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Une même souche se cache derrière plusieurs noms

La vigne - n°81 - octobre 1997 - page 0

La gamme de levures est vaste. Cependant, en y regardant de plus près, certaines souches se ressemblent étrangement. La référence de la souche, lorsqu'elle est communiquée, ne permet pas toujours de s'y retrouver.

La gamme de levures est vaste. Cependant, en y regardant de plus près, certaines souches se ressemblent étrangement. La référence de la souche, lorsqu'elle est communiquée, ne permet pas toujours de s'y retrouver.

Dans la multitude de souches de levures présentes sur le marché, l'utilisateur a parfois des difficultés à s'y retrouver. Dans le guide publié en juin, nous avons comptabilisé cent dix références différentes sans être totalement exhaustif! Or les professionnels estiment entre cinquante et soixante-quinze le nombre de souches réellement différentes sur le marché français.Il semble donc évident que des souches identiques sont vendues sous des références différentes. Un même distributeur peut commercialiser, sous des appellations distinctes, une même souche pour occuper le marché, les paquets n'étant pas forcément vendus au même prix! Parfois, un distributeur s'entend avec l'un de ses concurrents et le laisse vendre des souches qu'il détient mais sous une autre référence pour éviter une concurrence trop directe.Dans d'autres cas, des distributeurs donnent des références ' bidons ' à une souche parce qu'ils veulent mettre en avant le nom de la gamme de levures. Lorsqu'ils trouveront une meilleure souche, ils remplaceront la première sans modifier la marque commerciale. Enfin, certaines sociétés piratent des souches puis les multiplient ou les distribuent sans rendre de comptes au sélectionneur.Chez les producteurs et les distributeurs, il y a ceux qui jouent la transparence (mais il y a toujours un petit secret qu'on souhaite garder) et ceux qui restent dans le flou, sans donner la référence de la souche, le sélectionneur ou le producteur. Chez Bio Serea, on répond que le fournisseur lui-même ne souhaite pas que ces informations soient divulguées. On avoue également que, dans la gamme, certaines souches ont été rebaptisées. Même franchise au Laboratoire oenotechnique, distributeur des produits de Bio Springer, qui donne les correspondances entre ses levures et la gamme de son fournisseur (voir La Vigne n° 80, page 19).En revanche, le flou persiste pour la gamme de Spindal. Les références de souches sont en fait les initiales des produits commerciaux : FCK pour Fermol Complet Killer, FK pour Fermol Killer et ainsi de suite. Lorsque des précisions sont demandées, Spindal répond que son fournisseur, Pascal Biotech, ne souhaite pas communiquer de plus amples informations. Ce n'est pas la première fois qu'un distributeur répond ainsi. Cependant, courant septembre, nous nous sommes rendus à deux reprises au 23 de l'avenue Wagram, à Paris, adresse de Pascal Biotech, mais le nom de la société ne figurait ni sur l'interphone, ni sur les plaques installées autour de la porte d'entrée. En revanche, il y avait celui d'une société de domiciliation. On nous affirme que la société y possède un bureau. Mais on avoue que la fabrication est sous-traitée. Le lieu de production des levures reste secret, ' pour des problèmes de concurrence', dit-on.Dans ce milieu particulier, sur un marché très lucratif comme celui des levures, les sélectionneurs ont quelques difficultés à suivre la carrière de leurs souches. Elles leur échappent et la législation ne permet pas de faire valoir leurs droits. Un micro-organisme est difficilement brevetable. D'où des conflits entre professionnels sur la paternité de certaines souches.Difficile donc d'y voir plus clair, d'autant que les instituts techniques ne souhaitent pas trop se mouiller. Lors de notre enquête, nous avons appris que la levure IOC 18 2 007, sélectionnée par l'Institut oenologique de Champagne, est également multipliée par Lallemand sous la référence EC 1 118. En fait, à l'origine, la société Lallemand travaillait sur cette souche avec l'Institut. Elle a aussi été distribuée par l'ICV sous le nom PDM, et est enfin vendue par Maurivin, sous la marque Maurivin PDM. ' Nous l'avons eue d'une société que nous avons rachetée ', explique la société australienne. Cette levure est aussi distribuée sous d'autres noms à l'étranger.Une autre souche est génétiquement très proche de l'IOC 18 2 007 : la CIVC 8 130. Le Comité interprofessionnel des vins de Champagne l'a trouvée dans le même réservoir qui avait servi à la sélection de l'IOC : le vignoble champenois. Cependant, les deux souches ont des performances légèrement différentes mais la seconde a l'avantage d'être marquée, ce qui rend plus difficile tout piratage.Dans le même genre, il existerait sur le marché plusieurs ' photocopies ' de la Fermivin et de la Levuline primeur.Pour mettre de l'ordre dans tout cela, les oenologues, au sein de leur union nationale, ont tenté d'échafauder une charte de qualité des levures. Ils recommandent d'utiliser et de faire utiliser des souches clairement identifiées, sur l'emballage desquelles on peut lire l'identité du sélectionneur, les références qu'il a données à la souche, le numéro de dépôt de la souche à la Collection de levures d'intérêt biotechnologique (Clib) ainsi que ses caractéristiques de fabrication. Le but est de donner à tous la possibilité de connaître l'origine et la qualité du produit.C'est l'Inra qui a en charge la Clib. Cette collection doit permettre le dépôt, l'identification et la conservation de souches de levures, commercialisées ou non. Celles-ci sont déposées par le sélectionneur ou son mandant. Une même souche ne peut être déposée par plusieurs personnes.La Clib s'assure que la souche est pure, vivante et la conserve dans de bonnes conditions. Elle établit sa carte d'identité moléculaire qui permettra de vérifier, en cas de litige, si cette souche est bien responsable de la fermentation. La Clib utilise à ce jour trois méthodes de typages moléculaires. Chacune d'elles ne permet pas de se prononcer sur une ressemblance à 100 % entre deux souches. Cependant, lorsque les trois méthodes ne mettent pas en évidence de différence entre deux souches, celles-ci ont de fortes chances d'être identiques.Pour l'instant, la Clib renferme vingt-huit souches différentes dont quatre ou cinq ne sont pas encore commercialisées. Mais les levures de la société Lallemand ne s'y trouvent pas. Pourquoi? La Clib part du principe que la souche est la propriété du sélectionneur. Pour Lallemand, cette position n'est juridiquement pas défendable, une souche n'appartient à personne. Cette société explique également qu'en tant que financeur de la sélection, puis du développement, elle se considère comme cosélectionneur de levures. A cela s'ajoute qu'un concurrent de cette société a déposé dans cette collection une souche pour laquelle il y a actuellement une bataille juridique entre lui et Lallemand.L'assainissement de ce marché ne peut donc venir que des vinificateurs eux-mêmes. ' C'est à eux de faire pression pour que toutes les informations apparaissent en clair sur l'emballage ', conclut un oenologue.

Dans la multitude de souches de levures présentes sur le marché, l'utilisateur a parfois des difficultés à s'y retrouver. Dans le guide publié en juin, nous avons comptabilisé cent dix références différentes sans être totalement exhaustif! Or les professionnels estiment entre cinquante et soixante-quinze le nombre de souches réellement différentes sur le marché français.Il semble donc évident que des souches identiques sont vendues sous des références différentes. Un même distributeur peut commercialiser, sous des appellations distinctes, une même souche pour occuper le marché, les paquets n'étant pas forcément vendus au même prix! Parfois, un distributeur s'entend avec l'un de ses concurrents et le laisse vendre des souches qu'il détient mais sous une autre référence pour éviter une concurrence trop directe.Dans d'autres cas, des distributeurs donnent des références ' bidons ' à une souche parce qu'ils veulent mettre en avant le nom de la gamme de levures. Lorsqu'ils trouveront une meilleure souche, ils remplaceront la première sans modifier la marque commerciale. Enfin, certaines sociétés piratent des souches puis les multiplient ou les distribuent sans rendre de comptes au sélectionneur.Chez les producteurs et les distributeurs, il y a ceux qui jouent la transparence (mais il y a toujours un petit secret qu'on souhaite garder) et ceux qui restent dans le flou, sans donner la référence de la souche, le sélectionneur ou le producteur. Chez Bio Serea, on répond que le fournisseur lui-même ne souhaite pas que ces informations soient divulguées. On avoue également que, dans la gamme, certaines souches ont été rebaptisées. Même franchise au Laboratoire oenotechnique, distributeur des produits de Bio Springer, qui donne les correspondances entre ses levures et la gamme de son fournisseur (voir La Vigne n° 80, page 19).En revanche, le flou persiste pour la gamme de Spindal. Les références de souches sont en fait les initiales des produits commerciaux : FCK pour Fermol Complet Killer, FK pour Fermol Killer et ainsi de suite. Lorsque des précisions sont demandées, Spindal répond que son fournisseur, Pascal Biotech, ne souhaite pas communiquer de plus amples informations. Ce n'est pas la première fois qu'un distributeur répond ainsi. Cependant, courant septembre, nous nous sommes rendus à deux reprises au 23 de l'avenue Wagram, à Paris, adresse de Pascal Biotech, mais le nom de la société ne figurait ni sur l'interphone, ni sur les plaques installées autour de la porte d'entrée. En revanche, il y avait celui d'une société de domiciliation. On nous affirme que la société y possède un bureau. Mais on avoue que la fabrication est sous-traitée. Le lieu de production des levures reste secret, ' pour des problèmes de concurrence', dit-on.Dans ce milieu particulier, sur un marché très lucratif comme celui des levures, les sélectionneurs ont quelques difficultés à suivre la carrière de leurs souches. Elles leur échappent et la législation ne permet pas de faire valoir leurs droits. Un micro-organisme est difficilement brevetable. D'où des conflits entre professionnels sur la paternité de certaines souches.Difficile donc d'y voir plus clair, d'autant que les instituts techniques ne souhaitent pas trop se mouiller. Lors de notre enquête, nous avons appris que la levure IOC 18 2 007, sélectionnée par l'Institut oenologique de Champagne, est également multipliée par Lallemand sous la référence EC 1 118. En fait, à l'origine, la société Lallemand travaillait sur cette souche avec l'Institut. Elle a aussi été distribuée par l'ICV sous le nom PDM, et est enfin vendue par Maurivin, sous la marque Maurivin PDM. ' Nous l'avons eue d'une société que nous avons rachetée ', explique la société australienne. Cette levure est aussi distribuée sous d'autres noms à l'étranger.Une autre souche est génétiquement très proche de l'IOC 18 2 007 : la CIVC 8 130. Le Comité interprofessionnel des vins de Champagne l'a trouvée dans le même réservoir qui avait servi à la sélection de l'IOC : le vignoble champenois. Cependant, les deux souches ont des performances légèrement différentes mais la seconde a l'avantage d'être marquée, ce qui rend plus difficile tout piratage.Dans le même genre, il existerait sur le marché plusieurs ' photocopies ' de la Fermivin et de la Levuline primeur.Pour mettre de l'ordre dans tout cela, les oenologues, au sein de leur union nationale, ont tenté d'échafauder une charte de qualité des levures. Ils recommandent d'utiliser et de faire utiliser des souches clairement identifiées, sur l'emballage desquelles on peut lire l'identité du sélectionneur, les références qu'il a données à la souche, le numéro de dépôt de la souche à la Collection de levures d'intérêt biotechnologique (Clib) ainsi que ses caractéristiques de fabrication. Le but est de donner à tous la possibilité de connaître l'origine et la qualité du produit.C'est l'Inra qui a en charge la Clib. Cette collection doit permettre le dépôt, l'identification et la conservation de souches de levures, commercialisées ou non. Celles-ci sont déposées par le sélectionneur ou son mandant. Une même souche ne peut être déposée par plusieurs personnes.La Clib s'assure que la souche est pure, vivante et la conserve dans de bonnes conditions. Elle établit sa carte d'identité moléculaire qui permettra de vérifier, en cas de litige, si cette souche est bien responsable de la fermentation. La Clib utilise à ce jour trois méthodes de typages moléculaires. Chacune d'elles ne permet pas de se prononcer sur une ressemblance à 100 % entre deux souches. Cependant, lorsque les trois méthodes ne mettent pas en évidence de différence entre deux souches, celles-ci ont de fortes chances d'être identiques.Pour l'instant, la Clib renferme vingt-huit souches différentes dont quatre ou cinq ne sont pas encore commercialisées. Mais les levures de la société Lallemand ne s'y trouvent pas. Pourquoi? La Clib part du principe que la souche est la propriété du sélectionneur. Pour Lallemand, cette position n'est juridiquement pas défendable, une souche n'appartient à personne. Cette société explique également qu'en tant que financeur de la sélection, puis du développement, elle se considère comme cosélectionneur de levures. A cela s'ajoute qu'un concurrent de cette société a déposé dans cette collection une souche pour laquelle il y a actuellement une bataille juridique entre lui et Lallemand.L'assainissement de ce marché ne peut donc venir que des vinificateurs eux-mêmes. ' C'est à eux de faire pression pour que toutes les informations apparaissent en clair sur l'emballage ', conclut un oenologue.

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