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Une coutume de vendange, un jeu entre filles et garçons

La vigne - n°80 - septembre 1997 - page 0

Traditionnellement, les vendanges marquent la fin de l'année viticole et s'accompagnent de réjouissances. La jeunesse prenait une part active dans ces manifestations qui marquaient aussi le partage entre garçons et filles.

Traditionnellement, les vendanges marquent la fin de l'année viticole et s'accompagnent de réjouissances. La jeunesse prenait une part active dans ces manifestations qui marquaient aussi le partage entre garçons et filles.

Jusque vers 1914 au moins, parfois encore entre les deux guerres, a existé dans de nombreux vignobles une coutume qui peut nous paraître barbare, celle du barbouillage. Cette coutume marque d'abord l'opposition, parfois brutale, entre garçons et filles, celles-ci, à une époque où l'on ne parlait pas encore d'égalité des sexes, devant supporter la violence masculine.A l'origine, prendre des grappes de raisin noir et en barbouiller de forc le visage des jeunes filles, c'était punir les maladroites et les négligentes qui laissaient du raisin sur les souches dans les rangs qui leur étaient attribués. La punition était d'autant plus marquée que les garçons choisissaient des raisins teinturiers qui existaient alors dans toutes les vignes pour donner plus de couleur aux vins rouges. Cette coutume se rencontrait plus particulièrement dans les vignobles de la moitié est de la France. En Champagne, on ne se contentait pas de barbouiller le visage mais on s'attaquait également à d'autres parties du corps et on écrasait des raisins dans le dos ou sous les jupes des vendangeuses; parfois même, on utilisait de la lie de vin au même usage.Il arrivait que femmes et filles prennent leur revanche, comme aux environs de Gaillac (Tarn), en barbouillant la figure de garçons plus jeunes qu'elles; parfois, comme à Sauvian (canton de Béziers), elles se vengeaient sur un homme qu'elles isolaient dans les vignes et profitaient de leur force pour lui infliger le même sort. En Ardèche, barbouiller ainsi une fille se disait la 'farder'. En Provence, les garçons disaient aux filles : ' vai te faire lou mourre, je vais te faire la figure '. En Savoie, dans le Grésivaudan, on punissait pareillement les filles trop lentes au travail. En Haute-Savoie, on se contentait de ' remoler ', d'embrasser contre son gré la fautive.Fort heureusement, ces coutumes plus ou moins brutales ont à peu près disparu. Dans le passé, elles pouvaient déjà avoir une autre signification, dénoter le goût de la farce, de la bataille amicale entre garçons et filles, entre hommes et femmes, sans distinction d'âge; c'est ce qu'on constate dans le Velay, en Auvergne, où la réciprocité de cette conduite excluait toute marque de supériorité d'un sexe sur l'autre.Parfois, le barbouillage signifiait plus que la farce ou l'amitié. Dans de nombreux vignobles, dans le canton de Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans la côte bourguignonne, les garçons écrasaient par surprise un raisin, de préférence à jus foncé, sur la joue d'une vendangeuse mais c'était aussitôt pour en effacer la marque par des baisers. D'une punition, on passait, sans toujours vouloir le dire, à un jeu amoureux et cette fois, c'était les plus jolies filles qui en étaient les victimes consentantes.Souvent aussi, tout le monde se barbouillait plus ou moins pour ' faire le nez de vendange ', façon de montrer qu'on avait participé à ce travail à la fois dur et exaltant. Plus souvent encore, les vendanges se terminaient par une véritable bataille, de caractère amical, et chacun lançait au visage de l'autre des raisins teinturiers comme les enfants se lancent des boules de neige; cette coutume se rencontrait principalement en Ardèche, dans la région des Vans, de Grospierres, d'Orgnac.Cette pratique du barbouillage, punitive ou amoureuse, n'empêchait pas l'existence d'autres farces. Dans l'Ardèche, à Vallon, on attachait une queue de lapin blanc au vendangeur maladroit; à Montesson (canton de Laferté-sur-Amance, Haute-Marne), les vendangeurs se cachaient les uns les autres leurs vêtements ou leur matériel de vendange. A Allevard (Isère), où les vendangeurs collationnaient dans les vignes en mangeant des rissoles (carrés de pâte farcie), les femmes qui cuisinaient s'amusaient à y incorporer des attrapes comme des petits bouchons de paille ou des barbes de maïs. Toutes ces farces, malignes ou innocentes, ont à peu près disparu mais le barbouillage se pratique encore entre garçons et filles de connaissance. Espérons seulement que chacun y trouve son compte et que l'amour triomphe...

Jusque vers 1914 au moins, parfois encore entre les deux guerres, a existé dans de nombreux vignobles une coutume qui peut nous paraître barbare, celle du barbouillage. Cette coutume marque d'abord l'opposition, parfois brutale, entre garçons et filles, celles-ci, à une époque où l'on ne parlait pas encore d'égalité des sexes, devant supporter la violence masculine.A l'origine, prendre des grappes de raisin noir et en barbouiller de forc le visage des jeunes filles, c'était punir les maladroites et les négligentes qui laissaient du raisin sur les souches dans les rangs qui leur étaient attribués. La punition était d'autant plus marquée que les garçons choisissaient des raisins teinturiers qui existaient alors dans toutes les vignes pour donner plus de couleur aux vins rouges. Cette coutume se rencontrait plus particulièrement dans les vignobles de la moitié est de la France. En Champagne, on ne se contentait pas de barbouiller le visage mais on s'attaquait également à d'autres parties du corps et on écrasait des raisins dans le dos ou sous les jupes des vendangeuses; parfois même, on utilisait de la lie de vin au même usage.Il arrivait que femmes et filles prennent leur revanche, comme aux environs de Gaillac (Tarn), en barbouillant la figure de garçons plus jeunes qu'elles; parfois, comme à Sauvian (canton de Béziers), elles se vengeaient sur un homme qu'elles isolaient dans les vignes et profitaient de leur force pour lui infliger le même sort. En Ardèche, barbouiller ainsi une fille se disait la 'farder'. En Provence, les garçons disaient aux filles : ' vai te faire lou mourre, je vais te faire la figure '. En Savoie, dans le Grésivaudan, on punissait pareillement les filles trop lentes au travail. En Haute-Savoie, on se contentait de ' remoler ', d'embrasser contre son gré la fautive.Fort heureusement, ces coutumes plus ou moins brutales ont à peu près disparu. Dans le passé, elles pouvaient déjà avoir une autre signification, dénoter le goût de la farce, de la bataille amicale entre garçons et filles, entre hommes et femmes, sans distinction d'âge; c'est ce qu'on constate dans le Velay, en Auvergne, où la réciprocité de cette conduite excluait toute marque de supériorité d'un sexe sur l'autre.Parfois, le barbouillage signifiait plus que la farce ou l'amitié. Dans de nombreux vignobles, dans le canton de Saint-Pourçain-sur-Sioule, dans la côte bourguignonne, les garçons écrasaient par surprise un raisin, de préférence à jus foncé, sur la joue d'une vendangeuse mais c'était aussitôt pour en effacer la marque par des baisers. D'une punition, on passait, sans toujours vouloir le dire, à un jeu amoureux et cette fois, c'était les plus jolies filles qui en étaient les victimes consentantes.Souvent aussi, tout le monde se barbouillait plus ou moins pour ' faire le nez de vendange ', façon de montrer qu'on avait participé à ce travail à la fois dur et exaltant. Plus souvent encore, les vendanges se terminaient par une véritable bataille, de caractère amical, et chacun lançait au visage de l'autre des raisins teinturiers comme les enfants se lancent des boules de neige; cette coutume se rencontrait principalement en Ardèche, dans la région des Vans, de Grospierres, d'Orgnac.Cette pratique du barbouillage, punitive ou amoureuse, n'empêchait pas l'existence d'autres farces. Dans l'Ardèche, à Vallon, on attachait une queue de lapin blanc au vendangeur maladroit; à Montesson (canton de Laferté-sur-Amance, Haute-Marne), les vendangeurs se cachaient les uns les autres leurs vêtements ou leur matériel de vendange. A Allevard (Isère), où les vendangeurs collationnaient dans les vignes en mangeant des rissoles (carrés de pâte farcie), les femmes qui cuisinaient s'amusaient à y incorporer des attrapes comme des petits bouchons de paille ou des barbes de maïs. Toutes ces farces, malignes ou innocentes, ont à peu près disparu mais le barbouillage se pratique encore entre garçons et filles de connaissance. Espérons seulement que chacun y trouve son compte et que l'amour triomphe...

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