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Des paysages choyés

La vigne - n°82 - novembre 1997 - page 0

L'heure est à la préservation et à l'embellissement des paysages car, de plus en plus, les vignerons doivent tenir compte du regard que portent les visiteurs sur leurs interventions.

L'heure est à la préservation et à l'embellissement des paysages car, de plus en plus, les vignerons doivent tenir compte du regard que portent les visiteurs sur leurs interventions.

Par une décision du 26 janvier 1997, le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) interdisait l'apport de composts urbains et de gadoues. Ces fertilisants faisaient depuis des années, l'objet de nombreuses critiques. Ils étaient accusés de contenir des métaux lourds susceptibles de s'accumuler dans le sol. Mais surtout, on leur reprochait d'enlaidir le paysage en le couvrant d'affreuses déchirures de plastique bleu et de bien d'autres débris. Aux yeux de nombreux visiteurs, cela revenait à faire pousser les vignes sur des dépôts d'ordures. En 1995, une actrice connue s'en était émue à la télévision. Ce fut un tollé dans le vignoble et, quelques mois plus tard, l'interdiction d'utiliser les fertilisants incriminés.Lors de son assemblée générale de mars 1996, l'Association des viticulteurs d'Alsace avait déjà adopté une telle motion. ' Des visiteurs s'étaient plaints des composts urbains, explique Jean-Paul Goulby, le directeur de l'Association des viticulteurs d'Alsace. Désormais, il faut tenir compte de leur regard. Dans tous nos rapports et nos documents, nous mettons une phrase ou un paragraphe sur l'importance de la beauté du vignoble et de la remise en valeur du patrimoine, poursuit notre interlocuteur. Il faut que le vignoble soit beau pour qu'on puisse attirer les touristes. 'L'Alsace est connue pour l'attention qu'elle porte à ses paysages. Ses habitants rivalisent d'entrain pour fleurir leurs villages. Récemment, cette région s'est prise d'engouement pour ses murets de pierres sèches. De nombreux vignerons se sont formés à l'art de leur restauration. Les collectivités locales s'y intéressent également et financent quelques chantiers. Le plus récent d'entre eux a démarré cet été. Il se trouve entre Dambach-la-Ville et Diffenthal, deux communes du Bas-Rhin distantes de 1 km. Elles sont reliées par la Route des vins qu'il fallait refaire car elle s'affaissait sous le poids du trafic grandissant. Le premier projet des services de l'Equipement était des plus simples : rectification du tracé et remplacement des murets par des talus. Les vignerons n'en ont pas voulu.Le syndicat de Dambach-la-Ville, aidé par un paysagiste, a fait valoir un point de vue plus harmonieux. La route sera élargie mais conservera ses courbes et ses murs de pierres sèches sous leur aspect traditionnel alors que leurs soubassements et leurs contreforts sont en béton armé. Ils sont ainsi équipés pour supporter le poids des tracteurs et des machines à vendanger. Cette coquetterie coûte 500 F/mètre linéaire aux propriétaires des parcelles bordant la route et 1 000 F au conseil général du Bas-Rhin qui subventionne aux deux tiers le coût de construction des murets.Martial Diringer, le président du syndicat, a beaucoup oeuvré pour qu'ils soient conservés. ' C'est un élément de notre patrimoine. Tout le monde a intérêt à avoir un beau cadre de vie, estime-t-il. De plus, par rapport aux talus, ils réduisent les pertes de terrain. ' Il aimerait maintenant convaincre ses confrères de replanter quelques pêchers dans leurs vignes...En Anjou, il est aussi question de planter des arbres. Ce seraient des pins parasols, des tulipiers ou des noyers. Ils devraient prendre place le long de la Route des vins pour la signaler. Dans cette région, on se soucie également de l'esthétique des bâtiments. Cette fois, l'initiative ne vient pas des vignerons. Elle est portée par le comité d'expansion du pays du Layon, Lys, Aubance. ' Nous assistons à une uniformisation de l'architecture viticole, regrette Marie Mortier, la directrice du comité. Les bâtiments actuels sont grands, très hauts, construits sur le même modèle et avec les mêmes matériaux. L'architecture traditionnelle est faite de bâtiments ajoutés les uns aux autres. Nous avons pensé qu'il serait judicieux de reprendre ça. 'Le comité a prévu un budget de 285 000 F pour soutenir ses idées qui n'ont pas suscité autant d'intérêt que Marie Mortier l'aurait espéré. La somme est répartie en subventions de 15 000 F, destinées à payer un architecte et un organisme de développement pour qu'ils proposent un projet fonctionnel et esthétique. Il y a là de quoi soutenir dix-neuf dossiers d'agrandissement ou de construction. Sylvie Termeau en est l'une des bénéficiaires. Elle a acheté le moulin de Chauvigné, à Rochefort-sur-Loire, en 1992. Depuis, elle ne cesse d'embellir et d'agrandir sa propriété. Cet été, elle a construit un chai de 140 m². Spontanément, elle l'aurait accolé à son ancien bâtiment. L'architecte conseil lui a proposé de séparer l'ancien et le nouveau et de les relier par une allée couverte. Cette idée l'a enchantée. ' On a évité une erreur de style. C'est important car on ne construit pas pour dix ans, mais pour la vie. Il faut que le bâtiment soit beau. 'A une dizaine de kilomètres à l'est de Rochefort, Henri Robichon s'intéresse aux maisonnettes dispersées dans les vignes et qui servaient autrefois d'abris. Il est à l'origine du balisage d'un sentier qui relie, sur une quinzaine de kilomètres, onze cabanons, une tour et un ancien relais de poste. L'inauguration du sentier est prévue pour le 15 novembre. ' Nous avons de plus en plus de marcheurs ', constate ce vigneron qui est le président du syndicat d'initiatives de Vauchrétien, sa commune. Il faut les accueillir. ' Des opérations similaires de restauration avaient déjà été menées à Jasnières, dans les coteaux du Loir et dans le vignoble de Die, dans la Drôme.On pourrait multiplier les exemples de préservation ou de mise en valeur des paysages viticoles. De plus, à ces actions collectives s'ajoutent les gestes quotidiens de ceux qui embellissent leurs propres domaines. Dans toutes les régions, il s'agit de vivre et d'accueillir clients et visiteurs dans un cadre agréable. Le vignoble est devenu un lieu de promenade. Cela n'est pas sans conséquence. En emmenant les visiteurs dans les vignes, on les amène à voir ce qui s'y passe. De tous les travaux, ce sont les traitements qui les intriguent, sinon les choquent le plus. Il faut alors expliquer, voire justifier ces interventions.

Par une décision du 26 janvier 1997, le CIVC (Comité interprofessionnel du vin de Champagne) interdisait l'apport de composts urbains et de gadoues. Ces fertilisants faisaient depuis des années, l'objet de nombreuses critiques. Ils étaient accusés de contenir des métaux lourds susceptibles de s'accumuler dans le sol. Mais surtout, on leur reprochait d'enlaidir le paysage en le couvrant d'affreuses déchirures de plastique bleu et de bien d'autres débris. Aux yeux de nombreux visiteurs, cela revenait à faire pousser les vignes sur des dépôts d'ordures. En 1995, une actrice connue s'en était émue à la télévision. Ce fut un tollé dans le vignoble et, quelques mois plus tard, l'interdiction d'utiliser les fertilisants incriminés.Lors de son assemblée générale de mars 1996, l'Association des viticulteurs d'Alsace avait déjà adopté une telle motion. ' Des visiteurs s'étaient plaints des composts urbains, explique Jean-Paul Goulby, le directeur de l'Association des viticulteurs d'Alsace. Désormais, il faut tenir compte de leur regard. Dans tous nos rapports et nos documents, nous mettons une phrase ou un paragraphe sur l'importance de la beauté du vignoble et de la remise en valeur du patrimoine, poursuit notre interlocuteur. Il faut que le vignoble soit beau pour qu'on puisse attirer les touristes. 'L'Alsace est connue pour l'attention qu'elle porte à ses paysages. Ses habitants rivalisent d'entrain pour fleurir leurs villages. Récemment, cette région s'est prise d'engouement pour ses murets de pierres sèches. De nombreux vignerons se sont formés à l'art de leur restauration. Les collectivités locales s'y intéressent également et financent quelques chantiers. Le plus récent d'entre eux a démarré cet été. Il se trouve entre Dambach-la-Ville et Diffenthal, deux communes du Bas-Rhin distantes de 1 km. Elles sont reliées par la Route des vins qu'il fallait refaire car elle s'affaissait sous le poids du trafic grandissant. Le premier projet des services de l'Equipement était des plus simples : rectification du tracé et remplacement des murets par des talus. Les vignerons n'en ont pas voulu.Le syndicat de Dambach-la-Ville, aidé par un paysagiste, a fait valoir un point de vue plus harmonieux. La route sera élargie mais conservera ses courbes et ses murs de pierres sèches sous leur aspect traditionnel alors que leurs soubassements et leurs contreforts sont en béton armé. Ils sont ainsi équipés pour supporter le poids des tracteurs et des machines à vendanger. Cette coquetterie coûte 500 F/mètre linéaire aux propriétaires des parcelles bordant la route et 1 000 F au conseil général du Bas-Rhin qui subventionne aux deux tiers le coût de construction des murets.Martial Diringer, le président du syndicat, a beaucoup oeuvré pour qu'ils soient conservés. ' C'est un élément de notre patrimoine. Tout le monde a intérêt à avoir un beau cadre de vie, estime-t-il. De plus, par rapport aux talus, ils réduisent les pertes de terrain. ' Il aimerait maintenant convaincre ses confrères de replanter quelques pêchers dans leurs vignes...En Anjou, il est aussi question de planter des arbres. Ce seraient des pins parasols, des tulipiers ou des noyers. Ils devraient prendre place le long de la Route des vins pour la signaler. Dans cette région, on se soucie également de l'esthétique des bâtiments. Cette fois, l'initiative ne vient pas des vignerons. Elle est portée par le comité d'expansion du pays du Layon, Lys, Aubance. ' Nous assistons à une uniformisation de l'architecture viticole, regrette Marie Mortier, la directrice du comité. Les bâtiments actuels sont grands, très hauts, construits sur le même modèle et avec les mêmes matériaux. L'architecture traditionnelle est faite de bâtiments ajoutés les uns aux autres. Nous avons pensé qu'il serait judicieux de reprendre ça. 'Le comité a prévu un budget de 285 000 F pour soutenir ses idées qui n'ont pas suscité autant d'intérêt que Marie Mortier l'aurait espéré. La somme est répartie en subventions de 15 000 F, destinées à payer un architecte et un organisme de développement pour qu'ils proposent un projet fonctionnel et esthétique. Il y a là de quoi soutenir dix-neuf dossiers d'agrandissement ou de construction. Sylvie Termeau en est l'une des bénéficiaires. Elle a acheté le moulin de Chauvigné, à Rochefort-sur-Loire, en 1992. Depuis, elle ne cesse d'embellir et d'agrandir sa propriété. Cet été, elle a construit un chai de 140 m². Spontanément, elle l'aurait accolé à son ancien bâtiment. L'architecte conseil lui a proposé de séparer l'ancien et le nouveau et de les relier par une allée couverte. Cette idée l'a enchantée. ' On a évité une erreur de style. C'est important car on ne construit pas pour dix ans, mais pour la vie. Il faut que le bâtiment soit beau. 'A une dizaine de kilomètres à l'est de Rochefort, Henri Robichon s'intéresse aux maisonnettes dispersées dans les vignes et qui servaient autrefois d'abris. Il est à l'origine du balisage d'un sentier qui relie, sur une quinzaine de kilomètres, onze cabanons, une tour et un ancien relais de poste. L'inauguration du sentier est prévue pour le 15 novembre. ' Nous avons de plus en plus de marcheurs ', constate ce vigneron qui est le président du syndicat d'initiatives de Vauchrétien, sa commune. Il faut les accueillir. ' Des opérations similaires de restauration avaient déjà été menées à Jasnières, dans les coteaux du Loir et dans le vignoble de Die, dans la Drôme.On pourrait multiplier les exemples de préservation ou de mise en valeur des paysages viticoles. De plus, à ces actions collectives s'ajoutent les gestes quotidiens de ceux qui embellissent leurs propres domaines. Dans toutes les régions, il s'agit de vivre et d'accueillir clients et visiteurs dans un cadre agréable. Le vignoble est devenu un lieu de promenade. Cela n'est pas sans conséquence. En emmenant les visiteurs dans les vignes, on les amène à voir ce qui s'y passe. De tous les travaux, ce sont les traitements qui les intriguent, sinon les choquent le plus. Il faut alors expliquer, voire justifier ces interventions.

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