En posant des bandes réfléchissantes aux pieds de syrahs et de carignans, l'Inra de Montpellier a obtenu des vins plus colorés, plus aromatiques et plus riches en alcool. Sur d'autres cépages, l'effet de la solarisation est moins puissant.
En posant des bandes réfléchissantes aux pieds de syrahs et de carignans, l'Inra de Montpellier a obtenu des vins plus colorés, plus aromatiques et plus riches en alcool. Sur d'autres cépages, l'effet de la solarisation est moins puissant.
Aux quatre coins de la France, quelques ceps de vigne voient une lumière qui semble sortir de terre. Des bandes aluminées posées à leurs pieds réfléchissent les rayons du soleil. Elles les renvoient vers les grappes et les feuilles les plus basses qui bénéficient ainsi d'un supplément d'éclairage. ' Au départ, l'idée était de produire des conditions modèles de stress afin d'examiner les répercussions sur la biochimie du raisin ', explique Jean-Pierre Robin, chef du laboratoire de biochimie métabolique de l'Institut des produits de la vigne de l'Inra de Montpellier. Les premiers cépages qui subissent l'épreuve, sont des syrahs et des carignans qui poussent sur le massif de La Clape, dans l'Aude. Ils ne paraissent pas en souffrir, bien au contraire. Ils sont plus vigoureux que leurs voisins qui poussent sur de la terre nue. Ils portent davantage de raisins qu'eux et, qui mieux est, des raisins généralement plus sucrés et plus colorés.Un procédé qui allie qualité et quantité, c'est suffisamment rare pour qu'on y regarde de plus près. Jean-Pierre Robin et son collègue François-Xavier Sauvage s'y emploient. Ils couvrent les vignes de sondes de température et d'éclairement. Dans leurs essais, ils constatent que leur technique de solarisation apporte au minimum 20% d'énergie lumineuse en plus à hauteur de la zone fructifère. Ce supplément d'énergie entraîne une élévation de la température des grappes de 1,5 à 2°C en pleine journée.A la récolte, les raisins sont plus sucrés et moins acides. Entre 1992 et 1996, l'écart de richesse en sucre des moûts de syrah est au maximum de 21 g/l et au minimum de 7 g/l (1). Cela correspond à des différences de 1,2 et 0,4 degrés d'alcool probable (17 g de sucre pour 1 degré d'alcool). Après minivinification, ces raisins donnent des vins qui sont plus riches en polyphénols et mieux appréciés, tant à la vue qu'au goût. ' L'intensité colorante est supérieure, résume François-Xavier Sauvage, la couleur est plus violette. L'intensité et la qualité olfactive s'améliorent également. En règle générale, les vins solarisés sont jugés plus fruités et paraissent plus frais que les témoins. En revanche, la persistance des arômes n'est pas améliorée. ' Parallèlement, le rendement augmente. ' Nous l'avons toujours vu sur syrah et carignan, poursuit François-Xavier Sauvage. Selon les années, le gain se situe entre 5 et 20 %. Les baies sont en général plus grosses. ' Les vignes sont plus généreuses mais n'en souffrent pas : leurs rameaux s'allongent davantage et leur production de bois de taille, donc leur vigueur, augmente de 7 à 14 % selon les années.Fin 1994, après trois campagnes d'essais, le tableau paraissait suffisamment alléchant pour avoir envie d'en réaliser d'autres. L'Inra de Montpellier convainc des partenaires de tester la solarisation ailleurs que dans le massif de La Clape et sur d'autres cépages que la syrah et le carignan. En 1995, un réseau de parcelles se met en place. Il inclut du gewurztraminer d'Alsace, du cabernet franc et du chenin d'Anjou, du gamay du Beaujolais, du merlot bordelais, du pinot meunier champenois et du chardonnay de Limoux. Ce dernier semble lui aussi apprécier le traitement. En 1995, année favorable à la pourriture, les pieds éclairés s'en sortent bien mieux que les autres. Ils portent 40 % de vendange saine de plus que les témoins. Selon Jean-Pierre Robin, l'origine du phénomène serait liée au supplément de rayonnement ultraviolet apporté aux grappes.Lors de la récolte suivante, l'état sanitaire est parfait. Il n'y a donc pas de différence de ce point de vue-là. ' Nous avions 0,8 % vol en plus sur les rangs solarisés tandis que l'acidité et le pH étaient comparables ', témoigne Régis Castan, de la cave coopérative du Sieur d'Arques qui s'est chargée de suivre les essais. Malgré ce supplément de maturité, après fermentation et élevage en fûts, les dégustateurs ne parviennent pas à distinguer les vins. Peut-être le boisé a-t-il couvert de subtiles nuances au point de les rendre imperceptibles? Pour en avoir le coeur net, une nouvelle expérimentation est prévue cette année. Cette fois, les moûts fermenteront dans des cuves en Inox.En 1995, l'Inra de Colmar observait également une réduction de la pourriture grise. Mais à la station alsacienne, on signale qu'elle pourrait s'expliquer par le fait que le film réfléchissant employé à l'époque était imperméable. Il aurait pu empêcher l'infiltration des pluies qui se sont abattues sur le vignoble à la veille des vendanges et préserver ainsi l'état sanitaire des raisins. L'année dernière, les résultats ont été hétérogènes. Là encore, une nouvelle campagne d'essais permettra d'y voir plus clair.Cette fois, les Alsaciens emploieront le Vitexsol qui est perméable. Il s'agit du premier tissu conçu pour la solarisation. Il met fin à l'époque des tâtonnements au cours de laquelle nos chercheurs se débrouillaient tant bien que mal avec des films ou des panneaux prévus pour l'isolation des bâtiments industriels. Il sera utilisé sur tous les sites expérimentaux cette année.Le Vitexsol est fabriqué selon les spécifications des chercheurs de Montpellier par une société spécialisée dans les tissus techniques pour le génie civil et l'agriculture (MDB Texinov, à Saint-Didier-de-la-Tour - Isère). Il est constitué de bandelettes d'aluminium autonettoyant réunies entre elles par des fils en nylon. Le tissu est robuste : on peut rouler dessus et l'employer plusieurs années de suite. On l'installe à la floraison et on le fixe au sol à l'aide de crochets métalliques.La Sicarex du Beaujolais ne s'en servira pas. Elle a abandonné les essais de solarisation après un an d'observation. La technique avait conduit à une élévation de 0,8 % vol. d'alcool probable mais après vinification, les dégustateurs n'avaient pas pu distinguer les vins dont les degrés alcooliques avaient été ramenés au même taux par chaptalisation de l'échantillon-témoin.Jean-Pierre Robin et François-Xavier Sauvage en concluent que le procédé ne convient pas à toutes les situations. ' Par ailleurs, son efficacité est fonction de l'adéquation préexistante entre le cépage, le terroir et le mode de conduite ', estiment-ils. Pour autant, ils n'arrêtent pas leurs travaux. Les résultats obtenus sur la syrah, le carignan et le chardonnay justifient de poursuivre l'exploration de cette idée nouvelle dont l'attrait réside également dans la simplicité et l'innocuité vis-à-vis de l'environnement et de l'utilisateur. Cette année, de nouveaux essais démarrent en Bourgogne, en Allemagne, en Suisse et sur raisin de table.(1) En 1994, les rangs-témoins étaient plus riches en sucre à la récolte que les rangs solarisées. Cette contre-performance est due, selon les chercheurs, au fait qu'ils ont réemployé des films qui avaient servi l'année précédente alors qu'ils étaient oxydés. De ce fait, ils ne renvoyaient plus l'intégralité du spectre solaire. L'efficacité de la méthode sur syrah ne serait donc pas remise en cause par ce mauvais résultat.
Aux quatre coins de la France, quelques ceps de vigne voient une lumière qui semble sortir de terre. Des bandes aluminées posées à leurs pieds réfléchissent les rayons du soleil. Elles les renvoient vers les grappes et les feuilles les plus basses qui bénéficient ainsi d'un supplément d'éclairage. ' Au départ, l'idée était de produire des conditions modèles de stress afin d'examiner les répercussions sur la biochimie du raisin ', explique Jean-Pierre Robin, chef du laboratoire de biochimie métabolique de l'Institut des produits de la vigne de l'Inra de Montpellier. Les premiers cépages qui subissent l'épreuve, sont des syrahs et des carignans qui poussent sur le massif de La Clape, dans l'Aude. Ils ne paraissent pas en souffrir, bien au contraire. Ils sont plus vigoureux que leurs voisins qui poussent sur de la terre nue. Ils portent davantage de raisins qu'eux et, qui mieux est, des raisins généralement plus sucrés et plus colorés.Un procédé qui allie qualité et quantité, c'est suffisamment rare pour qu'on y regarde de plus près. Jean-Pierre Robin et son collègue François-Xavier Sauvage s'y emploient. Ils couvrent les vignes de sondes de température et d'éclairement. Dans leurs essais, ils constatent que leur technique de solarisation apporte au minimum 20% d'énergie lumineuse en plus à hauteur de la zone fructifère. Ce supplément d'énergie entraîne une élévation de la température des grappes de 1,5 à 2°C en pleine journée.A la récolte, les raisins sont plus sucrés et moins acides. Entre 1992 et 1996, l'écart de richesse en sucre des moûts de syrah est au maximum de 21 g/l et au minimum de 7 g/l (1). Cela correspond à des différences de 1,2 et 0,4 degrés d'alcool probable (17 g de sucre pour 1 degré d'alcool). Après minivinification, ces raisins donnent des vins qui sont plus riches en polyphénols et mieux appréciés, tant à la vue qu'au goût. ' L'intensité colorante est supérieure, résume François-Xavier Sauvage, la couleur est plus violette. L'intensité et la qualité olfactive s'améliorent également. En règle générale, les vins solarisés sont jugés plus fruités et paraissent plus frais que les témoins. En revanche, la persistance des arômes n'est pas améliorée. ' Parallèlement, le rendement augmente. ' Nous l'avons toujours vu sur syrah et carignan, poursuit François-Xavier Sauvage. Selon les années, le gain se situe entre 5 et 20 %. Les baies sont en général plus grosses. ' Les vignes sont plus généreuses mais n'en souffrent pas : leurs rameaux s'allongent davantage et leur production de bois de taille, donc leur vigueur, augmente de 7 à 14 % selon les années.Fin 1994, après trois campagnes d'essais, le tableau paraissait suffisamment alléchant pour avoir envie d'en réaliser d'autres. L'Inra de Montpellier convainc des partenaires de tester la solarisation ailleurs que dans le massif de La Clape et sur d'autres cépages que la syrah et le carignan. En 1995, un réseau de parcelles se met en place. Il inclut du gewurztraminer d'Alsace, du cabernet franc et du chenin d'Anjou, du gamay du Beaujolais, du merlot bordelais, du pinot meunier champenois et du chardonnay de Limoux. Ce dernier semble lui aussi apprécier le traitement. En 1995, année favorable à la pourriture, les pieds éclairés s'en sortent bien mieux que les autres. Ils portent 40 % de vendange saine de plus que les témoins. Selon Jean-Pierre Robin, l'origine du phénomène serait liée au supplément de rayonnement ultraviolet apporté aux grappes.Lors de la récolte suivante, l'état sanitaire est parfait. Il n'y a donc pas de différence de ce point de vue-là. ' Nous avions 0,8 % vol en plus sur les rangs solarisés tandis que l'acidité et le pH étaient comparables ', témoigne Régis Castan, de la cave coopérative du Sieur d'Arques qui s'est chargée de suivre les essais. Malgré ce supplément de maturité, après fermentation et élevage en fûts, les dégustateurs ne parviennent pas à distinguer les vins. Peut-être le boisé a-t-il couvert de subtiles nuances au point de les rendre imperceptibles? Pour en avoir le coeur net, une nouvelle expérimentation est prévue cette année. Cette fois, les moûts fermenteront dans des cuves en Inox.En 1995, l'Inra de Colmar observait également une réduction de la pourriture grise. Mais à la station alsacienne, on signale qu'elle pourrait s'expliquer par le fait que le film réfléchissant employé à l'époque était imperméable. Il aurait pu empêcher l'infiltration des pluies qui se sont abattues sur le vignoble à la veille des vendanges et préserver ainsi l'état sanitaire des raisins. L'année dernière, les résultats ont été hétérogènes. Là encore, une nouvelle campagne d'essais permettra d'y voir plus clair.Cette fois, les Alsaciens emploieront le Vitexsol qui est perméable. Il s'agit du premier tissu conçu pour la solarisation. Il met fin à l'époque des tâtonnements au cours de laquelle nos chercheurs se débrouillaient tant bien que mal avec des films ou des panneaux prévus pour l'isolation des bâtiments industriels. Il sera utilisé sur tous les sites expérimentaux cette année.Le Vitexsol est fabriqué selon les spécifications des chercheurs de Montpellier par une société spécialisée dans les tissus techniques pour le génie civil et l'agriculture (MDB Texinov, à Saint-Didier-de-la-Tour - Isère). Il est constitué de bandelettes d'aluminium autonettoyant réunies entre elles par des fils en nylon. Le tissu est robuste : on peut rouler dessus et l'employer plusieurs années de suite. On l'installe à la floraison et on le fixe au sol à l'aide de crochets métalliques.La Sicarex du Beaujolais ne s'en servira pas. Elle a abandonné les essais de solarisation après un an d'observation. La technique avait conduit à une élévation de 0,8 % vol. d'alcool probable mais après vinification, les dégustateurs n'avaient pas pu distinguer les vins dont les degrés alcooliques avaient été ramenés au même taux par chaptalisation de l'échantillon-témoin.Jean-Pierre Robin et François-Xavier Sauvage en concluent que le procédé ne convient pas à toutes les situations. ' Par ailleurs, son efficacité est fonction de l'adéquation préexistante entre le cépage, le terroir et le mode de conduite ', estiment-ils. Pour autant, ils n'arrêtent pas leurs travaux. Les résultats obtenus sur la syrah, le carignan et le chardonnay justifient de poursuivre l'exploration de cette idée nouvelle dont l'attrait réside également dans la simplicité et l'innocuité vis-à-vis de l'environnement et de l'utilisateur. Cette année, de nouveaux essais démarrent en Bourgogne, en Allemagne, en Suisse et sur raisin de table.(1) En 1994, les rangs-témoins étaient plus riches en sucre à la récolte que les rangs solarisées. Cette contre-performance est due, selon les chercheurs, au fait qu'ils ont réemployé des films qui avaient servi l'année précédente alors qu'ils étaient oxydés. De ce fait, ils ne renvoyaient plus l'intégralité du spectre solaire. L'efficacité de la méthode sur syrah ne serait donc pas remise en cause par ce mauvais résultat.