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De la vigne grâce à l'eau des Andes

La vigne - n°80 - septembre 1997 - page 0

Qu'on y parvienne par le nord ou le sud, rien ne laisse deviner la présence d'un vignoble dans la région d'Ica, sur la côte Pacifique, au Pérou.

Qu'on y parvienne par le nord ou le sud, rien ne laisse deviner la présence d'un vignoble dans la région d'Ica, sur la côte Pacifique, au Pérou.

A première vue, ici, les montagnes arides et les ' dunes sahariennes ', qui composent le désert côtier, ne semblent laisser aucune chance à quelque culture que ce soit. Pourtant, à l'origine, lorsque l'empereur inca, Pachacutee, demanda à une belle Iquénienne de devenir sa promise et que celle-ci lui refusa, princier, le souverain voulut lui offrir un présent digne de sa passion. La demoiselle lui suggéra de détourner les eaux des montagnes pour arroser son jardin dans la région de Tate (proche d'Ica). Qu'à cela ne tienne, les quelque 30 000 hommes de l'armée inca se mirent à l'ouvrage et construisirent un système compliqué de canaux venant des Andes, l'Achirana, qui signifie dans la langue des Indiens, le quechua, ' ce qui coule avec pureté vers ce qui est beau '. Au XVe siècle, lorsque Francisco Pizarro et ses conquistadores arrivèrent au Pérou, ils trouvèrent à Ica une terre fertile. Les ecclésiastiques espagnols y créèrent en 1547 le premier vignoble sud-américain en plantant dans le sol sablonneux, chargé d'alluvions de la riche vallée, le negro corriente, cépage importé des îles Canaries. L'évangélisation rendait nécessaire l'élaboration du vin...Bien des péripéties économiques, politiques et naturelles (phylloxera) ont participé au développement mais aussi au déclin de ce vignoble. Pourtant, depuis 1889, la famille Olaechea s'accroche à sa terre et tente de faire prospérer ce qui est aujourd'hui le plus beau et le plus important vignoble de la région. Les 150 ha d'un seul tenant sont visibles des bâtiments de l'exploitation, appelée bodega Tacama. De là, on devine les contreforts des Andes et leur rôle dans l'acheminement des alluvions et roches, expliquant ainsi la nature complexe du sous-sol de la vallée d'Ica. La survie de la vigne sous le soleil péruvien est dépendante de son régime hydrique. L'été (janvier à mars), où les températures diurnes avoisinent les 30°C, correspond à la période des vendanges et coïncide à la saison des pluies. Qu'on ne s'y trompe pas, il n'y a à Ica que quelques orages insuffisants. Mais le génial système d'irrigation et la rivière vont mener jusque dans la plaine brûlante, les eaux issues des fortes précipitations andines.En automne (avril à mai) puis en hiver (juin à août), les températures nocturnes, d'environ 10°C, et le temps nuageux mais non pluvieux vont progressivement amener la vigne en dormance. A cette période, les déficiences hydriques peuvent être corrigées par les trois profonds puits attenant à la bodega Tacama. Au printemps (septembre à décembre), les températures diurnes avoisinent les 25°C et ce sont alors les eaux froides des lagunes glaciaires, situées à 4 000 m d'altitude, qui vont cheminer dans les canaux puis vers les pozas. En effet, la culture de la vigne s'effectue suivant le système d'origine précolombienne des pozas : des cuvettes de 2 500 m² et de 0,50 m de profondeur. Elles sont inondées successivement (une fois par an) et le sol peut ainsi emmagasiner de grands volumes d'eau en peu de jours.A la fin de la Première Guerre mondiale, la chute des cours du coton a contribué au renouveau du vignoble de Tacama. Les plantations des premiers cépages français datent de cette époque. Depuis, les hommes se sont succédés et de leurs différentes expériences est né un vignoble mosaïque. Aujourd'hui, les raisins de cuve proviennent pour la plupart de clones français : malbec, petit verdot, tannat, pour la production du rouge; sauvignon, sémillon, ugni blanc et chenin pour les vins blancs tranquilles et les vins mousseux. La taille en doble cortina, sorte de double cordon, amène les ceps jusqu'à hauteur d'homme. Cinq mois environ séparent la période de taille de celle des vendanges (janvier à mars, suivant les cépages). Le climat très sec et seulement deux ou trois pulvérisations de bouillie bordelaise permettent d'obtenir des raisins très sains. Chaque rang de vigne est séparé du voisin par environ 2,50 m. La densité de plantation n'est donc pas très importante mais les rendements, eux, le sont. En effet, l'absence de facteurs limitants, la spécificité du climat, des sols riches et un système d'irrigation adéquat imposent une productivité de 30 à 40 t/ha pour obtenir un relatif équilibre biochimique dans les baies puis dans le vin.Tacama présente une gamme assez large de vins grâce à la possible diversité des assemblages entre cépages. La capacité totale de la cuverie est de 30 000 hl; trois pressoirs horizontaux à vis et un système frigorifique important complètent l'équipement. Les vins blancs sont élaborés sans fermentation malolactique et avec thermorégulation des fermentations alcooliques entre 16 et 19°C. Ils sont composés soit à part égale de sauvignon et de sémillon, soit à 100 % de sauvignon. Ces deux cépages s'expriment à merveille sur des produits jeunes, ouverts et fleuris. Des variantes seco et semi-seco permettent aussi de s'adapter aux exigences du marché. Les vins mousseux sont élaborés en cuve close.Vendangés à la main, les raisins destinés à l'élaboration du vin rouge sont éraflés à 100 %. Les macérations sont en général de quatre jours. Le jus de goutte est incorporé complètement à la presse. Un traitement par le froid, comme pour le blanc, et une double filtration viendront compléter le processus d'élaboration. La reserve especiale 1996 est incontestablement un vin original, composée à parts presque égales de petit verdot et de tannat. La production de Tacama s'élève à 1 200 000 bouteilles par an (1). Le stock n'est jamais supérieur à une année. L'exportation ne représente que 30 % des ventes. Mais nul doute que les récompenses successives obtenues aux Vinalies internationales en 1993, 1994 et 1995 devraient permettre de mieux faire connaître ces vins uniques. R. Niederman, directeur technique français, en place depuis les années soixante, mène avec ses collaborateurs une 'croisade' pour la qualité.(1) 50 % de vins rouges, 20 % de blancs, 20 % de rosés tranquilles et 10 % de blancs mousseux.

A première vue, ici, les montagnes arides et les ' dunes sahariennes ', qui composent le désert côtier, ne semblent laisser aucune chance à quelque culture que ce soit. Pourtant, à l'origine, lorsque l'empereur inca, Pachacutee, demanda à une belle Iquénienne de devenir sa promise et que celle-ci lui refusa, princier, le souverain voulut lui offrir un présent digne de sa passion. La demoiselle lui suggéra de détourner les eaux des montagnes pour arroser son jardin dans la région de Tate (proche d'Ica). Qu'à cela ne tienne, les quelque 30 000 hommes de l'armée inca se mirent à l'ouvrage et construisirent un système compliqué de canaux venant des Andes, l'Achirana, qui signifie dans la langue des Indiens, le quechua, ' ce qui coule avec pureté vers ce qui est beau '. Au XVe siècle, lorsque Francisco Pizarro et ses conquistadores arrivèrent au Pérou, ils trouvèrent à Ica une terre fertile. Les ecclésiastiques espagnols y créèrent en 1547 le premier vignoble sud-américain en plantant dans le sol sablonneux, chargé d'alluvions de la riche vallée, le negro corriente, cépage importé des îles Canaries. L'évangélisation rendait nécessaire l'élaboration du vin...Bien des péripéties économiques, politiques et naturelles (phylloxera) ont participé au développement mais aussi au déclin de ce vignoble. Pourtant, depuis 1889, la famille Olaechea s'accroche à sa terre et tente de faire prospérer ce qui est aujourd'hui le plus beau et le plus important vignoble de la région. Les 150 ha d'un seul tenant sont visibles des bâtiments de l'exploitation, appelée bodega Tacama. De là, on devine les contreforts des Andes et leur rôle dans l'acheminement des alluvions et roches, expliquant ainsi la nature complexe du sous-sol de la vallée d'Ica. La survie de la vigne sous le soleil péruvien est dépendante de son régime hydrique. L'été (janvier à mars), où les températures diurnes avoisinent les 30°C, correspond à la période des vendanges et coïncide à la saison des pluies. Qu'on ne s'y trompe pas, il n'y a à Ica que quelques orages insuffisants. Mais le génial système d'irrigation et la rivière vont mener jusque dans la plaine brûlante, les eaux issues des fortes précipitations andines.En automne (avril à mai) puis en hiver (juin à août), les températures nocturnes, d'environ 10°C, et le temps nuageux mais non pluvieux vont progressivement amener la vigne en dormance. A cette période, les déficiences hydriques peuvent être corrigées par les trois profonds puits attenant à la bodega Tacama. Au printemps (septembre à décembre), les températures diurnes avoisinent les 25°C et ce sont alors les eaux froides des lagunes glaciaires, situées à 4 000 m d'altitude, qui vont cheminer dans les canaux puis vers les pozas. En effet, la culture de la vigne s'effectue suivant le système d'origine précolombienne des pozas : des cuvettes de 2 500 m² et de 0,50 m de profondeur. Elles sont inondées successivement (une fois par an) et le sol peut ainsi emmagasiner de grands volumes d'eau en peu de jours.A la fin de la Première Guerre mondiale, la chute des cours du coton a contribué au renouveau du vignoble de Tacama. Les plantations des premiers cépages français datent de cette époque. Depuis, les hommes se sont succédés et de leurs différentes expériences est né un vignoble mosaïque. Aujourd'hui, les raisins de cuve proviennent pour la plupart de clones français : malbec, petit verdot, tannat, pour la production du rouge; sauvignon, sémillon, ugni blanc et chenin pour les vins blancs tranquilles et les vins mousseux. La taille en doble cortina, sorte de double cordon, amène les ceps jusqu'à hauteur d'homme. Cinq mois environ séparent la période de taille de celle des vendanges (janvier à mars, suivant les cépages). Le climat très sec et seulement deux ou trois pulvérisations de bouillie bordelaise permettent d'obtenir des raisins très sains. Chaque rang de vigne est séparé du voisin par environ 2,50 m. La densité de plantation n'est donc pas très importante mais les rendements, eux, le sont. En effet, l'absence de facteurs limitants, la spécificité du climat, des sols riches et un système d'irrigation adéquat imposent une productivité de 30 à 40 t/ha pour obtenir un relatif équilibre biochimique dans les baies puis dans le vin.Tacama présente une gamme assez large de vins grâce à la possible diversité des assemblages entre cépages. La capacité totale de la cuverie est de 30 000 hl; trois pressoirs horizontaux à vis et un système frigorifique important complètent l'équipement. Les vins blancs sont élaborés sans fermentation malolactique et avec thermorégulation des fermentations alcooliques entre 16 et 19°C. Ils sont composés soit à part égale de sauvignon et de sémillon, soit à 100 % de sauvignon. Ces deux cépages s'expriment à merveille sur des produits jeunes, ouverts et fleuris. Des variantes seco et semi-seco permettent aussi de s'adapter aux exigences du marché. Les vins mousseux sont élaborés en cuve close.Vendangés à la main, les raisins destinés à l'élaboration du vin rouge sont éraflés à 100 %. Les macérations sont en général de quatre jours. Le jus de goutte est incorporé complètement à la presse. Un traitement par le froid, comme pour le blanc, et une double filtration viendront compléter le processus d'élaboration. La reserve especiale 1996 est incontestablement un vin original, composée à parts presque égales de petit verdot et de tannat. La production de Tacama s'élève à 1 200 000 bouteilles par an (1). Le stock n'est jamais supérieur à une année. L'exportation ne représente que 30 % des ventes. Mais nul doute que les récompenses successives obtenues aux Vinalies internationales en 1993, 1994 et 1995 devraient permettre de mieux faire connaître ces vins uniques. R. Niederman, directeur technique français, en place depuis les années soixante, mène avec ses collaborateurs une 'croisade' pour la qualité.(1) 50 % de vins rouges, 20 % de blancs, 20 % de rosés tranquilles et 10 % de blancs mousseux.

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