement huit bodegas sur la trentaine de la région, se sont montrées intéressées... A la bodega San Telmo (au nord de Mendoza, zone de Maipu), créée en 1973 et qui possède 200 ha de vignes, Gonzalo Alonzo, le directeur technique, est même très catégorique sur le sujet : ' On réfléchit ici à une appellation mais je n'en veux pas car c'est la bodega qui serait considérée comme telle et non l'aire géographique., On ferait venir du raisin de 50 km et il serait AOC! De plus, cela créerait une technostructure pour contrôler le tout... ' Les AOC sont souhaitées mais leur intérêt n'est pas encore perçu sur le terrain. Même un scandale de vins trafiqués provenant de Saint-Juan, qui a causé plusieurs morts à Buenos Aires au début de la décennie, n'a pas fait progresser l'idée de traçabilité du produit.Les moûts concentrés sont un important débouché pour la viticulture argentine. 920 000 hl ont été exportés en 1996 dont la moitié vers les Etats-Unis. Suivent l'Afrique du Sud, le Canada, le Japon, l'Espagne et les Pays-Bas.' Ce marché se porte bien. Avec de forts rendements (35 000 kg/ha), c'est une alternative intéressante aux vins de table courants pour ceux qui ne veulent pas ou qui n'ont pas les moyens de se res- tructurer ', indique le patron d'une grande bodega. Depuis une dizaine d'années, l'Etat impose qu'une partie (revue à la baisse) de la récolte des bodegas soit écoulée en moûts concentrés pour éponger des excédents. Mais d'une contrainte, c'est devenu un vrai marché depuis trois ans. Localement, il sert à l'autoenrichissement. A l'exportation, on en fait du vin mais il sert aussi de produit de base pour des confitures, des cosmétiques et autres. Le prix est d'environ 1 100 dollars/tonne. 20 à 30 % de la récolte de raisins du pays vont à l'élaboration des moûts concentrés.